30 avril 2008

Pérez de la Concha, Georges Clooney et Bertrand Renard...


L'occase était trop belle, on pouvait pas rater ça...
Vitres ouvertes, le compteur a tope, on écoutait pour la 35ème fois, le dernier album de Chambao. A l'arrière, ceux qui avaient entamé les stocks du "Lo Nuestro" jusqu'à pas d'heure, finissaient leur nuit. Et nous, on savourait la diversité des rouges de la terre, le voile argenté des champs d'oliviers et puis, de temps à autres, au milieu, la petite chapelle en ruine d'une finca isolée qui a dû connaître son âge d'or à une époque où, assurément, ni vous ni moi n'étions de ce monde. On allait voir les Pérez de la Concha, ceux de Vic.
Au fond de nous, on spéculait pas mal sur ce "détail" de l'Histoire qui nous animait et qui avait réussi le fol exploit de nous arracher de la torpeur nocturne de la calle Betis.
Pour être honnête, on ne savait pas grand-chose de ces Pérez de la Concha mais on imaginait beaucoup. Aucun de nous n'aurait pu évoquer le moindre souvenir de la moindre lidia au moindre de ces spécimens, mais il suffisait de savoir que leur présentation madrilène s'était faite en 1850 pour deviner l'ampleur de l'entreprise généalogique, avec tout ce que cela implique de croisements, d'héritages et autres ventes au gré du souffle de la vie des hommes, de leur travail, leur passion et leurs drames aussi. Et puis, Pérez de la Concha, ça sonnait un peu comme un de ces noms de ganaderías d'antan qui faisaient hurler d'effroi les foules, et peuplaient les colonnes de faits divers morbides des diarios taurinos des siècles passés. On en aurait presque des visions goyesques. Mais bon, il y a bien longtemps que Pérez de la Concha n'évoque plus la moindre sueur froide. Un peu comme la petite chapelle sans son clocher, là-bas plus au sud, dans son champ d'oliviers, avait fini d'évoquer la moindre illumination divine depuis... allez savoir, tiens ! Ainsi, la destinée glorieuse des toros de Pérez de la Concha s'était diluée dans le puit sans fond des souvenirs anciens d'une tauromachie qui ne s'accorde plus avec les tempéraments piquants du passé. Et c'est bien tout le drame de la maison... et finalement peut-être un peu de la tauromachie aussi.
En bref, c'est Joaquín de la Concha y Sierra qui créa l'édifice avec des vaches de "Curro Blanco" et du bétail de "Las Ninas de Pérez", tous issus des alentours de Séville. Puis, il acquit des vaches et des étalons de Picavea de Lesaca (Marquis de Saltillo devenu Félix Moreno). Il céda le fer à son neveu Joaquín Pérez de la Concha à sa mort en 1861, qui céda lui-même à ses fils. La ganadería s'appelle alors Señores Hermanos Pérez de la Concha. En 1924, des vaches et un semental de Santa Coloma viennent donner une nouvelle "coloration" au sang des bravos lesaqueños .
1928 enfin, la ganadería est vendue en 2 lots. Le premier partira chez Esteban González Camino et le second restera toutefois dans la famille puisque c'est un fils, Tomás Pérez de la Concha, qui en devint acquéreur en donnant au passage son nom à l'entreprise. Quelques lectures nous avaient renseignés sur ce que l'on s'apprêtait à voir, et l'on imaginait surprendre peut-être quelques jaboneros, résurgences accidentelles d'un passé vazqueño du lointain Concha y Sierra originel perdues au milieu de cárdenos définitivement santacolomeños car, oui, c'est bien sous cette bannière là que s'annonce le sang des toros bravos de "Hijos de Tomás Pérez de la Concha" . Oh bien-sûr, on ne boude jamais son plaisir de voir son propre reflet dans l'oeil d'un Santa Coloma, mais bon sang ! Où donc est passé cet exotisme qui manque tant à la planète des toros d'aujourd'hui ? Qu'il en soit ainsi, alors... tant qu'on n'annihile pas complètement les vertus d'un sang royal pour de trop basses raisons.
Justement, alors que l'on avait décimé des armées de moustiques à grands coups de pare-brise sur environ 200 bornes, on arrivait à Azuaga, finca "La Gloria", anciennement celle de Pepe Chafik, ganadero de San Martín. Pas de souci, ses anciens trésors qui n'ont pas été du voyage outre-Atlantique sont toujours bien gardés dans leur écrin cárdeno et leurs "très vilains" cercados, à la différence près que le gardien du temple s'appelle aujourd'hui... Ignacio Huelva Manrique. Beau gosse à la quarantaine "GeorgesClooneyesque" (fallait la tenter, celle là... ), ce "golden boy" aux dents longues a la bosse des affaires et l'afición a los toros... los de verdad. What else ?... Eh bien, que quand on investit dans du San Martín, Hernández Pla ou du Pérez de la Concha, soit on est un peu perdu avec la notion de rentabilité, soit on aime profondément le toro rustique, à l'ancienne, qui vous colle une migraine à l'évocation de son nom, en ayant bien conscience que la poule aux oeufs d'or n'est pour l'heure qu'un gros caillou tout brut. Ainsi Ignacio Huelva est aficionado, et après pareille évocation on n'oserait en douter. Tant mieux pour lui, pour eux (les bichos), et puis pour nous aussi, un peu... après tout.
La terre est belle à Azuaga, et le campo se magnifie sous l'ardente chaleur. A l'heure où même les arbres s'endorment pour ne pas avoir à supporter la présence étouffante du soleil, on fait le tour de la propriété. On shoote plein tube le moindre cornu qui ose s'aventurer dans notre champ de vision... Ici, chez San Martín, évidemment, du cárdeno "en-veux-tu-en-voilà", et là, tout de suite, au milieu de ce maudit cercado, les pupilles de Pérez de la Concha. Stupéfaction.
De suite, tu sens bien que l'oeil du Santa Coloma te guette. Il y a cette présence qui te pèse et l'atmosphère qui devient lourde, très lourde. Cette lueur terrifiante au fond du regard qui te rappelle terriblement ta condition de petit homme au milieu d'un royaume qui n'est pas le tien. Bien-sûr, il n'était pas question de grandes étendues sauvages, mais chez ce genre de Seigneur-là, toute terre foulée devient un bastion immédiat à défendre. Ils ne te lâchent pas, te fixent, te surveillent, vigilants au moindre cil qui bat. Des combattants à l'affût. Ça tourne, ça rode... Laisser distraitement traîner une main le long de la portière serait un défi à l'apparente paix qu'évoque l'ampleur pesante de ces monstres. Nul doute que s'ils préfèrent éviter l'affrontement, c'est qu'ils accordent leur pardon à l'inconscience. Mais quand le Santa Coloma se retire du débat, il ne te tourne pas le dos... Oh non, ça, jamais.
Souviens-toi toujours de l'oeil du Santa Coloma qui ne te perd jamais de vue. Il n'abdique pas, ne crois pas ça... Pas le Santa Coloma... même là-bas, au fond, derrière l'arbre et dans sa volute de poussière, il t'observe et ne perd rien de ton séjour en son antre. Il s'en souviendra longtemps, même, jusqu'au moment ultime de sa vie où il se sentira serein d'avoir pardonné à ceux qui ne savaient pas qu'ils le défiaient. N'oublie jamais l'oeil du Santa Coloma, petit Homme... n'oublie jamais.
J'abandonnais le cercado sur ce regard ultime plein de promesses que me lança le dernier "Pérez" de la troupe, avant de disparaître plus loin, là-bas. Il me disait qu'on allait se revoir bientôt...
En quittant les lieux, on venait de laisser derrière nous les vestiges d'une histoire de bravoure qui dure depuis plus de 150 ans. Mais à l'image de ces noms anciens qui illustrent d'antiques épopées, où le sang d'avant n'est plus et où l'allure qu'on devinait sur de vieilles gravures ne rappelle en rien celle que l'on discerne, là, juste sous notre nez, ces toros de Pérez de la Concha venaient d'ouvrir une nouvelle brèche dans nos fraîches connaissances, car si l'on envisageait honnêtement assez peu de percevoir quelque "lesaqueño" de l'ancien temps, on s'attendait toutefois, à juste titre, à croiser ce bouleversant regard de Santa Coloma cárdeno. Mais pas le Santa Coloma type Buendía de... Hernández Pla, oh non, pas celui-là. Et pourtant, si...
On mordait l'asphalte bouillant du retour, Chambao jouait rien que pour nous pour la 36ème fois et l'on décimait encore une quinzaine de dynasties de moustiques avec frénésie, en ruminant sur notre "découverte" comme Bertrand Renard* sur une équation à 18 inconnus, quand le nom d'Ignacio Huelva revint à nos esprits comme un revers qui vous claque au blaire, car il nous aurait suffi d'ouvrir plus tôt les yeux pour déduire que les toros de Pérez de la Concha partagent le quotidien, entre autres confidences, de ceux d'Hernández Pla dans leurs fincas respectives de Ciempozuelos, Zufre et Puerto Moral, toutes trois outrageusement identiques et propriétés d'une seule et même société, la S.A. Horsebull (yes it is...), que représente si "georgesclooneyesquement" (celle-la aussi, fallait la tenter...) l'ami Ignacio (yes he is...). Vous saisissez ?
Mais allez savoir, peut-être un pur hasard... sans doute, même.
Oui , sûrement un hasard.

To be continued...
El Batacazo

* Honnêtement, vous auriez pensé qu'on pouvait citer Pérez de la Concha , Georges Clooney et Bertrand Renard dans un seul et même texte ?

>>> Retrouvez la fiche complète de la ganadería sur Terre de toros & la galerie des Pérez de la Concha qui sortiront à Vic-Fezensac sur Camposyruedos.

Photographie Un novillo de Pérez de la Concha au campo en avril 2008 © Camposyruedos

'Feudal', une énigme résolue


A la commission taurine montoise

Noir, musclé, 'Feudal' est un magnifique toro bravo. Mais chut, pas un bruit ! il ne faut pas le dire trop fort, du moins pas encore...
'Feudal' présente un physique de rêve, compact, aux lignes harmonieuses, tête agressive sans trop de largeur, 490 kgs inscrits dans les canons du toro de lidia, qui suffisent à imposer le respect et à susciter l’admiration. Ce Zalduendo aurait pu sortir à Séville, à Jerez ou même à Dax, mais par un heureux hasard, il échut à Saint-Sébastien pour une corrida concours. Combien de toro de cette ganadería ont participé à des corridas concours ces dernières années ? Bien peu. 'Feudal' a eu de la chance, c’est sûr. Pourtant, cette chance est celle que devrait se voir offrir tout taureau de combat. Moins qu’une chance, se donner les moyens de découvrir un toro devrait être une banalité, sans que l’on vienne sans féliciter puisqu’il s’agit là d’une évidence. Mais vous savez tous aussi bien que moi dans quel monde nous vivons et ces choses-là sont rarissimes ; alors, lorsqu’elles se produisent, autant les souligner.
Ce qui est d’autant plus dommageable dans l’histoire, c’est que cette « chance » n’est pas dûe au hasard. Je m’explique. 'Feudal' aurait pu sortir dans n’importe quel ruedo du monde taurin actuel, personne n’aurait pu percer son énigme. Même s’il était sorti à Illumbe ce même dimanche 27 Mars 2008 face à Morante de la Puebla avec une lidia dite « normale », nous n’aurions pas connu 'Feudal'. Le qualificatif de « normalité » est bien mauvais je vous l’accorde, mais il en est ainsi. La « chance » de Feudal fut de sortir dans une corrida concours, c'est-à-dire dans une corrida comme elle devrait toujours se pratiquer. Car si il y eut en ce jour concours, il n’y eut point d’excès dont l’exercice est parfois taxé. Plus qu’un concours, cette course fut une vraie corrida, un spectacle où le toro a sa place comme acteur. Il lui a été donné la possibilité de s’exprimer et d’élever les débats en donnant une dimension supplémentaire au spectacle. Ce jour, sans que sortent des toros exceptionnels, le public a profité à plein nez et à pleine main d’une « tarde de toros » et c’est bien là l’essentiel. Rien d’exceptionnel vous dis-je. Enfin si, puisque le toro put s’élancer à plus d’un mètre du cheval. Il a eu le droit d’y revenir, sans risquer de se faire enfermer, sans risquer de se faire pomper le dos, déchirer les muscles. Cela n’a l’air de rien dit comme ça, mais ça change tout ! Point d’excès vous dis-je. Rien que trois piques, pas une de plus puisque c’était la règle et le tout sans excès. Aucun des six toros ne pâtit du premier tiers, bien au contraire, ce fut l’inverse. Démontrant aux sceptiques que ce n’est pas la quantité mais la qualité dans la manière qui fait effet. Une monopique pompée et carioquée faisant plus de dégât que trois « bonnes » piques. Comme il est absurde de comptabiliser le nombre total de piques d’un lot de toros pour argumenter sa qualité, le chiffre n’exprimant pas la manière et ne décrivant en rien la bravoure, mais ceci est un autre débat.

Revenons plutôt à 'Feudal'. Sa présence en piste fut très vite gâchée par de mauvaises manières. Manquant de fixité, il jeta à chaque fois les pattes dans le capote de Morante, ne répétant jamais. Placé au centre du ruedo pour une première rencontre, 'Feudal' rentre plein gaz sur le cheval, mais point de poussée, une simple impulsion fugace pour sortir seul. Que se serait-il passé dans d’autres circonstances qu’un concours ? Point besoin d’être devin pour deviner le scénario. Le toro aurait été placé à courte distance et le picador n’aurait jamais laissé échapper sa proie, l’enfermant adroitement pour le châtier à sa mesure. Et vu les qualités exhibées jusqu’alors, le châtiment aurait sûrement été conséquent. Ainsi traité, dégoûté en quelque sorte, les jeux de flanelles auraient frustré à coup sûr notre 'Feudal'. Mais dimanche était jour de fête, jour de droit des aficionados et il en fut tout autrement.
Dès que 'Feudal' sortit de sa première rencontre, il fut replacé au centre de la piste. Sans précipitation, il regarda sa proie. La défiant du regard, il lui laissa le temps de s’échapper. La concentration de 'Feudal' était déjà autre et à l’instant où il s’élança, la métamorphose éclata aux yeux de tous. Ce galop classieux restera pour longtemps dans ma rétine. Quelle classe ! Quelle certitude dans l’ambition, quelle vivacité ardente pour aller au combat. Sans mentir, une fois dans le peto, 'Feudal' mit les reins, tête basse il poussa de toutes ses forces pour faire reculer son adversaire, sans jamais bouger la tête. Charge de brave comme la définissent les canons. Remis en suerte une troisième fois, 'Feudal' récidiva, avec certes moins de poder, mais les intentions étaient là, convainquant définitivement l’assistance de sa bravoure. Par la suite 'Feudal' dévoila une belle noblesse, mobile, répétant bien avec une grande fijeza. Qui alors se souvenait du manque de fixité, du manque de répétition, du jet de pattes dans le capote ? Personne, 'Feudal' était un brave, point. Son mystère était percé, révélé à tous. Personne ne se posait plus de question, la solution était évidente. L’équation résolue. CQFD.

En d’autres circonstances, l’inconnu serait resté un mystère. Trois piques pour construire et dévoiler un toro, il en fut de tout temps ainsi et il en est encore cas. Une pique ne signifie rien. Deux piques laissent planer le doute. Trois donnent la solution. Voilà la morale de cette histoire, et si elle peut servir à quelques-uns, elle valait la peine d’être contée. Messieurs les Montois, 'Feudal' vous regarde, ne le décevez pas, il demande seulement autant de faveur pour ses frères. Pour que la chance ne soit plus un hasard.

29 avril 2008

La tortura no es arte ni cultura


Sans doute l’avez-vous remarqué. Depuis quelque temps, certains, chez nous, ne semblent vivre leur passion pour la Fiesta qu’au travers de leur combat contre les "zantis". Il existe même des espaces taurins où le sujet doit bien occuper une bonne moitié de la production, voire plus. « Hay gente pa tó » disait le divin chauve. Alors, pourquoi pas... même si nous avons tendance à trouver cette attitude bizarre. Nous avons le sentiment que, d’une certaine manière, nous avons, nous aussi, nos mémères à son chienchien, nos Brigitte Bardot... Il en faut me direz-vous, et mieux vaut que ce soit eux que nous. Hay gente pa tó...
Tout ça pour en venir à une chronique de Joaquín Vidal de 1996, à Valencia, intitulée : « La tortura no es arte ni cultura ». Vous allez voir, une bouffée d’air pur, une démonstration éclatante de ce que peut être la liberté d’expression, le journalisme d’opinion, loin des petites combines loco-locales, des « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». La vérité c’est qu’actuellement absolument personne n’est en mesure d’écrire ce genre de choses. Je veux dire sur le fond. La forme, n’en parlons même pas... Un recuerdo Maestro.


La tortura no es arte ni cultura
Joaquín Vidal – El País CULTURA - 19-03-1996
Plaza de Valencia, 18 de marzo. 12ª corrida de feria. Lleno

Hecho el despeje, en la naya de sol dos muchachos, chico y chica, extendieron una pancarta que decía: "Tortura, ni es arte ni es cultura". Parte del público, al advertirlo, les pegó un abucheo y no hubo más. Se sentó al público a ver la corrida y los chavales también. Pareció entonces que se había olvidado el incidente pero he aquí que aparecieron los guardias en la naya, arrebataron violentamente la pancarta y expulsaron sin contemplaciones a sus portadores. Un atropello bochornoso que produjo auténtica indignación. Daba vergüenza ser aficionado a los toros, ser ciudadano y ser español ante aquel brutal ataque al derecho de opinión, ante aquella arbitraria expulsión de unos chavales majísimos que no se habían metido con nadie, ante aquella facistada incalificable.

Guardias contra unos chiquillos inocentes, que se limitaron a saludar sin un mal gesto y a exhibir una pancarta donde se decía la verdad : tortura no es arte ni es cultura. Tan obvia era la proclama como que lucía el sol y estábamos en fallas. En lo que seguramente estaban equivocados los dos muchachos es en creer que lidiar un toro bravo consiste en torturarlo. Varas y banderillas son suertes proporcionadas al poder de las reses, que no buscan tanto castigarlas como ahormarlas y calibrar su bravura. Mucho habría que hablar y discutir sobre la naturaleza de la lidia y su licitud. Lo que no puede hacerse de ninguna manera -salvo abuso de autoridad y brutalidad manifiesta- es violentar a quienes están contra ella y echarlos a empujones.
Si les hubieran dejado ver la corrida, los dos chicos de la protesta hubiesen advertido que, efectivamente, aquello era una verdadera animalada. Porque sacaron unos toros mínimos, una birria de toros, mermados de fuerza y de pitón, indefensos ante el caballazo acorazado y el siniestro individuo del castoreño que lo cabalga, humillados después por unos toreros que en lugar de torear les hacían cucamonas.
Ahí sí estaba el delito. Ahí -y en todas las corridas de la feria - es donde debió intervenir la autoridad, y mandar guardias y llevar al cuartelillo a los defraudadores, a los que convirtieron el espectáculo en estafa y la fiesta brava en tortura. Pero en lugar de detenerlos les dieron franquía para cometer sus desmanes. La propia autoridad era cómplice, y con ella, los políticos, que ocupaban las mejores localidades del coso. Allí estaban los del pepé y los del popó. Allí los que aún gobiernan y los que quizá gobiernen. Allí ministros en funciones y ministros in pectore, allí alcaldes y alcaldesas, diputados y concejales, callando ante la sórdida irrupción de los guardias y aplaudiendo divertidos la siniestra mascarada en que los taurinos habían convertido la función...

... una especie de novillos que daban la sensación de afeitados, a los que rajó las entrañas la acorazada de picar acorralándolos contra las tablas. Tal fue la versión astrosa y repulsiva de la secular fiesta brava, que ofrecieron ganadero y lidiadores, permitió la autoridad y aplaudieron los políticos. Y eso no es arte ni cultura, efectivamente. Eso es tortura. Eso es una vileza y es una estafa.

Toro lunar


- ¿Y este? El con la capa...
Silence, d’un coup.
- Este... para la concurso de Vic !
- Vale...
"Vale" ? Mais rien du tout, "vale". Mais c’est quoi ce pelage, c’est quoi cette flaque blanche qui noie la droite du regard ? José Ignacio Charro Sánchez-Tabernero de Llen et des coquilles comprime son large réseau de rides creuses dans une moue je-m’en-foutiste.
- ¡Un lunar!
- Vale, un lunar...
"Vale" ? Mais rien du tout, "vale". Qu’es acco un lunar ?
France. Retour. Dictionnaire (oui ça existe encore). "Lunar".
Larousse, dis-nous tout : "Lunar : adjetivo : lunaire ; sustantivo masculino : en la piel : grain de beauté, en telas : pois".
- ¡Vale!
Des grains de beauté, des pois et la lune dans l’oeil. Ça fait beaucoup pour un seul toro.
De loin, en entrant dans le cercado, il semblait burraco, de ce blanc et noir qui habillent ces insupportables piafs vociférant. Le burraco, c’est un salpicado dont les taches blanches sont plus nombreuses et plus abondantes que chez le simple salpicado. C’est clair non ? Adolfo Rodríguez Montesinos précise en outre que chez le burraco ces taches blanches se situent plutôt sur la partie basse du ventre. Donc, dans le cas qui nous intéresse ici, il ne s’agit pas d’un toro burraco pourtant assez fréquent dans cette ligne Tamarón–La Corte–Atanasio Fernández. Non, ce n’est pas un burraco, c’est un carbonero ! Et si le burraco a souvent l’occasion d’être observé, force est de constater qu’il n’en va pas de même pour le carbonero. Un carbonero, c’est un toro à la "robe claire, cárdena mais aussi berrenda ou ensabanada, sur laquelle le blanc du pelage est sali par des taches plus obscures ou noires"1. Et celui-ci est un superbe exemplaire de pelage carbonero. Ni noir, ni blanc, ni gris, un peu de toutes ces teintes à la fois.

En regardant de près la partie centrale de son corps, au niveau du ventre, l’on constate facilement la présence de taches noires de petites tailles et de formes circulaires. S’il s’était agit d’un exemplaire berrendo ou ensabanado, il aurait été possible de qualifier ce toro de atizonado voire, pour les taches noires plus petites, de mosqueado. Mais ce Charro de Llen (Atanasio Fernández) n’est pas berrendo, pas plus qu’il ne peut être décrit comme un ensabanado. Il est carbonero et une lune peint son œil droit. Donner un nom correct à cette rare tronche n’est pas une mince affaire. Ce qui s’en rapproche le plus est le terme de careto qui désigne "un toro avec une tache blanche sur le front et sur la tête, tache qui contraste avec le reste du pelage"2. A moins que cette large flaque blanche ne soit tout simplement une mauvaise et disproportionnée symétrie d’un animal ojalado. En observant de près l’œil gauche de l’Atanasio, cette hypothèse pourrait éventuellement tenir debout. Disons pour faire simple que c’est un careto loupé, un ojalado déséquilibré et que le coup de pinceau final a dérapé... Peut-être l’artiste avait-il l’esprit dans la lune...
Ce toro sera (normalement) lidié à Vic-Fezensac lors de la corrida concours du dimanche matin à 11 heures (11 mai 2008).

1 et 2 Pelajes y Encornaduras del Toro de Lidia, Adolfo Rodríguez Montesinos, Consejo General de Veterinarios de España.

Adolfo Rodríguez Montesinos nous a fait l'honneur de bien décrire le pelage de ce magnifique toro. Voici donc le résultat de son observation :
"La reseña sería cárdeno salpicado, carbonero, ojalado, bragado corrido y rebarbo. En cuanto a la mancha del lado derecho de la cara es un simple accidente, que puede estar producido por un golpe que hace convertirse en canas los pelos de esa zona, o bien una reacción de tipo alérgico, que produce la caida del pelo en la misma. También podría tratarse de un antojo. Si miras el libro de pelajes yy encornaduras hay una foto de un animal con una característica parecdida en el tronco y que aparece descrita como falso girón. En este caso no podría utilizarse ese término ya que el girón se refiere al tronco, pero no a las extremidades, la cabezxa ni la cola. Un abrazo."

28 avril 2008

"Les noirs et la lumière..." Corrida concours de Saragosse


Le chignon haut comme l’Aneto, elle a embrassé la Virgen del Pilar devant la petite dizaine d’aficionados qui discutaient encore sur les trottoirs de la calle Ramón Pignatelli. 'Farolero', toro jabonero de Prieto de la Cal venait d’être déclaré vainqueur de la corrida concours de Saragosse. Elle était heureuse. Une lumière toute discrète éclairait certainement "La Ruiza", de l’autre côté de l’Espagne taurine. L’espoir. Pour ne pas être ébloui, Tomás Prieto de la Cal, le ganadero, a gardé ses lunettes noires tout au long de la course et même après. Autant resté discret quand la victoire est si fragile, si peu logique même. 'Farolero' n’aurait jamais dû remporter ce concours de ganaderías qui resta intéressant de bout en bout tout en laissant un goût d’inachevé dans les mémoires aficionadas. C’est souvent le cas de ce genre d’exercice de style. 'Farolero' est parti six ou sept fois de loin vers la puya bien timide de Placido Sandoval, picador de Serafín Marín. Six ou sept fois, le coso de la Misericordia de Zaragoza a grogné ce "Ahhhh" de joie presque enfantine. C’est beau un toro qui charge un cheval d’aussi loin, s’en se faire prier. Après, pas grand-chose malheureusement. 'Farolero' n’a jamais mis les reins pour pousser, ne s’est jamais employé sous le fer comme disent les spécialistes. Pire... il est sorti seul à chaque fois, rapidement, sans combattre vraiment. Derrière la cavalerie, une tête noire azabache cachée par des lunettes encore plus noires s’époumonait littéralement pour que le Sandoval accomplisse son office : piquer un toro.
- ¡¡¡Picalo!!!
Il a crié à chaque fois, à chaque rencontre mais rien n’y fit. 'Farolero' jamais ne s’employa sous le châtiment et de vraie pique il n'en reçut pour ainsi dire pas. Placido Sandoval a reçu le prix au meilleur picador à l'issue de cette corrida. Soit, mais il est difficile de vouloir redorer un tercio déliquescent en primant un professionnel qui par six fois plaça la pyramide bien en arrière de l'endroit voulu (tiers arrière du morrillo) et qui, au lieu de piquer, s'ingénia à doser les puyazos. De toute façon, les compañeros de Sandoval furent majoritairement à l'unisson de ces pratiques devenues des habitudes (piques traseras, caídas, carioquées...). Il n'y a guère que le toro de Fuente Ymbro qui profita à peu près correctement de deux premières piques bien situées (picador : Manuel Molina de la cuadrilla de Serafín Marín) à la base du morrillo. Rome ne s'est pas faite en un jour disaient les anciens...
C'est justement ce Fuente Ymbro, 'Lanudo', negro de 606 kgs, qui pouvait seul se prévaloir de recevoir ce jour un quelconque prix. Des six toros envoyés dans la capitale aragonaise, lui seul a démontré les qualités exigées actuellement chez un taureau de combat. Pour autant, il ne s'agissait pas non plus d'un grand brave au cheval car il ne poussa fixement, tête basse et avec une certaine durée que lors du second puyazo. Mais 'Lanudo' possédait ce qui fait aujourd'hui le renom des toros de Ricardo Gallardo : mobilité, fixité, promptitude dans la réponse aux cites et ce soupçon de piquant qui interdit de les qualifier de "collaborateurs". Selon tous ces critères, c'est ce toro qui émergea de la moyenne et le jury de ne pas le voir... C'est ainsi. Peut-être que l'accident de fin de faena subi par Serafín Marín coûta cher à ce bon toro de Fuente Ymbro. L'émotion et l'inquiétude vive ne font pas souvent bon ménage avec l'analyse et l'esprit de justice.
En observant la Marquesa rouler une pelle à la Virgen del Pilar, sur le trottoir de la calle Ramón Pignatelli, je repensais aux lunettes si noires de son fils et aux yeux si obscurs du superbe toro de Cuadri. C'était le tío de la course, compliqué, poderoso. Un regard de requin en chasse, sans expression, sombre, profond, inquiétant... Un taureau de combat et d'effroi. Il en faut aussi de ceux-là pour se souvenir que derrière les lumières de l'or se planquent souvent les noirs de l'angoisse.
Dans son inachèvement, cette corrida concours de ganaderías aura au moins permis de voir un public se lever d'émotion lors d'un tercio de piques que les organisateurs ont voulu cajoler et magnifier, et ce, avec l'assentiment des matadors qui, sauf l'agaçant Jesús Millán, ont accepté de jouer le jeu. C'est assez rare pour être noté.
Le chemin est long... Samedi à Saragosse, nous avons presque pu imaginer la ligne de départ...


>>> Retrouvez la galerie de cette corrida sur le site : www.camposyruedos.com.

Photographies 'Farolero', toro de Tomás Prieto de la Cal (Veragua) & 'Lanudo', toro de Fuente Ymbro (Domecq-Jandilla).

26 avril 2008

Primavera camarguaise

Simplement flâner, regarder, profiter. Il n'y a guère besoin de parler, juste contempler. Ce genre de face-à-face, en plein campo, n’a absolument rien d’effrayant. Voici la source d'un perpétuel émerveillement. On s'interroge, on suppute et on rêve, sur le devenir de ce novillo… et on clique sur la photo, évidemment.
Une galerie est accessible depuis la rubrique CAMPOS du site. Les quatre dernières photos vous présentent des toros des héritiers de Christophe Yonnet qui seront combattus samedi prochain à Alès.

C'est pourtant pas le Pérou !


Quoique...

À l’occasion des 2° Rencontres des Aficionados célébrées en ce moment même à Saragosse, l’exposé dominical de l’aficionado péruvien Fernando Marcet sur la suerte de vara y tiendra une place de choix, notamment aux côtés du Décalogue pour une régénération de la suerte de varas initiée par le Manifeste des aficionados pour une Fiesta intègre, authentique et juste. Au début du mois, j’avais proposé une présentation et une tentative de traduction de ce Décalogue dans La suerte de varas.... Pas mécontent de ma moulinette à traduire (le genre de prototype voué à rester en l’état...), j’ai décidé de remettre ça en y jetant le texte de Marcet !

Les aficionados qui cogitent et produisent des textes de fond sur la suerte de vara sont suffisamment rares pour ne pas mentionner comme il se doit le travail de Fernando Marcet, dont vous trouverez un aperçu en cliquant sur les liens en annexe. Le propos de l’ami américain tient principalement en trois points :
1/ La pique doit être réalisée avec la seule pyramide en acier (l’actuel binôme "pyramide + corde" — cette dernière censée jouer le rôle de butoir, de frein, d'arrêt... — étant non réglementaire et dévastateur) ;
2/ La pique doit être portée dans le morrillo (partout ailleurs la pique est non seulement néfaste mais inopérante) ;
3/ Un toro doit recevoir un nombre minimum de trois piques (pour donner du sens au combat et séparer les "idiots" des braves).

En temps utile, et sans trop tarder, nous essaierons de rendre compte voire de commenter les conclusions de cette fin de semaine aragonaise et studieuse (le texte original s’y trouve). En attendant, bonne lecture à toutes et à tous.

« Exposé de Fernando Marcet # 2° Rencontres des Aficionados de Saragosse des 26 & 27 avril 2008.

Considérant que :
1/ Depuis la moitié du 18ème siècle environ jusqu’à 1917, personne ne doutait du fait que la pique devait être réalisée seulement avec l’acier dépassant du butoir (celui-ci constitué par un renflement en corde appelé "limoncillo", petit citron), partie avec laquelle on a piqué les toros pendant plus de 150 ans. Dessin 1 (cf. annexes)
2/ Dans tous les règlements taurins du monde, à toutes les époques, et ce jusqu’au nouveau règlement taurin andalou, il est admis que la pyramide en acier est le fer de la pique et que la partie en corde est le butoir. (Note CyR : le règlement andalou d'avril 2006 ne parle pas de corde mais de bois ou de plastique PVC.)
3/ Dans le règlement espagnol de 1917, la grosseur de la partie en corde (le butoir) s’est amincie et qu’une rondelle en acier a été rajoutée à sa base Dessin 2, afin d’empêcher, au cas où la partie en corde ne remplit pas son rôle de butoir, que le toro soit tué d’un coup de pique.
4/ Comme il était prévisible, le butoir en corde n’a pas fonctionné et la pique a commencé, jusqu’en 1962 et de manière antiréglementaire, à être utilisée jusqu’à la rondelle et, de 1962 à nos jours et de manière antiréglementaire, jusqu’au croisillon. Dessin 3
5/ La pique, corde incluse, est quatre fois plus grande que la seule pyramide en acier et les énormes blessures quatre fois plus importantes que ce qu’elles devraient être.
6/ Une telle anomalie a perduré dans le temps — au lieu de se corriger en voyant diminuer la taille de la pique (puya dans le texte ; note CyR : entendre "pyramide + corde") — et que chaque nouveau règlement a diminué le nombre de piques de quatre à trois et, depuis 1992, de trois à deux dans les arènes de première catégorie et jusqu’à une dans toutes les autres.
7/ Avec la réduction du nombre de piques, la suerte de vara a perdu sa raison d’être car elle ne permet plus de faire valoir les conditions, les qualités et la bravoure du toro, ni de doser le châtiment (castigo dans le texte) pour régler son port de tête et corriger les défauts de sa charge ; tout cela ne s’obtenant qu’avec trois, quatre ou davantage de piques petites et brèves.
Un minimum de trois piques est indispensable pour apprécier la bravoure de l’animal parce que : À la première pique vont tous les toros, à la seconde les braves et les idiots, à la troisième seulement les braves.
8/ La pique doit se réaliser dans le morrillo, cerviguillo ou pelota du toro, partie la plus volumineuse et saillante de l’animal, comprise entre la nuque et le garrot (la cruz dans le texte).
9/ Compte tenu de l’importance qu’a l’emplacement de la pique, les règlements taurins en vigueur en Espagne et dans n’importe quel autre pays taurin ne disent rien à ce sujet. Cependant, certains, en d’autres temps, le mentionnaient comme celui de Madrid de 1880 où l’on peut lire : « Les picadors piqueront, en respectant leur rang (en orden riguroso dans le texte), à l’endroit où l’art l’exige, c’est-à-dire dans le morrillo. »
10/ La pique en arrière, dans la croix, le "creux des côtes" (hoyo de las agujas dans le texte), au niveau du garrot (los rubios dans le texte) ou des péndolas (là où se donne l’estocade) équivaut au bajonazo de la suerte suprême car elle lèse l’épine dorsale ainsi que des organes vitaux à l’intérieur de la cavité thoracique, en particulier les poumons.
11/ La paralysie (el descordado dans le texte), le manque d’air ou bien encore la mort, sont quelques-unes des conséquences de la pique en arrière.

Vu ce qui vient d’être exposé et conformément au vote de l’Assemblée,
Il est convenu :
1/ D’exiger la fidèle application de ce qui est établi dans tous les règlements taurins du monde afin que la pique s’exécute seulement avec la pyramide en acier (fer de la pique) sans y inclure la partie en corde (butoir).
2/ D’essayer d’obtenir la modification du dessin de la pique, de façon à ce qu’elle garantisse que l’on ne puisse piquer qu’avec la pyramide en acier ; pour cela sera étudiée l’opportunité de grossir la partie en corde afin qu’elle fonctionne comme butoir, à l’instar du "limoncillo" utilisé pendant plus d’un siècle, ou de placer, entre l’acier de la pyramide et la corde, le croisillon pivotant (la cruceta giratoria dans le texte) que proposa Antonio Fernández Heredia "Hache", dont le projet est abondamment illustré, avec des dessins détaillés et des plans pour sa construction, dans son livre Doctrinal Taurino publié en 1904.
3/ Que soit rétabli le caractère obligatoire des trois piques minimum dans toutes les arènes du monde. Les toros qui ne recevront pas un minimum de trois piques seront condamnés aux banderilles noires.
4/ Que chaque pique durera le temps que dure la tentative du picador de contenir le toro avec la pique (la garrocha dans le texte) sans que ce dernier n’atteigne sa monture, après quoi les toreros à pied devront intervenir pour le quite afin d’éviter que le toro ne s’abîme contre le peto du cheval ou "se brise" en romaneo (note CyR : action de "peser", de soulever le cheval) indésirable.
5/ Que tous les règlements taurins en vigueur consignent le caractère obligatoire de la pique exécutée dans le morrillo en sanctionnant le picador qui pique en dehors, et plus sévèrement encore celui qui pique en arrière. »

Cette traduction peut et doit être bien évidemment améliorée ; vos remarques sont les bienvenues...

« Dessin 1 Pique dite "limoncillo" (petit citron), utilisée du milieu du 18ème siècle à 1917. Dessin 2 Pique avec une rondelle à la base de la corde, de 1917 à 1962. Dessin 3 Pique avec un croisillon à la base de la corde, de 1962 à nos jours. » Fernando Marcet

En plus Autres contributions de Fernando Marcet parues sur Opinión y Toros entre mai 2006 et mars 2007 : Tercio de varas (introduction), Tercio de varas II (Comment doit être réalisée la suerte de vara ?), Tercio de varas III (Où doit-être piqué le toro ?...), Tercio de varas IV, Tercio de varas V (historique), ¿Es necesario el tercio de varas? & Mi propuesta para el tercio de varas.

Image « El picador va camino de la plaza de Las Navas aunque, en realidad, podría ir a enfrentarse en un duelo al sol con Clint Eastwood en el desierto de Almería. » Manon. Photo © Julián Jaén

25 avril 2008

Reventa sur CyR


Non, pas encore de places pour les Victorino ou José Tomás à Madrid, mais cela pourrait venir...

En attendant, deux aficionados empêchés cèdent à prix coûtant 2 abonos pour les 4 corridas de Pentecôte à Vic [Tendido 2 (5ème rang), escalier C, Soleil, places n°21 & 22] à 51 euros la course soit 408 euros l'ensemble.

Ceux qui sont intéressés nous contactent et nous transmettrons...

Aurelio Hernando


La Cabaña Brava publie sur son site une entrevue avec Aurelio Hernando, ce sympathique et peu connu éleveur auquel nous avions consacré un reportage il y a quelques semaines. L'occasion de revenir sur cet élevage qu'il serait intéressant de mieux connaître dans les ruedos.

Deux reportages : Camada 2008 & Vacas y añojos ainsi que deux textes dans lesquels il est question d'Aurelio Hernando : ici et .

NB Le premier novillo choisi pour illustrer ce message ayant été recalé par un lecteur, il a été changé...

¡Para hoy!


Comme c’est maintenant la coutume depuis trois ou quatre ans, nombre d’aficionados se sont tenus en alerte hier tout la journée et une partie de la nuit pour tenter d’acquérir via le site Taquillatoros, accessible depuis le site officiel des arènes de Madrid, quelques précieux sésames pour la San Isidro 2008.
Cette année les choses s’annonçaient d’autant plus périlleuses que José Tomás et ses deux courses étaient également à la vente.
Et comme chaque année, c’était prévu, le serveur a « explosé ». La situation est un peu semblable à celle d’un péage d’autoroute un quinze août. Lorsque le nombre de prétendants au passage est supérieur à ce que peu digérer le péage, la situation se bloque, à cette différence près que sur l’autoroute il ne s’agit que d’une question de temps avant que le trafic ne redevienne fluide. Tout le monde passe. Dans le cas de Taquillatoros, une fois le quota de places disponibles vendues il n’y a plus d’espoir.
C’est systématiquement le cas, depuis le début des ventes par Internet pour trois courses : celle de Victorino et les deux gros carteles qui s’affichent généralement avec les Alcurrucén et les Victoriano del Río, où l’on a trouvé régulièrement, le Cid, César Rincón, Enrique Ponce, le Juli et cette année notre cher Manzanita.
Rien que de très normal me direz-vous. Eh bien pas tant que ça figurez-vous. Car ce sondage grandeur nature est plus intéressant et plus subtil qu’il n’y paraît au premier abord.
Prenez cette année le cas de la corrida de Fuente Ymbro avec le Juli. Entre la réputation plutôt bonne de ces Domecq-là, et la présence du Juli, grand triomphateur de l’an passé avec les Victoriano del Río (si, si, grand triomphateur...) on pouvait craindre le pire : un remplissage quasi immédiat et une impossibilité d’acheter. Et bien il n’en fut rien, bien au contraire, preuve s’il en est que le Juli est peu taquillero dans la capitale. A l’inverse, la corrida d’Adolfo Martín a été très compliquée à acheter cette année, et beaucoup s’y sont cassés les dents. C’est une première et sans doute que la présence d’Alejandro Talavante explique cela.
Pour le reste, rien de nouveau sous le soleil des reventas, toujours trois courses sont quasiment intouchables : celle du Pilar avec le Cid, Juan Bautista et Alejandro Talavante ; les Alcurrucén avec Enrique Ponce, Sebastián Castella et Joselito Adame et, bien sûr, la corrida de Victorino Martín avec le Cid.
Voilà pour la féria elle-même car je ne suis pas allé regarder du côté de l’Anniversaire et, évidemment, des courses où est annoncé José Tomás qui feront le bonheur des voleurs de poules et reventas en tous genres.

A ce propos, un premier mini scandale sur le peu de places distribuées pour les 5 et 15 juin. C’est à lire dans El Mundo...

24 avril 2008

La poilade assurée au campo...

Et c'est reparti... Les problèmes techniques du site aujourd'hui oubliés, "l'urgence" d'autres posts d'actualité (Séville) nous avaient fait oublier que certains ganaderos se fendent trop la poire au campo... Marrez-vous bien !

Las seis hermanas de « Tomate »


Quand les six soeurs de « Tomate » ont chanté, tous se sont arrêtés et José le sorcier s'est mis à danser. Mille fois il a frappé, et les terribles démons se sont réveillés. Quand les six soeurs de « Tomate » ont chanté, le feu a jailli de son ventre et son corps s'est embrasé. Ces gens du nord qui ne te connaissaient pas ont pleuré. Ils ont entendu le cri puissant de tes fils, Almería, et vu le sorcier devenir soleil. Il aurait voulu frapper et frapper encore jusqu'à ce que son sang devienne source et le libère de sa terrible folie, mais quand les six soeurs de « Tomate » ont chanté, toute son âme racontait les rues d'Utrera, la douce Rosa et la mort aussi. Qu'il était triste le chant funèbre, qu'il était beau, Almería, terre gitane où les enfants naissent pour pleurer, et toi, Tomatito, tú que te vas por Soleá, égraine les compas comme la Pepa sème les graines. Dans ton incantation vertigineuse, raconte-nous encore une fois la splendeur des palais mudéjar, le scintillement cristallin du petit ruisseau tout là-bas, et la media veloutée de Curro ou Paula. Réveille ton peuple de poussière et laisse chanter tes six soeurs pour lui, Tomatito, et que ta terre te pleure, de Gibraltar aux déserts d'Egypte.
Quand tes six soeurs ont chanté, « Tomate », c'est la mort qui s'est mise à danser, et toi tu lui souriais.
Almería écoute moi. Laisse-les hurler, les six soeurs de « Tomate »... Laisse-les encore un peu, qu'elles nous racontent encore une fois ton peuple de poussière, la mort qui danse au milieu et cette glorieuse terre gitane où les enfants naissent pour pleurer. Tomatito, fils d'Almería, tu es un Géant.
El Batacazo

[Guitares : le grand Tomatito & El Cristi / Percussions : Lucky Losada / Chant : Simón Román & Morenito de Illora / Danseur : le divin José Maya]

23 avril 2008

Des toros et des hommes… Suite sévillane (5)


Séville, vendredi 3 avril 2008

La Feria de Abril a débuté depuis quelques jours seulement, et les sources de déception sont déjà nombreuses. Certes, il s’est bien passé des choses au cours des trois premières courses du cycle, mais ce n’est pas encore ça. On pouvait voir les gens quitter les gradins l’air triste et préoccupé, et les tertulias dans les cafés du Baratillo avaient besoin de beaucoup de manzanilla pour parvenir à trouver la chaleur.
Et puis, c'est la dernière course présentant quelque espoir de voir de grands taureaux, avant le long défilé habituel des Domecq à la chaîne. La dernière chance, quoi.
Après le paseo, le public invite Pepín Liria à venir saluer, lui qui défile ici pour la dernière fois, après tant de bons et loyaux services. L’ovation est longue, chaleureuse et émouvante.
Les clarines peinent à couvrir le brouhaha des après-midi d’expectación, on se cale bien sur le béton, un dernier regard sur le sorteo qui annonce six taureaux noirs ou gris dont le promedio laisse deviner des exemplaires au poids conforme à leurs origines, et les bruits sourds des gonds du toril ramènent le calme. Soudain, 'Verdecito' jaillit sur le sable et se précipite contre un burladero à la poursuite du premier bout d’étoffe qu’il aperçoit.
Comme souvent avec les pupilles du Sorcier, dès les premières charges franches et vibrantes, le museau au ras du sol à la recherche de tout ce qui bouge, on sait que l’on va assister à une bonne course. Une course de taureaux. Oh ! pas forcément complète, ni d’une bravoure superlative, mais une véritable corrida de toros. Pas nécessairement homogène, non plus, mais on sait dès le départ qu’au moins l’un des numéros du lot va nous procurer du bonheur. Surtout qu’aujourd’hui figurent au cartel au moins deux hommes capables de nous révéler les qualités de leurs opposants. En ce huitième jour de la saison sévillane, ce n’est pas un, mais deux bons taureaux de Victorino Martín qui ont ravi les aficionados présents dans le conclave, deux grands taureaux et trois autres présentant des qualités et un intérêt indéniables. Quant au n° 6, 'Paquito', il laissa deviner son moral sous l’armure presque impénétrable de son invalidité.
Dans les comptes rendus des prestations d’Enrique Ponce, il est pratiquement toujours question de sa capacité unique à nous « révéler » un taureau faible que l’on croyait bon à rien. Le maestro valencien s’est fait une spécialité de ses faenas d’infirmier, son formidable talent consistant à « inventer » son adversaire, à le grandir. Ce dont on ne parle pas assez, en revanche, c’est de la capacité de certains grands taureaux à grandir – oui grandir – le matador qui a charge de les combattre et de les mettre à mort. Or c’est ce spectacle rempli d’émotions qui s’est étalé sous nos yeux ébahis : deux grands taureaux emportant vers les cimes deux toreros : Pepín Liria et Antonio Ferrera.
A son premier taureau, El Cid nous fait encore une fois la démonstration merveilleuse de tout son talent. Les séries de la gauche s’enchaînent et forment cette fusion délicieuse de douceur, de puissance et de domination qui est devenue la marque de fabrique de son auteur. La charge du taureau paraît plus courte à droite, pas grave, le maestro s’adapte et raccourcit la distance tout en obligeant son adversaire par le bas, enroulé autour de la ceinture. Quelques beaux gestes de signature plus loin, toujours empreints de ce splendide mélange de détermination, de facilité et de délicatesse, le Campeador lève l’estoc et se profile entre les cornes. L’animal est cadré, bouche muselée, la main gauche autoritaire du Cid est prête à dévier une dernière fois la charge, le matador bascule et tout s’écroule. La dernière pierre de l’édifice, comme si souvent, dégringole en bas de l’ouvrage.
L’après-midi est néanmoins lancé.
Dans les noirceurs du fond de sa grotte, 'Gallareto' s’apprête à s’élancer dans le ruedo. José Liria Fernández, 38 ans au compteur dans quelques semaines dont 15 depuis l’alternative, s’avance lentement et résolument vers la porte du toril. Il s’agenouille. Se signe. Ajuste encore une fois les plis de sa cape. La porte s’ouvre. 'Gallareto' explose dans le ruedo, les jarrets tendus, trébuche puis hésite une seconde qui paraît une éternité avant de s’élancer enfin. Sur le maestro. Hurlements d’horreur. Pepín se relève, l’habit en capilotade et le cœur à trois cents battements par minute, et lui sert une série de véroniques de guerrier cocaïné. Les pupilles reprennent leur taille normale et les poils sur les bras regagnent leur place.
'Gallareto' continue de foncer sur tout ce qui encombre le sable, son nouveau territoire : chevaux, picadors, bouts de cape, banderilleros, tout y passe. Son fin museau, que l’on dirait cousu par le meilleur ouvrier de chez Fermín, trace inlassablement son chemin sur l’ocre de la piste. Il retrouve face à lui Pepín Liria, muni de sa muleta, de son épée et de son gros cœur au milieu. La bête n’en finit pas de charger et de charger encore. Pepín s’accroche, arrache des séries méritoires et, même si le vaillant bipède demeure en dessous des qualités de son apposant, on se laisse doucement bercer par l’harmonie qui se dégage du face-à-face. Jusqu’à en oublier que la noblesse des Albaserada est trompeuse, et qu’à ne pas dominer son adversaire, on prend le risque de la cogida fulgurante. Dont acte. Pepín est pris à nouveau, dans une naturelle, et s’en va rejoindre un instant les martinets avant de retomber lourdement sur le sol. Où il est repris, mais cette fois le fauve ne semble pas disposé à l’épargner. Le maestro ne devra son salut qu’au courage ébouriffant de son peón Carlos Casanova, qui démontre de façon éclatante que los de plata pueden ser de oro. Le banderillero saute littéralement sur le taureau, le saisit par les cornes de façon hallucinante et sauve ainsi la vie de son maestro, avant de s’éjecter sur le côté, sans oublier de dessiner derrière lui avec son bras un geste destiné, au cas où, à dévier la charge du tueur. Pepín Liria reprend le leurre et, fou de rage, après quelques nouveaux coups de drapelet, place son coriace adversaire près du centre du rond où il l’estoque, s’empressant ensuite d’éloigner la ronde funèbre des peones, pour le laisser mourir en brave, bouche toujours cousue, après un ultime combat.
Le triomphe d’un vaincu, aurait pu à nouveau titrer Vidal, tant il est vrai que malgré la suprématie du Victorino, Pepín Liria sort encore une fois grandi de la lutte à mort.
'Melonito' fait à son tour sa sortie. Encore un grand taureau, mais différent, pour la lidia duquel Antonio Ferrera doit trouver un autre sitio, plus près des cornes veletas du bicho. Un taureau de trois tiers, et non pas comme souvent seulement de troisième. Un taureau dont on aurait aimé voir la bravoure mieux s’exprimer face à la cavalerie, mais que l’on préféra économiser en vue de poses de banderilles certes couillues et engagées, mais pas toréées. Le torero de Villafranco del Guadiana parvient à composer un superbe bouquet de naturelles sur la base brute des charges longues et répétitives du fauve. Ferrera se bat, utilise pour une fois à bon escient sa tauromachie explosive, puise au fond de ses ressources inédites et insoupçonnées, laisse ses pitreries au vestiaire.
Et lui aussi perd la partie. La faena baisse d’intensité et s’achève sur une mise à mort défectueuse. Mais 'Melonito' l’aura hissé vers ces hauteurs du toreo dont lui-même, sans doute, ne se savait pas capable.
Se révéler face à plus fort que soi. Grâce à son adversaire, puiser en son for intérieur des qualités, un courage, un honneur qui nous dépassent presque. Tel aura été le leitmotiv de cet après-midi de taureaux. Manuel Jesús 'El Cid' a dominé son sujet avec une extraordinaire maestria, nous offrant encore une fois des gestes magnifiques ressortant d’un ensemble parfaitement maîtrisé et conduit, avec intelligence et beauté, sauf au moment de la mise à mort. Mais sa domination n’aura pas tout écrasé sur son passage ; elle aura laissé de la place aux émotions nées de la fragilité intrinsèque de l’Homme.
Ce jeudi 3 avril 2008, dans les arènes de la Real Maestranza, des hommes ont rencontré des taureaux.

>>> Retrouvez la galerie consacrée à la corrida de Victorino Martín à Séville dans la rubrique RUEDOS de Campos y Ruedos. Malheureusement, elle ne rend pas justice aux moments vécus en direct, ce dont l’auteur vous prie de bien vouloir l’excuser.

22 avril 2008

Velonero a dit


Dans la préfecture des Landes, prétendre que la suerte de vara fait débat serait aller un peu vite en besogne, mais on en parle et c’est déjà ça ! À l’automne dernier, dans Vous la voulez comment votre Madeleine ? (désolé si des liens restent désespérément fermés), j’avais dit tout le bien que je pensais d’un édito de la Peña Escalier 6 intitulé Madeleine 2008 sera torista... (cliquer sur "L’Humeur de la Peña" puis sur "Archives des humeurs – 2007"). Influence de l’air océanique ou conséquence du suffrage universel, toujours est-il que le mauvais temps semble s’être de nouveau installé durablement au-dessus du Plumaçon, alors qu’un timide mais prometteur avis d’éclaircie tentait d’assainir et de réchauffer l’atmosphère.

Au confluent de la Douze et du Midou, les nouveaux "responsables" de la question taurine souhaitent marquer de leur empreinte le mandat qui s’offre à eux. Et vite. Ambition légitime pour de simples mortels... Les voici donc qui s’activent les méninges en planchant avec ardeur sur un sujet dont, paradoxe ultime, ils se foutent royalement : les piques. Quitte à s’emmerder, autant s’emmerder sérieusement ! Ces forts en thème, ces cracks de l’éthique, ces as de l’art tauromachique et de la pique sont également de brillants matheux qui ne se sont pas contentés, eux, comme tant d’autres moins doués, de balancer le résultat et de l’appliquer (ou vice-versa) avant de rédiger un simulacre de démonstration... La leur, par un subtil mélange de rigueur et de clarté, impose le respect, et ce même si dans un souci de lisibilité bien compréhensible, je n’ai pas cru utile d’y faire figurer les nombreux et complexes calculs intermédiaires, certes nécessaires dans l’optique d’une démarche scientifique mais pas indispensables, pour un public de béotiens, à une bonne appréciation du travail de réflexion engagé.

Le problème ? Redoutable... et inventé de toutes pièces :
Lors d’une corrida, quel sera le nombre total maximum de piques sachant que, exception faite d’éventuels sobreros, chacun des 6 toros recevra 1 pique ? On entend par "pique", toute action du picador, sans limitation de durée, au cours de laquelle le fer de la pique rentre en contact avec le cuir de l’animal. Ainsi, toute rectification vaut une pique.

... Mais les Mous-du-Moun, c’est leur doux nom, ont, vous disais-je, trouvé la solution (fictive) :
Chaque toro recevant 1 pique, nous sommes tentés d’écrire, provisoirement et sans rien présager du résultat définitif, l’égalité et la phrase-réponse suivantes : 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1 = 6, ou le nombre total maximum de piques pour 6 toros. Nous pouvons également exprimer cette assertion avec l’opération qui suit : 1 x 6 = 6, ou 1 pique répétée 6 fois est égale à 6 piques, nombre total maximum de piques. Étape importante, l’opération inverse permet de vérifier le résultat ainsi obtenu : 6 ÷ 6 = 1, ou un nombre total maximum de 6 piques partagé entre les 6 toros équivaut à 1 pique, c’est-à-dire que chaque toro recevra bien 1 pique. Enfin, une ultime hypothèse — chère à nos yeux, la pique étant un pensum dont nous nous passerions bien volontiers, mais nous nous égarons, sortant là du cadre de notre raisonnement... — nous autorise à confirmer de façon certaine, si besoin était, la justesse et la pertinence de notre démonstration mathématique en laquelle nous fondons beaucoup d’espoir : si au moins 1 toro sur les 6 ne reçoit pas de pique, seuls 5 toros prendront 1 pique, ce qui revient à soustraire 1 pique (ou 2, ou 3, etc., si l’hypothèse porte sur 4 ou 3 toros piqués, etc.) au nombre total maximum de piques précédemment trouvé, à savoir 6 : 6 – 1 = 5, 5 (ou 4, ou 3, etc.) devenant dans ce cas précis le nombre total maximum de piques, et 5 (ou 4, ou 3, etc.) étant inégal à 6, CQFD.

Vous, je ne sais pas, moi, j’en reste coi... Mais venons-en à l’essentiel et au sérieux, au bien senti et à l’intelligent ; je veux parler de la réponse faite à ces zozos par Velonero sur son blog L’Œil Contraire... et grand ouvert. De la farce tragi-comique montoise, il en a tiré Pour les deux piques, un papier électronique à lire sans tarder, pour le plaisir, pour la sagacité du propos, pour l’afición tout simplement. Merci à toi que je ne connais pas. Un abrazo.

En plus Consulter Sobre la necesidad del tercer puyazo (Joaquín Vidal) & Ce Moun tant déficitaire (ANDA), celui-ci publié ici-même le 11 avril dernier.

Image Pour un picador, bien choisir sa vara c’est important (encore qu’à Mont-de-Marsan...) : Israel de Pedro à Las Ventas © Manon

Trop forts ces Catalans !


C’est curieux ça comme certaines dents peuvent grincer, un peu comme une frustration contenue qui explose, enfin libérée. Après deux satisfactions en 2007, un premier coup pour rien en 2008. On dirait que ça en soulage certains, que ça les ramène dans la sphère rassurante d’une norme établie. Mais qu’êtes-vous donc allé foutre à la Monumental messieurs de Camposyruedos ? Hein ?
- Accusés levez-vous ! Alors comme ça vous avez osé vous taper huit cents bornes de bagnole dans un week-end uniquement pour vous enfiler des Domingo Hernández Garcigrande ?
- Euh... pas uniquement m'sieur... Si je vous disais tout ce que je me suis enfilé ce week-end...
Mais oui, on peut dire ça. Je me suis tapé huit cents bornes de bagnole pour m’enfiler des Domingo Hernández Garcigrande.
- Et vous n’avez pas honte messieurs de Camposyruedos ? Même pas la moindre petite once de remords ? Pas le moindre début d’un tout petit éclair de lucidité ?
- Euh... non m'sieur... pas la moindre, et je suis même prêt à remettre ça pour la Merced figurez-vous. Car si je vous disais tout ce que je me suis enfilé ce week-end... C’est grave m'sieur ?
- Difficile à dire. Et je préfère ne pas savoir ce que vous vous êtes enfilé ce week-end mon jeune ami !
- Oh, ça... Ah... Excusez moi m'sieur... mon portable... C’est Batacazo qui m’appelle... Batacazo ?
- [Batacazo] Je crois qu'il est quand même important pour un site comme Camposyruedos d'expliquer aux gens que le but de la manoeuvre ne se situait pas dans le fait d'aller voir des Garcigrande, mais... José Tomás... Les gens ne comprennent pas toujours que l'Afición ne se divise pas aussi simplement en 2 parties : toristas et toreristas. ET c'est peut-être ce qui gêne certains : comment parler "Toros" en allant voir Tomás à Barcelone ? Qui plus est, en étant déçus que les toros soient sortis tel quels ?... Bref, pas la peine non plus de polémiquer 3 jours... d'autant que nous n'avons pas a nous justifier quant à nos choix.
- Tu as raison Batacazo. Inutile de s’étendre plus. Et puis personne n’est obligé de venir ici.

Pour en terminer avec notre week-end catalan, et avant celui de la Merced, voici un peu de douceur dans un monde de brutes. Les six morceaux du cochon, vu par Carme Ruscalleda. Il y a longtemps que nous n’avions pas fait de clin d’œil gastronomique. Trop forts ces Catalans !

Tomás en Barcelona


Les conditions lumineuses étaient pires encore que le bétail. On a fait ce qu'on a pu et c'est dans la rubrique RUEDOS du site.

21 avril 2008

Objets


Il faut dire qu'il ne doit pas avoir l'habitude... Etre invité à saluer sous l'ovation par le destinataire de celle-ci, doit avoir quelque chose d'humiliant. Hier, quand José Tomás est apparu sur le sable catalan, le "run-run" de la Monumental de Barcelona s'est converti en acclamations tonitruantes. Avec Tomás, les chapelles dont je parlais la semaine dernière à propos des discussions de passionnés, semblent accrocher des écriteaux de "no hay billetes" à leur frontispice et résonnent du choeur des fidèles quand paraît l'objet de leur dévotion. La rumeur s'est convertie en acclamations, et ce n'est pas qu'une tournure à l'espagnole. Dans la competencia, il n'est pas de coup déloyal. Plutôt qu'un "¡mira Juli!" du fond des tendidos à l'occasion d'un travail de bâtonnet au sommet dispensé par l'objet de culte, l'apparition tardive de Tomás au paseo pour rejoindre Juli et Finito fit résonner les acclamations des convertis comme un "¡oye Juli!" qui aurait jailli de la gorge du maître des lieux. A l'issue du paseo, lorsque le "peuple du toro" (je ne me lasse pas de cette expression pour tribun sudiste), intima à Tomás l'ordre de leur apparaître en piste, celui-ci commença par s'extraire du burladero pour saluer avant d'inviter ses compagnons de cartel à le faire à leur tour. Une fois n'est pas coutume, en Espagne, nous avions mangé de bons desserts, Juli a eu, lui, le loisir de goûter la nuance entre un "ça a l'air bon, vas-y, goûte !" et un "moi, j'en veux plus, tiens, tu veux finir ?" Il ne desserra dès lors plus les dents, l'amertume de la pilule, certainement.

Au sommet de la Monumental, je vois trois pains de sucre recouverts de faience blanche et bleue, on peut toujours s'amuser à voir un symbole dans le fait que l'un des trois est en fait recouvert d'une bâche plastique imprimée pour donner l'illusion de faience. Chez Finito, on aime le gel élégant qui lisse le cheveu sur la superficie capillaire destinée à se couvrir de montera, pour laisser ensuite les extrémités se déchaîner en frisottis à l'air libre, on aime le geste torero en fin de passe qui imprime si joliment le papier glacé, les costumes sont superbes. On aime se souvenir de sa main gauche (il y a 14 ans, en ce qui me concerne), de ses triomphes passés et qu'on a pas vus et de la place que son talent aurait dû lui réserver à l'escalafón. De Finito, je me souviendrai, cette fois-ci, des gouttes de pluies qui vinrent diluer par deux fois le sang sur la lame du descabello, juste sous notre nez. Heureusement qu'on ne prétend pas que mal toréer fait pleuvoir, on en aurait apporté la preuve hier. "Tu crois qu'il y a vraiment un sorteo pour Finito dans ce genre de course ?" me hasardais-je pour tromper l'ennui qui n'était encore qu'attente.

Lorsque Tomás parut, le décor était en place : Tomás est à Barcelone, petit déluge en piste... qui n'a pas une anecdote à raconter sur une corrida pour le souvenir donnée sous une pluie encastée ? Mais force est de croire qu'une conjonction trop évidente de facteurs pour la légende rend l'ensemble trop convenu. L'objet de toutes nos attentions a beau inventer de l'émotion face à rien, il est évident qu'il manque quelque chose. Etrange Tomás qui parvient à nous intéresser face à si peu et donner de l'intérêt à des manoletinas, c'en est même gênant. La pluie faiblissait, j'eus alors un peu honte d'avoir consacré tant d'attention à la position d'une des baleines de mon parapluie pour éviter que les gouttes ne ruissellent sur mon siège, alors que José Tomás s'apprêtait à "manoletiner" serré. Echec à l'épée, les mouchoirs n'auront pas même droit à une vuelta. La pluie a cessé, c'est déja ça.

El Juli entreprit alors de devenir objet de culte, et face à rien s'inspira de Tomás, qu'il s'en fut chercher dans son terrain. Tremendisme face à peu, terrains réduits, pendule oppressant comme un compte à rebours, mâchoires serrées et gestes saccadés, les miettes laissées par José Tomás au paseo ne semblent toujours pas digérées.

Sans tâche, ni accroc à son beau costume, Finito expédie le meilleur 4è du lot, Garcigrande ou Domingo Hernández, blanc bonnet et bonnet blanc, comme quoi, il doit y avoir un sorteo réglo, ou alors les peones sont indignes de confiance... Ah, si jamais l'un des deux autres objets l'avait touché, peut-être aurions-nous vu quelque chose. Et encore... Tomás sort quelques gaoneras peu inspirées au 4 puis s'envoie un quinto violent en distillant quelques détails au passage. Je me souviens surtout du coup de patte de l'antérieur droit que lui asséna le bicho. Si l'on excepte les pâtisseries que nous firent déguster les señoritos catalans assis devant nous, la soirée semble fichue ; de toutes façons ça partait mal puisque dès l'entrée le dernier convive faisait la gueule. Même les statuaires prévues pour ponctuer la faena, restent à l'état d'esquisse. Aciers approximatifs et le Juli s'en va serrer la mâchoire un peu plus pour donner le bain à l'objet de son courroux face au 6. Vraiment, je n'ai pas aimé : l'approche, l'intention et le style, rien ne m'a plu.

Puisqu'il fallait triompher, Juli s'en tint à un style pueblerino égrenant des passes comme un dévôt distrait triturant son chapelet : tartufferies dans la chapelle. Muleta étouffante et saccadée, pesant autant sur le public en fin de série par grimaces et gesticulations que sur le torito pendant la faena, l'ensemble sera ponctué d'une demi-lame tendida. Une oreille. Malgré l'insistance du peón et du public, la seconde ne tombera pas. Même sous ses faux-airs de Benidorm, à la Monumental de Barcelone, on n'est quand même pas à Nîmes ! D'ailleurs, on n'y est pas encore, c'est pour ça qu'au moment du chant de sortie, on est déjà dans la voiture pour y rentrer. Expectación, decepción, la messe est dite.

Sans produits...


En nous asseyant sur les sièges confortables de la Monumental de Barcelone pour le premier paseo de José Tomás version 2008 nous avions forcément en tête les souvenirs de 2007. Deux lots de Núñez Del Cuvillo avaient été proposés. Il y eut celui du mois de juin, évidemment, pour le retour que l’on sait, puis celui de septembre pour l’émouvante despedida européenne de César Rincón. Dans les deux cas, et plus particulièrement le second, deux encierros plus qu’acceptables, avec du trapío, cinqueño celui de la Merced ; le tout agrémenté d’une petite caste piquante qui donna du relief à l’ensemble.
Hélas, les Domingo Hernández Garcigrande d’hier, très limites de présentation, aux cornes trop douteuses pour être passées sous silence, ont été en outre extrêmement sosos, sans forces, sans personnalité, tardos et ennuyeux. Et sans matière première digne de ce nom ou à ce point avariée il n’y avait pas de grandes choses à attendre. Tomás, avec son premier, a bien laissé entrevoir son aguante phénoménale mais guère plus. Ce fut, à peine, une aimable petite mise en bouche. Le Juli a tenté de l’imiter, notamment avec son premier. Il semble vouloir grossir volontairement le trait, comme pour donner à sa démarche un côté ostentatoire, et ça ne finit pas de me convaincre. J’irai même jusqu’à dire que l’on touche à la vulgarité. Ça pèse sans doute plus, ça étouffe même, et je persiste pour ma part à préférer l’original à la copie. Quant à Finito, mieux vaut ne rien en dire. Bref, un coup pour rien. Dieu merci, la veille, chez Carme Ruscalleda, ce fut grandissime. Il faut dire que pour le coup, la matière première et les produits étaient à la hauteur du savoir-faire. On n'a rien sans rien...

Ines, l'Espagne que j'aime… Suite sévillane (4)

Séville, samedi 5 avril 2008

Pendant qu'El Juli avait brillamment lidié et réglé le sort d’'Alagado', 610 kilos de peu de race, elle m'avoua qu'elle voyait sa première course à la Maestranza.
La quarantaine assumée, bien dans sa tête, dans ses fringues et dans ses talons aiguilles, elle soufflait ses volutes de fumée nonchalamment et regardait le ruedo, les muletazos délicieux de Manzanares et la mansedumbre des Ventorrillo. Visage sculpté au couteau, cheveux courts et noirs azabache, son regard profond, sauvage et sec comme l'Extremadura contrastait avec la douceur de ses sombres pupilles. Je la regardais parfois et voyais en elle l'héritage de ces temps sublimes où cette terre était l'harmonieux Olympe des Dieux de l'Europe et de l'Afrique. Un charme fou et ravageusement séducteur, elle faisait face à la vie superbement.
Là où je ne voyais qu'une épée tendida, elle voyait plutôt une envainada. Manzanares venait de tuer le brave 'Lujoso', après l'avoir torée muy sevillano, et entamait son tour de piste. Elle me répétait souvent que ces toros sortaient flojitos et je répondais qu'il s'agissait en fait d'une mansedumbre encastada majuscule. Elle me faisait remarquer un cojo, que je voyais plutôt comme un engourdissement provisoire, puis toisa superbement ce public sévillan qu'elle respectait pourtant pour sa grande connaissance de l'art taurin, en m'avertissant qu'un manso méritait sa lidia, et qu'on ne pouvait en aucun cas changer ce quatrième pour pareil motif. Elle n'aimait pas plus le cinquième, qu'elle voyait bonito y astifino à sa sortie, et craignit que le jeune Manzanares cherche à s'en débarrasser promptement en souvenir de l'héritage familial. L'air de rien, je jubilais. Tout en elle rayonnait de cette élégante nonchalance, chacun de ses mots claquait comme une trinchera de Morante : vif, opportun et savoureux. Elle était belle et parlait « Toros ».
Elle était de Madrid et dégustait ces heures sévillanes car elle appréciait ce silence andalou, si différent du grondement sourd des grandes gueules qui peuplent Las Ventas. Bien sûr, elle admettait que le « 7 » était indispensable à la bonne tenue de l'afición de verdad, mais cherchait autre chose à la Maestranza. Quelque chose de plus sexy, sans doute, de plus raffiné, comme cette morgue divine qui inonde l'orgueilleuse Séville. Menton planté dans le jabot, balancement de hanches, Perera avait entamé la première série sur 'Avellano', et je lui fis remarquer que ce toro était un bon toro. Elle s'en doutait déjà depuis belle lurette, et approuvait hautainement la faena magistrale de l'Extremeño à cet avéré manso de Ventorrillo, allant toutefois a menos, jusqu'à la humble estocade. On avait à l'occasion découvert des vertus esthétiques qu'on ne connaissait pas chez Perera. Elle reconnut finalement que ses connaissances en la matière ne lui permettaient pas de savoir si deux ou trois trophées étaient utiles à une « Puerta Grande » quand elle regarda le torero sortir a hombros, mais fut rapidement soulagée de constater que seule, la "puerta de cuadrillas" lui était admise. Je la sentais rassurée. Moi aussi. On conclut que la corrida avait été intéressante y muy seriosa.
On s'est alors quittés sur cette jolie note de fin d'après-midi andalouse. La Maestranza se vidait, et je continuais à savourer ce délicieux moment de sublime afición en la regardant disparaître dans les méandres blancs de la glorieuse enceinte. La brise soufflait, la nuit tombait et Séville jubilait. Elle s'appelait Ines, elle était belle et parlait « Toros ».
El Batacazo

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Vous pourrez visionner quelques photos sauvées du désastre technique fort inopportun, en vous rendant à la rubrique RUEDOS du site Campos y Ruedos.

Les Palha et El Fundi

Les Palha de Séville et El Fundi sont sur Campos y Ruedos dans la rubrique RUEDOS.
Un lot globalement très intéressant avec, malheureusement, un seul homme sur trois pour nous les montrer comme ils le méritaient. Mais que ferions-nous sans lui ?

18 avril 2008

"Au pays du veau à deux têtes..." Raso de Portillo, Campos de Castilla (V)


D'abord, vous tombez béatement sur ce complexe immobilier surréaliste tout neuf et tout rose, qui a l'air de pousser plus vite que les taupes dans le jardin de mon père. C'est vilain comme un VVF entre Palavas et la Grande-Motte, mais c'est bon pour le portefeuille. Si ça vous tente, il y a même un "18 trous". Fallait-il y voir le compromis incontournable entre le romantisme anachronique du rêve d'un ganadero fou et le réalisme d'une vie, exigeante et sans pitié d'une nation civilisée du XXIème siècle ? L'un ne va plus sans l'autre, me direz-vous. Bref, juste derrière, soupir... les terres du Raso de Portillo.
Contraste. Là, dans votre champ de vision, 500 ans d'histoire taurine. Des pinèdes marécageuses jusqu'à l'horizon, c'est le Quiñón de Valdès, le Raso de Portillo. Au milieu, le plus ancien troupeau de bravos de la péninsule. Un monument. Ici, tout s'articule autour de la légende forgée par le temps et on se prend même à rêver que le vent, les arbres et les oiseaux étaient déjà les mêmes il y a 500 ou 1000 années. Et puis, cette sérénité toute particulière, quasi mélancolique, qui plane parmi ces pins et ces marais, et l'on ne peut s'empêcher de penser qu'ici, on conjugue à tous les temps, mais surtout au passé. Il y a définitivement quelque chose d'unique au Raso de Portillo comme une odeur de vieux bois et de papier jauni, avec en héritage cette légende ancrée jusqu'au fond de chaque mare d'eau salée.
Même ce vent soufflait déjà il y a 500 ou 1000 années sur le "Quiñón de Valdès", aux portes de Valladolid.
Regardez, écoutez, tout est là sous vos pieds. Je pourrais vous raconter l'histoire de la péninsule d'Al Andaluz à Franco, mais le Raso se situe bien ailleurs. Son histoire n'appartient qu'à lui, gravée dans le bois de ses pins et dans la vase de sa marisma. Ici, même les cailloux auraient des choses à dire. Ils vous raconteraient plutôt le temps des navarrais, ou celui des croix dressées ici et là depuis un siècle, comme une empreinte dans le temps, par les pères et les fils de la dynastie Gamazo. Mais ils vous diraient aussi que vous êtes un doux dingue d'imaginer qu'on survit à un demi-millénaire, sans quelque infidélité. Oh oui, remballez vos fols espoirs de voir un authentique produit du ganado pirenaico surgir de la pinède, comme Du Guesclin d'un bouquin d'histoire. Il y a bien des rouquins dans les cercados des frangins Gamazo, mais n'attendez pas qu'ils vous parlent de l'herbe des prés de Nazario Carriquiri. Pourtant, il y a eu... mais il n'y a plus. Ou alors, peut-être... si peu, sans doute...
Au fond, ça restera le profond secret des Gamazo qui vous diraient qu'il fallait bien civiliser tout ça, pour vivre de ses rêves. Pourrait-on les en blâmer ?
Déjà, au commencement, la rouge de Navarre s'acoquinait avec le morucho de la tierra. J'entends bien la rusticité de pareille affirmation, mais je vous parle là de l'obscur temps des Rois, de Isabelle jusqu'à Alphonse XII, quand un échantillon du Raso avait le privilège d'ouvrir les corridas royales. Le premier coup de marteau fut donné par Alonzo Sánz (1751-1811), véritable premier artisan de l'ouvrage. Puis Pablo, son fils, hérite en même temps que son gendre, Toribio Valdes. C'est ainsi que le nom de Valdes-Sánz restera associé longtemps à celui du Raso de Portillo. Ce dernier en vendra une part à Joaquín Mazpule en 1840, dont les descendants Eloy Lamamié de Clairac (branche à l'origine de "Clairac") et Esteban Hernández (branche à l'origine de "La Guadamilla") s'empressèrent d'éjecter l'encombrant ganado. Puis c'est Julián Presencio, pour finir, qui devient maître des lieux afin de mener les destinées du ganado de Boecillo. Lui puis ses héritiers conserveront les origines, et même la vieille devise blanche de la maison. Très bien. Mais le Raso de Portillo s'est définitivement appelé "Sang" et "Race" quand il fut lié aux destineés des Gamazo. Adieu littérature et chansons anciennes, aujourd'hui, entre pénombre et rayons aléatoires sous ces pins protecteurs, des monolythes noirs et roux vous toisent de tout leur sang et de tout le bois qui les couronne, dolmens de feu et de cendre dressés sur la marisma, véritables nouveaux seigneurs de la terre salée du Quiñón, que les fantômes d'un temps révolu regardent avec l'espoir d'une seconde naissance. Emotion.

Negros, surtout, puis colorados, castanos, retintos y chorreados aussi, c'est la mouvance paisible des pintas automnales au gré de la brise. Ils s'éloignent vers un ailleurs protecteur, en s'excusant presque de cette extrême sauvagerie qui les rendrait timides. Difficile de les approcher, les bestiaux, mais j'ai bien dit "extrême sauvagerie" et c'est cette froideur rugueuse qui hurle au fond de leurs yeux. Un cri qui vient du fond des âges, un son de tambour terrifiant, comme un appel à la guerre qui vous glace lorsque vous en surprenez un. Ils sont là, bien là, et vous y êtes aussi, alors que vous ne devriez pas. Ça mugit, ça gratte, ça bouscule. Tension.
En passant notre route, discrètement surgit une autre résurgence du passé, inattendue celle-là, celle d'un Santa Coloma qu'on n’espérait pas. Un semental de Dionisio Rodríguez. Il trône, face à nous, ibarreño jusqu'au bout des cornes. Il se trouve que le Santa Coloma dans tout ce qu'il signifie de bravoure et de caste, et celui-là en particulier, s'affiche comme la quintessence du taureau de combat pour les frères Gamazo, qui font désormais de la fameuse caste une constante dans leurs cercados. Il faut donc voir le toro du Raso de portillo souvent noir, castaño, colorado et chorreado comme il fut dit plus haut, sans excès de poids ou d'armure. Le toro classique, en image d'Epinal, tel que se conçoit le Santa Coloma par Ibarra. Un semental de Sancho Dávila (Maribel Ybarra/Torrealta) soutient le précieux Dionisio dans sa quête d'un avenir certain, à travers le second fer de la maison, le "Quiñón". Et, dans une moindre mesure, Ibarra également, mais via Parladé, un macho de Gamero-Cívico apporte tout de même sa pierre à l'édifice de la ganadería renaissante. Pour "civiliser" cette âpre assistance, beaucoup diraient qu'il y avait meilleure compagnie. D'ailleurs, le lointain cousin "Gavira" vous expliquerait l'habileté de sa propre démarche, si vous lui demandiez, mais après tout, ça le regarde... Vous comprenez ainsi qu'on ne recrute pareils combattants que lorsque s'affiche la promesse d'une guerre sans retour contre lanciers et espadas avertis. Ne cherchez donc pas les toros du Raso de Portillo dans des bagarres de rue et autres jolis ballets. Les hautes instances plus à l'est et au sud n'en veulent pas pour l'instant ou s'en méfient. Il y a dans ces plazas, peu accordées avec les exigences des maîtres ganaderos de Boecillo, des noms qu'on ne prononce pas, ravivant d'anciens maux et de vieilles terreurs, sans doute. On n'oserait évoquer le manque de... prestige, peut-être ? Mais Iñigo, le ganadero, et Rafael, le mayoral, savent tout ça et mesurent combien la lutte pour la reconquête de ces bastions bien gardés s'avère longue, âpre et douloureuse !
Plus loin, insolite image, le reflet des deux machos isolés, astillanos et negros de pinta, facon "Raso de Portillo" nouvelle version donc, promis à quelque concours, à la surface d'un étang. Paisibles et sereins, notre intrusion dérange la mise en place de leur future stratégie. Envoûtant. Enfin, cette ultime et néanmoins déconcertante transhumance de mères et de leurs petits, de quelques vieux mâles aussi, chacun témoin dans son pelage d'un héritage hors du commun. Des berrendos en colorado et des alunarados jusqu'aux "immaculés conception" inédits s'offrent encore à nos regards incrédules, au milieu de la joyeuse assemblée cornue, comme pour vous perdre un peu plus dans les prémices de certitudes que vous commenciez à peine à assembler. Ils ont l'air de dire : "Soyez sûrs qu'ici rien ne l'est."

Vous l'avez compris, il y a, au Raso de Portillo, quelque chose d'un autre âge, une sensation dont on n'arrive pas à se débarrasser, un peu de Brocéliande et de Stonehenge à la fois. Vous avez parlé avec les anges et approché les démons dans cet eden diabolique de pins et de marais, la tendre passion des Hommes et la douce caresse de ce lieu unique bercé par le temps qui passe, contrastent avec la rudesse des êtres qui l'occupent et le vent froid de Castille. Entre les guerres d'antan et les batailles de demain, un sang de braves est re-naissant, là, au coeur de la marisma. Sous la même bannière, deux armées s'y préparent, celle du Raso de Portillo faite avec de l'antique "Raso de Portillo/Santa Coloma" et celle du Quiñón, "Raso de Portillo/Santa Coloma avec un apport Torrealta via Sancho Dávila".
Je ne doute pas que bien des secrets sont restés au fond de la clairière du Raso de Portillo : de ce maudit fond rougeâtre, sous l'épais pelage d'hiver des mères, qui venait incontestablement de quelque part plus au nord, au regard éternellement obsédant du veau à deux têtes. San Pedro Regalado, priez pour nous, priez pour eux, que les trompettes sonnent l'apocalypse et que la terre tremble en Parentis !
El Batacazo

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Photographies © Camposyruedos
Un veau à deux têtes né dans l'élevage du Raso de Portillo /// Pelea de novillos au Raso de Portillo /// Un semental du Raso de Portillo.