30 juin 2009

"C'est peut-être les chiens..." (I)

Ce sera la Saga de l'été. Une saga avec son lot de trahisons, d'histoires secrètes, d'Histoire tout court, d'amour et d'illusions, de sang et de morts, une saga où sentremêlent les passions mais dans laquelle, finalement, trône le toro. Sortez les mouchoirs, préparez glaces et autres douceurs, en route...

1982-Madrid-1er juin, la nuit est tombée.
Chemise ouverte, dents en or qui brillent, Victorino Martín Andrés chevauche la fortune. Ses toros – qu’il élève encore avec son frère Adolfo Martín Andrés – ont maintenant un prénom. En combattant bravement, 'Pobretón', 'Playero', 'Mosquetero', 'Director', 'Gastoso' et 'Carcelero' sont devenus légende.
Fin août 1982-Aplausos n° 256*, Victorino Martín marche à nouveau sur terre, lourdement.
Au terme de sa reseña de la course de Victorino Martín lidiée à Bilbao, Salvador Pascual rajoute ces quelques lignes, l’air de ne pas y toucher : "Dans la nuit, il se murmurait à Bilbao que le second et même le quatrième Victorino portaient le fer de El Tomillar et qu’on avait mis celui de Victorino dessus". Victorino, maintenant, nage en aux troubles. A sa décharge, soulignons que le chroniqueur d’Aplausos n’est pas un inconditionnel du paleto et qu’en cela, il respecte à la lettre l’esprit partisan voire partial de la revista valencienne qui n’a alors d’yeux que pour Pablo Romero et Miura.

Soudain touchée par les lumières d’un journalisme vertueux, Aplausos s’engage alors dans une investigation au long cours qui dure jusqu’au début de l’année 1983 et dans laquelle elle réussit à entraîner jusqu’au Ministère de l’intérieur espagnol. L’affaire d’ailleurs n’est pas mince car il s’agit de prouver rien moins que monsieur Victorino Martín Andrés a fait lidier sous son nom des toros faussement marqués de la A coronada. Sacrilège, malheur… Shame on you Victorin ! Il en va [selon Aplausos] de la réputation de tous les ganaderos qui risquent de se voir éclaboussés par les magouilles frauduleuses de ce paysan de Galapagar ; surtout évidemment Pablo Romero et Eduardo Miura, vierges incandescentes qui jamais n’ont ouvert leurs cuisses fermes aux tentations tranchantes d’un barbier mal embouché. Donc, entre photographies éloquentes, analyses supra pertinentes et questionnements ontologiques, la revue annonce chaque semaine un nouveau cas de "faux victorino". Ici à Valladolid, là à Dax et Bilbao – et même peut-être à Madrid mais l’attaque pour le coup est moins assurée. Re-marquage au fer**, mise en évidence – à la loupe – de señales qui ne sont pas ceux de Victorino, analyse de la morphologie a-victorinnienne de certains exemplaires, tout y passe dans une furie hebdomadaire aux relents d’hallali.

Aujourd’hui, alors que l’afición a encore en tête l’affaire Victorino de 1990 (année au cours de laquelle il fit lidier toute sa camada en France), il semblerait que le temps ait fait son œuvre en ce qui concerne l’affaire de 1982. Ainsi, la ganadería de "El Tomillar" a retrouvé une place de choix dans les limbes moites de l’oubli et il est devenu complexe de reconstituer le puzzle de l’histoire mouvementée de cet élevage.

A suivre...

* Revue Aplausos, n° 256, 23 août 1983.
** Une affaire semblable avait défrayé la chronique en 1976 à Dax où un toro de Bohórquez aurait été re-marqué pour prétendre à l'âge légal. Vous pouvez trouver les détails de cette affaire dans l'ouvrage de Marc Roumengou, Fraudes sur les taureaux de combat, 1977, édité par l'auteur.

Deux poids et deux mesures


Un mois après la féria de Vic, il ne me semble pas inutile de revenir sur ce qui a constitué le débat du week-end, la comparaison entre le toro de Palha et celui de Victorino Martín.
Nous avons ici immédiatement pris fait et cause pour le palha, pour ce qu’il a pu représenter, ce qu’il portait en lui.
Évidemment, 'Camarito' n’était pas parfait, loin s’en faut, et il peut y avoir débat. Il doit y avoir débat, notamment sur le fait qu’il dut être longuement sollicité avant de s’élancer. Personne ne le conteste. Mais ensuite…
Ce que je trouve assez affligeant c’est la soupe que l’on tente de nous servir en présentant le victorino comme un toro complet dans tous les tiers. Comment peut-on en effet qualifier de complet un toro dont la force ne lui a pas permis de supporter une pique normale malgré quatre rencontres que l’on est bien obligé de qualifier de symboliques ?

Ceux qui vantent le victorino, toro moderne de troisième tiers, n’ont généralement vu en 'Camarito' qu’un toro violent au cheval, un toro spectaculaire. A en croire ces raisonnements c’est ce côté violent et spectaculaire qui a fait son effet, quasiment pervers, sur les gradins. Et c’est à peu près tout. Il en découle comme une gêne, ou un malaise. De la violence, du spectaculaire qui plait aux étagères, du vulgaire, du pornographique même. Ce n’est pas dit ainsi mais ça transpire. Je vous avoue trouver cela curieux.

Les mêmes qui habituellement vous expliquent que « mon bon monsieur, c’est ainsi, ce sont les goûts du public, on y peut rien, il faut l’accepter puisque le public décide… », n’acceptent pas aujourd’hui que le public décideur (sic) ait préféré la puissance et la force du palha – oui la force ! – à l’aspect soi-disant plus complet du victorino
Je persiste, et j’écris bien « soi-disant », car comment considérer comme complet un toro sans la force nécessaire pour supporte un tercio de varas digne de ce nom, en corrida concours qui plus est ?
Et puis, de vous à moi, un toro puissant et sauvage, je préfère l’imaginer violent que docilement soumis ou bêtement noble.

'Camarito' s’est arrêté assez rapidement après le début de faena. Deux séries, pas une de plus. Et les savants nous expliquent que c’est par manque de moral et non par manque de force. J’avoue ne pas savoir. On n’est pas obligé d’avoir un avis sur tout.

Je voudrais juste que les savants méditent sur cette photographie de Yannick Olivier où l’on voit 'Camarito' s’élancer pour la troisième fois. Regardez les blessures, regardez le sang jaillir, gicler à gros bouillon. 'Camarito' a été saigné, cela est incontestable.
'Camarito' je ne sais pas, mais le victorino j’en suis certain. Après pareil châtiment, ce n’est pas après deux séries qu’il se serait arrêté. C’eut été bien avant, avant même la première paire de banderilles vers laquelle il n’aurait pas eu la force de s’élancer, pas même la force d’y penser.

C’est bien de comparer. Encore faut-il qu’il n’y ait pas deux poids et deux mesures.

29 juin 2009

Saint-Sever, 28 juin 2009


Hier à Saint-Sever, il y avait une novillada de Fuente Ymbro affrontée par "El Califa de Aragua", Santiago Naranjo et Angelino Arriaga.

Retrouvez sur le site, rubrique RUEDOS, la galerie de cette novillada.

Bonne visite.

Sólo faltan 6 días


En effet, plus que 6 jours et quelques heures avant l’ouverture des fêtes de la San Fermín... Pour les curieuses et les curieux, pour celles et ceux en quête d’informations de toutes sortes1, voici une sélection de liens sanfermineros2 plaisants à consulter, « vivants »3 et me paraissant dignes d’intérêt :

Ayuntamiento de Pamplona
Honneur à la mairie de Pampelune sans qui rien ne serait possible... Cela dit, toutes les nouvelles (au format PDF) qui tombent (au compte-gouttes) sont reprises ailleurs.
Turismo de Navarra
C’est l’office du tourisme de Navarre... qui a le mérite d’offrir une présentation grand public dans un français bien tourné.
Sanfermines.net
Tout en sobriété et plutôt épatant quand on découvre qu’il s’agit du site géré par les hôteliers de Pampelune ! Ne pas manquer les vues à 360° de la rubrique « El encierro ».
Sanfermin.com
Beaucoup moins sobres los de Kukuxumusu... Agréable à visiter, hyper complet et de très bon conseil ; le guide (non traduit en français, hélas) ayant fait bien des petits ailleurs. Le must ? La galería.
Feria del Toro/Feria de San Fermín
Laurent vous a déjà parlé du site de Mariano Pascal... Un incontournable.
Diario de San Fermín
Animé et actualisé en permanence par Ignacio Murillo4, journaliste au Diario de Navarra, l’unique blog de cette sélection fait déjà parti de vos favoris.
Fiestasdesanfermin.com
Le site du Diario de Navarra.
Especial SF08
Le supplément internet (version 2008 en attendant celle de 2009 ?) du Diario de Noticias Navarra.
RTVE/Sanfermines
Entre autres, vidéos des encierros 2007 (à droite) et 2008 (en bas) par la Radio Télévision Espagnole avec une qualité d’image plus que correcte.
San Fermín 100%
Tous les encierros 2008 par la chaîne Cuatro... N’allez pas (plus) vous abîmer les yeux sur YouTube !
Encierro de San Fermín/Ayuntamiento de Pamplona
On revient d’où l’on est parti : Plaza Consistorial. Regroupées sur une même page, les vidéos des encierros 2008 (TVE, Cuatro) et celles, depuis le balcon de la mairie, du Pobre de Mí (14.07.08 à minuit) et du Chupinazo (06.07.08 à midi).

Chères lectrices, chers lecteurs, si vous connaissez d’autres sites et/ou blogs sanfermineros plaisants à consulter, « vivants » et vous paraissant dignes d’intérêt, n’hésitez pas à les porter à notre connaissance. Par avance, merci.

1 En espagnol ou en anglais, pratiquement jamais en français. Signalons tout de même la page Wikipédia.
2 En explorant à fond chacune de ces adresses, vous devriez avoir un panorama quasi complet de ce qui s’écrit sur la toile au sujet des Fêtes pampelonaises.
3 Le très élégant SanFerminEncierro.com n’est pas mort mais en phase de développement ; ce qui implique, outre des rubriques sans contenu, une navigation pas toujours évidente.
4 En compagnie de son collègue Jesús Rubio, il vient de publier Los Sanfermines de nuestra vida 1976-2008.

Images Gora San Fermín, viva San Fermín. Titre de l’affiche 2009 © Ángel Blanco Egoskozabal Pamplona, blog Desde la retaguardia de Mikel Urmeneta © Sanfermin.com

28 juin 2009

Juan del Álamo… de escándalo


Tout comme à Arles en avril dernier l’afición est sortie des arènes de Tarascon heureuse, le sourire aux lèvres. Une fois encore, Juan del Álamo. Ça n’a pas été simple. Un mauvais sorteo, vraiment. Et puis le sixième, enfin, et la rage de Juan, son caractère et sa caste… bien plus que celle du novillo. Juan del Álamo… de escándalo. J’y reviendrai. Mais dieu qu’il est des habitudes qui sont bonnes à prendre.

Juan del Álamo

Ponce indulte un toro, Mengano indulte un toro, Fulano indulte un toro…


Il y a quelques jours, à Alicante, Enrique Ponce a gracié une bête à cornes, semble-t-il non piquée. Ladite bête portait le fer de Juan Pedro Domecq, un des plus grands fossoyeurs qu’aura connu la cabaña brava espagnole, malgré une intense production industrielle. Rien de nouveau sous le soleil serait-on tenté de commenter, et en terminer là avec ce qui n’est ni un événement ni une nouvelle, rien, juste la constatation de plus en plus quotidienne de la dégénérescence de la fiesta telle que la conçoivent encore de moins en moins d’aficionados.

Rien de nouveau sous le soleil sauf que cette fois-ci quelques voix ont osé s’élever. Evidemment, il faut rester prudent. Tenez, par exemple, peut-on se fier aux critiques du portail Burladero punto com qui, avant Alicante, a grassement fermé les yeux sur d’autres événements tout aussi risibles ? Difficile à dire lorsqu’on sait que Burladero est le principal concurrent de mundochoto et que ledit mundochoto est financé en partie par ledit Juan Pedro Domecq. On peut légitimement s’interroger sur les raisons profondes de cette subite montée critique de l’indulto d’un toro non piqué.

Vous allez me dire que vous vous en foutez. Nous aussi figurez-vous. Non, ce qui a attiré mon attention c’est la présentation de la chose : Ponce indulte un toro.
Il paraît même que ce serait son quarantième, ou pas loin. Vous vous rendez compte ? Quarante toros indultés, quarante toros au panthéon et au firmament de la race brave. Je ne sais pas si vous prenez bien la mesure de pareille performance : un record, un mythe, une légende même. El Guerra, Lagartijo, Belmonte, Joselito, à côté d’Enrique Ponce, mais c’est Oui-Oui à la plage !
Quarante toros historiques… Je viens subitement de réaliser que je suis passé à côté de ça. Pauvre de moi. Et, ne riez pas, je suppose que vous aussi. Car, très sincèrement, là, comme ça, à brûle pourpoint, seriez-vous capable de me citer ne serait-ce que trois ou quatre noms de ces quarante toros historiques graciés par Monsieur Ponce ?
Ponce indulte un toro, Mengano indulte un toro, Fulano indulte un toro

Ce ne sont pas les toros qui se gagnent le droit d’aller couvrir quelques femelles andalouses, ce sont bel et bien les toreros qui leur offrent, ou pas, cette opportunité, pour peu que leur noblesse imbécile soit à la hauteur de leurs exigences et de leur convenance.
Quand je songe qu’ils ont chipoté la vuelta à 'Clavellino', que nous nous sommes interrogés sur 'Bastonito'…
Au bout du compte, ces grâces sont un pas de plus dans la démagogie de l’attribution des trophées. Dans certaines arènes, de moindre catégorie, la chose a atteint de tels degrés que plus personne n’y prête attention. Alors il faut bien trouver autre chose, aller plus loin encore pour faire parler. L’indulto est parfait pour cela. Car outre un degré de plus dans le triomphalisme populiste, il met un terme à l’heure de vérité, celle de l’estocade, et participe donc parfaitement à la propagation d’une certaine idée de l’humanisation de la fiesta. L’indulto, la pique andalouse, avant celle de tienta, le toro monopiqué. N’en doutez pas, l’évolution est en marche. Et nous n’y pourrons malheureusement rien. Et ce n’est pas innocemment qu'un taurin andalou a déclaré il y a peu qu’un indulto serait la meilleure chose qui pourrait arriver à la Maestranza de Séville. Histoire de bien enfoncer le clou sans doute et précipiter un peu plus les choses. Les antis ont de beaux jours devant eux.

NDLR – Si rien ne nous a échappé, Monsieur Poooonce a remis ça quelques jours plus tard avec un zalduendo ! Les antis ont vraiment de beaux jours devant eux…

27 juin 2009

En passant par Oropesa


« VÍCTOR HUERTAS VEGA » & « ADOLFO RODRÍGUEZ MONTESINOS »

Quitter Coria et l’Estrémadure, s’éloigner du Portugal, prendre la direction de Madrid, dépasser Plasencia, admirer sur la gauche la Sierra de Gredos enneigée et deviner la toute proche vallée du Tiétar, tenter d’apercevoir au loin les méandres du Tage et Tolède, penser enfin à s’arrêter où nous avions prévu de manger. À Oropesa, ville de trois mille âmes, bourg plus ou moins fortifié et bâti en hauteur pour voir arriver l’envahisseur. Pourtant animés d’aucune intention belliqueuse, nous préférâmes étaler nos victuailles sur le parking d'une station-service, sur le trottoir et le rebord de la fenêtre des cuisines de son bar-restaurant plutôt que sur la margelle du puits de la placette pavée derrière le couvent à l’ombre d’un olivier... Nous étions fiers, une fois de plus, de n’avoir ni failli à notre devise (« On n’est pas là pour faire du tourisme ! ») ni cédé à l’attrait d’un quelconque charme culturel (« On « chie » sur les vieilles pierres ! »). Voilà qui est dit ; la visite peut commencer.

Quand les papis et les mamies s’en retournèrent à leur véhicule d’excursion, nous venions de terminer le pâté au roquefort et le « Clos du Marquis » entamé la veille, bien sûr. Quand le puissant 4x4 se gara à deux emplacements de notre pique-nique de fortune, nous finissions d’essuyer nos babines et de ranger nos sacs à provisions. Au nord d’Oropesa, la CM 5102 mène aux environs de Calzada sur les terres de Víctor Huertas Vega, tandis qu’au sud sa jumelle la CM 4100 file devant ‘Valderrevenga’, la finca d’Adolfo Rodríguez Montesinos. Les deux ganaderos sont Madrilènes, vétérinaires et amis ; les deux élevages sont d’origine Santa Coloma et marqués au fer de l’Asociación de Ganaderías de Lidia (AGL). Víctor Huertas Vega et Adolfo Rodríguez Montesinos : deux élevages frères, des élevages jumeaux.

Je souris lorsque je vis cet âne qui broutait l’herbe devant la placita de tienta chez Víctor Huertas. Il paraissait si tranquille, si concentré sur sa tâche ou si peu intéressé par notre arrivée qu’à aucun moment il ne daigna lever la tête... A contrario, je fis la moue dès que je distinguai depuis la route un car d’aficionados défigurant le paysage chez Adolfo Rodríguez Montesinos ; mais ce dernier nous réserva un tel accueil que, même en présence de cinquante paire d’yeux scrutatrices, je ne pus retenir un large sourire.

En ce jour radieux — gros soleil et grand ciel bleu —, à quelques heures d’intervalle et à une cuiller à café de degrés de latitude près, deux tracteurs sensiblement identiques tiraient chacun une remorque qui n’avaient de semblable que le nom. Au nord, c’était l’heure de la distribution du foin — Víctor prit soin de nous rappeler que nous sortions à peine de l’hiver et que, par conséquent, les vaches n’allaient pas tarder à se remplumer — et seule une épaisse planche de bois munie d’un essieu, de deux roues et d’un système d’attache sommaire constituait la remorque que piétinaient adultes et enfants occupés à nourrir vaches et veaux qui avaient les crocs. Au sud, c’était l’heure de la promenade pour les aficionados aragonais et la remorque, pourvue des indispensables éléments cités plus haut, proposaient en plus deux rangées de bancs sur trois côtés pour le « confort » des visiteurs. En voyant le convoi s’ébranler, je ne pus m’empêcher d’imaginer à quoi pourrait ressembler la scène au cas où un cornu en colère venait à le secouer...

Au volant de son 4x4, Víctor zigzague à l’aise parmi ses bêtes — notamment ses vaches aux étonnants pelages — les nommant et les décrivant (numéro, âge, famille...) chacune avec un naturel et une précision confondants, au milieu d’un vaste campo joliment boisé, relativement plat et aéré, au pied de la Sierra de Gredos, une écharpe blanche jetée sur ses épaules. Tout à coup, Víctor sembla vouloir s’arrêter. Il s’arrêta. Nous indiquant un bosquet dessinant une petite clairière mamelonnée et recouverte d’herbe — le tout formant un lieu enchanteur où les petits aiment à s’y cacher — il nous expliqua qu’ici, il y a bien longtemps, se dressait une église, ou une chapelle. Silence.

Visiblement soulagé d’avoir quitté la remorque, Adolfo nous attira dans son sillage et, tandis que nous longions à pied un mur de plaques de béton, inventoria avec nous la liste de ses ouvrages parus, sans en promettre de nouveau dans l’immédiat. Le portail ouvert, nous pénétrâmes tous les cinq dans le cercado des toros prévus pour Orthez. Nous étions en bas, eux en haut, à une vingtaine de mètres. Nous étions petits, eux bigrement imposants. Nous dissertions à voix basse ; ils écoutaient. Nous les observions attentivement quand ils donnaient l’impression de nous ignorer.
Une tête qui pivote, un antérieur qui se lève, des oreilles qui s’agitent et le blanc des yeux qui se dévoile ; autant de signes qui nous incitèrent à amorcer fébrilement quelques pas vers la sortie — deux mètres dans notre direction et, vlan !, deux caillasses dans la leur. La poussière retombée et le calme revenu, Adolfo, la voix grave et le regard résolument fixé sur ses santacolomas, tint à nous préciser qu’il en manquait un — le plus beau selon lui. Sauvagement agressé et tué la nuit dernière par deux des sept bestiaux que nous avions sous les yeux... Au petit matin, « je l’ai trouvé couché là » nous dit-il, en pointant le doigt sur ses chaussures. Je baissai les yeux et regardai les miennes. Silence.

Pour ne rien vous cacher, c’est suite à notre visite chez Víctor Huertas que j’ai su un peu mieux définir mon « rôle » dans ces équipées camperas. Jusqu’alors, un collègue dégainait un saucisson et j’en coupais une tranche ; un autre sortait une bouteille et je la débouchais. OK. Je pourrais multiplier sans forcer les exemples mais, et j’en conviens aisément, il leur suffirait juste de penser à apporter « tout le bazar »* pour se passer de moi la prochaine fois...
Chez Víctor Huertas, disais-je, j’ai rajouté une corde à mon arc. Oh, cela n’a l’air de rien mais « baratiner » le ganadero le plus sincèrement du monde en lui posant des questions à rallonge dans un castillan approximatif sur un thème improbable et le voilà qui immobilise son engin, oblique la tête vers la droite, lève le menton et vous scrute longuement au travers de ses verres fumés, via le rétroviseur central, avec l’air de celui qui hésite entre feindre d’avoir compris, vous faire répéter ou... descendre ! Pendant ce temps, Thomas en profite opportunément pour mûrir ses pertinentes questions — plutôt que de venir au quite !
Laisser sortir un spontané et bruyant « woouh ! » d’admiration à la vue d’une estampe coquilla (voir photo ci-dessus) et le ganadero, se demandant surpris ce qui a bien pu motiver pareil cri et pareils rires, stoppe net son 4x4 offrant ainsi un temps précieux à Laurent pour zoomer à droite et à Yannick pour cadrer à gauche, et vice-versa. Autant dire qu’ils apprécient...

D’un naturel fort amical, Víctor et Adolfo furent bien trop charmants pour que nous puissions accorder un début de soupçon de crédit à une étrange rumeur circulant autour d’Oropesa. Lors de nuits sans lune, un trafic peu commun s’improviserait : certains habitants auraient aperçu des toros gris traverser la ville en direction du nord, d’autres entendu des bruits de sabots s’en éloigner en direction du sud... La nuit, tous les santacolomas sont gris.

* Paracétamol, tire-bouchon, PQ, couteau, lingettes, chewing-gums...

En plus La galerie Víctor Huertas Vega – Camada de novillos à la rubrique « Campos » sur le site, la fiche de l’élevage sur Terre de toros et le libellé Adolfo Rodríguez Montesinos sur le blog.

Images Chez Víctor Huertas Vega © Camposyruedos

26 juin 2009

Oui mais Non


Pas bien sec en sortant de la douche. Une brosse à dent collée sous la molaire droite, une tartine beurrée sous la gauche, un café con leche au milieu, la journée ne commence jamais sans le 7/9 de Nicolas Demorand, France Inter. C'est ainsi.
Moi, je suis pas du matin. Le matin, faut rien me demander, le matin, faut pas faire chier. C'est comme ça.
Et puis, vers 8h45, ce matin-là, y'a eu Thomas Legrand, le chroniqueur politique de l'émission. J'aime bien ce qu'il dit, Thomas Legrand. Et ce matin-ci, il disait ça : « … alors, la Gauche et la Droite, c'est un peu comme le toro et le toréador... [Houlaaaaaaaa !] Le toréador agite sa cape rouge, ce qui a le don d'énerver le toro, qui , du coup, charge sur l'étoffe. »
Et tè, pardi...
« … Le toréador profite de la naïveté du toro et le fait tourner en bourrique, en l'obligeant à revenir à la charge bêtement, et à foncer inutilement sur la cape.. »
Arrête !...
« Un peu comme la gauche fonce dans l'étoffe écarlate offerte de notre bien-aimé président, sans jamais penser à foncer sur la vraie cible : celle qui est aux commandes de la cape... »
Mais qu'ils sont cons, ces bestiaux !!!!
« … Au fond, le jour où l'animal comprendra que ce n'est pas sur la muleta qu'il faut charger, mais bien sur la personne qui se trouve au bout, les toréadors ne se risqueront plus à jouer avec les bêtes à cornes, et les toros, eux, paisseront tranquillement dans leurs prés… »
Aieeeeeeeeeee !!!!

Alors, oui d'accord, mais en fait, non ! Ça, c'est bon pour toutes les gauches et droites du monde aussi stupides soient-elles, cher Thomas, mais pour les toros, c'est différent. Sans ces 20 petites minutes de fureur et de fracas, au coeur d'un ruedo spécifiquement dévoué à sa cause, le toro bravo n'existerait pas, car le problème de ce bel animal, c'est qu'il ne sait rien faire d'autre qu'exprimer sa sauvagerie en fonçant notamment dans les "draps rouges". La bidoche, bien moins qu'un charolais, les travaux des champs, je doute que même les laboureurs thaïlandais ne craquent pas d'avantage pour un bon vieux John Deere !!! Alors quoi ?… Hein ? Et ben oui, la bagarre, les coups de tronche, le pet, le fight, le patac, la sanquette, la corrida, quoi ! Sans ça, même plus la peine de le chercher dans les prés andalous, car non, cher Thomas Legrand, on n'élève pas les toros de combat pour qu'ils tapent des belotes, en attendant de se faire prendre en photo par le premier avatar de Yannick Olivier venu !

N'en doutez plus, m'sieurs dames, un des grands paradoxes de la corrida de toros, c'est finalement que, plus on tue des toros dans l'arène, avec tout le dégoût que cela provoque chez les gentils antis et autres Mary Poppins de la pensée, plus on les sauve…

Cette satané corrida est un commerce qui fait bouffer bien du monde... y compris et surtout, les toros !
El Batacazo

25 juin 2009

Tout le monde il est beau...


Jean Cau dont on vient de rééditer le Sévillanes était l’auteur de cette maxime incombustible : « Aimer les toros, c’est chaque après-midi vers les cinq heures, croire au Père Noël et aller à ses rendez-vous. »

La réussite tauromachique est une rareté, ça ne date pas d’aujourd’hui, et l’aficionado doit avoir la foi pour ne pas se décourager avant que n’arrive le grand soir. Etre aficionado au bout du compte, ce pourrait être aussi une éloge de la lenteur, ou de la rareté. Seulement voilà, la société actuelle n’autorise guère ce genre de fantaisie. Le blog Torear s’est amusé à relever quelques titres de la page de garde du très "Domecqstique" portail bodeguero Mundochoto. Et ça donne ce qui suit, qui se passe de traduction :
- "Prodigio de Ponce y Juli y jaleo de Ferrera" ;
- "José Tomás, faenón, Perera, golpe" ;
- "Magistral Hermoso, que corta un rabo en Soria" ;
- "Triunfo de Perera y atraco a El Juli" ;
- "Ponce indulta a un gran juampedro"...
Quel aficionado pourrait être assez naïf pour avaler tout ceci ? Je ne saurais trop vous demander s’il vaut mieux en rire ou en pleurer. Personnellement, il y a longtemps que j’ai passé mon chemin, et que ma liste de demandes au barbu s'est réduite comme une peau de chagrin.

24 juin 2009

Muy mala noticia


Une très très mauvaise nouvelle vient de tomber. Les arènes de Saint-Perdon dans les Landes (dans lesquelles se donnent des novilladas chaque année) viennent de brûler intégralement. N'en sachant pas plus, nous vous invitons à lire l'article paru sur le site internet du journal Sud Ouest : ici.

¡Muy mala noticia!

Juin 1933, « Le Toril »


En juin 1933, Le Toril n’est pas content et le fait savoir. Il veut connaître les poids des novillos de Moreno de la Cova combattus à Vic et les réclame aux Gersois. Mais quelque chose cloche et Le Toril, qui goûte peu la plaisanterie, fronce ses sourcils broussailleux, enfile les gants et cogne. Chaud devant !

« Nous avons de nombreux sujets à traiter depuis plusieurs semaines et nous sommes obligés de faire une sélection afin de ne pas prendre trop de place.
À moins d’événements imprévus, nous les épuiserons peu à peu.
Nous avons voulu connaître le poids des novillos lidiés à Vic-Fezensac, le 4 juin.
On nous répondit que les six avaient fourni 1.830 kilos de viande, soit une moyenne de 305 par animal. Cherchant avant tout à renseigner exactement nos lecteurs, nous avons insisté et fait remarquer qu’à notre avis, le lot ne pouvait donner un poids pareil. On nous a alors affirmé que le bulletin de l’octroi de la ville où furent vendus les toros, était à notre disposition et que nous pouvions vérifier le poids avec cette pièce officielle.
N’étant point convaincus, nous avons réclamé le poids vif des bichos au passage à la douane et il nous fut communiqué sans la moindre difficulté.
Depuis deux ans bientôt nous pointons avec soin le poids brut des toros et le poids de viande nette donné ensuite à la boucherie.
Nous possédons ainsi plus de trois cents exemples qui nous montrent que toutes les courses donnent à peu près la même proportion de viande. Ils proviennent de différentes plazas espagnoles et françaises. Quand nous voudrons publier des chiffres, il nous sera possible de trancher, une fois pour toutes, cette question en étayant notre thèse sur des bases précises.
Le poids brut de la novillada de Vic-Fezensac est inférieur de 250 kilos environ à celui donné par la course de septembre 1932.
Nous estimons en conséquence à 275 kilos de moyenne le poids des six La Cova du 4 juin, allant, toujours à notre avis, de 260 le troisième à 300 le dernier.
Grâce à la pièce officielle de l’octroi, il nous serait facile de berner nos lecteurs. Nous préférons, au contraire, leur faire part de notre point de vue en leur signalant que peut-être on a pesé, pour arriver à ce chiffre, certains déchets qui ne doivent pas entrer en ligne de compte. Avec le poids total brut de la course au passage de la frontière, nous en déduisons que la moyenne des novillos doit être de 275 kilos. Combien de toros de corridas formelles sont éloignés de ce chiffre ! Nous tenons même, nous le précisons, à rester plutôt au-dessous de la vérité.
Il est possible à dix kilos près, grâce au barême que nous avons établi et qui profitera des observations ultérieures, de connaître le poids approximatif d’une course lidiée en France. Ceux qui cherchent à tromper leurs lecteurs en publiant des chiffres fantaisistes, tout en défendant rigoureusement l’entrée de la boucherie pour pouvoir truquer à leur aise, ne se doutaient certainement pas qu’il y a des pièces officielles constatant le poids du bétail à son entrée en France. Malgré leurs précautions futures, il existe en haut lieu des personnes qui pourront nous les procurer, car il ne s’agit nullement d’un secret d’État ni de questions intéressant la défense nationale. Nous connaîtrons donc, à l’avenir, quand nous le voudrons, le poids d’une corrida et d’une novillada au passage de la douane, car c’est uniquement d’après le poids que sont fixés les droits d’entrée. Nous avons conservé les renseignements qui nous ont été fournis et si nous avons, depuis deux ans, noté de nombreux exemples, c’est précisément pour pouvoir établir une moyenne et confondre les bluffeurs qui ajoutent plusieurs arrobas au poids des toros lidiés dans les plazas, que nous avons fait tous ces calculs.
On verra bien, un jour, à quoi se réduisent les prétendues arrobas de viande des toros et novillos courus dans une arène de l’extrème Sud-Est. Il faut savoir profiter des relations et les renseignements nous parviennent de la meilleure source. Nous voudrions bien voir que les hauts fonctionnaires de l’Administration n’aient pas le droit de vérifier et de renseigner qui il leur plait, puisqu’il s’agit de chiffres que le moindre commis aux écritures peut se procurer. Nous sommes même dans l’intention de demander que les Services compétents fassent connaître, par la suite, le poids brut de toutes les corridas et novilladas entrant en France. Il n’y aura ainsi plus moyen de tromper le public, messieurs les plumitifs à la solde d’une direction ! »
Le Toril, n° 388, samedi 17 juin 1933.

À l’époque des faits, les poids des novillos ou des toros ne devaient pas être affichés avant la course si l'on en croit le règlement taurin espagnol de 19301, qui précisait : le poids des toros2 « se entenderá inmediatamente después de efectuado el arrastre, la res entera sin desangrar ». Une fois mortes donc et avant la saignée, les bêtes étaient pesées à l’arrastre. D'après Le Toril, le poids vif des cornus lidiés en France ne pouvait être connu qu’à la seule condition de contacter « les hauts fonctionnaires de l’Administration » ; ceux-là mêmes qui avaient entre leurs mains les poids des lots de toros au passage à la douane ! Quid du poids vif des toros espagnols combattus en Espagne et qui, de fait, ne franchissaient pas la douane ?…

Le Règlement taurin municipal (2005) en vigueur actuellement ne s’étend pas sur la question du poids. L’art. 43 (cliquer sur les mots en bordeaux) nous présente un sympathique petit tableau à double entrée, tandis que le très laconique art. 58.1.B fait allusion à des contrôles post-mortem du poids des toros, sans plus de précisions. Quoiqu’il en soit, et avant de revenir prochainement sur l’étonnante notion de « poids de viande nette » (poids de carcasse ou en canal) employée par la revue toulousaine, une conclusion provisoire s’impose : « de tout temps », la divulgation du poids vif (ou brut pour Le Toril) des toros à combattre ne fut jamais qu’un gracieux « cadeau » des empresas à l’aficionado… Qu’elles en soient ici remerciées ! D’autant plus que les acteurs de la corrida connaissent toujours les poids des bêtes ; des poids qui ont, à tort ou à raison, leur importance. Il n’est qu’à voir comment sont établies les paires de toros lors du sorteo : grosso modo, un parmi les trois plus lourds accompagé d’un parmi les trois plus légers…

1 En France, seuls des règlements locaux existaient. La première mouture du Règlement taurin municipal date de 1972 (source : FSTF).
2 Le poids minimum était annoncé en kilogrammes suivi de la conversion en arrobas (1 arroba équivalant à 11,5 kg env.) et en livres. Arènes de 1re catégorie : 470 kilos (40 arrobas et 22 livres) ; de 2e catégorie : 445 kilos (38 arrobas et 17 livres) et de 3e catégorie : 420 kilos (36 arrobas et 13 livres).

Images Malgré les apparences, cette couverture (dessin de René Double) n’est pas celle du numéro d’où provient l’article ci-dessus. Le Toril fut créé à Toulouse par Jean Roux ‘Juanerito’ et Alfred Degeilh ‘Aguilita’ en était une des figures marquantes. Le numéro 1 a paru le 11 mars 1922, le dernier au cours de l’année 1939 © Chapitre.com ‘Estudiante’, negro chorreado de 502 kilos, toro d’Alonso Moreno (Urcola) combattu à Madrid le 24 août 2008 par Francisco Marco. Son second de la tarde s’appelait… ‘Oreganer’ © Juan ‘Manon’ Pelegrín L’arbre des origines du fer Alonso Moreno de la Cova © Las Ventas

23 juin 2009

Domingo's blues


Après la visite de la camada, ceux de Madrid ne lui plaisaient pas (trop tout), Domingo, comme guidé par une excitation à peine retenue, a bafouillé qu’il avait quelque chose à me montrer dans son bureau. Il y a deux heures, il avait mis quinze minutes a lâcher un premier mot mais désormais, il voulait causer et raconter ce quelque chose qu’il conservait, rempli d’affection, dans son bureau mal éclairé. Un bureau qui n’en était pas un. Un sanctuaire de gosse, donc un lieu très sérieux, que Domingo se refusait certainement à ouvrir trop souvent de peur que ne s’échappe à la lumière ce trésor et qu’il ne disparaisse à jamais. Car ce qu’il emprisonnait ainsi dans les ombres poussiéreuses de ce réduit d’enfant n’était autre qu’un toro de combat, marqué flanc gauche. Un toro qui s’appelait 'Bastonito'. Une nouvelle fois encore, je n’avais pas vu 'Bastonito'. Il me l’a présenté dans le calme ému de son phrasé si castillan. Il n’y avait que lui, contre nous, seulement lui qui risquait de s’enfuir si la porte restait ouverte. 'Bastonito'.
Domingo n’a pas changé. L’accompagnent toujours une timidité que n’altèrent pas les tapes sur l’épaule et ce pétillement mélancolique qui luit dans son regard. Tous veulent l’embrasser en cette fin (triomphaliste) de corrida aturine. Il sourit quand même parce qu’il faut être poli, parce que c’est comme ça. Il sourit gentiment, brinqueballé pourtant dans un défilé de mains grassement moites, d’espagnolades abjectes et de satisfaction lowcost. Il sourit, déjà loin de ces 6 toros aturins, tous bien présentés, en pointes (quoique hétérogènes de format), parfaitement au goût du temps, monopiqués (voire pour deux "monopicotazés"), certains faiblards, préservés pour des tercios de banderilles vulgaires (surtout Ferrera), assez mobiles et francs pour laisser s’accomplir des faenas à leur faire tomber les oreilles (une faena esthétique de Jiménez – le plus torero des trois et de loin – et deux faenas moins stylées, plus pompières et parfois à distance de Savalli). Il sourit, déjà rentré dans son réduit poussiéreux auquel le pétillement de ses yeux peine un peu plus chaque jour à donner de la vie.

Retrouvez une galerie de cette corrida d'Aire dans la rubrique
RUEDOS sur www.camposyruedos.com.

Photographie Domingo González, mayoral de Baltasar Ibán © Camposyruedos

NB Une anecdote pour achever et pour témoigner du respect que certains plumitifs portent à l’égard de l’aficionado lambda.
17h10 – Guichet des arènes d’Aire (billets réservés non payés et accréditations)
A peu près vingt personnes font calmement la queue pour récupérer places et accréditations. Pas d’impatience, il fait beau et bon. Soudain, alors que c’était le tour de la personne devant moi (un trentenaire en polo rouge), un grand bonhomme aux cheveux blancs, posté depuis quelques minutes hors de la file d’attente (à droite), passe devant tout le monde et s’adresse à la dame du guichet pour demander son accréditation.
Emotion retenue dans la file d’attente, agacement certain. Sincèrement courroucé par ces manières, j’interpelle ce monsieur en lui expliquant que derrière lui attend une vingtaine de personnes et que ces personnes (dont moi) ne sont peut-être pas très réjouies de se voir ainsi passer devant, sans un regard, sans un mot d’excuse ou de justification. En lui disant cela, je pensais en mon for intérieur qu’il se sentirait quand même un peu gêné de son comportement et du fait que quelqu’un lui en fasse la remarque. Que nenni mes amis, que nenni !
Se retournant à peine, postillonnant à outrance, ce monsieur me répond, plein de morgue et de mépris : « J’travaille moi, je filme ici. »
Décontenancé, je ne m’entends lui répondre qu’un bien faible et timide : « Et alors, cela justifie-t-il de passer devant tous ces gens ? »
Convaincu de sa supériorité, monsieur renchérit pour bien faire comprendre à toute la file qui il est.
- « J’travaille moi, je filme ici. Non ! Je ne fais pas la queue, moi ! »
Sur ce, muni de son passe pour le callejón, il quitte le guichet sous les quolibets discrets de cette vingtaine de personnes qui ne travaillent pas, elles, mais qui savent rester polies. Ce monsieur se nomme Colemont et a commis un truc sur Internet dont le titre est L’Echoducallejon. Je tiens donc ici à présenter mes sincères excuses à mes compères de Camposyruedos. Nous nous étions promis un jour de ne jamais citer ce bidule chez nous pour ne pas, involontairement, inciter d’éventuels lecteurs à aller faire suer leurs yeux sur ce machin. Au moins, son comportement à Aire est-il fidèle à l’image de ses écrits et de son respect des aficionados...

Communiqué de l'ADA Parentis


L’Association des Aficionados de Parentis-en-Born vient de rendre public les carteles de la prochaine édition de la Sen Bertomiu qui se déroulera les 8 et 9 août prochains. Les carteles seront les suivants :

Samedi 8 août 2009 à 18h00
Novillos de PARTIDO DE RESINA , PRIETO DE LA CAL, BARCIAL, MORENO DE SILVA, ALONSO MORENO et COQUILLA DE SANCHEZ ARJONA pour :
Daniel MARTIN, Julian SIMON et Francisco PAJARES.

Dimanche 9 août à 18h00
Novillos de RASO de PORTILLO pour :
Carlos GUZMAN, Felix de CASTRO et Santiago NARANJO.

REPAS DU 20° ANNIVERSAIRE :
Le dimanche 9 août à 13h30, l’ADA de Parentis organise son repas de féria du 20° anniversaire de l’association. Les aficionados qui souhaitent y participer sont priés de réserver en envoyant un chèque de 30€ à l’ordre de ADA PARENTIS - BP 14 - 40161 Parentis-en-Born CEDEX en précisant leur choix (soit Saumon au Champagne soit Côte à l’Os). Places limitées. Réservations avant le 14 juillet.
Renseignements et menu complet sur www.adaparentis.com/ ou au 05 58 78 45 34.

22 juin 2009

Indulter : verbe transitif


J'avais pourtant passé une journée tranquille, dans un calme à peine troublé par l'enthousiasme d'en finir et d'aller boire un Perrier avec une bande de collègues puis d'aller retrouver une poupée sud-américaine... Vers midi, j'avais sans pitié exterminé une barquette de tortellini assortie du Tiramisu maison de chez Mille-Pâtes (juste avant la Banque de France, Rue des Petits Champs à Paris). Autant vous dire que ceux-ci virent leur dernière heure arriver sans perspective de pardon... et passèrent de vie au tréfonds de mon estomac sans gloutonnerie, ni haine ni espoir, mais comme des milliers d'autres tortellini avant eux : il y passèrent en toute logique. Dans la foulée, je me serais bien fait le Turcophone passablement insistant et dans son type de bazari qui marchandait depuis l'aube une obligation à taux flottant libellée en dollars pour une somme dérisoire. Mais bon, ça ne se fait pas, enfin je crois. Bon, je vous passe le Perrier, les collègues, Anna et l'appartement sans lumière duquel nous sortîmes pour profiter d'un de ces soirs les plus longs.
Pepina était à Alicante et nous aux Tuileries, chacun sous son soleil et dans sa nuée de poussière. Elle aux toros et nous au jardin. Soudain, rugit un texto levantin au soleil rasant de Paris : "Ponce acaba de indultar un juanpe en Alicante. Asi està la fiesta..." A vrai dire, cela m'étonna moins que le fait de pouvoir m'asseoir avec Anna dans un de ces sièges inclinés caractéristiques des parcs parisiens. Fermement décidé à profiter de l'aubaine, je n'avais aucune idée du cartel d'Alicante ni aucune intention d'en savoir plus. Ponce indulte un domecq, rengaine ! Toutefois, la fréquence du rythme auquel on laisse la vie sauve à des toros porte à craindre tôt ou tard l'apparition officielle du néologisme "indulter". Indulter, verbe transitif. Preum's ! Je prépare l'article !

Indulter, v.t., de l'espagnol indultar, gracier. Terme provenant lui même du latin "indulgencia" (« bienveillance, complaisance ») qui devint à l’époque classique « remise de peine, pardon » puis en bas latin « pardon des péchés ». (
wiktionnaire).
A rapprocher de l'adjectif "indu" : qui est contre ce que l’on doit, contre la raison, contre la règle, contre l’usage.
Citation : "Vé ! Ponce a encore indulté un toro ! Qué torerasse çuilà !" JotaC in "Les enfants sont merveilleux".

Fier de moi, coincé entre Louvre, Orsay et l'obélisque de la Concorde, les pieds sur la margelle du bassin et tenant fort Anna contre moi, je contemplais, nimbé d'un soleil encore glorieux les canards arpenter le ruedo aquatique. Pas peu fiers, eux non plus, pétris de certitudes, ces cons de palmipèdes passaient sous mes yeux méprisants et supérieurs. Je décidai néanmoins, magnanime et souverain, d'indulter ces quelques volatiles, ainsi qu'un wagon d'adolescents nordiques bruyants puis la population traînant sur les Champs. Demain, j'indulte les lasagnes de chez Mille-Pâtes. Je commanderai des sushis.

Indulto : complaisance indue ! Vos idées progressent...

20 juin 2009

Esplá par Deck


Luis Francisco EspláJe pensais en avoir terminé avec les adieux madrilènes du maestro Esplá. Eh bien non. De toute façon nous n’en n’aurons probablement jamais terminé avec le maestro. Et c’est tant mieux. A ce propos donc, je vous engage plus que vivement à aller lire ce texte d’Olivier Deck, un plaisir…
Et en prime, peut-être même une définition de l'afición : "Mon rêve était si pur qu'il n'avait même pas d'objet. Vivre ça, point."

Photographie sans paroles (VII)


Campo

18 juin 2009

L'affiche de Béziers 2010...


Quelle chance vous avez les amis. Camposyruedos vous dévoile en avant-première cosmique le visuel de l'affiche de Béziers pour la temporada... 2010 ! Ce sera ça, une composition ENCORE plus audacieuse qu'en 2009 dans laquelle les toros et le cul seront étroitement mêlés si nous osons dire ! Z'ont changé la beuchigue de rugby par deux gonzesses callypiges tout droit sorties des plages avoisinantes mais l'esprit de 2009 survit. Il se murmure même - suprême perversion artistique du moi très pronfond de l'artiste - que la fringante pintade de droite ne serait autre qu'une vision apocaliptico-érotique du rugbyman Chabal... soit une lecture au troisième degré en référence à l'affiche 2009. Eh oui, faut suivre...

Illustration trouvée in www.artwindow.com.

17 juin 2009

Bolano


Toujours via Flickr, une galerie très prometteuse, celle de Bolano, le demi-frère de Manon. Une galerie muy de Madrid… Je vous conseille en particulier la série intitulée Cien años de soledad, avec une photo de Pooooooonce, étonnante...

16 juin 2009

Tentadero chez Hermanos Rubio Martínez

A la lecture du titre du présent post, vous avez certainement pensé très fort : "Mais bon sang, qu'est-ce qu'ils sont allés fabriquer là-bas ?!" Et si j'ajoute que celui qui officiait trastos en main, sous la direction du torero honoraire devenu éleveur, n'était autre qu'Antonio Ferrera, votre étonnement n'en sera sans doute que plus grand.

La ganadería "Hermanos Rubio Martínez", dirigée par Antonio Rubio "Macandro", fut formée au tout début des années 1990 avec des bêtes Tornay Maldonado ; en 1993, les frères acquièrent auprès de Joaquín Barral un lot de vaches portant les fers de Manuel González et González Sánchez-Dalp, ajoutant des reproducteurs d'origine Martín Berrocal. Bref, rien de très excitant, et pour tout avouer nous n'avons même pas fait le tour des enclos, un regard circulaire sans quitter le bord de la route ayant suffi à satisfaire une curiosité mesurée.

Non, nous ne sommes pas soudainement tombés amoureux de l'encaste Domecq, à l'encontre de laquelle nous n'avons toutefois aucun a priori négatif, il n'est sans doute pas inutile de le souligner de temps à autre. C'est seulement que ce jour-là il y a avait tentadero, et que ma foi un tentadero c'est rarement ennuyeux. Et c'était d'autant moins ennuyeux que ce jour-là, notre cher Tendido69 himself, en chair et en os (surtout en chair, au bout de quelques jours de goinfrerie sévillane), mèche au vent et lèvres en avant, devait quitter le charme douillet et protecteur du burladero pour se lancer à l'assaut de l'une des vaches soumises au test. Oui, Tendido69 !

Pour le photographe, la difficulté majeure de ce genre d'exercice, c'est de parvenir à étouffer ses éclats de rire afin de réussir à déclencher en gardant le sujet dans le cadre mouvant du viseur. C'est pas facile, croyez-en mon expérience ; essayez de prendre une photographie avec les épaules prises de soubresauts, et vous le constaterez par vous-mêmes.

Et c'est là que ô surprise ! ô stupéfaction !, notre cher chroniqueur se met à nous tirer des passes sur les deux cornes, courant la main, pecho gonflé et en mettant la jambe. Si, si ! L'assistance, y compris l'éleveur lui-même, en fut interloquée, la surprise le disputant au ravissement ; ce dernier alla même jusqu'à proposer à notre práctico de s'essayer face au novillo prévu par la suite (refus poli, pour des raisons qu'il conviendra de découvrir).

D'aucuns pourront chipoter en prétendant que le jeans et la mèche, ça fait pas trop torero. Certes, certes... Mais avouez qu'entre ladite tenue, que nous qualifierons pudiquement de civile, et l'affreux traje de luces de Ferrera, dont même un maletilla des sixties n'aurait pas voulu, ça se discute.

Bref, venons en au fait ; c'est donc officiel : il y a désormais dans les rangs de Camposyruedos un torero. Un vrai de vrai. Un qui risque sa vie au fil des cornes, qui en découd avec les bêtes et tout et tout. Ça pourrait nous faire une belle jambe. Sauf que c'est très important, figurez-vous, pour un site taurin, de compter parmi ses collaborateurs fidèles un torero. En effet, comme on nous le répète à satiété, c'est même la condition indispensable pour jouir de la légitimité nécessaire pour parler de toros.

Eh bien maintenant, c'est fait. Voilà. Nous pourrons donc ouvrir notre gueule quand bon nous semblera. Sous réserve bien sûr de s'en être préalablement entretenu avec notre caution technique, notre éminence ès bébêtes à cornes.

Vous trouverez la galerie consacrée aux faits d'armes de Tendido69, et accessoirement à ceux d'Antonio Ferrera, dans la rubrique CAMPOS du site.

Encore bravo, Fred. Va por ti.

15 juin 2009

Le docteur Lebre se porte bien...


... très bien même. Le docteur Lebre est un retraité heureux, qui profite du temps qui passe et de la douceur de notre midi.
Nous le croisons très régulièrement aux arènes, à Arles, ou à Nîmes, entouré de sa clique de jeunes architectes très contemporains, d’une humeur toujours égale, avec sa barbe à la Hemingway, toujours impeccable. Plus que sa barbe naissante et blanche, le docteur Lebre a carrément des airs d’Ernest Hemingway. Et sans risquer aujourd’hui de froisser personne on peut aussi dire qu’il a eu plus de chance que le notaire.
Le notaire je ne l’ai pas connu, ni aux arènes ni ailleurs, et j’ai oublié son nom. Mais l’histoire n’a pas oublié qu’un jour un notaire a fait signer un viager à Madame Jeanne Calment. Vous connaissez la suite.
Au moment de la signature du viager, Victor Lebre n’était pas encore le médecin de Madame Calment. Il l'est devenu par la suite, et se souvient de cette dame qui lui faisait lire les lettres pleines d'humour qu'elle ne manquait pas d'adresser au notaire pour s'inquiéter de sa santé. Jeanne Calment était aficionada. Elle a même connu l’époque où les chevaux de picador ne portaient pas de protection. Ça paraît anecdotique mais ça laisse rêveur lorsqu’on y pense. Le docteur Lebre lui aussi est aficionado, depuis toujours. Et à son palmarès professionnel, il y a bien plus intéressant pour nous que le cas de la dame Calment.
C’était il y a longtemps. Pierre Pouly, était au seuil de la mort, en prise aux affres d’une maladie exotique attrapée aux Amériques, une maladie autrement plus définitive que la très contemporaine grippe porcine.
- Il revenait des Amériques. Il était fichu. Je le voyais partir. Il n’y avait plus rien à faire. A l’époque nous utilisions en médecine courante des doses de cortisone de 1 à 10 mg. J’avais dans ma trousse une dose de 100 mg. Je me suis dit, perdu pour perdu… Alors, craaac…

Victor Lebre, doucement, pose son verre, écarquille les yeux, écarte deux doigts, lève un pouce, et fait mine d’appuyer sur le piston de la seringue, comme il a dû le faire un jour, il y a plus de quarante ans, pour sauver Pierre Pouly.

- Craaac… je lui ai injecté la dose complète. Perdu pour perdu... Et là, il s’est réveillé, quasi instantanément, comme ressuscité ! J’avais l’impression d’avoir ressuscité Pierre Pouly. Il m’en a été éternellement reconnaissant. A partir de ce jour, il a voulu m’offrir un abonnement permanent en barrera aux arènes d’Arles. Hubert Yonnet a ensuite tenu lui aussi à perpétuer ce signe de reconnaissance.

Au moment de nous raconter la résurrection de Pierre Pouly, le visage de Victor Lebre s’est éclairé, sa bouche s’est arrondie d’étonnement. Le docteur a inspiré un grand bol d’air, gonflé ses poumons. Il semblait aussi étonné de nous raconter aujourd’hui ce miracle qu’il le fut sans doute le jour où il le réalisa, il y a plus de quarante ans.

14 juin 2009

Dolores Aguirre Ybarra para Pamplona


Sur le site, rubrique CAMPOS, vous pouvez découvrir une galerie des astados de Doña Dolores Aguirre Ybarra (Atanasio Fernández/Conde de la Corte) qui sortiront le samedi 11 juillet 2009 dans la plaza de toros de Pamplona.

De plus, selon les informations données par la Santa Casa de Misericordia de Pamplona et publiées sur le site Feriadeltoro, le lot de Peñajara qui devait être lidié le 7 juillet 2009 sera remplacé (pour des raisons de problèmes sanitaires dans l'élevage) par un encierro de Alcurrucén (Núñez).

¡Ya Falta menos!

13 juin 2009

150 ans, 150 años de Yonnet


Charlotte, Joseph et Hubert Yonnet. C’était vendredi soir, 12 juin, une réception à La Bélugue pour fêter les 150 ans de l’élevage et inaugurer l'exposition montée de main de maître par Laurent Giner. 150 ans. A bien y réfléchir, 150 ans sans franchement de concession à l’évolution, à la modernité, ou à l’édulcoration. Ici pas de fundas, et essentiellement de l'herbe... Des ganaderos, une ganadería quoi. Le souvenir de 'Montenegro' a évidemment plané. On aimerait juste que ça dure 150 ans de plus.









12 juin 2009

Aire, Baltasar Ibán


L'empresa Caltoros et le comité des fêtes d'Aire-sur-l'Adour informent les aficionados que les toros de Baltasar Ibán qui seront lidiés le dimanche 21 juin à 18 heures seront visibles gratuitement du haut des corrales des arènes les vendredi 19 et samedi 20 juin de 18 à 20 heures.

De même, une conférence taurine gratuite sur le thème de l’élevage de toros de combat est organisée dans la ville voisine d'Eugénie-les-Bains ce mardi 16 juin à 18h 30 dans la salle d'animation. C’est Marie-Pierre Callet, ganadera, réjoneadora et empresa des arènes d’Aire-sur-l’Adour, qui animera cette conférence et évoquera sa passion pour le toro bravo ainsi que son quotidien de ganadera.

Renseignements 05 58 71 64 70

11 juin 2009

Joséphine Douet, photographe


Imaginez, une gonzesse, un appareil photo autour du cou, embarquer pour plusieurs semaines dans le coche de cuadrilla d’un matador de toros. Pas n’importe quel matador, José María Manzanares, "notre cher Manzanita".
Je vous vois bien là, en train d’imaginer. Un gros plan sur ses fesses par ci, un flou artistique sur son maniement de muleta par là, et quinze mille photos de toutes les vueltas ensoleillées qu’il a pu donner entre l’été 2008 et le printemps 2009. Vous imaginez, un truc joli ET d’actualité, un peu comme un journal de campagne. Un cauchemar oui. Eh bien non, vous n’imaginez rien du tout.
Pensiez-vous sérieusement que le site qui vous a présenté Michael Crouser, qui vous a un jour parlé de Manon ou de Jaydie Putterman irait se perdre dans les méandres kitsh des niaiseries d’un trop commun, dans lequel, j’en suis certain, les premières phrases de ce post vous ont immédiatement plongé ? Vous conviendrez qu’un malentendu peut parfois très vite arriver. Alors, reprenons, sérieusement cette fois.
Joséphine Douet est française, photographe de mode. Elle vit à Madrid et travaille, entre autre, pour Vanity Fair, Telva, ELLE, Rolling Stone, l’Officiel, et d'autres.
Joséphine, c’est vrai, a pris la route avec Manzanares, et a été le témoin très privilégié de ses pérégrinations, pendant de longues semaines. Elle a intégré ce monde, comme probablement personne ne l’a fait avant elle. Et le résultat photographique qui témoigne aujourd’hui de ces heures et de ce temps passés est assez fascinant.
Pour commencer, Joséphine a laissé de côté l’aspect glamour et glacé des photos de mode. Ne vous attendez pas à trouver dans ses photographies les codes des clichés publiés dans les magazines féminins.
Je vous avais confié, qu’à mes yeux, le travail de Michael Crouser était un sommet, une référence dans ce qui a été réalisé photographiquement sur la tauromachie. Le travail de Joséphine Douet constituera une autre référence, le genre de travail dont on se dit, dès le premier contact, avant même d’approfondir et d’y réfléchir : « Ah… là, y'a un truc. »

La vision de Joséphine, d’une certaine manière, c’est de l’anti Crouser. Mais n’allez pas chercher dans cette affirmation une idée faussement reçue ou un quelconque critère qualitatif, même pas une tentative d’ordonner les choses. C’est juste que ça n’a rien à voir et que les deux démarches sont dans le fond radicalement opposées.
Les prises de vue de Crouser sont très majoritairement réalisées en pleine lumière, en piste essentiellement, puis extrêmement travaillées au labo.
Le travail de Joséphine Douet, à l’inverse, quasiment en marge, touche à l’intime et se présente presque nu, dépouillé de trop de manipulations au post traitement. Une sorte de minimalisme photographique, un less is more pour aller à l’essentiel et au fond des choses. La simplicité pour émouvoir et témoigner, sans artifice.
Et c’est peut être de ce point de vue que la photographe prend un risque, celui de ne de pas s’ouvrir immédiatement au plus grand public, car nombre de ses clichés, pourtant très contemporains - ce lavabo a indéniablement des airs d'un tableau de Mark Rothko - sont sans concession à l'air du temps ou à une esthétique facile. Il ne s’agit pas de photographies taurines, il s’agit de bien plus que cela. C’est bien simple, la focale fétiche de Joséphine Douet est le 50 mm. Et ceux qui touchent, ou ont un peu touché à la photographie le savent bien, avec un 50 on ne triche pas. Il n’y pas d’artifice possible avec un 50, et pas d’autre porte de sortie que la réussite ou la poubelle, la porte de l’infirmerie ou celle du triomphe. Un 50 et tout est dit, ou presque. Ce travail, dont nous avons eu la chance, dès cet hiver, de pouvoir nous régaler d’environ quatre vingts clichés commence sa vie publique aujourd’hui même, à Alicante, avec l'exposition d’une trentaine de tirages.

La suite, se sera pour l’automne à Madrid, une autre exposition et la publication d’un livre dont nous vous entretiendrons évidemment. Pour l’instant deux liens utiles : Joséphine DOUET, Photography & José María Manzanares.

Et pour ceux qui auraient la chance de passer par Alicante :
Peajes, vida de torero /// Centro de Bellas Artes /// Plaza Quijano, 4 /// Alicante /// Del 11 al 30 de junio del 2009.

10 juin 2009

Un souvenir, des souvenirs


Depuis quelques jours, il est question de Palha, de Luis Francisco Esplá et de Las Ventas. Pour ne pas être en reste, je vais moi aussi vous parler de « ces trois-là ». En octobre 2003, je ne me rends pas à Madrid pour la première fois et uniquement pour visiter l’exposition consacrée à Manuel Padorno. Non, je viens voir les toros de Palha et le matador Luis Francisco Esplá, à Las Ventas.

Ce dimanche 5 (tiens un 5), j’assiste à ma première corrida madrilène et ce malgré — ou surtout à cause — une précédente course de Palha (le 5 juin 2002 lors de la San Isidro, tiens un 5 juin) malmenée lors des reconocimientos vétérinaires (trois toros refusés), sortie incomplète (un carmen borrero complétait le lot), très inégalement présentée (certains protestés dès leur entrée) et si catastrophique de comportement que d’aucuns soupçonnaient les palhas d’être malades... Et dire que la légendaire ganadería portugaise faisait son retour à Madrid en corrida formelle1 après quelque chose comme une trentaine d’années d’absence. Au soir de ce 5 juin funeste, João Folque de Mendoça, le propriétaire de l’élevage à la devise bleue et blanche, broyait du noir ; il était pour un temps devenu la risée du monde des toros et son fer n'avait jamais aussi bien porté sa croix que ce jour-là. À cause disais-je de cet incroyable rendez-vous mille fois manqué, je me promis d’être présent sur les tendidos venteños quand sonnerait l’heure du rachat. « Folque » avait lui-même programmé le réveil au... dimanche 5 octobre 2003. À 17 heures 30.

Avant de revenir sur cette tarde, permettez que je jette un coup d’œil appuyé dans mon rétroviseur portugais — oui, j’ai un rétroviseur portugais. Dimanche 31 mai 1998 à Nîmes, toros de Palha : je ne me souviens de rien ! Ça commence bien. Le 13 septembre de la même année, l’amphithéâtre arlésien, géré par Hubert Yonnet, voyait débarquer six tigres féroces pour autant de combats d’un autre temps. À Vic, lors de la première Pentecôte de ce siècle, un curieux fourgon publicitaire vantait, à grand renfort d’images vidéo, d’affiches et de tracts, la corrida d’Aire du 18 juin 2000 organisée par Folque de Mendoça — vieille et sauvage affiche tirée des archives de l’élevage, photos des six rustres « buffles », débarquement public et longue lettre2 un brin mielleuse adressée « À l’afición française », rien de moins. Le dimanche 16 juillet suivant à Céret, les palhas exhibaient des flancs, des cuisses et des épaules ornés de marques et de signes surprenants : six estampes pariétales chassées pour leurs oreilles. À Nîmes, le 30 mai 2004, deux toros de Palha officiellement déclarés aféités3 provoquèrent dans le mundillo français une polémique sans fin au cours de laquelle João Folque de Mendoça et son entourage ne ménagèrent pas leur peine pour noyer le poisson. Enfin, le 31 mai dernier à Vic-Fezensac, ‘Camarito’ (ci-dessous)...

Après cette parenthèse, revenons sur la course du 5 octobre 2003. Je voulais voir Esplá à Madrid, à la Feria de Otoño ; et puis le proprio n’avait pas encore ouvert la « grosse » caisse à outils... Pris dans la cohue de l’apartado matinal, je me rappelle seulement avoir entraperçu du bois, beaucoup de bois, rien que du bois... et des poils noirs aussi. Comme évoqué plus haut, la dernière course madrilène du fer fut un petardo ganadero majuscule et « Môsieur » avait à cœur de se racheter. Sauf qu’il prit une nouvelle fois les aficionados pour des pommes en se disant qu’à Madrid ils aimaient les cornes ; alors il rassembla toutes les cornes de sa ganadería et les posa sur les têtes des toros qui devaient sortir ce 5 octobre ! Ceux-là portaient certes des armures à faire frémir mais question trapío... Bref, ceci dit et sauf à vouloir à tout prix chercher des poux, la présentation d’ensemble du lot se montrait digne de Madrid.

Las Ventas se remplissait lentement, sûrement et bruyamment jusqu’à afficher « No hay billetes ». Il n’y avait peut-être plus de billets mais il y avait du vent, un vent frais et violent poussant des nuages gris et menaçants. Il ne manquait que la pluie... et les palhas à qui il ne restait plus qu’à sortir en piste, bien sagement, les uns après les autres. Quand Luis Francisco Esplá, Eduardo Dávila Miura et Jesús Millán finirent de défiler, un rayon de soleil réchauffait encore l’atmosphère. Pour un court instant car il ne s’agissait que d’une brève piqûre de courage avant l’orage, avant que les six masses sombres surarmées des bords du Tage — ‘Gradilho’, ‘Zamaro’, ‘Mejicano’, ‘Cigala’, ‘Peluquero’ et ‘Lagarto’ — viennent chacune à leur tour assombrir le tableau. Et lorsque, en éclaireur, ‘Gradilho’ déboula du toril avec ses 120 (135 ? 150 ?) centimètres de pointe à pointe, nous comprîmes tous vite qu’il n’était là ni pour éclairer quoi que ce soit ni pour nous tricoter une petite laine ! Dommage, parce que moi j’avais froid ; d’ailleurs, et veuillez m’excuser par avance pour cette lamentable transition, je suis certain que Joël Bartolotti eut froid lui aussi...

De retour en France, l’actuel directeur de la revue TOROS prit sa plume clairvoyante et écrivit ce qu’on ne lit plus guère de nos jours, extraits4 : « Solides, forts, armés (voire très armés), de trapío et braves même si l’on excepte le quatrième, manso et surtout distrait. [...] Face à ces toros de respect, nous vîmes trop de toreros d’irrespect, particulièrement ceux à cheval qui se comportèrent honteusement, perpétrant à dessein des puyazos en arrière propres à tuer la plupart des toros modernes et la fiesta elle-même. Vous aurez compris que cette course, brave au premier tiers, fut délibérément massacrée par les hommes au castoreño, lors de la première rencontre mais aussi lors de la deuxième, voire encore lors de la troisième pour les trois cornus qui la subirent. En ces temps de picotazos pour la forme, cette odieuse sangría n’eut que plus de relief. 15 varas longues, dures, traseras et en carioca furent la réponse à des assauts souvent vifs, fiers et braves. Les cuadrillas, à la dérive, supportèrent, comme elles purent, accrochages des leurres, accélérations et poursuites, angoisses et fatigues auxquels elles ne sont plus habituées. Le maestro L. F. Esplá lui-même, pourtant à son affaire par gros temps, en perdit le sourire et subit même deux désarmés au capote, deux autres à la muleta avant de sauter même dans le callejón au quatrième. Rien de tout cela ne pouvait rassurer une torería absente. [...] Les palhas avaient tous cinq ans ou presque et les idées de leur âge. Un était de la race ancienne et un de Torrealta, deux issus d’un croisement B. Ibán et deux purs Ibán dont ‘Peluquero’. »

La suite : un tonnerre d'applaudissements pour ce « grand brave » de ‘Peluquero’ sorti en 5 (tiens un 5) et le mayoral appelé à saluer à trois mètres du burladero en signe de réconfort...
Le reste : les bregas et banderilles supérieures de Domingo Navarro et El Boni mais aussi la terrible impuissance de Dávila Miura et la peur panique de Millán.
Pour finir : le plaisir rare d’avoir vécu une course de toros importante et vu un Luis Francisco Esplá chef de lidia égal à lui-même. ¡Gracias y adiós Torero!

1 Donc hors « concours ».
2 Dans laquelle il était beaucoup trop question d’éthique pour que cela sonnât vrai...
3 Voir le rapport d’expertise effectué par le professeur Sautet à l'École Nationale Vétérinaire de Toulouse le 28 juin 2005 (source ANDA).
4 TOROS n° 1713 du 9 octobre 2003.

En plus La galerie de la tarde du 5 octobre 2003, signée Burladerodos, et le site de l'association culturelle Círculo Amigos de Palha méritent une visite...

Images Le recto d’un montage photo personnel (Madrid – 05.10.2003) ‘Camarito’ passant de l’ombre à la lumière (Vic – 31.05.2009) © Camposyruedos Le verso... Yo no soy fotógrafo...

09 juin 2009

Vic, suite et fin...


Suite et fin de nos galeries vicoises en rubrique RUEDOS du site…

08 juin 2009

Cent cinquantenaire des Yonnet


A l’occasion des 150 ans de la manade Yonnet l’association SUDTOROS, organise une journée proposée sous forme de 2 formules le samedi 13 juin 2009.

Le point fort de la journée : 17h30 - Arènes de Salins-de-Giraud - Fiesta campera du cent cinquantenaire - 4 toros de Hubert YONNET mis à mort par Tomás CAMPUZANO, Victor MENDES, Stéphane FERNANDEZ MECA et Mehdi SAVALLI.

Tienta de 3 vaches par les élèves de l’Ecole Taurine d’Arles : El Tolosa, Gregorio López et Juan Leal.

Pour tous renseignements et réservation appeler le 06 25 08 39 30.