30 juin 2007

Dessiner, voir, comprendre les toros...


Dans le n° 1795 (2 février 2007) de la revue Toros, Richard Roigt présentait un ouvrage espagnol resté à ce jour introuvable dans nos librairies françaises et le qualifiait même de "livre extraordinaire". La lecture de ces quelques 300 pages illustrées de dessins est passionnante, indispensable même pour tous ceux qui veulent comprendre ce qu’est un toro de combat. Ce livre est publié par l’Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid et sa réalisation a été confiée à Luis Alberto Calvo Sáez. Sans vouloir plagier la relation qu’en fait M. Roigt dans Toros, je ne peux qu’aller dans son sens sur tous les points qu’il évoque dans son article. Il s’agit en effet d’un livre intelligent, extrêmement réfléchi et surtout, vertu essentielle à mon goût, particulièrement pédagogique.
En début d’ouvrage, on retrouve, classiquement, des dessins représentant les différentes robes des toros de combat ainsi que les diverses "encornaduras" possibles. M. Calvo Sáez n’a pas oublié de mentionner les cas de cornes défectueuses, telles les astillées ou escobillées, en spécifiant pour ces dernières que "este defecto de sustancia es bastante improbable que se produzca si no esta previamente lesionada la punta del pitón".
La suite du livre est moins courante car le vétérinaire dessinateur présente avec force détails la musculature générale et détaillée des toros. Chaque partie du corps fait l’objet d’une planche, chaque muscle ainsi que chaque organe essentiel est peint avec précision. Pour autant, malgré cette exhaustivité toute scientifique, les légendes qui accompagnent chaque dessin sont extrêmement claires et simples, à la portée de toute personne non spécialiste en biologie animale.

La partie centrale de ce trésor est consacrée aux différents encastes modernes et chaque toro type est peint et légendé, simplement, lumineusement. Je ne peux que reprendre le commentaire de Richard Roigt quand il écrit que "les arbres généalogiques ne sont pas pour autant oubliés, mais, là encore, L.A. Calvo Sáez bouscule les stéréotypes en simplifiant au maximum les dérivations jusqu’à obtenir un canevas lisible et facilement mémorisable, ou en les agrémentant des portraits des principaux ganaderos". Pour qui veut comprendre à quoi ressemble un Saltillo, un Lisardo Sánchez ou un Contreras, il convient d’ouvrir ce livre d’urgence. A propos de la série sur les encastes, j’ajouterai cependant un léger bémol (très léger) sur le choix de certains toros type. Ainsi, le représentant peint de l’encaste Gamero Cívico est clairement marqué Samuel Flores avec un frontal très développé et cornalón. Samuel Flores élève un Gamero Cívico géant et très agressif de tête qui s’éloigne du Gamero Cívico "originel" encore élevé par Clairac, par exemple, et qui présente des défenses beaucoup plus civilisées. Il en est de même avec le Pablo Romero car le bicho choisi est également un cornalón corniabierto, cas présent dans l’élevage mais qui ne représente pas la "moyenne" caractéristique de la ganadería plutôt marquée par des pitones de formes arrondies et légèrement rentrantes. Ce ne sont que des détails qui sont vite oubliés au regard des commentaires passionnants qui légendent la morphologie remarquablement peinte de ces encastes.
La fin du livre s’intéresse aux divers tiers de la lidia et aux lésions que ceux-ci peuvent occasionner sur le physique du toro. C’est la partie la plus courte et c’est pourtant celle qui suscite les interrogations les plus fondamentales. Saluons le militantisme du vétérinaire qui donne une place centrale au tercio de varas et qui ose même intituler une planche "Justificación de la suerte de varas" ! Au regard des dessins de cette ultime partie, le lecteur ne peut que se poser des questions sur l’évolution néfaste que subit la lidia des toros dans l’actualité. Les lésions décrites imposent un réflexion sur la manière de lidier un toro dans une arène mais aussi sur les critères de sélection de certains ganaderos. La pédagogie est aussi là, dans cette capacité à susciter un questionnement ainsi que les prémices d’un raisonnement.

En parcourant ces pages et ces dessins, vous aurez envie d’en savoir plus, de vous documenter encore et de comprendre mieux. L’afición est là aussi ! Je vous invite dans ce cas à parcourir les dernières fiches concoctées par le site Terre de toros, fiches concernant l’encaste Coquilla encore assez bien préservé dans les élevages de Sánchez-Fabrés et de Coquilla de Sánchez-Arjona... mais pour combien de temps... Vous trouverez, associés à ces fiches, des dessins de Charlie Couralet représentant les caractéristiques de ces encastes. Comme pour le livre Escuela gráfica del toro de lidia, l’esprit est le même, dominé par l’amour du toro et de sa diversité.
Bonnes lectures !

Escuela gráfica del toro de lidia, Luis Alberto Calvo Sáez, Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid, 2005 (50 euros). Valladolid@colvet.es : adresse électronique de l'Ilustre Colegio Oficial de Veterinarios de Valladolid.

Sans blague !


Ce n’est pas une blague, ni un poisson d’avril (nous sommes en juin...) ni... ni... C’est simplement que dimanche José María Manzanares sera remplacé par Jérémy Banti.
Décidément ces taurinos, professionnels ou pas, n’auront jamais honte de rien. Ça se passe à Fenouillet et nulle part ailleurs. Espérons au moins qu’ils remboursent les billets !

29 juin 2007

B2


Sans doute avez-vous eu connaissance de l’accord qui autorise les élevages espagnols sans carte verte à lidier en France pour la temporada 2007. Il s’avère que cette autorisation ne concerne pas les élevages de catégorie B2 (brucellose). En conséquence, plusieurs lots prévus pour être lidiés en France ne pourront probablement pas passer les frontières. Affaire à suivre.

28 juin 2007

Totalement hors sujet...


... mais... finalement... pas tant que ça...

ASI

"Il n'y a pas grand-chose à écrire..." Novillada de Saint Sever 2007


Je ne voulais rien écrire sur cette course. Il n’y avait pas grand-chose à en dire finalement, si ce n’est que ce fut une course très moyenne mais dans laquelle beaucoup espéraient au regard de celle de l’an dernier. Je ne voulais rien écrire mais je viens de lire le compte rendu de cette novillada de Scamandre paru dans le quotidien Sud Ouest ; compte rendu signé par le jeune et habituel sobrero de la casa déniché par Marc Lavie de Semana Grande. Sur le fond général de sa reseña, je ne peux qu’être d’accord, surtout quand il écrit qu'"il est des soirs où l’on aurait aimé éviter le rgard d’un ganadero déçu au sortir d’une course de son élevage". Mais il est des détails qui agacent, encore et toujours.
"Saluons en revanche la superbe présentation de l’ensemble du lot, du petit mais très armé animal d’ouverture à l’imposante carcasse sortie en dernier." J’ai du mal à comprendre ce que l’on peut saluer dans cet incertain méli-mélo de novillos. Les cornes ne font pas le trapío et ne doivent pas cacher d’autres défauts. Ainsi, le premier avait à peine le physique d’un becerro et dépareillait déjà dans les corrales. Le second, applaudi à son entrée en piste comme le fait remarquer notre sémillant chroniqueur, était laid et affublé d’une épine dorsale en montagne russe... On aurait dit qu'il avait été fabriqué avec un rabot peu soucieux du détail et de la beauté des lignes (photo du haut). Le dernier était le plus beau des atanasios, haut sur pattes mais avec de l’allure, trapío qui se confirma d’ailleurs aux piques puisqu’il fut le seul à montrer fijeza et envie. Le lot était donc desigual voire même très critiquable par moments mais il est vrai que la camada doit être très courte, et surtout que le public est resté les yeux accrochés aux défenses de ces novillos, tous armés vers le haut, pour certains en pointe. Cependant, et je comprends tout à fait que notre sobrero de la plume n’ait pas osé l’écrire (ce n’est pas la tradition de la maison qui l’emploie), certains pitones étaient franchement abîmés pour ne pas dire suspects. Ainsi, ce cinquième qui n’aurait jamais dû sortir dans le ruedo de Morlanne (escobillado dès sa sortie en piste, cf. photo de droite), ainsi ce sixième qui s’abîma bien vite les pinceaux au cours de sa lidia. Mais ceci ne s’écrit pas, quel intérêt ? On ne parle pas non plus des tercios de piques dans ces reseñas où le seul objectif est de limiter au maximum la critique. Sur une trentaine de lignes, l’auteur n’utilise qu’une fois le mot de pique pour évoquer la belle charge et la poussée du dernier animal. Dans l’ensemble, les Scamandre furent décevants au tercio de piques, par manque de bravoure (tête en haut, cabeceando...) pour certains mais aussi par manque de force pour d’autres comme ce pauvre cinquième qui avait envie mais qui s’affala lamentablement sous le cheval en baissant trop la tête. De cette faiblesse intrinsèque à ce lot de novillos, nulle mention évidemment et il y aurait pourtant des choses à dire tant le lot manqua de poder, de souffle et de pattes.

Quand manque le trapío... Il serait d’ailleurs judicieux de savoir à quoi sont nourris les Riboulet pour présenter des formes aussi fines voire maigres avec ces os du haut du cul qui affleurent bien trop et ces côtes décharnées. Je ne suis pas partisan des toros cochons mais l’inverse (maigreur, apparence très frêle) est également préjudiciable pour la force d’un toro de combat, me semble-t-il. Pour revenir aux piques, nulle mention non plus des coutumières mauvaises habitudes des piqueros. On s’habitue... Le quatrième (d'origine Guardiola vu le physique différent des autres = plus bas, profil de tête moins fin, plus rempli et plus large de poitrail, les cornes moins effilées) fut proprement détruit par le castoreño aux ordres de Ronquillo avec un puyazo sauvage dans l’épaule qui annihila une partie des forces et de l’envie de ce bicho. Il y eut six cariocas, mais c’est normal aujourd’hui, la carioca est l’unique manière de piquer de l’immense majorité des varilargueros. Il n’y a rien à écrire dessus donc...
Les Scamandre furent décevants pour ces raisons-là, c’est-à-dire leur manque de force, de trapío et de vraie bravoure. Pourtant, certains ont montré des envies et de belles choses lors du troisième tiers avec des têtes qui faisaient l’avion (2nd et 5°) quand d’autres posaient des problèmes intéressants à corriger sans pour autant être des tueurs-nés. C’est là que ce qu’il nomme le "sérieux des novilleros" est à relativiser tant ces futurs matadores de toros proposent une tauromachie déjà modélisée et polie, seulement apte à dessiner des passes à des animaux chargeant droit comme des trains. La tauromachie parallèle, décentrée et principalement axée sur l’esthétisme a de beaux jours devant elle. Et ce manque d’engagement se concrétise malheureusement lors des mises à mort qui pour la plupart furent catastrophiques avec une mention spéciale à El Santo qui décidément a des progrès à faire dans cet exercice difficile. La course du Scamandre a déçu car le piquant de l’an dernier fut mis en berne par une faiblesse inquiétante que le manque de trapío de ces novillos pouvait laisser présager. Elle fut également décevante car de jeunes novilleros ne veulent toréer que des carretones qui passent sans défauts... et ils sont soutenus par ceux qui rendent compte de leurs exploits dans la presse locale et ailleurs...

>>> Retrouvez la galerie de la novillada sur le site à la rubrique RUEDOS.

27 juin 2007

Palmas y pitos


Notre ami Bastonito nous a entretenus régulièrement sur son blog du déroulement de la San Isidro 2007. Tout comme l’afición unanime, il s’est félicité de l’excellentissime premier toro de la ganadería Palha.
Ce qui est extraordinaire chez les aficionados, c’est leur liberté de penser, d’esprit, leur totale indépendance. Tout le contraire en fait des supporters de clubs de football, ou de certaines groupies de tel torero ou de tel élevage.
Feu et très regretté Joaquín Vidal me l’avait d’ailleurs exposé lors de notre unique mais inoubliable rencontre. Vidal m’avait confié le peu de goût que peuvent avoir les taurinos et leurs sous-fifres pour l’indépendance des véritables aficionados.
Si un aficionado constate qu’un torero se positionne « fuera de cacho » ou donne le pico de la muleta, il pourra siffler ou montrer son mécontentement. Si, trois secondes plus tard, ce même torero se met à toréer, « como mandan los canones », ce même aficionado applaudira et s’enthousiasmera de la plus démonstrative des manières. C’est cela la fiesta : palmas y pitos... Notre ami Bastonito a eu régulièrement la dent très dure avec l’actuel propriétaire de la ganadería Palha, suite aux histoires que vous savez. Cela ne l’a toutefois pas empêché de profiter et jouir du spectacle de la bravoure et de la caste du premier Palha lidié cette année à Las Ventas.
C’est cela l’afición : palmas y pitos. Et la liberté n’a pas de prix.
Bastonito, à sa manière, l’a rappelé, en ressortant des archives pour l’occasion, la photographie ci-dessus que vous connaissez. Il a ainsi reconnu et rappelé son hostilité au personnage propriétaire de l’élevage mais s’est félicité, sans réserve aucune, de cet extraordinaire toro. Palmas y pitos : liberté de penser et de jugement.
En ce qui me concerne, cette photographie fait revenir à ma mémoire une anecdote hivernale à la vérité assez croustillante.
Le ganadero de Palha a été invité cet hiver chez « Los de José y Juan », peña taurina madrilène prestigieuse s’il en est. Hasard du calendrier, le portugais y était invité pour parler de l’éthique dans la fiesta. D’aucuns m’argumenteront que ce n’était peut-être pas le personnage le plus indiqué pour pareil sujet. Certes, mais je ne suis pas pour autant certains que dans le panier de crabe du taurinisme professionnel... Passons.
Cette photo, je vous le rappelle a été prise dans des arènes dirigées à l’époque par le ganadero de Palha. Il s’agit donc d’un toro provenant du propre élevage du directeur desdites arènes.
A la fin de la réunion chez « Los de José y Juan » de miens amis madrilènes présents dans la salle ont demandé la parole, exhibé un agrandissement de la photographie que vous connaissez, et demandé au directeur/ganadero comment celui-ci pouvait avoir eu l’outrecuidance de leur avoir parlé, certes brillamment, toute une soirée d’éthique tout en osant présenter pareille chose dans ses propres arènes.
Le directeur/ganadero ne s’est pas démonté une seconde et a nié farouchement qu’il puisse s’agir d’un toro de son élevage...
C’est sa liberté à lui d’agir ainsi et de nous prendre de la sorte pour des gogos... A nous de faire la part des choses et ne pas nous y laisser prendre.

26 juin 2007

Les combats de reines


Soyons bien clairs ; il ne s’agit pas ici de rendre compte d’un improbable pugilat où la sémillante Sofía d’Espagne aurait envoyé au tapis la taciturne Paola de Belgique d’un fulgurant uppercut du droit au menton... Je veux simplement mettre en lumière une tradition montagnarde, à savoir des combats opposant, dans le Valais — en Suisse, oui —, des vaches de la race d'Hérens. Au son des cloches qu’elles portent au cou, ces rudes empoignades de costaudes cornues et de teigneuses trapues ont lieu avant (au printemps), pendant et après (de la fin de l’été au début de l’automne) l’estivage. À noter que des « batailles » se déroulent également dans les vallées de Chamonix et d’Aoste — pour cette dernière, principalement avec des bêtes de la race locale Valdostana Pezzata Nera-Castana.

Sur les rings champêtres, vous n’apercevrez ni habits de lumière, ni castoreños et, sur les tendidos de l’amphithéâtre de Martigny, votre regard aura sans doute quelque mal à capter le kitsch gracieux du ballet des éventails et votre nez à s’enivrer des volutes de fumée des puros. Dans ce coin des Alpes, l’ambiance, moins compassée, s’apparenterait davantage à celle des comices agricoles de France et de Navarre ou des rodéos du Texas et du Colorado. Cela dit, dans un premier temps et si vous n’êtes pas trop pressés, n'hésitez pas à prendre un peu de hauteur en parcourant les liens et peut-être qu’un jour vous vous surprendrez à filer en direction de Martigny (son vin, sa feria et les expos de la Fondation Gianadda) ou d’Aproz (sa finale cantonale et le Cervin pas très loin) afin de découvrir in situ ces peleas aussi rustiques qu’exotiques.

En plus Une indispensable notice explicative & de la documentation pour approfondir.

Image © Jean-Christophe Bott/Keystone

23 juin 2007

Une autre forme d'agrotourisme - Conde de la Maza 2007


Comment survivre quand la caste et la bravoure se sont fait la malle ? Telle est la question à laquelle doivent répondre de nombreux ganaderos dont les produits, pour cette raison ou par défaut d’intérêt de la part des empresas, ne se vendent plus que pour la calle, et encore.

En s’infiltrant dans le mouvement de l’agrotourisme, certains éleveurs, conscients des beautés que leur campo recèle et de l’intérêt que les touristes peuvent trouver à le visiter (bien au-delà des seuls aficionados), cherchent dans cette voie le moyen de maintenir à peu près à flot une activité dont il n’est un secret pour personne qu’elle est davantage source de tracas en tous genres que de profits mirifiques.

La question qui se pose pour nous est de savoir comment cette activité est gérée, et (thème cher à mon cœur) si les responsables de cette nouvelle forme de tourisme se donnent pour mission de défendre, auprès de leurs visiteurs, une certaine idée de l’élevage du toro et de son combat. S’il est dans leur intérêt évident de promouvoir la diversité des encastes, l’intégrité du taureau de combat et l’authenticité de la corrida, cette vision à long terme n’est plus forcément présente à l’esprit de chacun des ganaderos, et certains se sont fait une spécialité de ce type d’activité commerciale et touristique dont l’importance est aujourd’hui plus grande que les débouchés que leur offrent les arènes.

Il ne s’agit pas ici de distribuer bons et mauvais points, mais force est de reconnaître que la société Arenales de la Maza S.A., propriétaire de la ganadería Conde de la Maza, est loin de privilégier cette approche à la fois militante et éducative que nous appelons de nos vœux et que nous saluions dans un précédent message consacré à l’élevage du Marqués de Albaserrada.

La visite de la finca "Cortijo de Arenales", située à Morón de la Frontera (Séville) n’en demeure pas moins un régal, tant pour l’aficionado que pour le simple curieux amoureux de la nature. C’est grand, c’est beau, c’est propre, les paysages sont splendides et le ganado bravo – qui côtoie ici dans une magnifique harmonie chevaux, biches et cerfs –, s’il a hélas perdu son moral depuis quelques années déjà, reste d’une présentation irréprochable. Il convient simplement de garder présent à l’esprit que l’on ne vient pas ici pour aller plus loin qu’une présentation préliminaire de l’élevage de taureaux, très académique et plutôt réservée à l’usage de ceux qui découvrent le ganado bravo dans son habitat naturel. Le jeune étudiant en charge des visites, au demeurant fort sympathique, n’achèvera pas de convaincre les plus exigeants, mais peut-être sa leçon bien apprise suffira-t-elle à donner envie aux jeunes aficionados d’aller plus loin ; ce n’est finalement pas si mal.

Car après tout, rien n’empêche celui qui quitterait déçu la finca touristique, de pousser un peu plus loin ; ce ne sont pas les sources qui manquent. Il serait en effet dommage de ne pas connaître un peu mieux ce fer mythique. La ganadería est issue d’un lot d’origine Vistahermosa, passé entre les mains d’un nombre conséquent de ganaderos : Barbero de Utrera, Arias de Saavedra, Ildefonso Núñez de Prado, Marqués de Gandul, José Antonio Adalid, Francisco Taviel de Andrade, Gregorio Campos, Narciso Darnaude, Romualdo Arias de Reina et Hidalgo Hermanos (ouf !). Il fut ensuite aquis par les héritiers d'Arturo Pérez Hernández, et le lot revenant à María López de Tejada fut enfin acheté en 1955 par Leopoldo Sáinz de la Maza y Falcó, Comte de la Maza, lequel conserva le fer. C’est la fille de feu don Leopoldo qui préside aujourd’hui aux destinées de l’élevage ; c’est également elle qui est à l’origine de ses activités agro-touristiques.

La ganadería est d’origine Carlos Núñez ; le Comte forma la vacada avec des bêtes acquises auprès de Manuel Martín Berrocal. Il avait auparavant acheté plusieurs erales de la devise de Villamarta, de même origine Núñez, dont il conserva certains pour les utiliser comme reproducteurs. Il convient d’ajouter, à ces origines 100 % Núñez d’une part, quelques bêtes de Juan Belmonte, Gallardo et Gamero Cívico et, d’autre part, des vaches que le Comte de la Maza conserva après avoir acheté le fer d'Arturo Pérez Hernández. Il est difficile d’estimer dans quelle mesure ce bétail conservé par la ganadería est utilisé aujourd’hui, mais on peut estimer sans trop risquer de se tromper que la provenance des toros que l’on voit combattre dans les ruedos est à au moins 90 % composée de sang Núñez.

Les Conde de la Maza ont connu des succès importants dans les arènes de première catégorie, où ils étaient appréciés pour leur grand trapío et leurs cornes terrifiantes, ainsi que dans les ruedos français. Ils continuent d’être combattus à Séville et à Madrid, mais aussi dans des pueblos tels Cenicientos et Yepes, où leur entrée en piste continue de faire le spectacle. L’élevage n’est malheureusement pas au meilleur de sa forme ; il suffit pour s’en convaincre de lire les statistiques.

Nous n’avons pas pu avoir de détails sur les critères de sélection utilisés par la nouvelle responsable. La seule chose dont on peut être sûr, c’est que le soin apporté à la sélection d’exemplaires de grand trapío, aux encornures fines et très développées, continue d’être très important.

>>> Vous pourrez en juger par vous-mêmes en découvrant la galerie consacrée à la ganadería Conde de la Maza dans la rubrique CAMPOS.

Bonne visite.

Il faut sauver les crevettes espagnoles...

Aficionadas, aficionados,
On vous a menti !
Vous êtes les victimes d’un complot obscur et tentaculaire, clairement fomenté par le gouvernement espagnol, les syndicats de pêche et de restauration espagnols ainsi que par une partie de ce mundillo de bedaines bien rondes chez qui le coup de fourchette fait plus d’effet qu’une verónica de Morante de la Puebla sur un chroniqueur taurin français bien connu, c’est dire.
On vous a menti !
J’imagine que ces mots sont difficiles à lire à cette heure d’euphorie collective entamée le 17 juin 2007 sous les regards des gros lézards multicolores du parc Güell à Barcelona. José Tomás ne revient pas pour toréer ou pour caresser de son hallucinante main gauche une afición en pleine déprime. Cela est faux, complètement et définitivement faux.
José Tomás revient pour sauver l’industrie de la pêche et des fruits de mer espagnols ! Et oui, elle est là la vérité. Vous êtes les "pôvres" larrons d’enjeux économiques capitaux pour l’Espagne. En observant de près les méandres actuels de l’économie espagnole, il n’a échappé à personne, j’en suis persuadé, que les ventes de mariscos y pescados subissent en ce moment une crise effroyable. La pollution industrielle ou agricole, la concurrence de pays émergents, le pipi des mamies allemandes dans le bleu de l’eau calme, le vomi des jeunes anglo-saxons au sortir de sombres clubs de débauches ont mis en péril la production de moules, coques, palourdes, dorades, sardines, crevettes et pulpos qui faisaient en tapas (et font toujours mais pour combien de temps encore ?) la fête des papilles et qui donnaient à ces millions de paellas sortis des gigantesques murs de laideur de la côte méditerranéenne un aspect presque normal. La crise est là donc et le gouvernement espagnol, évidemment très inquiet à l’aube du grand rush des tatanes et parasols de juillet-août, a préféré prendre les devants et tenter, avec la beauté du désespoir, il faut en convenir, de relancer la consommation. Pour cela, il a fait appel à Monsieur José Tomás Román, l’anachorète hiératique de Galapagar, que l’Afición jamais n’avait oublié. Après moult hésitations, le reclus volontaire a accepté cette mission tel un nouveau messie des ruedos. Vous comprenez maintenant pour quelle raison vous ne verrez pas José Tomás à Madrid, à Saragosse, à Bilbao (quoique là il aurait pu faire un effort car l’océan n’est pas loin) à Séville ou à Pamplona. Ce choix de ne pas se présenter dans les grandes plazas de catégorie n’est aucunement imputable au maestro. Les lieux de son retour ont été dictés par cette impérieuse nécessité de sauver les crevettes ( et les autres bestioles sorties de l’eau). Ainsi, José Tomás se produira tout au long de l’été à Alicante, Algeciras, Pontevedra, El Puerto de Santa María, San Sebastián, Málaga, Almería, Murcia et Barcelona pour finir. Selon des sources proches du milieu syndical de la crevette espagnole, cette annonce de la tournée du "beach boy" des ruedos a redonné une certaine confiance au secteur et les éphémérides estivales concernant oursins et autres pieuvres s’annoncent sous les meilleurs auspices. Le gouvernement compte sur l’effet attractif de la star et sur le scoop de son retour pour attirer à la fois les férus de fruits de mer mais aussi, ça ne fera pas de mal aux caisses, les zozos de toros ; les deux pouvant bien-sûr se combiner. Certains malotrus ont sous-entendu que le Señor Tomás avaient délibérément choisi ces arènes pour limiter les risques d’échec de sa réapparition. Il paraîtrait que les toros n’y sont pas présentés aussi bien qu’à Pamplona ou à Madrid et que le choix des ganaderías serait plus volontiers dicté par des critères triomphalistes que sérieux et aficionados. Personnellement, je n’ose croire cette version car tout de même, aficionadas, aficionados, n’est-ce pas à Murcia que l’on grâcie des toros chaque été, n’est-ce pas dans ces arènes du sud du Sud de la vieille Europe que des génies comme Javier Conde transcendent l’art tauromachique ? Je vous le demande ! Je crois que cette polémique n’a pas lieu d’être, et, de toute façon, ce qui importe est bien que José draine un maximum de fidèles aux arènes et dans les restaurants côtiers pour redonner espoir aux crevettes espagnoles. Les toros... C’est secondaire finalement !
Certains petits malins auront remarqué tout de même que cette tournée du retour passe aussi par des terres plus continentales comme le sont Burgos, Ávila, Salamanca, Palencia et Linares (hommage à l'autre "triste figure"). Je les entends déjà me dire que ce n’est pas en ces lieux que se joue l’avenir de la crevette espagnole et je serai d’accord avec eux, c’est évident. Selon des sources proches de l’élu et toutes concordantes, il semblerait que le ténébreux ermite se soit pris d’une passion soudaine pour le boudin. Là-bas, on appelle ça la morcilla et il est de notoriété publique que les meilleures morcillas viennent de la région localisée entre Burgos et Salamanque. Pourtant vivement freiné par ses plus proches amis (encore nos sources sûres et concordantes), le maestro serait devenu une sorte de serial killer de la morcilla, jamais rassasié, toujours en manque de boudin. On comprend que le fort battage médiatique entourant son come-back taise ce genre d’information mais c’est dans cette boulimie de cochonnailles qu’il faut trouver la raison de son passage dans ces importantissimes arènes de Castilla y León. Dans le contrat de sauvegarde de la crevette qui le lie aujourd’hui au gouvernement espagnol, José Tomás a imposé ces localités terriennes malgré les pressions de son entourage et des syndicats de producteurs de figues de Carmonita (Extrémadure) qui poussaient pour recevoir la star et redonner ainsi un élan économique à un produit tombant lentement dans l’oubli.
Enfin, et nous allons rentrer là dans un domaine beaucoup plus taurin, le gouvernement espagnol ne s’est pas opposé à sa venue en France ; venue que José tenait à honorer pour des raisons de gloriole personnelle et de défi lancé à soi-même. En effet, ses seules apparitions en terres gauloises se feront à Dax en août et à Nîmes en septembre. Il faut comprendre ce choix à l’aune de raisons politiques et tauromachiques.
Il est aisé de saisir que le gouvernement espagnol a vu dans l’éventualité de sa présence à Dax l’opportunité de se rapprocher un peu plus du nouveau gouvernement français car il est connu de tous les aficionados que la nouvelle ministre de la jeunesse et des sports, Madame Roselyne Bachelot (surnommée à cause de ses tuniques roses « le Mon Chérie » dans les arcanes du monde politique), honore de sa présence les spectacles dacquois, comme d'ailleurs son 1er Ministre, M. Fillon (surnommé, à cause de sa mèche bien droite, « le Sillon de la Sarthe »). Dans le cas de Nîmes, c’est José lui seul qui a tenu à toréer dans la cité romaine. Cette décision était de toute façon évidente et c’est d’ailleurs la seule tauromachique de tout son road-movie. Nîmes est la capitale du monde des toros, de l’univers, du cosmos. Nîmes, la Madrid française, la Mexico du Gard, la Séville en pierres antiques. C’est à Nîmes que le cours de la queue de toro est au plus haut, c’est à Nîmes que règne la CTEM la plus intransigeante de toute la terre (si ! de toute la terre !), c’est à Nîmes que trône le poète imprésario ancien animateur de télé Simon Casas. Nîmes est l’apogée de la tauromachie et de son génie ! José Tomás ne pouvait que venir à Nîmes, le seul lieu de la terre où toréer est un défi, une épopée antique, un combat contre... des crevettes.
La boucle est bouclée !

Œillet rouge sur le sable


Contrairement à mes compagnons de Camposyruedos, je n'ai malheureusement pas eu la chance de voir toréer Christian Montcouquiol 'Nimeño II'. Je ne me lasse pourtant pas, tout particulièrement en cette année de célébration et de mémoire, de songer avec admiration au parcours du grand torero, dont la trajectoire en temps que matador de toros, et plus généralement en temps qu'Homme, fait de lui encore aujourd'hui - malgré la percée de Sébastien Castella et d'autres professionnels français - un exemple et un modèle, et pas seulement un précédent qui serait aujourd'hui dépassé.

Bien sûr, les images d'archives seules, même vues à la lumière des témoignages parfois poignants qui lui ont été consacrés*, ne suffisent pas, ne peuvent pas suffire à rendre compte de la réalité profonde du personnage et de sa tauromachie. Mais on aurait tort, cependant, de les ignorer tout à fait ; car au-delà de l'hommage dû à Nimeño II, ces images, ces témoignages, nous aident à mieux appréhender la tauromachie française contemporaine.

Dans un ouvrage publié en 2002, Florence Delay évoquait, à sa manière, le tragique après-midi du 9 septembre 1989 :

"'Pañolero' de Miura qui sortit dans les arènes d'Arles un dimanche de septembre pesait dans sa robe grise 540 kilos et son armure, de pointe à pointe, mesurait cent cinq centimètres. Le long jeune homme en habit bleu et or qui l'accueillit avec panache, après deux passes à genoux fut envoyé au diable. Il retomba lourdement sur la tête, le cou ployé sous la poitrine. Les vertèbres cervicales brisées, la moelle épinière lésée, Christian Montcouquiol, 'Nimeño II' essaya pendant des mois, avec une extraordinaire énergie, de récupérer la motricité de son corps mais le bras gauche, celui de la naturelle, pendait inerte. Alors un jour de novembre, deux ans après le saut provoqué par ce Miura auquel il n'en voulait même pas, le long garçon au triste sourire se pendit dans le garage de sa villa.
Bienheureux ceux qui meurent dans l'après-midi, ceux qui n'ont pas à attendre, car entre la blessure et la mort coule le Styx."**

* Au premier rang de ces témoignages, bien sûr, le bouleversant Recouvre-le de lumière d'Alain Montcouquiol, publié aux éditions Verdier (une nouvelle édition en version de poche a récemment vu le jour). Lesquelles consacrent le 6ème numéro de la revue Faenas à Christian Montcouquiol, dans une livraison intitulée Nimeño II, Ceci n'est pas une statue, avec des textes de plusieurs auteurs, tous très beaux.
** Florence Delay (dessins de Francis Marmande), Œillet rouge sur le sable, Farrago/Editions Léo Scheer, Tours, 2002.

22 juin 2007

Des nouvelles de Philippe Taris


Une fois n'est pas coutume, il n'est nullement question de tauromachie dans ce message.
Nos plus anciens lecteurs (ou même les plus récents qui se risquent dans les méandres du site) se rappellent sans doute l'article et la galerie que nous avions consacrés à Philippe Taris.
Ce reporter au journal Sud Ouest à Bordeaux, membre du collectif Get The Picture, avait frappé l'esprit de Solysombra qui, au hasard de ses recherches sur le Net, était tombé sur la magnifique photographie de Rafael de Paula qui a longtemps servi de portada à Campos y Ruedos.
Il est vrai que l'originalité de son travail, la qualité de ses prises de vue et du traitement qu'il leur réserve ont de quoi laisser admiratif. Et ses magnifiques clichés, nous montrant l'Espagne telle qu'il a pu la voir au travers de son objectif, notamment celle des toros, ne pouvaient pas nous laisser indifférents. Dans ses reportages nous donnant une vision originale du Rocío et de la Semaine Sainte, "la vision de l’Espagne du photographe se conjugue [...], de la plus heureuse des façons, avec une conception très aboutie de l’acte photographique."
Depuis quelques semaines, un nouveau reportage, réalisé à Buenos Aires, est disponible sur le site du collectif. Son regard et sa conception photographique y sont immédiatement reconnaissables, et une fois encore le noir & blanc ne souffre pas du voisinage de la couleur tant la maîtrise du premier est grande et toujours employée à bon escient.

Photographies de Philippe Taris, mai 2007, Buenos Aires, Argentine /// Danseurs de tango /// Affiche représentant quelques disparus de la dictature argentine.

20 juin 2007

"Ma première fois" / Bilbao - Feria del Aniversario de la Plaza de Toros



C’est comme une première cigarette, la première fois la tête tourne, le corps vit différemment. Après, on s’habitue. Pour une fois, une première fois sur Camposyruedos, les mots qui suivent racontent une découverte, une rencontre. Il est rare, pour nous qui oublions si vite, de pouvoir lire une première fois, une première corrida. On s’est dit que ça serait sympa de se rappeler et d’écouter, pour une fois aussi, ceux qui viennent aux toros sans rien d’autre que leurs yeux vierges et leur tension profonde. Et si on lit bien les lignes qui viennent, l’on se rend compte que nos yeux d’habitués, de passionnés et de râleurs parfois ne sont pas si loin de ces regards émus qui n’observent finalement qu’une chose, essentielle et première : le taureau de combat.

Bilbao, samedi 16 juin 2007.
Ma première corrida est programmée. Comme toutes les premières fois qui ont ponctué ma vie, un savoureux mélange de stress, d’angoisse et d’excitation me submerge. Quelle effet cela va-t-il provoquer sur moi ?
17h30, je longe l’arène, la tête en l’air, le regard sombre... Impressionnant ! Et puis, il y a du monde ! Bientôt, les stars arrivent. Et oui, il y a des stars au pays des toros... Je l’apprends. Paraît même qu’on raconte leur vie dans la presse à potins espagnole, incroyable. J’ai retenu leur nom : Enrique Ponce, El Juli et Sébastien Castella, magnifiquement parés et gainés dans leurs dorures.
Je m’installe, droite comme un "i" sur la place qui m’a été attribuée, 3ème rang s’il vous plaît, je ne peux rien louper. J’observe, la pression monte... Une analyse sociologique s’impose à moi, au travers de la fumée des cigares, j’aperçois les éventails qui s’agitent, les boissons qui circulent, les décontractés, les guindés, les uniformisés (foulard autour du cou, signe d’appartenance à une peña haut de gamme ?) et l’ensemble de cuivres et de bois qui rythme l’arrivée de tous ces aficionados.
Je découvre enfin les hommes qui ont pour lourde tâche de laisser un souvenir agréable dans ma mémoire. Je les mitraille de mon regard, le président s’installe, me montre son mouchoir... La porte va s’ouvrir !

Le premier toro laboure de son pas lourd et boiteux le sable gris immaculé. Il ne me fait pas grande impression. Il galope un peu autour de la grande cape rose qu’on lui propose, sans conviction. Les trompettes à gauche retentissent et j’assiste à l’entrée en scène de cavaliers en armure chevauchant une monture masquée et protégée avec sophistication. On dirait des Sancho Pança... J’ai un doute. La bête attaque et la première pique est plantée, j’en reste muette, ça me propulse dans le fond de mon siège. Le toro semble surpris mais il y retourne. Brave animal de combat. Les banderilleros se succèdent et décorent le dos de la bête. Ensuite, Ponce se charge de faire ce qu’il peut avec ce monstre affaibli, c’est joli jusqu’au moment où il sort l’épée, mon sang se glace, il plante... C’est fini. Net. Bravo.
Voilà, je sais à quoi m’en tenir, j’ai vu, j’ai supporté. Il en reste cinq à passer. Même pas peur...
L’émotion la plus intense m’est donnée par le 4ème toro, dès son entrée en piste. Je suis impressionnée par cette couleur noire, ce corps bien dessiné, ces cornes magnifiques. Il en impose, il observe, il charge. Il fait couler mes larmes lorsqu’il met à terre le picador, sa monture et tout le toutim (par 2 fois). Respect pour mon signe zodiacal (eh oui !). Enfin un vrai combattant... J’aime ça.
Le sixième et dernier à entrer dans l’arène fait preuve lui aussi de force, de courage et d’instinct de combat... Il est superbe. Malheureusement, Castella gâche mon plaisir et ce joyau au moment de la mise à mort, juste devant mes yeux.
Ainsi s’achève ma « première fois ». Je revis le film pendant des heures et j’attends avec impatience ma prochaine confrontation.
J’ai aimé ? Oui. J’en redemande ? Oui.
Et pour ceux qui imaginent cette aficionada débutante dorer plutôt sur le sable fin... qu’ils préparent ma serviette au milieu d’une arène !
Isa

>>> Retrouvez la galerie de cette corrida sur le site à la rubrique RUEDOS.

18 juin 2007

Des preuves accablantes !


Des vieux cons passéistes et rétrogrades. C’est ce que je me dis lorsque je me remets en question sur ma vision de la tauromachie, ou lorsque j’écoute mes amis aficionados. J’ai écrit aficionados, pas simples spectateurs de féria. La différence entre les deux est largement perceptible et n’est pas aficionado qui veut.
Cette image doit forcement ressortir dans la tête des néophytes qui nous écoutent parler de toros. La question est : comment aujourd’hui leur montrer ce que doit être un toro de combat ?
Qui serait capable aujourd’hui de lire et comprendre Tío Pepe lorsqu’il écrivait sur la lidia, la pique et la bravoure ? Il nous a quittés voici quinze ans et ses derniers écrits ont un décalage d’un siècle avec ce que l’on voit aujourd’hui.
Sans idéaliser les années 80-90 qui nous ont offert leurs lots de déceptions et de scandales, les empresas avaient à cœur d’essayer de présenter des toros de catégorie.
Pour ceux qui, comme moi, ont connu des toros pleins de force, capables de supporter des châtiments immenses à la pique, sans fléchir, tout en gardant suffisamment de force jusqu'à la mort, ceux-là doivent regretter ces temps pas si lointains. Ces toros suscitaient l’admiration, de leur débarquement aux corrales jusqu’au jour de leur sortie en piste. L’impatience et l’attente de voir sortir ces toros étaient fréquentes chez les aficionados.
Comment ne pas penser à ces toros lorsque sorti des corrales d’Arles à Pâques, il était impossible de faire la différence entre les toros du vendredi et les novillos du lendemain matin ?
Que font les membres de la CTEM ? Les callejones et autres invitations les empêchent-ils de s’exprimer ? Que leurs voisins Nîmois, Biterrois, Dacquois et autres ne sourient pas, ils sont sur la même mauvaise direction.

Le premier tiers
Son évolution dans les années 90 a tracé le chemin de sa perte.
La loi Corcuera de 92 : elle a diminué de 2 à 3 piques le châtiment en arène de 1ère catégorie et n’a fait qu’officialiser une pratique courante dans les autres arènes.
Le peto en kevlar : si léger mais sans prise rendait plus difficiles les assauts sur la forteresse montée.
Le dressage des chevaux : il les a aidés à mieux se défendre lorsqu’ils sont sur la tête des toros.
André Viard, qui n’est pas en manque d’idées pour faire parler de lui, a depuis quelques semaines lancé l’idée sur son site de remplacer les piques de toros par celle de novillos et d’utiliser plus fréquemment la pique de tienta.
La revalorisation du 1er tiers est nécessaire mais pourquoi vouloir niveler par le bas ?
Les immondices de bovins que l’on nous propose en corrida et novillada ne méritent, en général, pas le nom de toro bravo. Les résultats d’analyse post-mortem de tous les animaux de la dernière féria d’Arles (Pilar non compris car brûlés) donnent des blessures de pique très superficielles voire nulles. Seul un toro d’Antonio Palla a reçu un châtiment, donc des blessures dignes d’une vraie pique.
Leur faiblesse ou manque de force n’est donc pas dû aux picadors ni aux blessures.
André Viard va certainement me rétorquer que ces mêmes analyses effectuées à Madrid et Bilbao donnent des résultats catastrophiquement opposés.
Ce qu’il oublie de dire, c’est que se sont dans les arènes de première catégorie où l’on pique le plus mal. C’est aussi dans ces plazas que l’on trouve les plus grands, les plus beaux et plus cornus toros d’Espagne. Relation de cause à effet….
Comment comprendre les picadors qui cautionnent et se complaisent dans cette corrida light du quotidien de la temporada ? Voient-ils que leur fin est proche et qu’ils sont certainement les derniers, encore un peu utiles, centaures au castoreño ?
Après tout, combien de toros aujourd’hui, pourraient être toréés sans être piqués ?
Ce ne sont en tout cas pas les blessures constatées en post-mortem ou l’intensité du premier tiers vu des gradins qui me contrediront.

Les toros
Les picadors ne sont pas toujours très bons, certes, mais nos responsables et grands penseurs taurins devraient s’en prendre un peu plus aux éleveurs. Bien-sûr, mettre à l’index les ganaderos sans parler des pressions des apoderados, toreros, empresas serait réducteur et injuste en ce qui concerne l’afeitado.
Pour le physique et le moral du toro, les ganaderos peuvent encore rester maîtres dans leur fincas.
L’évolution depuis 15 ans du physique du toro de combat ne fait à ce jour plus de doute. Une fois encore, les carcasses des toros en disent long sur le sujet.
Le poids en canal, ou poids en carcasse en bon français, a toujours servi de référence pour contrôler les poids vifs de chaque toro.
Ce poids en canal pour le toro de lidia était, il y a peu, de 50% du poids vif.
Chez les bovins domestiques (viande), ce rapport est de 65 %. La sélection poussant à l’optimisation du volume de viande, les animaux domestiques augmentent le pourcentage du poids en canal.
L’équilibre du toro a été inversé. Le poids s’est déporté sur l’arrière train. Le toro a perdu de sa superbe, de son port de tête altier afin de mieux pouvoir la baisser, afin d’humilier comme « ils disent ». Seulement, la force, le toro l’a toujours eue sur les épaules, pas sur les cuisses. La conséquence directe de cette métamorphose est le manque de force du toro et son incapacité à s’exprimer au cheval. La transformation est telle que lorsque sort un vrai toro (yonnet de la concours d’Arles 2004 ou les 3 Sánchez-Fabrés de Saint-Martin 2007), les spectateurs s’étonnent du gabarit de tels animaux.
Le toro de combat d’aujourd’hui se rapproche à grand pas du ratio des bovins domestiques (58 à 62 %). Tout ce qui faisait la beauté du toro de lidia a été réduit : le cou, les cornes, la tête, les pattes, le poitrail...
Si l’on rajoute à cela le peu de combativité et de force à prendre les piques... il n’y pas loin du raccourci à maltraitance à animaux domestiques.
L’ANDA se bat pour la défense du taureau de combat depuis toujours mais aujourd’hui défendre ça, ne comptez pas sur elle.
Au contraire des grands penseurs de la mouvance actuelle, qui voient la fin de la corrida se pointer avec les gros sabots des antis, nous pensons que le danger vient de chez nous.
Les taurinos sont plus habiles, mercantiles et forcement peu intègres pour défendre notre patrimoine.

La disparition de la corrida, telle qu’elle existe, est annoncée pour demain. Son déclin a déjà commencé sournoisement. Les vérités contrôlables et quantifiables citées ci-dessus, ne sont que des preuves accablantes.
Laurent Giner
Président de l'ANDA

Photographies des novillos de Sánchez-Fabrés (Coquilla) lidiés à Saint-Martin-de-Crau en 2007.

>>> Voir aussi la galerie Hros. de Alfonso Sánchez-Fabrés sur le site.

Dimanche matin...


... quelque part sur une aire d'autoroute, entre La Junquera et Barcelone...

Quelques heures plus tard, une clameur. Vous noterez que tout le monde n'a pas accepté de se faire dépouiller par la revente. Malgré le "No hay billetes" à la taquilla, plusieurs places vides. Pour le reste, il met toujours son corps là où les autres mettent leur muleta.

17 juin 2007

"Mirandilla" ou l'agrotourisme intelligent - Marqués de Albaserrada 2007


Pousser le portail de "Mirandilla", à Gerena (province de Séville), c'est pénétrer dans une ganadería vieille de plus de quatre-vingt-dix ans. L'histoire de l'élevage du Marqués de Albaserrada, ou plutôt des deux élevages qui ont été successivement annoncés sous ce nom, est trop connue des aficionados pour qu'il soit besoin de s'y attarder. On sait notamment que le sang originel, constitutif d'un encaste à part entière, se retrouve aujourd'hui principalement dans les ganaderías de Don José Escolar Gil, d'Adolfo Martín Andrés et du plus connu de tous, Victorino Martín Andrés.
La ganadería actuelle de José Luis de Samaniego, créée en 1947 par le père de l'actuel propriétaire à partir de bêtes d'origine Juan Pedro Domecq (à dominante Veragua) acquises auprès de Rafael Romero de la Quintana qu'il croise avec du bétail de Isaías y Tulio Vázquez, ne contient plus rien du sang de l'encaste créée dans la première partie de son histoire. Le sang éponyme de l'élevage sera promis à un brillant avenir entre les mains du fameux sorcier de Galapagar.
L'élevage du Marqués de Albaserrada connaîtra son heure de gloire le 12 octobre 1965, lorsque le novillo 'Laborioso'1 sera gracié dans les arènes de Séville, ce qui reste à ce jour le seul cas d'indulto accordé à la Maestranza (sans doute pas pour longtemps...). Au cours de ses dix années d'activité de semental, il sera à l'origine de trois cent soixante-dix naissances. On peut sans doute le considérer comme le reproducteur le plus important de l'élevage, dont l'ombre et le souvenir sont encore palpables dans la finca plus de vingt ans après sa mort, tant sont nombreux les témoignages qui lui sont consacrés.
Au-delà de l'intérêt historique et de celui de découvrir un élevage dont les origines (Domecq-Pedrajas, dans des proportions que l'on renonce à quantifier) présentent un intérêt certain pour l'aficionado, visiter "Mirandilla" est un véritable bonheur pour les yeux : les bêtes sont superbes, le campo magnifique et le cortijo un modèle d'élégance et de pureté à l'andalouse.
Visiter cette finca, c'est aussi aller à la rencontre d'un Français qui, en avril 1992, décida de quitter la cité du crocodile et du palmier pour s'installer en Andalousie dans le but, comme il l'écrit lui-même, "de se rapprocher du taureau". C'est là qu'il tue son premier novillo, crée un élevage de taureaux de combat - sur lequel nous espérons avoir un jour l'occasion de revenir en détail - et écrit son premier ouvrage consacré au toro2. Mais surtout, c'est dans cette Andalousie qu'il découvre "Mirandilla" et les toros du Marquis. Très rapidement, un projet d'agrotourisme taurin voit le jour, pour faire découvrir aux aficionados (des plus novices aux plus expérimentés) les charmes de cet élevage prestigieux, et de l'élevage de toros bravos en général.
Réussir à se faire une place - lui le francés - dans ce campo certes accueillant mais peu œcuménique en dit beaucoup sur la légitimité qu'il a pu acquérir grâce à ses connaissances et, surtout, à son grand sens pédagogique. Sans jamais sombrer dans une vulgarisation exagérée, ni renier ses convictions "toristas", Fabrice Torrito a réussi le pari risqué qui consistait à participer à ue structure d'agrotourisme centré sur l'élevage de taureaux de combat. L'entendre parler de toros à de parfaits débutants (qui repartiront comblés et sous le charme, ravis d'avoir eu l'occasion de se voir dispenser un petit cours dans une matière habituellement réservée à la langue espagnole - avec prononciation andalouse...) procure une joie rare et le sentiment que tout n'est peut-être pas perdu.
La joie de visiter le campo sans contrainte, et la liberté qu'elle procure, font souvent voir d'un œil méfiant la création de structures de ce type. Les écueils sont d'ores et déjà nombreux en la matière, qui nous font appréhender le concept avec une certaine dose d'amertume ; nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir. Mais il faut saluer ici une approche à la fois authentique et originale, dont la concrétisation ne souffre aucun reproche. Cela s'explique avant tout par la personnalité de Fabrice Torrito et la volonté qui l'anime. Ce qui rend la reproduction du modèle difficilement réalisable.


1 Pour l'anecdote, 'Laborioso' est aussi le nom du toro du retour de José Tomás dans les ruedos ce 17 juin 2007.
2 Toro : Cinq années de mystère, cinq mille ans de culte, mars 2004 (retirage septembre 2006). A noter que le livre a obtenu la Plume d'Aigle de l'ANDA en 2004. Le nouvel ouvrage de Fabrice Torrito (plus spécialement déstiné aux enfants) vient d'être publié. Je tâcherai de vous en dire davantage quand j'aurai réussi à me le procurer dans mes contrées lointaines et très peu taurines...

16 juin 2007

¿Sólo para aficionados? Le retour de José Tomás (III)


Dans un article paru dans la revue Toros*, François Bruschet citait ces quelques mots écrits par Bartolomé Bennassar à la suite de la corrida du 28 mai 1998, à l'occasion de laquelle José Tomás marqua une fois encore les esprits par l'une de ses faenas qui comptèrent à Las Ventas :

"Ce n'était pas un rêve. Jadis ou naguère, au cours de cette vie, nous avons vu toréer de cette manière, non la seule sans doute mais celle qui porte en elle l'essence du toreo."

Demain, tous les regards seront tournés vers la Monumental de Barcelone (une fois n'est pas coutume) dans l'espoir sans doute un peu vain qu'au centre de son ruedo une partie du voile se lève sur le mystère José Tomás. Même si l'on peut regretter, sans s'en étonner, que des toros de Núñez del Cuvillo aient été retenus pour ce retour tant attendu, le rendez-vous est important.

Suerte Solysombra, à toi et à tous ceux qui communieront dans le culte du "tomasisme" retrouvé.

* N° 1628-1629 du 31 mai 2000, pages 2 et 3.

Photographie de Juan Pelegrín prise le 1er juin 2001 et tirée de la deuxième galerie de l'artiste présentée sur Camposyruedos.

15 juin 2007

Scoop !

"Messieurs, soyez saouls, mais soyez saouls comme des Polonais". L’aphorisme est connu et la légende l’attribue à l’empereur Napoléon Ier. Le contexte et la véracité du propos restent flous voire même mystérieux (certains situent l’épisode lors de la campagne de Prusse, d’autres durant la bataille du col de Somosierra en 1808) mais cela a finalement peu d’importance et seul le sens compte aujourd’hui. Cet appel à la dignité dans le combat et à la maîtrise de soi en toute circonstance... De Napoléon à "Naboléon" il n’y a qu’un pas, ou plutôt, excusez la méprise, que quelque verres de vodka... que notre nouveau Président de la République semble avoir du mal à supporter si l’on en juge par sa conférence de presse tenue au sortir d’un entretien avec le grand démocrate russe Vladimir Poutine au sommet du G8.
La polémique autour de cette conférence fait rage sur le Net et chacun y va de son commentaire et de son analyse. "Etait-il réellement saoul ?" est la question qui revient avec le plus de fréquence.
Chers amis lecteurs, la vérité d’un si grave sujet mérite la lumière et nous sommes en mesure, ici à Camposyruedos, d’appuyer sur l’interrupteur du vrai, d’éclairer en quelque sorte des interrogations qui hantent vos nuits, nous l’imaginons.

THE SCOOP
Oui, Nicolas Sarkozy était saoul ! Oui, il a abusé de la vodka avec l’inégalable clown triste qu’est Poutine ! Oui, oui...
Pourtant, un voile opaque persiste à s’étendre sur les raisons de cette cuite. Car elle a ses raisons et louables de surcroît !

REVELATIONS
Nicolas Sarkozy a achevé la lecture du "Soleil se lève aussi" la veille des résultats de l’élection présidentielle. Lui qui ne lit jamais de roman s’est senti transporté par cette histoire d’amitié écrite par l’Ernest, autre grand biberoneur devant l’éternel. Le Président, dans sa volonté affichée de se montrer partout, a donc décidé de participer aux prochaines sanfermines qui débuteront le 6 juillet à midi, Plaza Consistorial, à Pamplona. Selon des sources proches du pouvoir, sources d’eau plate évidemment, il aurait demandé à ses plus proches conseillers de se renseigner sur les fêtes de Pamplona pour pouvoir en profiter au mieux et surtout pour pouvoir s’y montrer beaucoup et à tout moment au milieu du peuple en liesse. Apprenant l’existence d’encierros célèbres courus le matin à 8 heures et... filmés, il a renforcé son entraînement pour le footing. Les Français ont d’ailleurs pu apprécier sa foulée si légère pendant la campagne présidentielle. Il se murmure même que son préparateur spécial serait Julen Madina, la légende vivante de l’encierro que de malveillantes peñas del sol avaient moqué à propos de son site Internet - expliquant comment courir l’encierro - renommé par elles http://www.julenmadina.cincocornadas.com/ (le jour où Madina s’était fait embroché par un Jandilla). En outre, afin de mieux comprendre ce qu’est un taureau de combat, il s’est rendu entre les deux tours des élections présidentielles dans un élevage de taureaux... camarguais avec force photographes autour de lui. La préparation prenait donc corps.
Enfin, entouré de conseillers zélés et dévoués au possible, il a choisi comme coach de la cuite, car Pamplona rime avec alcool et cuite intersidérale, celui qui était le mieux placé pour le guider sur les chemins d’orgiaques ivresses, j’ai nommé le successeur du champion du monde toutes catégories de la picole (feu Boris Eltsine) : Vladimir Poutine. Il ne paye pas de mine le sombre dirigeant russe mais il a, paraît-il, un levé de coude fabuleux et un foie de canard gras des Landes... En Russie on le surnomme « Spontexovitch ». Qui mieux que lui pouvait en apprendre tant à notre cher Président ?
Le 6 juillet approche à grands pas, ya falta menos, et, au regard de cette vidéo, il semblerait que notre protégé soit sur la bonne voie pour se montrer sous un bon jour en Navarre...
Voilà, chers amis lecteurs, vous savez tout maintenant, la vérité est au grand jour.
Pourtant, permettez-nous de faire quelques reproches aux médias français qui ont, pour des raisons inexpliquées évidemment, omis de montrer cet extrait de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy. Que ce soit les télés ou les journaux, bien peu ont repris la nouvelle et je suppute, avec le soutien (j’imagine et je l’espère) de confrères du Net taurin, qu’il s’agit-là encore une fois d’un ostracisme marqué du fer de l’anti-taurisme qui gagne sans cesse du terrain dans l’opinion publique et qui doit nous contraindre à l’union et à la vigilance de tous les instants...

A propos du silence des médias français sur cette conférence de presse, lisez l'article paru dans Le Canard enchaîné, n° 4520 du 13 juin 2007, "A la Tchétchène Etienne !"

14 juin 2007

Le blog de Manon

Notre ami Manon vient d’ouvrir son blog. ¡Enhorabuena Manon! C'est par là...

13 juin 2007

Mise à jour Campos y Ruedos

Mise à jour du site avec une galerie sur la ganadería de Sánchez de Ybargüen (cliquez sur le logo)...

12 juin 2007

Oui ! On peut le faire !


Mais si ! Avec un petit effort, on peut revenir à ça ! Ah le bon vieux temps...

Plaza de Toros de Valencia, 1954 (César Girón) / Photo extraite d'un n° d'Aplausos des années 1980.

10 juin 2007

"Merchan... dising"

On la croyait éteinte, moribonde sa revue. Comme beaucoup d’autres. C’est dans l’air du temps.
En France, ce qu’il est convenu de nommer la "presse taurine" ou "presse spécialisée" subit les affres d’un mal qui semble irréductible - malheureusement a-t-on envie d’écrire.
La Toile dévore lentement mais sûrement les derniers papelards qui causent de corridas. Les sites d’information taurine se multiplient en même temps que les blogs connaissent une croissance exponentielle. Chacun s’exprime et pique un peu de place à ceux qui traditionnellement donnaient le "la" de la temporada. C’est ainsi, la rapidité, voire l’instantanéité, de l’un rend presque dérisoire la parution d’une revue quinze jours ou plus après une course. Les deux médias marchent sur un même terrain, l’un a tout simplement les jambes plus longues et chausse bien plus grand. Si l’on fait rapidement le compte, il ne reste que bien peu de revues dites tauromachiques en France ayant cette vocation de "reseñer" les courses et d’annoncer celles qui viendront. Plaza, Planète corridas, Le courrier de Céret, Semana Grande, Toros et Toros, sol y moscas, qui vient donc de renaître en ce mois de juin 2007 après 10 mois de coma. A y regarder de plus près, c’est le Sud-Ouest qui pâtit le plus de cette mort annoncée. Pendant 10 mois, notre région a été orpheline de toros sur papier glacé. Tendido (Mont-de-Marsan puis Dax) a, semble-t-il, rendu définitivement les armes alors que Toros, sol y moscas (Ahetze) paraissait s’asphyxier dans le silence. Ne restait que Semana Grande (Pau), petit feuillet jaune sale dont la vocation est la diffusion hebdomadaire d’une information large, quasi exhaustive même, pour partie empruntée à un gros site Internet espagnol mené par la casa Domecq, Mundotoro pour ne pas le citer. Le Sud-Ouest était donc orphelin, je le maintiens !
Oui, le Net est une des causes de cette disparition à pas comptés. Il est d’ailleurs aisé de comprendre qu’un accès gratuit (pas toujours cependant) à l’information, en temps réel, attire plus l’amateur que le fait de devoir sortir du portefeuille 4, 5 ou 6 euros pour obtenir une noticia semblant identique, et, donnée avec un inévitable retard. C’est humain et les temps ne concourent pas aux dépenses superflues ni surtout à la patience dans une société tout entière vouée au culte du vite, dans laquelle tout doit être facile à comprendre et bien-sûr à consommer. Le Net est donc plus facile d’approche et d’accroche et en ce qui concerne les "grands sites" d’information taurine, il suit assez bien la tendance actuelle du public de corridas, ne parlant de toros que de loin, vantant les mérites de la véronique de tel génie ou s’ingéniant souvent à ne promouvoir la tauromachie que sous l’aspect d’un spectacle où le triomphe est la règle et où l’émotion est sans cesse aux quatre coins du ruedo, un peu comme dans ces émissions à la mode pondues par la télévision dans lesquelles il faut pleurer, être ému et surtout ne pas se prendre la tête. Ça ne mange pas de pain, ça plaît aux visiteurs et tout le monde il est content.
Mais Internet a d’autres avantages et d’autres ressources qui demandent que l’on fouille, que l’on s’y perde, que l’on bataille. On lit chez quelques-uns que les blogs ne sont que de vulgaires objets d’amusement orchestrés par des types qui voudraient être à la place du vizir ou qui n’ont pas les connaissances techniques pour créer un vrai site digne de ce nom. Sans vouloir défendre une chapelle dans laquelle j’officie de temps en temps, j’ai le sentiment que certains blogs permettent aussi à de vrais aficionados de s’exprimer et de dire ce qu’est leur afición, comment il la vivent et comment ils la ressentent. De partager en somme ! Ça prend du temps, ça oblige à écrire, à réfléchir sur sa passion, à s’interroger. Ce n’est donc pas tant misérable que certains nullards voudraient le faire croire aux personnes qui visitent soi-disant leur "vrai" site Internet. De toute façon, il en est des blogs comme des sites et comme des revues. Il y a de tout, à chacun de faire son tri et à chacun aussi de remettre les choses à leur juste place. Comment en vouloir à un jeune aficionado mordu de toros de vouloir créer un petit espace dédié à sa passion ? Il ne fait de mal à personne et n’empêche personne de vivre. Je ne crois pas à cette thèse du danger (pour la vraie presse taurine - celle qui fait encore des critiques et qui traite de toros) des blogs taurins qui fleurissent actuellement. Même les meilleurs n’ont pas un écho suffisant pour espérer avoir un poids réel sur le public. Les blogs les plus sérieux tournent souvent en vase clos (il suffit de regarder les liens de certains blogs "toristas" espagnols). Leurs animateurs sont des passionnés défenseurs de la Fiesta et de toute façon certainement peu enclins à lire les revues spécialisées proposées sur le marché. Ce n’est pas ce lectorat qui manque aujourd’hui à la vraie presse taurine agonisante, ce lectorat écrit seulement ce qu’il voudrait lire et qu’il ne trouve quasiment nulle part tant les revues taurines version papier sont affligeantes de lieux communs, d’antiennes stéréotypées et d’odieuse sujétion. C’est peut-être là aussi que meurt la vraie presse taurine. Dans la concurrence d’autres revues se disant taurines et qui ont pour ligne de conduite un abandon volontaire de leur rôle critique, se muant de manière certaine en une série de titres placardant trois photos de la nouvelle star de la tauromachie (montée par eux au pinacle), deux textes de journalistes à la parole divine, qui multiplient leurs interventions comme Jésus les petits pains. Cette "presse taurine"-là, qui se nomme critique, vit aussi en vase clos dans lequel on retrouve toujours les mêmes donneurs de leçons ; ils sont souvent le dos collés à un mur de callejón. Ce vase clos a pourtant plus d’écho du fait même de cette omniprésence incessante de ces zozos que l’on relit dans la presse régionale, que l’on doit écouter dans les radios locales ou dans les tertulias modernes. Ce sont les "pointures" de la critique taurine qui ont abandonné bien de leurs convictions sur l’autel du copinage et de l’autosatisfaction matinée de mépris pour certains secteurs (trop exigeants) de l’afición. L’aficionado a los toros lambda est le dernier à lire la vraie presse taurine mais combien sont-ils en tout ces aficionados-là ? Bien peu il faut l’avouer. L’amateur lambda, celui qui va aux courses une fois par an pour voir à quoi ressemble une oreille de toro ou tout simplement pour passer un bon moment (et il a raison), ne lit pas cette presse car il s’en fout.
Et l’entre-deux, que lit-il ? Il lit l’autre, la soi-disant parole officielle qui est nulle et qui ne sert à rien, sauf peut-être à organiser des soirées de fin de temporada au cours desquelles on s’ébahit de remettre un prix à une star de l’escalafón pour la faena dont on "se souviendra dans 500 ans". Ils courent les férias et les cartelazos, se moquent de savoir d’où débarquent les toros en piste, viennent parce qu’ils ont lu sur le plus grand site Internet du monde et de l’univers que tel torero était énorme et qu’il allait triompher toute la saison si les toros ne l’en empêchaient pas. Salauds de toros ! Ils viennent aussi pour passer un bon moment (et ils ont raison) et parce que cela leur plaît... et c’est bien. Ce sont eux surtout qui lisent ces torchons sur papier glacé qui ne leur diront que ce qu’ils veulent entendre : les parfums débouchés par un génie gitan, la mort sin puntilla d’un toro collaborateur (oh le vilain mot), l’ambiance géniale de la féria, bref, que des choses sympas et qui disent que les toros vont bien et qu’ils ont vu un truc extra-ordinaire.
Elle vient de là, aussi, la mort de la vraie presse taurine et elle semble inéluctable tant le pendant Internet des nullités à la mode prend le même chemin.
Quand Tendido a disparu l’an dernier, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les éditos de Dubos. Quand Toros, sol y moscas a plongé dans le noir, j’ai été déçu et triste de ne plus pouvoir lire les textes de Régis. J’ai été déçu en allant chez le marchand de journaux de n’y voir que les survivants, Plaza, Planète corridas ; j’ai été déçu et triste car la tauromachie se vit aussi dans d’intelligentes et impertinentes lectures. Il ne restait plus que Toros, section Sud-Est. C’était bien maigre, vous en conviendrez. Il a fallu s’en contenter.
Aujourd’hui, je suis content de revoir Toros, sol y moscas collé aux fesses des autres. Merchan, on en pense ce qu’on veut, certains le haïssent, d’autres s’en moquent, mais il est là, il persiste, difficilement j’imagine, il continue sa petite aventure, de mots piquants et coups de gueule, il parle encore de toros, ça irrite beaucoup et c’est tant mieux comme ça. Le reste, on ne lit pas !

07 juin 2007

"Bonjour tristesse"


À Vic-Fezensac, les Barcial, poils blancs sur le front, formèrent un lot à la présentation d’ensemble très acceptable mais décevante malgré tout pour cet élevage, en raison, notamment, de trois toros — 2, 5 et 6 — aux cornes en forme de "pinces de crabe", sans parler du 1er pas franchement net. Sauf omission, tous s’approchèrent des burladeros sans les esquinter. Tous s’élancèrent prestement au cheval (les yeux soigneusement bandés) et subirent, à l’exception du 4, la "première pique assassine" (trasera, carioquée, longue, rectifiée parfois), équivalant à deux voire trois piques, orchestrée sans contrariété (ça sert à quoi un alguazil ?), par 6 picadors saboteurs et cyniques. Comme de coutume, les toros sortirent du tercio le morrillo impeccable ; foutu peto-blindage qui autorise les picadors à ne plus (savoir) déplacer leurs montures, à ne plus s'engager, avant contact, dans la suerte, à ne plus défendre le cheval contre la corne ! Aucun matador ne crut utile de proposer de quites... Aucun toro ne crut nécessaire de poursuivre les banderilleros jusqu’aux planches. Tous les Barcial baissèrent le mufle sans mauvaises manières ; ils ne cédèrent pas un pouce de terrain et se pointèrent, sans surprise, la gueule fermée à la suerte suprême.

Afin de pouvoir juger valablement leurs prestations lors du dernier tiers, les Vega-Villar auraient mérité des lidias autres ; étant entendu que toutes les cuadrillas firent ce qu’il fallait pour rendre moribonds des toros aux comportements, de fait, faussés et trompeurs. Des toros que les matadors auraient souhaité voir, après leur honteuse et insultante entreprise de malfaisance, comme par enchantement, "donner du jeu", "servir", "collaborer", etc. Les toreros, solidaires dans leurs agissements coupables, et tous les toros, bien malgré eux les pauvres, nous infligèrent une farce taurine au cours de laquelle danger et émotion choisirent de rester au chaud, à l’abri des intempéries... Puisque les premiers avaient écrit le scénario bien avant le paseíllo...

Mais que leur passe-t-il donc par la tête ? De quoi est constituée leur afición ? Pourquoi tant d’irrespect vis-à-vis de ceux qui font ce qu’ils sont, à savoir les toros et les aficionados ?

'Batanerito', les cornes sales dont la gauche suspecte, porte une queue courte. Il reçoit "officiellement" deux piques et Denis Loré, chef de lidia transparent toute la tarde durant, l'étouffe d’emblée, avance timidement la jambe lors du premier passage pour mieux la reculer ensuite et oublie souvent les trois temps censés composer une passe un tant soit peu classique et profonde — remarques valant pour ses compagnons de cartel. 'Batanerito', les cornes escobillées (?), veut dire au Nîmois qu’il peut en finir maintenant mais ce dernier, sourd et lourd, s’acharne pathétiquement.
'Batanerito I', je ne le trouve pas beau depuis mon tendido. Tel un gros chat, il chasse le dos bombé et cherche, de façon désordonnée, à atteindre le "mulot" Rafaelillo. Au 1er tiers, pas regardant sur la qualité, il demande du rab et, veinard, on lui sert une troisième assiette. Bien que 'Batanerito I' (aussi maso qu'un aficionado a los toros) partit trois fois au cheval avec un allant de bon aloi , le Murciano "décide" de l’emmener au toril et de l’y tuer en sortant au centre ! Le Vega-Villar, dans un excellent castillan de Salamanque, veut l’en dissuader mais le petit blond frisé et têtu, sourd et lourd aussi, s’en contrefiche éperdument.
'Cararoso', rizado de morrillo et très bien armé, me tire un sourire ; c’est un toro con trapío. Lors de la deuxième rencontre, il pousse en mettant les reins tout en distribuant des coups. Le public qui veut de la distraction enjoint Sánchez Vara à banderiller ; puisse-t-il, le même public avec la même ferveur, lui demander tout à l’heure de diriger la suerte de vara dans les règles ? 'Cararoso' goûte peu le pico de la muleta et le toreo fuera de cacho du gars de Guadalajara qui loge, par chance, une estocade foudroyante. Dans leur grande mansuétude, en oubliant le déroulement du 1er tiers au moment d’agiter le poignet, d’aucuns réclament une oreille que la présidence accorde généreusement.
'Coleterón', une estampe musclée et caillée, se trouve être LE toro con trapío de la course ; ça tombe bien, les angelures me guettaient ! Mais, pas de bol, sa patte avant droite déconne. Des spectateurs impatients frappent dans leurs mains... Une fois n’est pas coutume, nous n’assisterons pas à une "première pique assassine" complète vu que le patas blancas se charge, la pique dans le dos (et avec poder ?), d’envoyer bouler Riboulet Olivier d’un croche-patte vengeur. L’insouciant picador, éleveur de taureaux de combat de son état (!), avait osé lui présenter, sans nul doute dans un moment d’égarement, le poitrail de son cheval ! Et comment allait-il s’y prendre pour exécuter la funèbre carioca ? Second tiers express, c’est ce que j’apprécie quand officie le matador non banderillero, puis 'Coleterón' semble faire non de la tête et trouver le travail laborieux. Il finit par le dire au Nîmois qui se vexe et l’occit laborieusement, fort logiquement.
'Lunarito', cárdeno lucero, est particulièrement enmorrillado. Rafaelillo l’accueille par des véroniques sympas. Ça chahute et ça tangue, le picador profitant exagérément des "qualités" de la cavalerie. Par deux fois, le petit blond frisé m’agaça en sortant du mauvais côté du cheval en conclusion de ses mises en suerte. La troisième pique n’est pas dégueux, parce que dosée (?), tandis que la lidia, elle, atteint des sommets de médiocrité. Après un brindis déplacé au public, Rafaelillo, vulgaire face à ce toro qui ne l’est pas, aurait dû finir sa soirée à l’hôpital d’Auch : c’était, heureusement, sans compter sur la vigilance du callejón et des gradins. Fin pénible avec avis et un toro (de plus) gâché.
'Rosito' ne porte pas de bas blancs mais une queue courte, lui aussi, bouclant ainsi la boucle. Sánchez Vara, gonflé à bloc, le reçoit par une larga à genoux le long des planches. Lors de deux rencontres — la première du centre (?) — sous les lazzis, 'Rosito' s’élance sans se faire prier vers le picador, dont je ne sais s’il se fait réellement ballotter ou s’il soutient vaillament la charge de l’animal faiblard qu’on a vu trébucher auparavant. Après que Sánchez Vara s’est fait prier, lui, pour banderiller — la capacité d’amnésie du public me sidèrera toujours —, le voilà qui choisit de poser une de ses paires précisément du côté où les péons sont aux abonnés absents ! Il fut long et énergique bâtons en mains ; il est expéditif et las avec le drap où il distille un copier-coller abrégé de son toreo de verdad... Il plie bagages après 2h17 de course.

Occupé à partager mon désarroi, je ne pris même pas la peine de huer les 12 piétons (et les 6 fins cavaliers mais, pour eux, j’avais déjà donné !) qui, pourtant, le méritaient plus que largement.

Image Bonjour tristesse (photo de ?), immeuble d’habitation berlinois (1984) de l’architecte portugais Álvaro Siza (Prix Pritzker 1992), affublé peu de temps avant sa livraison d’un tag Bonjour tristesse réalisé "à l’arrache" mais avec un style certain par un plaisantin, poète sur les bords, qui, plus de vingt ans après, pourrait bien voir son œuvre se prolonger sur les façades des arènes de France et d’ailleurs... Qui aime bien châtie bien !