30 août 2006

Des légendes et autres tracasseries...


C’est un truc de légendes. Nous, on peut pas comprendre ça. Une légende qui en tue une autre, ça paraît simple pourtant. 'Islero', Miura, fait un cratère dans la cuisse de Manolete et Lupe Sino devient la pleureuse number one de toutes les Espagnes, une éruption de larmes au milieu du chaos d'un monde qui se relève à peine. C’est simple pourtant. C’est juste un truc de légendes... Ça devient un mythe.
Le hic, c’est tout le reste. Le plasma assassin par exemple.
- "C'est lui, Monsieur le Président, c'est lui, le vrai coupable ! Oui, c'est le plasma... J'accuse le plasma." Le hic, c'est ce "toro" de Miura qui date de 1947. Même pas né à Zahariche l’enflure. En plus, il devait aller à Murcie et Balaña a réussi à ramener le lot à Linares. Il l’a raqué au même prix d’après feu Eduardo, tous les lots ont le même prix chez les grands moustachus. Sympa pour les placitas ! Le hic, c’est qu’on ne sait pas qui était 'Islero'. Oh certes, il avait le dossard 22 - 13 ça risquait pas -, il était negro entrepelado bragado corrido et armé… Oui, il avait quand même des cornes, petites mais y'en avait. Il pesait 495 kg, 295 en canal mais on a pas dû en faire de l’estofado. [Prudence, sur certains sites dits taurins on l’annonce à presque 700 kg, une terreur quoi.]

Le hic, donc, c'est qu''Islero' tue la légende. Manolete n'a pas été tué par un "fauve monstrueux" digne de la mythologie grecque, même pas par un vrai toro de combat. Seulement par un novillo, lui le maître que Luis Miguel voulait rafraîchir. J'aurai du mal à croire que les miuras aient pris un tel volume en soixante ans. Ils sont certainement plus lourds qu'autrefois mais de là à prendre 150 à 200 kg, mon oeil ! 'Islero' était tout simplement un novillo (je le souhaite au moins) à une époque où le guarismo n'avait pas encore surgi des têtes, pour une fois efficaces, des penseurs administratifs. Et Manolete tuait des novillos ! Comme le dit Bastonito sur son blog http://www.taurofilia.net/, "Y sí, los toros afeitados y hasta las eralas también matan, pero con mucha menos frecuencia que los toros en puntas y los cuatreños. Por eso los taurinos desmochan los pitones; por eso piden el utrero: para minimizar el riesgo, que es el origen de la emoción que sustenta a la Fiesta". Oui, même aujourd'hui, la fraude et la magouille persévèrent mais Lupe Sino n'est plus là pour pleurer, ils nous restent seulement les vieilles photos de légendes démystifiées...

La photographie en haut à gauche est extraite du blog www.taurofilia.net (à lire absolument) et les deux autres viennent d'un journal de l'époque.

26 août 2006

Tapas


C’est au hasard d’une flânerie au rayon gastronomique de la Fnac que je suis tombé sur Tapas ; couverture dans les tons de rouge, chaude, qui présente d’appétissantes berenjenas et laisse deviner dans le fond quelques verres du tinto de la casa.
Les mentions légales indiquent que la chose a été imprimée en Chine (sic) en mars 2006 ; je ne la connaissais pas. Déjà l’accroche est appétissante. Je feuillette distraitement, et les photos intérieures, de Jan Baldwin, confirment la bonne impression de la portada. C’est bien présenté, soigné, la mise en page agréable. J’achète sans vraiment réfléchir, car l’atmosphère de ce Tapas est inspirante. Ce n’est qu’une fois à la maison que j’approfondis la chose et que la bonne surprise se confirme. Non seulement l’ouvrage est bien fait mais en plus la sélection de bars est on ne peu plus pointue. L’auteur, Fiona Dunlop, soit est très au point et entrainée en matière de tapeo, soit a bien creusé son sujet avant de nous proposer cette centaine de recettes.

Les bars sont classés par régions en six chapitres : Pays Basque, Catalogne, Vieille Castille, Madrid, Levant et Andalousie.
J’y ai retrouvé de nombreux endroits connus et reconnus et c’est là que ça devient intéressant et même passionnant. Prenez par exemple la Catalogne, incontestable territoire gastronomique ; eh bien si vous allez passer un week-end à Barcelone vous pourrez vous rendre chez le classique et incontournable CAL PEP, ou à l’ultra moderne Commerç24 de Carlos Abellán, un héritier reconnu par Ferran Adrià lui-même. Les recettes proposées sont évidemment à l’avenant.
Du côté de Madrid impossible évidemment de faire l’impasse sur le Bocaito de Luis Benavente et son inoubliable revuelto de ajetes y jamón.

En ce qui concerne l’Andalousie et Séville en particulier j’ai eu le plaisir d’y retrouver un petit coin discret, le Bar Casablanca, de Manuel Zamora et son hallucinante tortilla al whisky. Oui oui, au whisky… il faut goûter pour en être convaincu.
La dernière fois que je suis allé me restaurer chez Zamora c’était en novembre 2005. Il semble que depuis, le patron ait cédé ce lieu à d’autres pour s’installer ailleurs… Si certains de nos lecteurs savent où qu’ils n’hésitent pas à nous le faire savoir…
Tapas est donc à consommer sans aucune modération avant d’être rangé dans votre bibliothèque au rayon gastronomique et juste avant les ouvrages taurins… Ces 192 pages de pure gourmandise sont éditées par les Editions de La Martinière et pourront également faire office de guide gastronomique à l'occasion de votre prochain voyage en péninsule ibérique.

Bastonito l'a mauvaise


Notre ami Bastonito est de mauvaise humeur. Lui qui habituellement ne voit des corridas qu’à Las Ventas et à la Monumental de Céret, il a fait cet été une entorse à une règle de plus en plus immuable. Dans le but premier de retrouver quelques amis Cérétans (ci-dessus) en route pour Cenicientos, il s’est décidé à assister à une novillada concours à Guadarrama dans la sierra proche de Madrid.
Quelques jours plus tard Cenicientos voyait pour la première fois de son histoire sa féria se dérouler dans une plaza en dur… Oubliée la « mythique » portative… Et d’après mon copain Richard Roigt, le niveau de la féria fut du plus grand intérêt. L’inauguration officielle de la plaza, elle, devrait avoir lieu pour Pâques 2007… Nous en reparlons évidemment mais lorsqu’on connaît le sens du prévisionnel de nos amis corruchos on se dit que rien ne presse et que nous nous préoccuperons d’un éventuel déplacement et du cartel définitif 48 ou 72 heures avant !
Mais bon, revenons à nos moutons ou plutôt à nos novillos de la novillada concours de Guadarrama..
Si notre ami Bastonito l’a mauvaise cela est dû à la présentation (je n’ose écrire le mot de trapío !) de la chose dont la photo vous est gracieusement proposée à la fin de ce post. Et devinez à quelle historique, prestigieuse et mythique camada appartient cet animal ainsi présenté en novillada concours (il est de bon ton en l’occurrence d’insister sur le mot concours eh !) ? Eh bien cette larve de novillo appartient tout simplement à l’historique, prestigieuse et mythique camada portugaise de Palha !!! Eh oui tout arrive… même le pire. Certes nous ne sommes qu’à Guadarrama… et Guadarrama n’est pas Madrid ni Bilbao ni Céret ou Cenicientos... Mais tout de même !!! Présenter ça en novillada concours… Je comprends la colère de notre ami Bastonito, moi...

13 août 2006

Anda l'"ANDA"... Dax 2006


Je me permets d'afficher le billet vert de l'ANDA du samedi 12 août 2006 à Dax, pour ceux qui ne sont pas de là et en attedant qu'il ne paraisse sur leur "site minimaliste".
En buvant une copita samedi soir à Dax, des amis, au demeurant courageux car ils venaient d'assister à la course du jour, m'ont remis ce papelard tout vert de l'espoir. J'ai évidemment reconnu la patte de l'ANDA à Dax.
- " T'as vu, vous avez fait pareil avec l'ANDA."
Pas de corridas à Dax cette année pour ma pomme. Je ne verrai pas cette dame aux yeux bleus piscine de "Club Med" qui pousse la râlère dès qu'un aficionado ose ouvrir son bec. Je ne subirai plus ces tonnes d'applaudissements béats devant des passes vulgaires ou des trophées stupides. Ce n'est pas du mépris, encore moins une prétention d'aficionado mal placée, c'est juste que l'ANDA a raison et que c'est le ras-le-bol. Plus envie de voir cette "corrida spectacle-spéculative" où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. ¡Ya basta! C'est pas pour m'arranger mais je ferai aussi plus de kilomètres pour que ma passion vive. J'irai peut-être à Donostia voir les cebadas et les guardiolas, sûrement à Bilbao plus tard. Le 15 août, journée cumbre en France, pas de toros mais des vaches, à Falces, encierro del pilón.
Messieurs de l'ANDA, si l'on se croise, je boirais bien une copita au coin d'un zinc, loin des zinzins.
Continuez quand même...

Le site de l'ANDA : http://anda.aficionados.free.fr/.

Rêver en rouge et blanc... San Fermín 2007



Féria de Dax, minuit, dans la nuit de samedi à dimanche.
Faut bien s'occuper la nuit au fond d'un bar à Dax. On refait le monde, on parle des bambins et des vacances qui s'achèvent. On est entre amis et les toros sont loins. Alors pour une fois, n'en parlons pas ou peu.
A vous tous, ceux qui étaient là, enfants et frères d'aficionado, ceci est pour vous.
Liste des courses pour Pamplona 2007 :
- une caisse de champagne ;
- des huîtres ;
- une pieuvre (ou deux) pour la corrida ;
- de la daube du Tursan ;
- évidemment, un estomac, un intestin 100% fiable, un foie tout neuf et au cas ou un oesophage... ;
- un pantalon pour Marc et des slips ;
- des lunettes pour Marc ;
- du vin rouge ;
- un rôti de porc pour la corrida ;
- des tongs pour moi ;
- un GPS pour les pimpins qui ne trouvent pas l'Iruña Rugby Club ;
- des alubias pour Charlie ;
- du patxaran, beaucoup pour ceux qui aiment ;
- de vrais amis bien sobres ;
- un appartement avec jacuzzi, placards et étagères ;
- des poteaux fixes !!! ;
- une interdiction officielle de faire des photos signée par Yolanda Barcina ;
- des actions de lIruña Rugby Club ;
- une femme de ménage pour l'appart' ;
- un portefeuille rose à paillettes ;
- des préservatifs goût patxaran ou manzana ;
- des sacs à vomi pour le retour ;
- des brosses à dents pour les fragiles et du dentifrice "signal plus au fluor nouvelle génération" ;
- Christophe ;
- du tue-mouches pour après... ;
- une serveuse qui nous suive, physique agréable, regard de braise et dévotion de bonne soeur ;
- des places de corrida gratuites ;
- des épouses qui arrivent le dernier jour quand on aura rendu l'appart avec jacuzzi, pour ranger et de préférence enceintes pour nous ramener en France ;
- un dictionnaire pour ceux qui ne comprennent pas l'"espinguoin" ;
- Des sourdines pour ne pas entendre les épouses enceintes... ;
- un cor de chasse pour Bruno et
- des toros braves, beaux et forts mais ça on peut toujours rêver...

Merci à toi, charmante serveuse du Darrigade, pour tout, pour ton sourire et tes couettes, mon numéro est le premier sur la liste accrochée au mur.

Adichat's.

11 août 2006

"Dies Irae" — Azpeitia 2006 (II)


Elles sont mises comme pour un mariage avec leur coiffe de fanfreluches et les petits drapeaux qui dépassent du tout. Il ne manque que les klaxons pour s’y croire vraiment. C’est pour la mort, pourtant, qu’elles se font si pimpantes. Une mort vieille de mille lunes, depuis longtemps sèche de larmes et de voix érayées. Face à elles, tout le long de son bois rouge qui lave les traces de morts moins célébrées, l’arenero, tunique bleue des cieux, mime l’immobile. L’arène est un missel, ouvert et silencieux, petits milliers de mots, de larmes oubliées qui disent la prière. Comme un vent qui caresse, rassure, le chant funèbre court sur ces mots, traverse les "a", s’enroule autour des "c", fait tressaillir les "s". Un souvenir lointain pour cercueil et cette masse noire, inerte et chaude encore, linceul de caste agonisante qui n’entend pas l’oraison, ne lit déjà plus le missel qui s’égrène sans voir sa mort naissante. Azpeitia a l’arrastre émotive. Au troisième toro achevé, on ne ripaille pas ici, on se recueille en souvenir d’un banderillero mort au XIX° siècle, dont le visage est oublié et le nom incertain. Azpeitia pleure presque, au son de notes qui « feraient pleurer les pottocks ». Le reste est anecdote. Six petits toros encastés de Fuente Ymbro (Jandilla), un derechazo du Cid aussi profond que le Tartare qu’Orphée brava pour ramener sa donzelle au jour et des assassins juchés sur des "Ulysse" carioquistes. Comme d’habitude. Comme d’habitude.

Je devais être un "o" dans ce missel du recuerdo, un minuscule "o" tout rempli de funèbre et de fatalité. Ce n’est pas ce banderillero que je pleurais mais ce monde qui s’écroule un peu plus tous les jours, ce monde « qui n’entend pas que l’on crie sans fin », ce monde des toros de combat. J’ai senti tout entier que rien ne changerait, que l’on continuerait à détruire volontairement cette bravoure qui nous fait rêver, que l’on poursuivrait toujours cette lutte contre la caste par des piques minables, des passes de maçon et des applaudissements stupides et sans fin. Ce toro de linceul annonçait une mort. Son frère, le marron, que tous virent manso n’annonçait rien, lui. Il n’était qu’une résurrection de ce que nous avons aimé, l’apparition brusque et soudaine d’un toro de combat brave, encasté y con mucho "poder". Un Manso ? Tas de brutes !

Toros du « Dies Irae » au milieu des lettres qui flottaient insouciantes...

09 août 2006

Voir les toros aux corrals (II)... Dax 2006


Pour ceux qui assisteront aux corridas de la féria de Dax, voici quelques photographies des toros qui seront combattus. Bonne féria à tous...

Sobrero

Adelaida Rodríguez



Antonio Bañuelos


Voir les toros aux corrals (I)... Dax 2006


Daniel Ruiz



Mercedes Pérez-Tabernero


Samuel Flores


Torrenueva (novillo)

Victoriano Del Río

02 août 2006

Les toros noirs des dames blanches — Azpeitia 2006 (I)

Ça a des airs de « nouveau monde ». Une Amérique latine à deux pas de pottock de Bayonne. Je n’ai jamais mis les pieds dans les férias américaines mais c’est l’image que j’en ai. Une placita de sable sombre qui s’esquive loin des heurts de nos vies, des mamelons de verdure grise qui protègent le calme et un ciel d’incertitudes noires sabrées d’un soleil piquero. Azpeitia est une féria du bout d’un petit monde où l’afición est grande et toute simple. L’ostentation, les parades mondaines étiquetées « Paseo » se meurent dans les virages qui effleurent l’Urola depuis Zestoa. Azpeitia est une féria « muy pequeña » à l’âme de grande dame, un point c’est tout.

Ce qui est sympathique quand on visite des couvents encore occupés par d’évanescentes apparitions aux formes toujours féminines, ce sont les gâteaux. Oui, les gâteaux. Ces petits bonheurs tout doux qui sont faits de cette patience qui n’est plus qu’un mot aujourd’hui. Madeleines, petites sucreries, douceurs de quelques secondes (10 ans sur les hanches dirait une amie) ; régalons-nous et merci les nonnes. Au-dessus de l’arène blanche d’Azpeitia s’élève un couvent retapé, beige, fringant. Aux plus hautes fenêtres, collées les unes aux autres , droites, la coiffe parfaite, nos sœurs guipuzcoanes président le spectacle. Elles sont là à 18 heures pétantes, elles ne partent que quand « la messe est dite », immaculées, bien rangées, discrètement ; elles doivent glisser sans bruit sur les parquets luisants.
C’est à croire que c’étaient elles, les blanches dames aux mains jointes, qui avaient envoyé ce lot de toros. Des gâteaux de toros, du savoureux pour l’aficionado, des petits délices de bravoure et de caste piquante. Des toros de combat dans des enveloppes de madeleine, des guerriers sous l’apparence de gâteries sucrées. Des palhas comme on désire en voir plus souvent. Evidemment, le sieur Folque de Mendoça, le vrai éleveur, n’avait pas envoyé le gratin de la camada niveau présentation. C’était logique mais ses errements aturins (en particulier) persévèrent outre-Pyrénées. Cornes escobillées, astillées, pointes douteuses, du Palha de scandale... en France. Qu’un toro fusse brocho, gacho ou cornicorto n’est pas en soi un problème si les cornes ne souffrent pas la suspiscion de l’afeitado. Lundi à Azpeitia, l’afeitado sentait plus fort que le pur brebis des Pyrénées du berger de l’Anie, c’est dire.

Je ne goûte pas du tout les pratiques de João Folque de Mendoça mais force est de constater qu’il élève de bien bons toros de combat. Un bémol cependant. Les palhas ne ressemblent plus aux palhas. Il faut laisser le temps au temps, j’en suis conscient, mais cet élevage est devenu une mesclagne d’origines diverses quoique très proches dans laquelle il est difficile de trouver une homogénéité physique. D’après des informateurs scrupuleux (merci Thomas), trois étaient Domecq (1, 2 et 6) et trois étaient Baltasar Ibán (3, 4 et 5). La différence, me direz-vous ? Le Baltasar Ibán paraît plus fin de type, plus léger et peut-être moins enmorrillado. Le pelage castaño chorreado du cinquième ne prêtait pas tellement à confusion. Tout ce mélange de sang s’apparente donc à un laboratoire de recherche, certes passionnant pour l’aficionado, mais qui ne donne pas à l’élevage une ligne directrice vers laquelle tendre même si le ganadero défend ses choix pour éviter, en particulier, la consanguinité*. Peut-être la réussite de notre entourloupeur lusitanien réside-t-elle justement dans le fait d’avoir réussi à donner un certaine (parfois relative mais bien réelle ici) homogénéité comportementale à ses toiros. Azpeitia aussi est un laboratoire où les éleveurs peuvent envoyer des toros de notes sans se prendre la tête sur la présentation. Une arène test en somme pour les familles d'une ganadería.

Ces palhas « modernes » firent honneur à leurs aïeux mais ne trouvèrent pas toujours de combattant à leur niveau. Et pourtant il y a avait de quoi ! Pepín Liria se montra timide face à son premier qu’il fit châtier au-delà du raisonnable, à dessein sans doute. C’est facile à réduire un toro encasté malheureusement. La charge du palha devint pastueña, lourde et incertaine et Liria n’arriva jamais ou ne chercha pas à trouver le sitio idéal. Et un toro gâché, un ! A son second, certainement piqué au vif par l’oreille de López-Cháves, notre émérite golfeur s’en alla recevoir 'Camarito' à genou et nous retrouvâmes le Pepín valeureux et gonflé des années 1990. Le toro poussa bien sous la première et unique pique, Pepín avait retenu la leçon. Confondant de noblesse, jamais stupide, le bicho s’engouffra avec faim dans les muletazos disparates du torero de Cehegín. A gauche, le palha se faisait des torticolis et Pepín esquissait la profondeur en quatre succulentes naturelles. Les tenues des bonnes sœurs frétillaient. Le pinchazo final interdit le trophée mais la vuelta fut chaleureuse.

Notre commercial de service était là sans ses rouflaquettes, sans son palmito, dans un sobre traje blanc maculé de rouge. Presque normal. Plus je vois Padilla, moins je veux le voir, la routine peut-être. Vulgaire, tricheur, sans poder, le "cyclón" afficha tout ce que certains détestent chez lui. Son premier palha est un grand toro de combat qui prend sa première pique en mettant bien les reins, calé par la fixité et la volonté d'en découdre. Padilla le voit et comprend. Etrangement, on le laisse s'échapper par deux fois au cheval de réserve contre lequel le "baragouineur de Jerez" devait espèrer qu'il s'épuise. Raté ! Padilla poussa même le mauvais goût juqu'à lancer sa montera sur son piquero pour faire croire au public qu'il trouvait lui aussi cela intolérable. Du grand Zavatta ! 'Marismo', n° 58, fond sur tout ce qui bouge, un léopard. Puissance et souplesse. Bien que "distraído", 'Marismo' ne demande qu'une chose : être toréé, contraint, dirigé. Sa caste est débordante, vive — peut-être gênante — mais Padilla en a vu d'autres se dit-on. Rien, nous ne vîmes rien d'autre qu'un rendez-vous manqué, une erreur de casting. Mille applaudissements à 'Marismo', l'animal le plus complet de la journée, une madeleine volontairement effritée par un grand enfant caractériel et fatigué. ¡Lástima!
Bis repetita à son second, le beau 'Saltillo', castaño chorreado armé fin et coupé court par l'enflure en rouge et blanc. Sur le deuxième muletazo, il s'envoit le marron dessus, exprès, et remue les épaules pour nous dire que nous n'étions qu'un tas d'ignares pour croire ce toro potable. Merci Juan José de tant nous éclairer. Hasta la próxima, puisse-t-elle venir un jour de gros orage...

López-Cháves toucha la madeleine de la journée, la moelleuse, toute de saveur douce. 'Sardinero' a dû taper la causette avec à peu près toutes les fourmis de la plaza. Il aurait fait l’autruche s’il avait pu la baisser plus sa tête. Une machine à charger droit et franc. Le laborieux López-Cháves en profita, animé par la faim de triomphe et de reconnaissance mais aussi par une bonne connaissance de la lidia. Toreo croisé, passes bien tirées et distance adéquate. Que du très correct même si ce torero charro n’a pas l’art gravé aux poignets. Une oreille et vuelta pour 'Sardinero' le tout doux. Encore une vuelta « marseillaise », sans fondement ni logique taurine. La noblesse, rien que la noblesse et toujours la noblesse. López-Cháves remontra ses bonnes manières au dernier et cette belle après-midi s'acheva, un petit rictus sur les visages basques et la robe légère pour nos "lointaines" dames blanches. A demain Azpeitia !

* Lire 6Toros6, n° 557, du 1er mars 2005.