Les résultats bruts des expertises réalisées le 15 octobre 2005 par les vétérinaires de l'AFVT sont en ligne sur le site de l'ANDA. Vous pouvez les consulter ici.
17 décembre 2005
Résultats
Les résultats bruts des expertises réalisées le 15 octobre 2005 par les vétérinaires de l'AFVT sont en ligne sur le site de l'ANDA. Vous pouvez les consulter ici.
14 décembre 2005
Cano... Linares, Manolete, Dominguin... (II)
Paco Cano se lança entièrement dans la photographie taurine à partir des années quarante (1942). Faire le compte du nombre de clichés qu'il fit donne le vertige ; lui-même le déclare.
"Calculez que je vois environ cent quinze corridas par temporada et que je fais quatre ou cinq pellicules par tarde. Si vous faites le compte du nombre de photos, ça tourne autour du million... beaucoup en tout cas. Je crois que j'ai la meilleure archive photographique d'Espagne actuellement".
Tout au long de l'interview, Cano parle peu des toros mais beaucoup des toreros qu'il fréquenta au plus près car "à cette époque les toreros appelaient un photographe quand ils avaient besoin de photos et on restait 15 ou 20 corridas avec eux. J'ai voyagé avec pratiquement toutes les figuras. Avec Pepe Luis (Vázquez), Cagancho, Luis Miguel (Dominguin), Parrita, Ortega... Parrita fut un ami intime, on avait commencé ensemble, nous nous entraînions dans la placita de Marcelino qui était à une centaine de mètres de Las Ventas".
Le photographe est friand d'anecdotes et semble être très fier d'avoir pu fréquenter les personnages les plus illustres de son temps. Il évoque les actrices Ava Gardner, Ryta Hayworth, le réalisateur Orson Welles mais également le caudillo lors d'une fête organisée à El Toruño, chez Guardiola, au sujet de laquelle il se souvient qu'"à un moment, Arruza me prit l'appareil et dit : "Maintenant, que torée le photographe !". Je fis un quite et Franco me félicita".
Cependant, un souvenir, douloureux, est récurrent au milieu du flot des mots. Linares, 28 août 1947. "J'accompagnais Luis Miguel Dominguin. On ne se parlait plus à cause d'une histoire de factures jusqu'à ce que l'on se rencontre à El Pardo lors d'un festival qu'organisait Doña Carmen Franco. Il me prit à part et me dit que tout était réglé et que je devais le suivre pour le voyage. La première corrida fut précisément celle de Linares. Le matin, j'ai été aux arènes voir les toros, avant l'apartado. Après, je me souviens que je suis allé à l'hôtel Cervantes ; je me souviens qu'il y avait une grande discussion devant la chambre de Manolete [...]".
Cano faillit ne pas assister à la corrida l'après-midi, en tout cas depuis le callejón. "Un délégué ne voulait pas me laisser passer mais le gouverneur intercéda en ma faveur". La corrida terminée, il envoya les pellicules à Madrid comme le lui avait demandé Don Antonio Bellón dans le train. Evidemment, à cause de l'accident mortel de Manolete blessé par le toro 'Islero' de Miura, les photos furent très demandées et prirent de la valeur.
"Chez moi, c'était un défilé de journalistes qui voulaient m'acheter le reportage. Il fut publié en partie dans "El Ruedo" et "Digame". Je me souviens qu'ils voulaient me les payer 20 duros, je refusais. J'ai même cherché un avocat mais nous arrivâmes à un accord. Celui qui se comporta le mieux fut K-Hito qui me paya ce que je désirais".
D'ailleurs, toutes les photos ne furent pas publiées à l'époque et Cano revient sur l'une d'elles : "cette photo m'a coûté une fortune. Des personnalités du monde entier voulaient me l'acheter, même Lupe Sino. Ils venaient à la maison pour la voir et chaque fois je devais ouvrir une bouteille de vin et offrir des pinchos. Elle était comme mon trésor professionnel".
Pour Cano, Manolete fut son meilleur sujet. Il vante son naturel et la droiture qu'il avait face au toro. Cependant, il avoue aussi son admiration envers Luis Miguel dominguin : "J'ai une anecdote intéressante à son sujet. On m'appela pour faire un reportage à l'un de ses retours d'Amérique. Nous étions entourés de diverses personnalités et amis, et, en trinquant, un invité dit à Luis Miguel : "Oye, Miguel, quel bon ami tu as avec Canito ! Combien il t'aime !" Celui-ci lui répondit : "Non, attention! Canito n'est pas net !" Le silence se fit et tout le monde me regarda.
Je compris ce qu'il voulait dire et je l'expliquais aux convives : "Ce n'est rien. Luis Miguel a raison, il sait pourquoi et moi aussi. Je suis partisan de Manolete. Nous étions amis, je l'admirais mais j'étais partisan de Manolete."
Cano est peu prolixe sur les toreros et le monde des toros actuel. Il semble, dans l'interview, être figé dans sa mémoire. Quand on le croise parfois lors de certaines férias espagnoles qu'il continue de couvrir, on reste pantois de sa vitalité et de ce grand sourire collé sur ce petit corps. Photographe de l'instantané, ses photos ne sont pas, à mon sens, de grandes oeuvres d'art (comparées évidemment à d'autres maîtres de la photographie taurine) mais son oeuvre est pour le moins impressionnante, une somme pharaonique dans la focale de l'Histoire.
Aplausos, n° 496, 30 mars 1987.
Aplausos, n° 497, 6 avril 1987.
Les deux dernières photographies sont extraites d'un journal de l'époque, celle de droite est de Cano.
Cano... les débuts (I)
Sur un site consacré en partie à la photographie taurine, comment ne pas évoquer la vie et l'oeuvre de Francisco Cano, doyen de cet art ? Surnommé "Canito", ses clichés sont des témoignages inestimables sur la corrida des années 1940 à nos jours. Une ethnographie du monde des toros.
En parcourant d'anciennes revues espagnoles, j'ai retrouvé une longue interview du maître dans laquelle il conte sa vie et évoque sa passion, les toros, et peut-être surtout, les toreros qu'il côtoya et dont il fit partie un court instant.
Fils de Vicente Cano "Rejillas", novillero sans gloire, Paco Cano donna ses premières passes à 13 ans, à un novillo échappé de l'abattoir. "Quand ils l'attrapèrent et le ramenèrent à l'abattoir, ils décidèrent de le toréer. [...] Mon père se mit devant et puis finalement, je lui ai donné quelques passes avec un sac. Je me suis senti plus apaisé que jamais, une sensation que je n'ai pas éprouvé depuis". Sobresaliente à Alicante, puis matador alternant avec un certain Faraón dans les pueblos de la région, c'est la guerre (civile 1936-1939) qui interrompit sa carrière. " Durant le conflit, j'ai eu deux contrats. D'abord une novillada à Orihuela organisée par la F.A.I. et puis une autre à Alicante, celle-ci montée par le Parti Communiste. Je me souviens que j'étais à la maison et qu'arriva une camionette de miliciens qui demandaient après moi. Ma mère s'inquiéta beaucoup mais quand j'entendis qu'ils voulaient m'engager, je sortis et je leur dis qu'il n'y avait aucun problème. Dans cette novillada, j'ai reçu une cornada dans les testicules et quand j'ai pu à nouveau marcher, je me suis rendu à Madrid, accueilli chez un ami, Gonzalo Guerra Banderas".
Après la guerre, il effectua une trentaine de contrats mais sa carrière végétait. Et la photo ? Quand est-elle apparue ?
"Tout commença avec Gonzalo qui faisait des photos couleurs ; il était chimiste, passionné par la photographie. A nous deux, nous achetâmes deux tubes de métal sur lesquels nous installèrent un objectif. [...] Ceux qui me voyaient riaient. Mais un jour à Madrid, lors d'une tarde où débuta Alejandro Montani "El Sol del Perú", je fis un reportage intéressant que mon ami Miguelillo montra au torero à qui mes photos plurent et qui me passa une belle commande. Cela m'ouvrit les yeux et je poursuivis sur cette voie. J'ai acheté un Leica (et un téléobjectif de 13,5) que je conserve toujours. [...] C'est avec lui que je fis le reportage de Linares"...
Aplausos, n° 496, 30 mars 1987.
12 décembre 2005
Jouer au toro
On ne voit plus les enfants jouer au toro. Le manque d’espaces libres et relativement sécurisés des rues, la baisse d’afición chez les adultes, et, par-dessus tout, le football, en ont fini avec un jeu qui auparavant était des plus courant.
Dans le fond ça manque de ne plus voir jouer les enfants dans les rues, et pas seulement au toro, mais à n’importe quel jeu. A ce propos je me permets de vous conseiller une lecture. Il s’agit d’un extrait consacré au jeu des corridas de toros, inséré dans le livre du jésuite Santos Hernández qui a pour titre : Juegos de los niños en las escuelas y colegios publié en 1876 par la maison d’édition Saturnino Calleja.
Il est curieux et vaut le détour. Son lien dans la Bibliothèque Virtuelle Miguel de Cervantes est Corridas de toros.
11 décembre 2005
UVTF (II)
L'ANDA, par la voix de son Président, Laurent Giner, n'a pas tardé à réagir aux évènements du week-end. Voici le communiqué de l'Association Nationale des Aficionados :
Ces Nîmois nous font rire parfois lorsqu'ils essayent de nous persuader que leur ville est la deuxième cité taurine du monde ou la troisième pour certains moins prétentieux. En revanche ils deviennent très énervants, lorsqu'ils agissent en franc-tireur dans l'affaire PALHA-UVTF.
ACTE 1 : l'analyse de cornes
ACTE II : ganaderías et langue bleue
ACTE III : aficionados, réagissons !
Laurent Giner
Président de l'ANDA
* Nous avons demandé à l'UVTF de supprimer l'article 31a interdisant l'entrée aux arènes de banderoles non officielles avec l'en-tête des clubs taurins (suite aux problèmes montois). Ils nous ont répondu par la négative. En clair, nous pouvons payer, applaudir mais pas manifester.
10 décembre 2005
UVTF
Fin 2004 les toros de la ganadería dirigée par João Folque de Mendoça lidiés à Nîmes sont déclarés positifs suite aux analyses pratiqués pars les vétérinaires de l’AFVT. Autrement dit, les cornes de ces toros présentaient un manque de substance. D’une façon ou d’une autre elles avaient été raccourcies. De ce fait, l’UVTF décide de se passer des services de cet élevage durant une saison. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. D’autres ganaderos y sont passés, hélas, car tous, on l’imagine, doivent se livrer à quelques arrangements avec leur âme pour s’adapter aux lois obscures du marché taurin.
Cette fois-ci pourtant les choses ne se passent pas simplement. Il faut dire que Juan Pedro Domecq était tombé lui aussi. Mais langue bleue oblige, l’Andalou n’a pas eu à user de la langue de bois puisque ses toros étaient bloqués, interdits de passer la frontière. Il fit donc le gros dos en laissant passer l’orage.
Pour le reste il y eut insultes, dénigrement des membres de l’UVTF, des compétences des vétérinaires ayant officié, invocation du complot et surtout pour Folque de Mendoça invocation de son honneur de ganadero bafoué, plus une demande de contre-expertise.
Raymond Couderc, dans un souci d’équité, accéda fort logiquement à cette demande, suspendant de ce fait la sanction. Cette attitude pourtant responsable lui valut quelques attaques féroces. Une contre-expertise plus tard, le manque de substance est confirmé ainsi que la sanction votée à la majorité. Pas de Palha donc en France en 2006. Tout semblait rentrer peu à peu dans l'ordre jusqu’à ce que le premier magistrat de la ville de Nîmes, depuis Paris, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine annonce s’asseoir purement et simplement sur les décisions de l’UVTF en demandant à Simon Casas de bien vouloir programmer un lot de Palha pour 2006. La Fédération des Sociétés Taurines de France et l'ANDA ont dû apprécier !
Aujourd'hui le site Internet Mundotoro annonce que le bureau directeur de l’UVTF a voté, à l’unanimité, l’exclusion de la ville de Nîmes de l’UVTF. L'affaire n'est sans doute pas terminée, loin de la. Quant au ganadero incriminé… et compte tenu de son sens de l’honneur, je l’imagine mal faire combattre un lot de ses animaux dans un ruedo où il est suspendu. Ce serait contraire à l’éthique, à la morale et surtout à l’honneur, ça, non ? Et justement, avec un tel sens de l’honneur je n’ose imaginer pareil scénario. D’ailleurs un autre ganadero, lui aussi au sens de l’honneur très chatouilleux, Victorino Martín, dans pareille situation avait préféré l’exil plutôt que de se voir - selon lui - injustement pointé du doigt.
Quizz taurin sur Excel
Notre ami Bastonito nous propose un quizz taurin. Pour y jouer il faut le programme Excel et surtout de solides connaissances taurines concernant les toreros et ganaderías d'avant la guerre civile espagnole.
Il faut répondre à 50 questions, certaines très faciles, d'autres beaucoup moins. Attention aux accents ! Le premier qui trouve les 50 réponse nous le fait savoir !
Pour jouer il faut télécharger le jeu, l'enregistrer sur son disque dur et le décompresser. C'est très simple. Il faut reconnaître 10 fers et 40 toreros.
Ça devrait vous occuper le week-end !
09 décembre 2005
Une photographie impressionnante
La photographie représente une passe de poitrine avec la main droite (aidée) et on peut y noter la violence de la charge du toro. Observez la manière dont le toro charge "con todo", observez son imposant trapío, sa musculature puissante toute en tension et de quelle manière il met les reins.
Cette photographie de l’avant guerre nous permet de nous rendre compte ce que nous fait perdre l’actuelle tauromachie light. Faire ce que faisaient ces toreros avec de tels animaux est beaucoup plus méritoire et émouvant que ce qui peut être exécuté maintenant avec des bestioles décastées, manipulées et à moitié moribondes. Quelle peine !
Si quelqu’un avait des informations sur ce cliché qu’il nous contacte…
06 décembre 2005
On prend les mêmes et on recommence
On pouvait s'en douter mais l'information est maintenant officielle. La saison tauromachique française 2006 se fera avec les ganaderías des zones "libres" de tout moucheron. La réunion qui se tenait aujourd'hui même à Paris et qui réunissait des techniciens du ministère de l'Agriculture, le président (député-maire de Bayonne) de l'UVTF, Jean Grenet, des empresarios comme Simon Casas et des directeurs d'arènes françaises n'a pas fait évoluer la situation favorablement. Le principe de précaution, tout-à-fait compréhensible au demeurant, a été choisi et de ce fait, nous ne verrons pas cette année encore d'élevages andalous ou extrémègnes dans nos arènes.
Un vaccin est en cours de recherche, on le savait, mais la saison 2006 se déroulera comme celle de 2005, à condition qu'au printemps le moucheron ne soit pas remonté plus au nord en Espagne. Souhaitons que les empresas aient les moyens et le temps de prévenir ce genre de "contrariétés".
Je joins le lien du site Mundotoro sur lequel l'information est visible ( avec une courte interview de Simon Casas) : http://www.mundotoro.com/.
05 décembre 2005
Les maux bleus
Le mot du président de l'ANDA joint au palmarès de ladite association est passé quelque peu inaperçu dans leur site pourtant minimaliste... Nous vous le proposons donc ici.
Les maux bleus
Président de l’ANDA
03 décembre 2005
Yquem
A Yquem, on privilégie la qualité au rendement. Un cep de vigne ne permet d'obtenir qu'un seul verre de vin par an. Et lorsque le vin n'est pas digne de son rang, il n'est pas mis en vente ou il est dégradé. Les millésimes 1974 et 1992 n'avaient pas été commercialisés. La production moyenne est de 600 hectolitres par an. Le rendement de Château Yquem est seulement de 6 hectolitres à l'hectare, c'est à dire 10 fois moins que les autres vignobles. Cela représente un verre par cep de vigne ! C'est le plus faible rendement au monde.
Voici un lien intéressant (d'où a été extrait le passage ci-dessus) sur le plus prestigieux liquoreux de la planète.
01 décembre 2005
Trapío (VIII)
Si les toros sont décastés et tombent, n’en doutez pas, c’est à l’afición qu’on le doit et plus particulièrement à celle qui s’attache encore à ce détail désuet et sans importance qu’est l’aspect extérieur du toro de combat : le trapío. Voyons ! la seule chose qui compte, c’est qu’un animal plus ou moins moribond ait la faiblesse de supporter un quart d’heure d’une centaine de passes. Réduisons donc ce tercio de piques barbare et qui n’intéresse que les attardés. Humanisons la fiesta comme ils disent... Si les toros tombent, c’est qu’à la demande des aficionados on les produit trop gros, hors du type, trop armés et surtout trop âgés. C’est à l’âge de trois ans qu’il faudrait les lidier en corrida, comme au bon vieux temps de l’après guerre. Le spectacle en serait plus brillant et tout le monde s’y retrouverait. Halte à l’imposture !
Regardez attentivement ce cliché pris à Madrid à la Venta del Batán. Il s’agit d’un superbe exemplaire de Dolores Aguirre, pur Parladé via Atanasio. Il a été lidié à Las Ventas il y a moins d’un lustre. Le trouvez-vous trop gros ? Trop gras ?
Peu importe son poids, vif ou en canal, car le trapío c’est ça. Rien à voir avec les blocs de saindoux et les éléphants en peluche produits en série par des éleveurs peu scrupuleux qui déshonorent la profession ! Regardez bien ce seigneur, son oeil vif, son port de tête altier, son morrillo enflé et son armure intacte. Vous chercherez vainement à y déceler le moindre atome de graisse. Alors, laissons donc les éléphants à l’Afrique ou à Annibal le carthaginois et conservons sur la rétine les formes splendides et idéales de ce pupille de Doña Dolores, la banquière de Bilbao dont la finca est en Andalousie et le coeur à Madrid. La grande dame pourrait rouler en Rolls, mais elle a coutume de rentrer de la plaza en métro. Nous l’y avons rencontrée.
Texte de Joël Bartolotti tiré de l'ouvrage TOROS - Regards sur la tauromachie, Editions La Renaissance du Livre.
28 novembre 2005
Considération sans récompense
La remise de trophées, prix ou récompenses est une coutume bien ancrée dans le milieu taurin. Chaque fin de temporada, c’est toujours le même scénario. Les clubs taurins, associations ou peñas se réunissent et honorent qui la meilleure faena, qui le meilleur lot de toros, qui le meilleur quite, qui le meilleur on ne sait plus quoi en fin de compte.
Loin de moi l’idée de dénigrer ces habitudes qui offrent certainement l’occasion de grands repas mais il faut bien constater que tous ces prix n’ont pas la même valeur, ni le même écho. A mon sens, ils ont pour grand avantage de faire parler de toros, et, pour certains, de faire réfléchir sur l’avenir de la Fiesta (je pense ici au palmarès de l’ANDA). Le reste n’est souvent qu’autosatisfaction et déluge d’éloges.
Alors comme la temporada européenne 2005 a connu son crépuscule, permettez-moi de "décerner" ici, non un prix, pas plus qu’un trophée, mais tout simplement le sentiment de ma considération à deux entités différentes : un élevage et un groupe de personnes.
L’élevage, c’est celui des Herederos de Don José Cebada Gago.
Personne ne les a vu en France cette année à cause de l’épizootie de langue bleue qui frappe la partie méridionale de la Péninsule Ibérique. Quel dommage !
Certaines ganaderías émergent une année pour replonger tout de suite dans le moyen voire le vulgaire. D’autres connaissent des hauts une année et des bas le lendemain et ainsi de suite. Comme tout aficionado, je sais que le « bache » n’épargne aucun élevage.
Cependant, convenons que depuis au moins un lustre la ganadería de Salvador Cebada se maintient remarquablement dans l’olympe ganadera. C’est cet équilibre entre le trapío, la bravoure et la caste auquel il convient de rendre hommage. C’est cette durée dans le temps qui donne à un élevage son importance et sa renommée, non pas un prix ponctuel et trop vite oublié mais qui doit certainement faire plaisir.
Le groupe de personnes, ce sont ces passionnés de l’ombre (ou du soleil) qui contre vents et marées se rendent aux arènes dès qu’ils le peuvent. Ce sont ces fous de toros qui engloutissent une partie de leur salaire pour voir combattre un animal élevé loin de chez eux.
Ils ne recevront jamais de prix même pas une petite médaille pour « service rendu » à la Fiesta. Cependant, à la différence du grand public, ils seront toujours là pour dire ce qui ne va pas, pour analyser la lidia d’un toro, pour critiquer les dérives de la corrida.
Ce sont les aficionados A.O.C, ceux pour qui le triomphe n’a d’importance et de sens que face à des toros adultes, con trapío y bravura.
Ils n’ont pas de nom, pas de bannière, ils sont là et c’est le plus important. Pourvu que ça dure !
25 novembre 2005
De la magnanimité des détails
L'aficionado "a los toros" est un râleur.
C'est bien connu, tout le monde le sait. Il peste, "roumègue", harangue, siffle et... ressasse sans cesse. Ses exigences déçues le poussent vers ce comportement qui agace, souvent, ses voisins de tendidos.
Parfois, cependant, d’infimes détails, des perles surgies du fond d’un océan de désolation, lui redonnent le sourire voire un franc optimisme.
« Tout n’est pas perdu », se dit-il alors.
Madrid, 8 juin 2002, Las Ventas.
La féria de San Isidro prend fin avec la traditionnelle corrida de Victorino Martín Andrés. Au cartel alternent Luis Francisco Esplá, Victor Puerto et Luis Miguel Encabo.
19h45 ou 50, je ne sais plus. Sort des chiqueros un toro, qui, tout de suite, déclenche des sifflements dans les rangs du tendido 7. 'Murciano', n° 84, cardeño oscuro, né en novembre 1998 et pesant 511 kilos. Léger peut-être au goût des siffleurs invétérés, mais « con trapío », dans le type de l’élevage, armure astifina mais pas démesurée. Ce toro va montrer tout au long de sa lidia une fougue inlassable, une caste qui transpirait dès les premières foulées dans le ruedo venteño. Rapidement tout le monde se rend compte que Luis Miguel Encabo va avoir fort à faire avec ce rare animal. La faena est bien entamée mais l’albaserrada prend finalement (à mon goût) le dessus tant son caractère codicioso s’exprime au fil des passes. Une vuelta al ruedo très applaudie récompensera ce prototype du taureau de combat (on pourrait cependant lui reprocher un tercio de varas quasiment anodin même si le victorino encaissa deux vraies piques, sans peine ni gloire pour autant). Le lendemain soir, à la télévision, le ganadero Victorino Martín García, évoquait même l’indulto…
En soi, avoir assisté à ce déferlement de caste pourrait redonner du baume au cœur à nombres d’aficionados. Ce fut mon cas.
Cependant, ce qui marque aujourd’hui ma mémoire (au-delà de la charge du bicho) réside dans l’exécution d’un tercio de nos jours dévoyé, à tort, celui des banderilles. Moment d’anthologie, tout simplement.
Encabo invita Esplá à poser les palos avec lui. 'Murciano' était placé vers le centre de la piste, place des braves paraît-il et attendait qu’on vienne le provoquer. Alors se produisit ce qui ne se produit jamais dans les ruedos.
Aucun peón ne sortit des burladeros, sur ordre d’Esplá me semble-t-il. Encabo s’avança pour planter la dernière paire mais 'Murciano' restait, fier, au milieu de la piste. Encabo se plaça le long des planches, sur la gauche du toro, et tenta d’attirer l’attention du victorino qui fixait toujours droit devant lui le burladero où se trouvait Esplá. Dans un silence de cathédrale qui sied si bien à cette arène, Esplá quitta alors la protection de bois, lentement, en toute quiétude, pas après pas ; transcendé par une assurance époustouflante. Il se dirigea toujours au même rythme, sous le regard aimanté du toro, vers son compagnon de cartel qui observait, comme nous, la leçon. Les gradins frémissaient d’aise, de joie et les applaudissements éclatèrent ; applaudissements qui valaient 1000 oreilles et 150 queues. 'Murciano' n’y tint plus et déclencha sa course vers ce point jumeau formé par les deux toreros. Esplá s’effaça alors et laissa Encabo filer vers son office.
Debout, la plaza remercia le maestro d’Alicante de ce cours de tauromachie. Le toro n’avait subi aucune passe de la part du péonage, passes qui souvent ne sont que des recortes assassins et inutiles donnant des défauts à l’astado. Esplá fit ce qu’il fallait faire, apprendre au toro à se fixer sur un seul point de fuite, lui indiquer une sortie unique en ne le contraignant pas outre mesure. Quelle différence entre ce moment de « temple » et les pantomimes coutumiers qui se substituent à ce que l’on nomme le tercio de banderilles.
Pamplona, 11 juillet 1999.
Les Sanfermines battent leur plein, le temps est magnifique et cet après-midi, six toros de Miura sortent dans la « Meca ».
Comme d’habitude, les revendeurs sont là, fantômes indistincts au milieu des ombres de platanes. La police fait celle qui ne voit pas, elle tourne, inspecte en fermant les yeux et rien ne semble accrocher son regard en stand by.
« A los toros para hoy ? », « Tickets ? »... Ils ne disent que cela. Ce sont les dealers des papiers de la fête. Le revendeur est mal rasé, gouailleur et revêche. Il te parle comme à une vieille connaissance, te dit d’attendre là le temps de regrouper le stock d’entrées que tu désires.
Evidemment, il tente l’entourloupe, te fait prendre des « gradas » pour des « andanadas », t’explique sans rire que les billets sont plus chers aujourd’hui car ce sont les miuras et qu’à Pampelune, eh ben les miuras, ça se paye. Foutaises ! A force, on le sait tous, mais y’a pas d’autre moyen.
La revente à Pamplona, c’est une institution, le passage obligé. Le revendeur a la barbe qui pousse plus vite que les autres, ce n’est pas un commercial tout net ; il lui manque des dents, son âge est un mystère et ses amis sont revendeurs. Une fratrie !
18h30. La miurada commence et le public comme toujours est chaud, chaud bouillant. Au cartel, Sergio Sánchez qui fait sa despedida, ici, chez lui, Juan José Padilla, quasi inconnu et Antonio Ferrera dont la réputation se fait petit à petit. Cartel de banderilleros.
19 heures. Un colorado ojo de perdiz bondit dans le ruedo. Armé très large, typé maison et marqué du n° 38, né en décembre 1994. Padilla le reçoit, rien de spécial jusque-là.
Sonnent les clarines, et tout à coup, car ce fut soudain,'Bombito' (c’est son nom) traverse le cénacle tel un missile "tomahawk" et fond sur le réserve, pousse et pousse et pousse et pousse, il pousse encore pour beaucoup.
7 minutes, 8 minutes, 9 minutes ou 10 minutes ? Les avis divergent, on s’en fout royalement à vrai dire ; l’exceptionnel était là, sous nos yeux.
Un peón l’attrape par la queue, les capes s’affolent sur son mufle, glissent sans résultat.
Le « soleil » est en transe, tout le monde est debout, incrédule. Ceux qui aiment les toros, les quelques aficionados présents savent qu’il faut en profiter, c’est un événement.
A gauche, dans le tumulte et les applaudissements au toro, on entend s’affirmer une rengaine populaire, « el toro enamorado de la luna », que les peñas ont le temps de terminer avant que le miura ne daigne décoller sa tête du peto.
Je me suis dit alors que tout n’était pas perdu, que ces peñas si souvent agaçantes et bruyantes avaient montré là ce que devait être l’afición, une communion, une célébration tout simplement heureuse.
Ces détails de lidia et d’afición, de Madrid à Pamplona, n’ont qu’un seul point commun, qu’une seule ligne de force : un taureau de combat intègre, dans sa plénitude et sa grandeur.
24 novembre 2005
Quinta do Passadouro
Un des charmes de la vallée du Douro est qu’elle ne subit pas, pour le moment, les affres liées au tourisme de masse. Le revers de la médaille, si tant est que ça en soit un, est la difficulté de s’y loger. Il y a bien évidemment le Vintage House Hôtel à Pinhão, somptueux, au style anglais, à la carte des vins aussi longue que prestigieuse mais les chambres y sont chères. Vous pouvez toutefois y manger très correctement et boire très bon pour un prix raisonnable.
Pour dormir le mieux est de se tourner vers le tourisme rural même s’il n’est pas aisé de trouver chaussure à son pied.
Parmis diverses possibilités, une quinta, et pas n’importe laquelle, propose quelques chambres. Il s’agit de la Quinta do Passadouro. Si ça n’est pas n’importe quelle quinta c’est tout simplement qu’il s’agit d’une single quinta de la famille Niepoort, un de vignerons les plus prestigieux de cette passionnante vallée du Douro à défaut d’être l’un des plus médiatique. Incontournable donc.
23 novembre 2005
Trapío (VII)
Notre complice Bastonito s'est livré à quelques recherches sur l'origine du terme de trapío. Ce mot apparait pour la première fois dans le dictionnaire de la Real Academia Española (RAE) en 1884 :
Ça parle des allures de ces dames et en matière taurine de la bonne volonté du toro de charger les leurres et de son bel aspect. Il est intéressant de noter que ce terme s'applique alors également au comportement en piste du toro.
C'est ensuite l'édition de 1899 du même dictionnaire qui modifie la première définition de la manière suivante :
Cette nouvelle définition voit apparaître la notion de voilure dont nous avons parlé précédemment. L'allure des dames est toujours citée et la notion taurine fait l'objet de deux alinéas, le premier mettant en avant l'aspect physique du toro.
56 ans plus tad, en 1956, la définition est à nouveau modifiée. La référence à la manière de charger du toro est cette fois totalement supprimée.
Dans la version actuelle du dictionnaire la seule modification vient du fait que la voilure est passée en queue de peloton dans la définition du terme.
Les recherches effectuées par Bastonito lui permettent d'affirmer que le terme de trapío appliqué à l'aspect du toro est en fait utilisé depuis au moins 1836 alors que sa première apparition dans le dictionnaire date de 1884. Affaire à suivre... sans doute :-)
22 novembre 2005
Batacazo (III)
Vic-Fezensac, 9 juin 2003. Toros de Hoyo de la Gitana (Santa Coloma ligne Ibarra).
Cette photographie témoigne bien de ce qu'il se passe aujourd'hui lors des tercios de pique. Le toro est piqué très en arrière, sur l'épine dorsale, dans les "reins", entre le cheval et les planches, c'est-à-dire en carioca, suerte inventée paraît-il par Atienza qui avait trouvé là le moyen de piquer les mansos. Malheureusement, la carioca est aujourd'hui devenue la règle malgré les sifflements ou les remontrances verbales de certains aficionados.
Imaginons donc la force qu'a dû déployer ce toro pour renverser de la sorte la monture et se donner par là même une sortie. L'on constate d'ailleurs que, la monture au sol, le toro continue de pousser "con los riñones". Tout n'est donc pas encore perdu.
En 2003, la cuadra de caballos était encore celle de Fontecha... Bonijol n'apparaissant à Vic-Fezensac qu'en 2004. Cette année-là, c'est un toro de Hoyo de la Gitana, 'Gorrión', n° 35, qui avait reçu le trophée Paul Clarac du meilleur toro de la féria.
20 novembre 2005
Le caviste gitan
L’histoire de la tauromachie est parsemée de toreros gitans aussi géniaux qu’inconstants et rares. Les aficionados connaissent bien ces personnages atypiques et hauts en couleurs. Eh bien maintenant il existe également un caviste gitan ! Sauf que celui-là est très régulier quoique lui aussi très atypique. Ce doit être son côté gitan ça. Jean-Philippe Héaumé n’a pas de boutique, juste une voiture… et une cave aussi. Il ne vend que du bon, et par le biais d’Internet. Il sillonne ensuite la France pour vous amener vos flacons. C’est chaque fois l’occasion d’une dégustation conviviale, animée, et pleine de rencontres.
Si Alain Bosc est plus particulièrement spécialisé dans les vins du sud, Jean-Philippe, lui, vous apportera un éclairage aussi qualitatif qu’original sur les vins de Loire, mais pas seulement… Ceci n’est pas de la publicité, c’est du militantisme ! Allez ! Buvez bon !
17 novembre 2005
Statistiques
Il est toujours surprenant de voir les pirouettes que font les taurinos lorsqu’il s’agit d’aborder le problème du dépeuplement des gradins en dehors des ferias. Dans une ville comme Madrid, avec 3.500.000 habitants et une arène capable de contenir 23.798 spectateurs l’explication qu’ils donnent est très simple : il n’y a pas d’afición et on ne peut pas faire mieux. Les chiffes, cependant, se chargent de les contredire.
Il résulte de la dernière enquête connue sur l’afición aux toros (Instituto Gallup, 2002), que 37% des madrilènes se déclarent aficionados alors que 63% reconnaissent ne pas s’y intéresser. Ainsi, les spectacles madrilènes ont une clientèle, potentielle, de plus d’un million de personnes, sans compter les touristes, ce qui nous amène à penser qu’avec un cartel très intéressant appuyé par une publicité correcte il pourrait y avoir 50 madrilènes pour 1 place disponible.
Il y a encore une afición suffisante (bien qu’en baisse comme le montre le graphique des âges), ce qui fait défaut se sont des cartels attractifs bien promotionnés. Les cartels actuels, au lieu d’entraîner les aficionados vers les arènes, les poussent plutôt à rester chez eux. C’est ce que sont en train de faire les taurinos.
D’après Bastonito
Ce raisonnement peut être à mon sens relativisé par le fait qu’il n’y a probablement pas 1.300.000 aficionados à Madrid, mais des entrées comme celles que nous avons pu constater pour le solo de Morante de Puebla ou celui du Juli juste avant de prendre l’alternative viennent confirmer le potentiel important que représente le pueblo de Madrid.
16 novembre 2005
Les "Crestadous" du Béarn
Le titre peut sembler bizarre, incompréhensible même.
Un ami aficionado m'a prêté ce livre (voir image en haut à droite) en me disant que j'y découvrirai quelques phrases intéressantes concernant les toros.
J'ai donc lu ce bouquin d'histoire locale. Passionnant !
Il était une fois des hommes de la vallée d'Ossau (Béarn, aujourd'hui département des Pyrénées-Atlantiques) qui partirent en terres ibères pour châtrer les animaux dans les fermes et les grands domaines agricoles. Leur réputation avait dépassé ce mur frontière qu'était la chaîne des Pyrénées (même si elle ne fut jamais réellement une frontière pour les habitants des vallées pyrénéennes de France et d'Espagne) et les Béarnais avaient un quasi monopole dans cette activité si particulière.
Les départs vers le pays voisin (et vers le Portugal) étaient nombreux au milieu du XIX° siècle car la vallée d'Ossau, et en particulier le canton d'Arudy, était "surpeuplée" par rapport aux possibilités d'emploi. C'est donc l'histoire de cette émigration qui est contée dans ce livre et qui reste même vivante dans certaines chansons aujourd'hui folkloriques du Béarn.
Les châtreurs et hongreurs du Béarn se répartissaient des territoires sur lesquels de véritables dynasties opéraient, car la transmission des savoirs dans ce domaine était presque toujours jalousement conservée en famille... Business oblige !
Et les toros me direz-vous ?
La carte permet de comprendre que ce sont les grandes régions d'élevages, dont celles du toro bravo, qui occupaient nos émigrés.
L'auteur rapporte les souvenirs d'un châtreur de Lanne, en vallée de Barétous, sur la castration de taureaux dans le campo charro.
"Enfin, la castration du taureau était certainement la plus périlleuse, non pas tant l'opération elle-même, parfaitement identique à celle utilisée pour les chevaux mais à cause de la difficulté rencontrée pour immobiliser ces bêtes sauvages. Pierre Honthaas se rappelle avec émotion ces moments où, tout jeune, il allait dans les cortijos des plateaux de Salamanque châtrer les taureaux sauvages considérés par le mayoral comme inaptes à la corrida et destinés dès lors à la boucherie. Le taureau était introduit dans une cour fermée. On avait pris soin de planter un gros piquet dans le sol qu'on avait recouvert d'un tissu rouge. Pendant que l'animal s'acharnait dessus, des peones lui passaient un lasso aux cornes et l'amarraient fermement au piquet. Au moyen de cordes, on attachait, en la relevant, une patte arrière au cou du taureau qui ne pouvait plus alors bouger sur ses trois pattes. L'opération pouvait commencer. D'après le châtreur de Lanne-Montory, ces ganaderias étaient très importantes. Il y avait beaucoup de bêtes, de champs de céréales à perte de vue et nombre d'ouvriers pour les élever ou les cultiver".
Une autre dynastie vendait ses services dans les régions andalouses de Séville, Cordoue et Huelva, haut lieu d'élevages de taureaux de combat. La famille Bidou, d'Ogeu, châtrait des taureaux chez Miura ou Pablo Romero!
"Quant à Joseph Bidou d’Ogeu, né en 1911, il partit à l’âge de 9 ans rejoindre son père Etienne, châtreur à Séville. Son grand-père Joseph, mort en 1925, y était hongreur depuis le dernier quart du XIX° siècle. Joseph, son petit-fils vécut 18 ans dans la ville de la Giralda. Quel plaisir de l’écouter parler de la guerre civile dont il fut un des témoins privilégiés ! Mais il m’a surtout raconté comment Joseph et Etienne partaient châtrer les taureaux dans les célèbrissimes élevages de Miura et de Pablo Romero. Les hongreurs de Séville parcouraient à cheval les immenses pâturages des provinces de Séville, Cordoue et Huelva. Ils avertissaient par courrier de leur venue les grands propriétaires des cortijos, les fermes andalouses. Parfois, ils prenaient aussi le train ou l’autobus pour aller dans ces fermes qu’ils s’étaient attitrées depuis des décennies. C’est ainsi que Joseph, qui passa son bac à Séville, put converser avec des toréadors aussi prestigieux que Belmonte ou Joselito".
Histoire "improbable" que celle de ces humbles Béarnais au savoir-faire renommé par-delà les fontières et qui tapent la causette avec les géants Belmonte et Gallito.
L'émigration est un pan essentiel de l'histoire béarnaise (comme basque d'ailleurs) et cette courte plongée dans la rude vie des châtreurs de l'Ossau rappelle aussi ce que le monde des toros doit aux Béarnais ; n'oublions pas que la famille Domecq (on en pense aujourd'hui ce que l'on veut) est originaire des alentours de Sauveterre-de-Béarn...
15 novembre 2005
Palmarès ANDA 2005
Ce palmarès est dédié à Alfonso Navalón.
Meilleur lot de toros : non attribué.
Meilleur lot de novillos : Pablo Mayoral de Parentis le 6 août 2005.
Egoïne d’Or : Palha d'Alès (8 Mai), d'Aire (19 Juin) et de Fréjus (17 Juillet).
Râpe d’Argent : Mercedes Pérez-Tabernero d'Arles (10 Septembre).
Lime de Bronze : Baltasar Ibán de Mont-de-Marsan (20 Juillet).
Nota : l'afeitado n'est plus outrancier, il se professionnalise : certificats d'arreglado systématiques, épointage "raisonné"... Tout va mieux, sauf que c'est pire.
'Muito Profundo' de Platine : à João Folque de Mendoça pour son mépris des institutions taurines et de l'afición.
Plume d’Aigle : Emmanuel Blanc pour son livre Otros.
Pitos : aux empresas pour n'avoir pas répondu par la créativité aux problèmes posés par la langue bleue. au flicage municipal des gradins montois.
Palmas : aux placitas de Carcassonne, Hagetmau, Parentis, Roquefort et St-Martin-de-Crau pour leur maintien de la fiesta de verdad. Aux arènes et collectivités locales d'Arles pour leur opération "Passeport pour les Jeunes".
Vote pour le prix Popelin : les quatre voix de l’ANDA sont attribuées à El Fundi.
Lien utile : le site de l'ANDA.
14 novembre 2005
"¡Para las calles!"
Pour ceux qui ont la chance de visiter parfois des ganaderías, il arrive que d’étranges surprises jalonnent la visite.
Le mayoral ou l’éleveur sont souvent fiers de vous montrer la camada de l’année, ils vous présentent les diverses corridas, cercado par cercado, le plus souvent.
Et vous, vous avez vu un cercado, là-bas, plus loin, auquel le mayoral ou l’éleveur ne prêtent pas attention.
Alors, un peu gêné, vous demandez : « - Et ceux-là, ils vont où ?
- ¡Para las calles! » qu’ils vous répondent, sans plus de détails.
Para las calles ! Quel gâchis malgré tout.
Sans vouloir faire de sectarisme primaire, il s’agit bien là d’un gâchis, quand on se place évidemment du point de vue de l’aficionado, car les choses ne sont pas aussi simples.
Gâchis car l’on peut considérer qu’il est dommage qu’un toro sélectionné sur la base de critères précis et exigeants finisse sa vie de brave dans les rues d’un pueblo à trousser quelques mozos jouant avec leur peur.
Le toro de lidia est élevé avec un objectif unique : le combat dans le ruedo. Le toro est une œuvre humaine de sélection, de croisements et de patience pour atteindre une seule finalité, le combat (codifié) contre un homme techniquement prêt.
Faire courir des toros dans la rue va à l’encontre de cette recherche.
Cependant, il existe des exigences qui font capoter la théorie. Elles sont principalement d’ordre économique. De nombreux élevages ont besoin de ce débouché « de las calles » pour arrondir les fins de mois difficiles. Ce n’est pas un secret, l’élevage de bêtes braves coûte cher, la rentabilité est souvent aléatoire et les peñas ou municipalités payent bien en règle générale.
En outre, pour avoir discuter avec des habitants de la Vall d’Uxó*, il semble que ce genre de spectacle permette à une population souvent modeste d’avoir accès au monde des toros. Les prix des places de corridas, les déplacements que cela implique représentent un coût financier trop important pour des jeunes au chômage ou tout du moins mal rémunérés.
Enfin, ces courses dans les rues rappellent aussi les temps de la proto-tauromachie, les temps d’avant la codification de la corrida, les temps où le toro animait les places de villages. Elles incarnent donc la persistance d’anciennes traditions même si l’animal vénéré a profondément changé aujourd’hui.
La grande majorité de ce que l’on nomme les « bous al carrer » (en valencien) a lieu dans la communauté valencienne, face à la mer pourrait-on dire. Chaque quartier organise sa course et choisit un toro dans une ganadería, prestigieuse ou non. Il semble qu’il existe un règlement, propre à la communauté valencienne, qui régisse ces « spectacles »**.
Le toro est couru, écarté, esquivé par des jeunes gens ; le jeu est bien-sûr dangereux, parfois mortel. Au terme de la course, et pour pouvoir supporter le coût de l’achat du toro, l’animal est tué par un boucher et chaque membre de la peña achète sa part de bifteck, d’après ce que l’on m’a expliqué.
Dans l’incommensurable quantité de « toros en las calles », certaines courses sont de véritables institutions ancestrales.
Il en va ainsi du « Toro de la Vega » de Tordesillas. Tordesillas est une petite ville située à 29 kilomètres au sud-ouest de Valladolid. On est là bien loin de la mer mais ici aussi le culte du toro est vivace. Cependant, le déroulement de la course est différent, unique.
Le toro choisi doit déjà présenter certaines caractéristiques particulières : poids (plus de 500 kilos), grande armure, présence. Il est ensuite lâché et tout simplement tué à coups de grandes lances que les participants lui plantent dans le corps. C’est violent, troublant voire choquant, même pour des aficionados habitués à des mises à mort catastrophiques ou à des piques ravageuses et assassines.
Le « Toro de la Vega » est une « course » qui date de 1453, « Los primeros datos tratan de 1453, en el que se relatan que ante el Palacio de Tordesillas, se efectuaban juegos de "cañas" y la consiguiente y posterior suelta de toros. Los juegos de cañas venían a consistir en una carrera entre varias cuadrillas de jinetes que se asaetean unas a otras con lanzas de cañas. El procedimiento para que cesase la lucha entre los caballeros era la "suelta" de un toro bravo en el palenque que obligaba a dejar las cañas y empalmar este juego con el torneo del Toro. Para dar mayor emoción y vistosidad se abrían las puertas del palenque, con lo que el toro o los toros podían cruzar el río y ganar la vega donde proseguía la justa entre toro y caballeros, con la recreación de un espectáculo autónomo: El famoso Toro de la Vega ». Extrait du livre El Toro de la Vega - Lo más genuino de un pueblo de Jesús López Garañeda.
Le toro qui est en photo plus haut fut le toro de la Vega en 2004. Son éleveur, Arturo Cobaleda « Barcial » me disait qu’il ne goûtait pas du tout cette tradition, qu’il n’y voyait aucun intérêt mais que les gens de Tordesillas payaient très bien l’animal. Il rajoutait qu’aucune empresa n’avait voulu acheter cette bête à cause de son immense armure ! Sans vouloir porter de jugement sur cette tauromachie particulière, justifiée par son caractère traditionnel, il est dommage qu’aucune arène, qu’aucun grain de sable espagnol ou français n’ait été foulé par ce toro de Barcial élevé pour la corrida.
* La Vall d’Uxó est une petite bourgade qui se trouve à une soixantaine de kilomètres au nord de Valence. C’est une des villes les plus connues pour les « bous al carrer ».
** http://www.bousalcarrer.com/.
13 novembre 2005
Batacazo
Tout le drame taurin est dans cette scène de plus en plus rare, car de nos jours les toros vont plus souvent au sol que les chevaux ! Trop d’aficionados semblent s’y résigner. Le toro faible, c’est comme le chômage : insoluble...
Le cornu porte le fer de Dolores Aguirre. Ces dernières années, les tercios de varas les plus épiques par nous vécus (Madrid, Céret, Vic sous l’orage) nous ont été offerts par les pupilles de la banquière.
Inutile de préciser que les toreros ne se bousculent pas pour les affronter !
Texte de Joël Bartolotti tiré de Toros. Regards sur la tauromachie, Editions La Renaissance du Livre.
12 novembre 2005
Indulto
Ce qu’en disent les professionnels taurins.
• L’indulto est une bonne chose, car les toros ainsi graciés peuvent ensuite se reproduire, contribuant ainsi à l’amélioration de la race.
• Peu importe la catégorie de l’arène où cela se produit, car, disent-ils, on ne sait jamais où va sortir le toro exceptionnel.
• Ils considèrent également, bien que ne le disant pas publiquement, que les indultos servent d’argument —argument des plus stupide — face aux antitaurins. On peut ainsi avancer que le toro a une chance de survivre s’il se montre brave et noble, comme si les toros avaient conscience, durant leur combat, qu’ils allaient mourir…
• Enfin, ils y sont favorables car il en découle une formidable propagande tant pour le ganadero que pour le torero.
Ce qu’en disent les aficionados.
Notons ici que ces positions ne font évidemment pas l’unanimité dans nos rangs, même si la majorité est généralement opposée à la généralisation de l’indulto.
Les toros graciés servent rarement de semental, car il est difficile de soigner les blessures occasionnées par les piques, ou bien parce que l’éleveur ne considère pas l’animal comme un « toro de vache », soit par ses origines soit par son trapío.
Le niveau de l’arène a son importance car le trapío diminue avec le niveau desdites arènes, et un animal au trapío de sardine pourra difficilement améliorer le niveau d’un élevage Et si un ganadero est suffisamment inconscient pour mettre un tel toro sur ses vaches, un prélèvement de semence à l’issu du combat sera bien suffisant pour ensuite pratiquer l’insémination artificielle.
Ce que les taurins ne reconnaissent pas c’est que l’indulto évite au matador de passer à la pointe des cornes pour la suerte suprême (le numéro avec la banderille ne pouvant remplacer pareille épreuve).
Le plus hallucinant venant ensuite par l’attribution systématique au matador des deux oreilles et la queue qui permettent de grossir immédiatement les statistiques personnelles de celui-ci et donne des titres du style « Charcuterito de Móstoles gracie un toro à l’occasion d’une tarde historique et devient prophète chez lui » sans que ledit toro ou son ganadero ne soient réellement associés à pareil événement.
Ne serait-il pas plus juste d’écrire alors : « Un toro de Críspulo Regúlez gracié à Móstoles » ?
Et ne parlons pas du premier tercio, où se mesure la bravoure, souvent limité au strict minimum.
Pour Bastonito, l’indulto devrait donc être associé à diverses conditions :
• Arène de première catégorie.
• Toro au trapío irréprochable.
• Que le toro prenne au moins trois piques dans les règles en poussant vraiment, sans accuser la douleur, ni donner des coups de tête, ni sortir seul.
• Le toro devra rester brave, noble (ce qui ne veut pas dire idiot) jusqu’à la fin de son combat.
• Ce sera au public de solliciter l’indulto sans que le matador ne le suggère par quelque gesticulation que ce soit.
Le travail du matador sera ensuite jugé, positivement ou négativement, en fonction de sa capacité ou de son incapacité a s’être hissé à la hauteur des qualités de son adversaire.
Les revendications de Bastonito, même si elles peuvent actuellement paraître ambitieuses ou irréalisables, n’ont pourtant rien d’extraordinaire.
D’ailleurs, Álvaro Domecq, favorable à l’indulto, écrivait, dans son ouvrage El Toro bravo, que cela devrait être envisagé seulement dans certaines arènes comme Madrid ou Séville, car dans des arènes de seconde catégorie nous aurions alors à faire à des toros imparfaits de constitution (taille, tête, etc.).
Dans la première édition de cet ouvrage, il indiquait également que le toro n’était toro qu’à 5 ans et pas avant, mais cela fut retiré des rééditions…
11 novembre 2005
Trapío (V)
Dans son dictionnaire taurin publié en 1987 Luis Nieto Manjón au mot trapío indique, entre autre, que d’après Cossío, ce terme provient du langage des marins qui l’associaient à la voilure. Et en 1976, dans El País Joaquín Vidal avançait : « Le mot Trapío était employé en matière nautique pour désigner la voilure déployée d’un navire. Le navire atteint le sommet de sa majesté lorsqu’il avance avec les voiles gonflées par le vent. Le trapío est une chose difficile à définir, c’est ce qui se voit et se sait, mais que l’on ne peut quasiment jamais expliquer. Le trapío c’est la majesté du toro. C’est sa grâce, sa prestance, son incomparable apparence de puissance et de sauvagerie. S’il présente l’âge requis et le trapío le toro est apte à la lidia, bien qu’il soit petit…"
"... y lo mató Pedro Romero a la primera estocada"
En parcourant le web, il arrive que les bonnes surprises se trouvent au détour d’un click.
Il existe des centaines de sites consacrés au monde des toros, de plus ou moins bonne facture. C’est comme pour tout me direz-vous.
Le site Internet de l’association culturelle « La Cabaña brava », que l’on pourrait considérer comme une vitrine médiatique d’aficionados de Saragosse (plutôt ancrés tendance torista), est une mine pour les passionnés de toros. L’association édite ou fait paraître un « fanzine taurino » publié également sur la toile, « El Aficionado ». Opinions, « coups de gueule », analyses, interviews animent cet opus touffu et très vivant. La dernière page est toujours consacrée à la mémoire de la critique taurine avec la publication de chroniques de Gregorio Corrochano, en particulier, mais pas seulement.
A cet égard, le n° 19 de mars 2004 a suscité mon intérêt car il présente ce que les auteurs du fanzine titrent comme « La primera crónica ». « Le 20 juin 1793, dans le Diario de Madrid, apparaît ce qu’il faut considérer comme « la primera crónica taurina de la historia », avec laquelle commence la publication des reseñas des corridas dans la presse écrite ». […]
Cette chronique est signée d’un certain « Curioso » qui restera évidemment anonyme face à l’impitoyable œuvre du temps et de l’Histoire.
Le compte rendu du spectacle est intéressant à plus d’un titre mais il faut bien avouer qu’il n’est pas caractérisé par la légèreté du style ni par le souci de synthèse. Vous en jugerez par vous-même.
Il est difficile de vérifier l’affirmation des auteurs de « El Aficionado », je n’ai pas la preuve que cette chronique soit réellement "La" première de l’histoire. Toujours est-il qu’elle doit appartenir aux origines de la critique taurine.
Elle est parue dans le « Diario de Madrid », journal quotidien né en 1788 dans la continuité du « Diario noticioso, curioso, erudito, comercial y político » (apparu en 1758 et fondé par un certain Francisco Mariano Nifo, un des premiers journalistes professionnels espagnols) à une époque d’ouverture libérale et de développement de la presse espagnole.
Au niveau taurin, la chronique de ce « Curioso » reflète bien l’image que l’on se fait de la tauromachie balbutiante (dans sa version codifiée) de la fin du XVIII° siècle et du début du XIX° siècle.
Une tauromachie rude, violente certainement, et réduite à deux tercios essentiels, les piques et la mise à mort.
L’auteur entame sa relation en mentionnant que « picaron 6 Toros de la mañana Juan López y Alfonso García Colmillo… ». Le varilarguero est à l’époque le maître de la piste et c’est lui qui a les honneurs du compte rendu. L’espada ne vient que dans une position secondaire, après piques et banderilles, « y lo mató Pedro Romero a la primera estocada… ».
Pour les aficionados, Pedro Romero est ce matador, petit-fils de Francisco Romero, de Ronda, connu pour la qualité de ses mises à mort et par le fait qu’on lui attribue la mort de (environ) 5600 toros tout au long de sa carrière. Sa competencia avec Pepe Hillo est restée célèbre, tout comme certaines de ses déclarations : « el toreo no se hace con las piernas, sino con las manos ».
En 1793, la muleta (que commence à introduire Pedro Romero) n’est là que pour placer le toro pour la mise à mort… Le spectacle du combat de chaque animal devient de ce fait plus court et permet de tuer un grand nombre d’astados. J’ai compté six toros dans la matinée et dix autres durant la « tarde » et Pedro Romero officiait toute la journée !
Il n’est pas intéressant de relever le nombre de chevaux tués ( ombreux) ou blessés mais il est par contre significatif de relever que le maestro de Ronda tua tous ses opposants « a la primera estocada » ; ça peut faire rêver aujourd’hui.
En ce qui concerne proprement les toros, peu de choses significatives ou instructives. L’auteur ne décrit pas le type des bêtes, se contentant seulement de mentionner la provenance géographique comme « de Gijón » ou « de Colmenar Viejo ».
Naissance de la tauromachie moderne et naissance de la critique taurine s’affichent dans ce document étroitement liées. C’est peut-être la preuve que dès sa genèse, la corrida a suscité l’attention et la passion.
Merci donc aux aficionados de la « Cabaña brava » de Saragosse de faire ressurgir ce genre d’écrits, témoignage irréductible d’un autre temps de la tauromachie.
10 novembre 2005
Info ou Intox ?
Bon ça n'est peut être pas du meilleurs goût, mais... qu’est-ce qu’il nous manque ! Normalement en cliquant sur la photo vous devez la voir en grand, normalement... Il s’agit d’un cliché tiré du Boletín de Loterias y Toros édité à Córdoba par l’Association du même nom en collaboration avec la Diputación de Cordoue.
Toros y flamenco
Si le blog de Camposyruedos mélange les toros, le vin et la gastronomie, Toroprensa, celui de notre ami Pablo G. Mancha, journaliste professionnel indépendant et grand aficionado, outre les toros, traite de son autre passion : le flamenco.
A consommer sans modération... à condition de lire le castillan.
09 novembre 2005
Trapío (IV)
Les définitions du mot "trapío" fleurissent dans les ouvrages taurins et le mot est employé, encore, par nombre de chroniqueurs. C'est bien qu'il a un sens. Evidemment, à certains le "importan tres cojones" mais force est de constater que pour définir ou qualifier l'harmonie d'un toro, sa prestance et son sérieux, c'est le mot de trapío qui est le plus usité. Vocable "subjectif" certainement, ambigu parfois, le trapío reste, il me semble, l'apanage des aficionados et c'est peut-être ce qui gêne le plus une frange de ce mundillo affairiste qui voudrait faire passer au grand public des vessies pour des lanternes.
Cela ne date pas d'hier, comme souvent en tauromachie, et sans remonter à cet "âge d'or" de la competencia entre Joselito et Juan Belmonte, il suffit de regarder 10-15 ans en arrière pour constater le fait. Parole prophétique ou constat amer d'avant-garde, Joaquin Vidal a métaphoriquement défini sa vision de ce qu'était le trapío dans une reseña de novillada en 1992. Quand vous irez, je vous le souhaite, un jour, vers ses "Mares del sur", peut-être aurez-vous alors une pensée pour ce nain fonctionnaire qui épatait la galerie dans un mystérieux "colmao" madrilène.
TORITOS DE CASTA BRAVA
Plaza de Valencia - 22 de marzo de 1992 - Sánchez-Arjona hermanos / Manolo Sánchez, Paco Senda, Angel de la Rosa.
Saltaban a la arena los novillos de Sánchez-Arjona y algunos eran diminutos, mientras otros no levantaban cuatro palmas del suelo, vamos, al decir. Fera sacaron casta brava y, ade- mas, teman trapío. jHola! Toros diminutos y cuatro-palmos con trapío? De qué forma debe entenderse semejante contradiccion?
Los taurinos dicen no entender... Los taurinos, les hablas del trapío de los toros, y responden que, ése es el cuento del viejo mayoral. Los taurinos, del trapío de los toros, lo único que saben es que no existe. Los aficionados, sin embargo, poseen un criterio claro acerca de la controvertida cuestion. Es el caso de la Maestranza y de Las Ventas, cuyas respectivas aficiones, en la asignatura del trapío, son catedráticas.
El trapío es aquello que se ve y no se puede explicar. El trapío es como una aurora boreal en los Mares del Sur. Los aficionados, por ejemplo, cada vez que van a los Mares del Sur, a lo mejor no pueden describir lo que están viendo, pero lo reconocen de inmediato, y entonces señalan con el dedo el horizonte, afirmando: « jEso es una aurora boreal, senores! ».
Con el trapío ocurre otro tanto. El ano pasado, par San Isidro, sacaron unos toros que pesaban arriba de los 600 kilos, y la gente esperaba expectante su aparición. Una vez en el redon- del, sin embargo, se sentía decepcionada. Y ya se levantaban los aficionados señalando con el dedo el producto cárnico, para denunciar solemnemente: « ¡Eso no tiene trapío, señores! ».
La única definicion correcta de trapío se la reveló cierto aficionado veterano a sus amigos íntimos, un atardecer que se reunieron a conspirar taurinadas en el rincón penumbroso de un colmao madrileño. Lo que habla se refería a don Mariano Cañetillo, alto funcionario de la Administración del Estado, que era enanito. « Vosotros habéis visto », decía el aficionado, « cuando don Mariano juega al póquer, y abre las cartas en la mana y, de repente, mira al jugador de enfrente por encima del abanico de naipes? ¡Pues eso es el trapío! »
Joaquin Vidal
Cette chronique, c'est peut-être cela aussi le trapío !
Trapío (III)
Le dynamitage, dans le futur règlement andalou, du terme de trapío me fait penser, toutes proportions gardées cela va de soit, à la destruction par les hommes du Mollah Omar des immenses statues Bouddhistes d’Afghanistan.
Ici, c’est le vocabulaire que l’on veut appauvrir et par voie de conséquence c’est le toro qui se trouve être, une fois de plus, la victime des turpitudes du mundillo. Nous avions échappé à la destruction massive, par les bureaucrates européens, des toros d’Osborne implantés sur les routes espagnoles. Hélas, pour le señor Toro il se confirme que le danger vient également de l’intérieur.
Ce terme de trapío, serait donc trop subjectif et doit être gommé, supprimé. On imagine aisément que ça n’est qu’un début et qu’à terme c’est du langage taurin tout court qu’il pourrait disparaître. Et de cela, personne ou presque ne s’offusque. Le plus cocasse c’est que ce sont pourtant les aficionados, ou certains d’entre eux, qui sont régulièrement montrés du doigt et désignés comme des talibans et autres ayatollahs. Mais, peut-être, ai-je tendance à trop dramatiser. En effet, le maestro Esplá qui doit bien savoir de quoi il parle a déclaré : ""El trapío me importa tres cojones*". Ce qui me fait peur chez le toro c’est son regard et l’évolution de son comportement en piste. Il y a eu des toros de Santa Coloma, petits et intelligents qui m’ont enlevé le sitio pour plus d’une temporada et qui sont parvenu à me démoraliser. Je définie le trapío comme s’il s’agissait d’un Monsieur très gros et en colère et les gens obèses sont des personnes charmantes ; tout est question d’apparence, après trois verres, tu deviens ami. Celui qui est vraiment agressif c’est le caniche, tant d’un point de vue mental que physiquement."
* Littéralement : le trapío m’importe trois couilles. C’est une expression toute faite pour dire qu’il s’en fout :-)
08 novembre 2005
Quinta do Infantado
Pour l’amateur de vin, sillonner les routes tortueuses et escarpées de la vallée du Douro revient un peu à faire du lèche vitrine… de luxe. Ça et là, au milieu des coteaux, comme chez nous en Rhône Nord, s’affichent fièrement les grandes marques, Noval, Fonseca, Churchill's, etc.
A l’opposé de ce bouillonnement une maison pourtant très prisée, la Quinta do Infantado, de João Roseira reste très discrète. Il faut prendre rendez-vous avant de s’y présenter, puis en deviner les chemins et se perdre un peu avant de toucher au Graal. Ceux qui ont un jour cherché la pancarte indiquant Château Rayas comprendront ce que je veux dire. Avec cette nuance de taille qu’ici il y a du vin à vendre.
Pour le très sérieux elmundovino.com (section vin du quotidien espagnol El Mundo) la Quinta do Infantado est João Roseira, et João Roseira est la Quinta do Infantado : c'est-à-dire l’essence du vin de Porto de quinta. Ce domaine a tout d’un domaine culte et fait incontestablement partie des plus grandes - qualitativement - des petites propriétés du Douro.
En deux lignes, tout est dit, ou presque, car une plongée dans l’univers de João Roseira est une plongée dans un monde attachant, passionnant, complexe, dont on ne se lasse pas de découvrir la diversité et les subtilités.
Le premier contact est téléphonique. João Roseira, himself, se confond en excuses. Il ne pourra pas nous recevoir personnellement pour cause de vacances mais nous mettra en contact avec Fátima Ribas son maître de chai qui sera chargée de nous faire découvrir le domaine.
Une visite dans une grande maison du Douro est souvent limitée à la dégustation assez rapide de deux ou trois vins type, un ruby, un tawny et parfois un LBV ou Vintage Character voire vintage dans certains cas.
Ici rien de tout ça. Fatima, tout d’abord curieuse, nous demande comment nous avons bien pu atterrir là et une fois la température prise c’est la plongée dans l’univers de João Roseira. C'est-à-dire trois heures très intenses de visite et de dégustation.
La Quinta do Infantado pratique l’agriculture biologique voire même la biodynamie mais sans pour autant le revendiquer ou en faire un argument commercial. Elle a, en outre, été la première quinta à embouteiller au domaine (depuis 1979) en se dispensant d’amener sa production à Villa Nova de Gaia. Il leur a pour cela fallut lutter pour faire changer la loi ce qui fut fait en 1986. La totalité du vignoble est classé en catégorie A, soit la plus qualitative. Côté vinification João Roseira travaille pour produire des vins moins sucrés, plus vineux que les portos traditionnels ce qui se traduit par des vins de terroir absolument incomparables.
Les portos de la Quinta do Infantado sont donc assez secs et présentent un côté très vineux. Le vintage 1997 dégusté fin octobre a confirmé ces caractéristiques et nous a procuré une immense émotion malgré son jeune âge. Puissance et finesse se combinent avec équilibre et fraîcheur. Oui, oui, fraîcheur, malgré les 19,5° annoncés sur l'étiquette. Nous sommes bien en présence d'un grand vin, d'une incroyable longueur en bouche. De la bombe ! comme l’annonce fièrement le caviste de la cave des Arceaux à Montpellier qui distribue le divin breuvage.
Cette après-midi en compagnie de Fatima Ribes restera mémorable. Qu'elle en soit ici remerciée. Nous n'étions pas dans le cadre chronométré et commercial de trop de visites habituelles. Nous étions chez un vigneron, et un grand, qui nous a ouvert la totalité de sa gamme en commençant par les rouges secs, aux vieux tawny en passant par les LBV, vintage 2000, vintage 2003 en cours d’élevage, sans oublier un surprenant Vintage Character très apprécié par la gente féminine. Les LBV ici ne sont pas filtrés. Ils sont produits les années ne permettant pas de déclaration de vintage. Ils sont donc vinifiés et taillés pour la garde contrairement aux idées reçus.
Si vous faites étape à Porto, vous l’aurez compris, ce domaine est incontournable.
Trapío (II)
J'adjoins seulement cette photographie d'un tulio, prise au campo en 2004. Le "poids des mots, le choc des photos" diraient certains... Le pedrajas dans toute sa splendeur.
06 novembre 2005
Etre à poils, ou pas
Sans doute avez-vous vu comme moi, à l’approche de Noël, de spectaculaires affiches montrant des escarpins piétinant de gentils animaux à fourrure qui se tordent de douleur, leur sang giclant presque jusqu’à nos yeux censés être horrifiés ! Le slogan dit : « La fourrure, signe extérieur de cruauté ». Je suis particulièrement à l’aise pour dénoncer ce procédé culpabilisant car personne, dans ma famille ou celle de ma compagne, n’en porte. En tous cas je suis quelqu’un de très cruel, je le reconnais. Je suis tout entier constitué de signes intérieurs et extérieurs de cruauté et de cynisme ! Jugez plutôt : dés le printemps venu, je cours traquer la truite, dés les beaux jours de l’été je persécute les dorades et court les corridas, l’automne venu les bécasses n’ont qu’à bien se tenir, et tout l’hiver, je m’impatiente de recommencer tandis qu’à longueur d’années, je m’efforce de subsister en achetant des morceaux de cadavres d’animaux dûment cuisinés. A Noël je ne déteste pas enfourner un chapon et déguster le résultat de la torture hépatique imposé au bien nommé canard muet qui sinon s’en plaindrait. Je ne cracherai pas non plus, je le confesse, sur la langouste ébouillantée vivante. Qu’un moustique me conteste mon espace aérien, et paf ! je le tue sans remords. Que des pucerons envahissent mes fruitiers, et Zou ! Je pulvérise à tout va ! J’éternue dans mon lit ? Pschiiitt ! je "bombe" les acariens ! Qu’une bactérie m’approche, qu’un microbe m’atteigne ou qu’un virus m’investisse et je les zippe aux antibiotiques ! Non mais ! Je consomme aussi des plantes qui ont été vivantes dans une célèbre vallée de Cuba et partent en fumée pour mon plus grand plaisir. Le plaisir, je le reconnais aussi volontiers, est la notion pécheresse qui me fait accomplir tout cela car j’en ai un besoin moins urgent que l’inuit qui doit s’engoncer dans une peau d’ours et manger de la graisse de phoque pour ne pas mourir congelé. A lui, il serait encore plus périlleux d’essayer d’expliquer qu’il présente des signes extérieurs de cruauté, sous peine qu’il en vienne à présenter des signaux posthumes de vie bâclée...
Mais vous, messieurs-dames qui êtes à l’origine de cette campagne, qui avez sûrement à juste titre pour certains animaux dont la survie est menacée (quoique je fasse confiance à l’homme pour élever ce qui lui rapporte…) renoncé à porter de la fourrure et tiré un trait sur l’alimentation carnée, oui, vous, n’avez-vous jamais utilisé un canapé, une selle, une sangle, une valise, un porte-monnaie, un sac, une sacoche, un cartable, un blouson de peau ? Jamais donné un coup de tête à un authentique ballon de foot ? Ne vous êtes-vous jamais disputé avec quinze autres petits camarades, l’ovale aléatoire ? N’avez-vous jamais retenu votre pantalon par une ceinture ? Fait relier un beau livre ? Ne vous êtes-vous jamais fait fouetter par madame au cours d’une séance sado-maso ? (dans votre beau slip en cuir clouté…) Non ? Bravo ! En toute conscience vous n’aurez pas cautionné un tel carnage. Bravo de vous être toujours chaussé de caoutchouc, de toile et de cordes, de bottes de pluie (mais au fait, et l’Hévéa il n’est pas saigné peut-être ?) et d’espadrilles, car, bien sûr, des chaussures en ces peaux de bêtes aux pieds que l’on dénomme ‘’cuir’’, même dépourvues de leurs poils vous auraient irrémédiablement condamnés à la cruauté que vous dénoncez ! Pauvres anti-corridas qui ne savent même pas qu’ils portent de la peau de taureau aux pieds… ! Va-nu-pieds ! To be à poils or not à poils, that is the hypocrisie…
Elpipodelamarisma
04 novembre 2005
Philippe Taris, photographe
L’avènement du numérique avec ses avantages et ses inconvénients a démocratisé plus encore la photographie et Internet s’est trouvé être, logiquement, le support naturel de cette nouvelle technologie. On ne s’en plaindra pas. Du reporter professionnel au plus humble des débutants tout le monde, ou presque, s’y est mis, avec plus ou moins de conviction. Chaque médaille ayant son revers cette explosion numérique fait que la plupart du temps nous sommes abreuvés d’images médiocres qui, il y a peu encore, n’auraient pas quitté le support argentique, n’auraient pas été prises et encore moins diffusées. Il est parfois difficile de s’y retrouver. Aussi quelle ne fut pas notre joie en cherchant des clichés de Rafael de Paula de découvrir, au détour d’une recherche, le travail de Philippe Taris. Le bonheur fut total, car la vision de l’Espagne du photographe se conjugue ici, de la plus heureuse des façons, avec une conception très aboutie de l’acte photographique. Philippe Taris a un œil comme on dit et en « feuilletant » son travail on se plonge dans un univers ou la couleur, pour une fois, ne pâtie pas de la proximité d’un noir et blanc parfaitement maîtrisé et donc de très haut niveau. Malgré le support visuel peu adéquat que représente un écran d’ordinateur on flaire ici, et avec bonheur, l’utilisation du moyen format, les noirs profonds, la richesse des gris, le goût pour les tirages soignés, les papiers barytés, un plaisir physique irremplaçable. A consommer sans modération.
Pour se mettre en appétit un très joli portrait d'un très grand chef : Martín Berasategui, à l'entrée de son restaurant à Lasarte près de San Sebastián.