30 décembre 2011

Ernesto Bazan


Pour très bien finir l'année : Ernesto Bazan, workshop le Jour des morts, à Oaxaca (Mexique). La vidéo mérite d'être regardée en plein écran. Et n'oubliez surtout pas d'aller découvrir son époustouflant travail sur Cuba 
Par contre, inutile de chercher le livre à la Fnac, sur Amazon ou même chez votre libraire adoré. Ernesto a auto-édité l'ouvrage pour pouvoir en contrôler toutes les étapes : du choix des images à la mise en page, en passant par les contrôles « qualité ». C'est donc à lui, directement, qu'il faudra vous adresser si vous souhaitez le commander. Enjoy.



Día de Muertos, Oaxaca 2011 d'Ernesto Bazan sur Vimeo.

29 décembre 2011

Diane Arbus


Rien de taurin, mais pour qui aime la photographie cette exposition-là est incontournable. C'est à Paris, au musée du Jeu de Paume, une rétrospective consacrée à la photographe américaine Diane Arbus.
Plus de deux cents tirages, dont évidemment les fameuses jumelles, photographie devenue icône.

« Rien dans la vie de Diane Arbus, dans sa mort ou dans ses photographies, n'était accidentel ou ordinaire. Ses images étaient décisives, mystérieuses et inimaginables, sauf pour elle. C'est ainsi que s'écrit le génie. » Richard Avedon


Bibliographie Violaine Binet, Diane Arbus, Grasset, 2009.

Lien
Un article sur le site de Télérama : « Diane Arbus, photographe écorchée ».

Les ganaderías de Parentis 2012


Après Céret, Orthez et Vic, c'est au tour de Parentis-en-Born (40) d'annoncer les élevages qui seront combattus en 2012, et autant écrire d'ores et déjà que les membres de l'ADA Parentis ont préparé une belle féria ganadera avec, en particulier, le retour des trop rares Raso de Portillo sur les terres de leurs triomphes. Enhorabuena l'ADA et vive la Sen Bertomiu 2012 !

Un toro du Raso de Portillo photographié en 2009 © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com

Communiqué de l'ADA Parentis

« L’Association des aficionados de Parentis et
la commission taurine viennent de rendre public les ganaderías de la prochaine féria de la Sen Bertomiu qui se déroulera les 4 et 5 août 2012.
Retour des Raso de Portillo
En 2012, l’ADA de Parentis-en-Born poursuivra l’organisation d’une troisième novillada piquée avec 4 novillos le dimanche 5 août en matinée. La ganadería de Raso de Portillo reviendra à Parentis après ses succès de 2007 et 2008. Contrairement à 2009, les novillos choisis seront exclusivement issus d’un croisement entre les vaches d’origine Raso de Portillo et des sementales d’origine Dionisio Rodríguez (Santa Coloma).
Reconduite de Valdellán
Après le succès de 2011, la devise de Valdellán d’origine Graciliano (Santa Coloma) sera reconduite le samedi 4 août après-midi. Pour mémoire, rappelons que l’Association des critiques taurins du Sud-Ouest avait décerné son prix à la meilleure novillada au lot combattu en 2011 dans les arènes Roland-Portalier.
Débuts parentissois pour Flor de Jara
Carlos Aragón Cancela, ganadero de Flor de Jara, fera ses débuts à Parentis le dimanche 5 août après-midi. Cette ganadería s’inscrit dans la plus pure tradition torista de l’ADA qui maintient sa confiance dans l’encaste Santa Coloma (présent dans les trois lots de l’édition 2012). »

Toujours vivante ?


À Laurent, ce post inutile

Nîmes ville taurine. Parfois on peut douter. Parfois je doute. Parfois je ne doute même plus. Il faut dire qu'ici il n'y a que la courbe des prix qui grimpe régulièrement, un peu à l'inverse de la présentation des toros. Je dis ça, je n'y vais plus guère, voire plus du tout. Et je suppose que vous vous en foutez autant que moi. Tout à l'heure, en revenant de me faire
aféiter, j'ai croisé ce mur. Je ne sais pas qui est l'auteur de ça mais j'ai bien aimé. C'est collé, c'est du papier, une photo curieusement post-traitée. Ça donne à Nîmes un petit côté Rencontres de la photographie arlésienne. C'est bien, très bien. Et ce serait bien que Nîmes bouge un peu là-dessus. Sur la photographie je veux dire, pour les toros je crois que c'est mort. Et puis il y a cet étrange « N° 2 / TOUJOURS VIVANT » — il doit y avoir un n° 1 quelque part, je suppose.
Ça m'a rappelé que Nîmes peut être une ville taurine…

NDLR Et donc c’est Marc, le pote à Google, qui nous donne une partie de la réponse

28 décembre 2011

Les braves


Notre excellent ami Jean Le Gall nous a fait parvenir un texte. À la question « cela correspond-il à votre ligne éditoriale ? », j'ai ri. Puisque c'était bientôt Noël, voilà ce qui aurait pu être une « idée cadeau » à glisser sous le sapin, à côté de Campos y Ruedos 02, bien entendu. Merci Jeannot. 

À l’occasion de ses 75 premières années, le Cercle taurin bayonnais vient de publier le meilleur de ses archives, disons donc ses mémoires. À lire de toute urgence, pour le cas, bien sûr, où les hommes vous intéresseraient autant que les toros.

Été 1946 : on sait depuis Blondin que les trains recommencèrent à rouler. Débarrassé de la guerre et de ses rumeurs pénibles, le ciel retrouve son air paisible. Quatre amis discutent sur une terrasse de café, à Bayonne. On parle de toros ; on en parle tant et si bien que l’un des causeurs a cette idée géniale : « Et si nous formions un cercle taurin ? » Zou ! ils traversent la Nive et s’en vont trouver un cinquième ami, celui qui hébergera dans son Café de la Poste l’imminente association : Alexis Etchegoyen.

Tout aussitôt, ou presque, se tient la première assemblée générale du Cercle taurin bayonnais. On y décide de l’abonnement à Biòu y Toros, on acte de l’organisation d’un banquet et d’une becerrada, quatre gribouillis taurins sont cloués au mur, deux banderilles aussi, plus un frontal de cornu, on lit la lettre de Monsieur Guizard, président des Cercles taurins de France et d’Algérie. Pardi jeunots ! c’est une autre époque. D’ailleurs, l’année d’après, on remet quelques anciens francs à Monsieur le Consul d’Espagne pour qu’un monument soit bientôt élevé à Cordoue à la mémoire de Manolete.

Très vite, l’affaire associative est un succès. Le Cercle et les évènements qu’il organise rassemblent de plus en plus. Sans parler des corridas elles-mêmes, qui connaissent de grands succès populaires après les années de privations. Très vite aussi, les relations se durcissent avec l'« empresa », vous savez, cet incontournable Rastapopoulos des toros. Ici, il s’appelle Marcel Dangou ; il est le propriétaire des arènes et les premières années obligent à une diplomatie difficile. Et puis viennent les scandales : le 15 août 1948, deux toros de Garcigrande sortent du toril… après avoir été piqués ! Ce ne sont pas moins que le mayoral lui-même, un péon de Bienvenida et un homme de confiance d’Ortega qui se sont rendus coupables dudit sabotage. Le CTB réagit à grands coups de gueule et de communiqués. La revue Toros s’en fait l’écho outragé : « Avec de tels procédés, c’en est fini de la Fiesta ! Celle-ci est à base de courage, de virilité, d’émotion : c’est là-dessus qu’il faut broder la science et l’art, et non faire passer ceux-ci avant ceux-là ! Sans ce fondement de tragédie, pas de corrida : du music-hall ou du caf’con, c’est tout. »

Aussi le Cercle va se faire entendre chaque fois qu’il manquera des centimètres aux cornes et de l’honnêteté dans les hommes. Il se trouve parfois un allié inattendu en la personne de Marcel Dangou. Cette anecdote : Dangou poursuit un camion sur une route du Campo Charro. Aparicio au cartel, il craint que les toros ne soient « redimensionnés » au cours du trajet Salamanque - Bayonne. Et en effet, il trouve un camion arrêté en rase campagne ; trop tard, les six toros n’ont plus que des aubergines sur les tempes.

Avec les années 1950 débutent les années sombres. Les toros sont souvent ridicules, les triomphes aussi artificiels que les succès électoraux en Russie. L’affrontement Dominguín versus Ordóñez tient de la supercherie américaine et le Cercle décide de prendre de la distance avec l’organisation. Pour mieux dire leur désapprobation, les socios se présentent un jour à la mairie en tenue de pêche (cannes à truite et paniers en osier sur le dos) expliquant que, tout bien considéré, ils auront mieux à faire à l’heure du paseo.

Les années 1980 sont celles du renouveau sinon de la révolution : le CTB devient l’organisateur des corridas ! C’est le temps des responsabilités, c'est-à-dire des emmerdes et de la gloire. Les bénévoles s’acquittent si bien de leur tâche que les toros ressemblent davantage à des toros et que les arènes se remplissent comme jadis. Charly Forgues, le président, se distingue en tenant tête à Paquirri qui insiste pour que ce taureau trop en pointes ne sorte pas en piste. Paquirri qui, finalement, se dégonflera et présentera un certificat médical (gardons-nous de l’accabler, car qui n’a pas fait de même à la veille d’un examen de mathématiques).

On passe en revue ces années des temps modernes, on revoit tout ce que l’on avait pu prendre avec ses yeux de gosse : les Fraile, Julio Robles, Mendes, les Rocío de la Cámara, l’alternative de Felipe Martins, le festival du cinquantenaire, Joselito, etc., etc.

Parcourant cette histoire moderne de la corrida, on comprend qu’elle ressemble à une danseuse de cabaret avec ses bas interminables et ses hauts éphémères. Elle fonctionne par cycles, la corrida, et c’est à chaque fois le toro qui la sauve. Quand rien ne va plus, quand le public se barre et que les figuras ne sont plus que des ténors gazouillant des variétés, alors les toros, les vrais, reviennent en piste et remettent tout à l’endroit. C’est ainsi que ceux de Victorino et ceux de Miura nous sont venus au quite dans les eighties. De quoi interroger, aujourd’hui, notre pessimisme convaincu : « Mais bon sang, quels toros nous sauveront-ils, une fois de plus ? »

Ces mémoires valent aussi et surtout pour ce qu’elles racontent des hommes qui ont fait le Cercle taurin bayonnais. Certains sont descendus maintes fois dans l’arène, non point pour d’aimables charlotades mais pour toréer avec Chicuelo II ou Domingo Ortega ! Que de personnages, notamment cet Alexis Etchegoyen, champion de pelote, violoniste, brillant avant-centre, possédant une voix de baryton et dont Pelletier disait qu’il était un Raimu en grande forme. Et Arnaud Saez, affichiste de génie, et Loulou Lamarque, qui toréait encore en 1993, « sec et plat » comme un novillero ! Ces types étaient dans la passion de vivre jusqu'au cou. Ces types formaient une minorité agissante et magnifique. Plutôt que de l’embrasser simplement, ils ont roulé des pelles à leur cause préférée et à la vie. Ces types étaient des braves.

Jean Le Gall

>>> Le reste, et notamment le présent du CTB, est à lire dans Bouillons de culture taurine, 1946-2011 que l’on peut d’ores et déjà commander à l’adresse suivante : www.cercletaurin-bayonne.com.

27 décembre 2011

Autorovia (XV) - Fin


À Isabelle, Éléonore, Clémence, Ségolène et Alexandre, con amor

Le brouillard est tombé ce soir. Demain devrait passer le Père Noël, c’est en tout cas ce dont Loulou est persuadé. Il attend avec impatience et ressasse son désir de moto. J’ai fini de ranger les quelques papiers qui traînaient çà et là, les vieilles revues que je feuillette à l’occasion, tous « mes trucs » comme je dis pour ne pas prononcer le mot toro. C’est une sorte de pudeur ridicule envers les autres, envers ma femme surtout, une pudeur que je ne m’explique pas. Elle me regarde souffler d’avoir fini mais j’évite de prendre un air harassé. Elle ne dit rien et sait que tout cela est ma vie, un peu la sienne aussi par conséquent. « C’est quoi ce papier ? », m’interroge-t-elle en découvrant un vieux morceau de journal dans ma main droite. « Boh, un vieil article que je viens de retrouver en rangeant mon fatras de papiers. Rien d’exceptionnel. Va falloir qu’on arrête la clope, non, t’en penses quoi ? » Je dis toujours ça à la fin d’une clope, c’est plus rassurant. Dans quel sens est-ce plus rassurant je ne sais pas mais j’y trouve une sorte de réconfort. Dans l’écran plat Line Renaud raconte son premier Noël en l’an mil, des larmounettes dans des yeux bleus Atoll 2000 va te faire couper les cheveux et Kim Jong-il est mort. Johnny vient de prendre la place de Barbelivien (dans l’écran plat évidemment), je décide en total accord avec moi-même de m’enfermer aux chiottes comme un acte ultime de résistance et d’éthique personnelle. On est le résistant de son époque conviens-je toujours avec moi-même en attrapant le vieil article de journal sur lequel je compte pour un semblant de réconciliation avec le genre humain. Aldeia Velha est un village portugais à dix kilomètres de la frontière espagnole. Chaque année, fin août, les Portugais font venir à travers champs des toros du pays voisin pour jouer avec et perpétuer des habitudes aussi ancestrales au Portugal qu’en Espagne. Pas de jaloux, le temps ne compte plus. J’arrête rapidement la lecture perdant mon regard et ma pensée dans l’unicité du jaune coquille d’œuf du mur en face de moi. Aldeia Velha… C’est là que je veux aller. Je veux voir ça. En un instant, même pas, en un demi-instant, en un quart d’instant, en un filament de temps j’ai tressailli de revoir au-delà du mur coquille d’œuf la route qui s’ouvrait de nouveau. Et partir. J’ai repensé à notre retour de Séville à qui j’ai lancé, comme à chaque départ, un hasta luego tout intérieur parce qu’un adiós m’est impossible. Je conduisais et je n’ai pu qu’entrapercevoir sa combustion lointaine dans le rouge vif du jour naissant. Car Séville brûlait vraiment. La route s’étira de stations-services en aires de repos. J’aime rentrer chez moi d’habitude mais là non. Je me souviens que plus la route me ramenait, plus je la maudissais de ne pas être plus longue, plus loin, plus infinie. Je regardais ma femme du coin de l’œil sans oser lui dire que j’aurais aimé que ne s’achevât pas notre « Autorovia ». Nous avons grignoté à Quintanapalla (province de Burgos), comme d’habitude. Là, le vent est plus cinglant que partout ailleurs et le froid plus mordant. J’ai même hésité à fumer dehors. Quintanapalla est comme la porte qui se ferme sur une maison ouverte au soleil et au bleu implacable et fauve. À chaque fois j’entends le bruit du verrou et le silence qui lui fait suite. Nous sommes rentrés, août a passé comme septembre et octobre, comme novembre. Et me voilà à attendre avec Loulou l’arrivée d’un gros type rougeaud qui fait chialer tous les paraphréniques (oui ce mot existe) dans l’écran plat : « Pensez aux pauvres cette nuit et aussi aux animaux qui nous donnent tant d’amour sans compter, eux. » Alors je veux aller à Aldeia Velha pour voir ces toros espagnols foutrent le tournis à de jeunes Portugais bouffés par l’afición. Et des types bouffés par l’afición, considérons que ce n’est pas ce qui actuellement court les rues. Je suis dans mes gogues un soir de Noël et dans ma tête se creuse à la petite cuillère un tunnel terreux au long duquel défilent toutes les raisons de ne plus aller aux toros, comme quand Loulou déroule intégralement le rouleau de PQ pour voir peut-être si un carré serait différent de tous les autres. Pareil. J’ai beau dérouler mon papier chiotte à moi sur les parois de ce tunnel, tous mes carrés ont la même couleur et me donnent envie de tracer la route jusqu’à Aldeia Velha ou jusqu'à Angra do Heroismo (Açores) pour d’autres toros. Tout cela prend fin parce que tout a une fin. Moi, vous, les toros. D’une manière ou d’une autre, tout cela prend fin. Je n’ai jamais su quel argument pouvait tenir la route pour justifier mon afición. Il n’y en a pas finis-je par penser et de toute façon tous ceux qui me viennent à l’esprit ne tiennent pas la route, même face à moi qui ne goûte pourtant que de très loin l’art du débat, je l'ai déjà écrit. On tue les toros et ils souffrent en mourant et point. Dans l’air du temps, c’est injustifiable en tant que tel, c'est à dire si l’on considère cet acte de donner la mort à un toro sorti de son contexte, de ses atours et pris sans autre axe de réflexion qu’une épée qui fend la chair. La culture a bon dos me semble-t-il et l’universalité revendiquée par nombre de personnes ayant des intérêts économiques — car il ne s’agit que de cela — dans ce monde si petit de la tauromachie est à ce point risible que l’univers est infini — ou presque. On ne classe que des consensus et la tauromachie n’en est pas un. C’est peut-être pour cela que j’y tiens car elle montre son cul paré de dentelles d’or aux hordes de consensualistes à tous crins qui militent pour le retour à la terre, les énergies naturelles, les couches lavables, le dentifrice aux orties et l’électricité à bicyclette tout en crachant sur un anachronisme qu’ils voudraient sacrifier sur l’autel de leur monde en changement. Je généralise, je simplifie, je sais, mais la corrida est belle car elle est anachronique et de ce fait hors du temps, hors de notre temps qui arrive, c’est à pleurer, à la rattraper de ses griffes high-tech et impatientes pour en faire un musée classé à l’UNESCO. C’est un paradoxe mais en mettant en scène la fin du temps, l’éphémère fil qu’est une vie qui doit s’achever, la corrida se survit dans son anachronisme et par là même dans son infini.
Je tire la chasse en faisant le constat qu’il est un lieu où l’on oublie trop souvent d’aspirer la poussière, c’est derrière le conduit des chiottes. En fermant la porte, j’entends l’écran plat qui me demande d’être solidaire de la détresse humaine en cette fin d’année. Après le Téléthon et le tour de chant des Restos du Cœur dans les écoles maternelles de France — oups ! a priori les costumes ridicules à la Bozo le Clown et les chorégraphies d’unijambiste alcoolique étaient bien destinés à un public de 7 à 77 ans — je me dis qu’ils sont gonflés quand même. Je pense à Angra do Heroismo et à Aldeia Velha. Je regarde mon Loulou qui contemple ses chaussons au pied du sapin. Ses sœurs lui expliquent pour quelle étrange raison tous les 24 décembre des millions d’enfants bien nourris abandonnent leurs chaussons « Cars » sous un arbre en plastique vert et repus. Je regarde sa maman qui me regarde et j’aime regarder ma femme.
Quelqu’un m’a dit un jour que mes « Autorovia » étaient des textes de « tapette névrosée ». Une autre fois j’ai lu que j’écrivais des « textes inutiles » (et l'on pourrait discourir à l'infini sur l'utilité ou l'inutilité d'un texte) car j’imagine qu’ils n’évoquent pas assez les toros en termes aficionados (piques, morrillo, lidia, encastes…), et j’imagine également que mes divagations obsessionnelles, les émerveillements de mon fils et de ses sœurs, les regards de ma femme n’ont rien à faire selon eux sur Internet ou même sur du papier. Ils doivent avoir raison ; je leur accorde maintenant que tout s’achève et que les toros sont beaux comme un mystère. Mais en attendant le Père Noël sur ma terrasse, je me dis que le ciel sans nuages de cette nuit d’hiver scintille comme le fond des yeux de ma femme et que quatre gosses jouent en riant au pied d’un arbre fac-similé. Je me dis que j’ai de la chance. Je me dis que j’ai fini et qu’il faut mettre un point final. Point final.

25 décembre 2011

Joyeux Noël !


Dans le genre c’est pas mal, c’est même complètement dramatique. Garcigrande, plus connu sous le nom de Garcichico, Garcimocho ou Garcimore, moins connu sous le nom de Justo Hernández. Le Garcimore du campo bravo. Je me moque mais il est riche, Garcimore, parce qu’il en vend de sa came. Tout le G10 en veut, sans exception. 

Il est riche mais pas chiche car, il y a peu, il s’est laissé aller à quelques confidences sur sa vision de la Fiesta. C’était sur le site Mundomachin et c’est tellement édifiant que ça se passerait presque de commentaires, sauf qu’on ne peut pas se retenir.

On lui pose une question sur l’amélioration de la force du toro. C’est vrai que chez lui… Réponse : « Mejorando su forma de embestir. El toro dura más cuanto más despacio embista. Además es más emocionante. » Traduction : « En améliorant sa façon de charger. Le toro durera davantage s’il charge encore plus lentement. Et il donnera plus d’émotion. »

C’est très curieux ça, franchement. Chez lui ils ne vont déjà pas très vite, mais ça ne m’émeut pas, vraiment pas. Ce doit être mon côté troglodyte. Le nombre d’âneries qui peuvent s'écrire en trois lignes — édifiant, je vous dis. Le toro au ralenti, le toro pré-toréé, pré-mâché. Nous sommes dans le domaine très particulier du concept. Un peu comme la merde d'artiste de Piero Manzoni. Bref, moi, c'est ce que ça m'évoque. Remarquez, quand on sait le prix de la merde… Nous avons vraiment bien fait de passer à la Culture. Tout s'éclaire.

Après, il pleurniche sur le règlement qui impose des toros trop lourds (ah ! la question du poids ! Tellement démagogique) et sur le fait que ce putain de règlement limite l’imagination de l’éleveur et empêche le toreo d’évoluer aussi vite que le veulent les éleveurs et les toreros. Oui, surtout n’oublions pas les toreros dans cette affaire. Là, on arrête de rire et on tremble. La Fiesta rêvée par D. Justo Hernández et ceux du G10…

Ensuite, on lui cause de la bravoure et du nombre de piques par rapport à la force (un truc de vieux quoi) et il répond — évidemment — qu’il ne s’agit pas d’une question de « quantité » (ben voyons !).

Et, enfin, à la question de savoir ce qu’il faudrait faire pour amener les jeunes à s’intéresser au monde du toro, il répond : « Deberíamos saber concienciar al público de la importancia que tiene ser torero. » Je ne traduis même plus ; tout est dit.

Allez, je m'en vais ouvrir les cadeaux. Joyeux Noël !

24 décembre 2011

Recortadores


Toropasión - XIII Concurso Goyesco de recortadores con toros de Palha en Zaragoza.

 

22 décembre 2011

Autorovia (XIV)


À Fabrice, fais que nous puissions revoir des Pedrajas bientôt…

En coupant le contact dans la terre fumeuse de « Mirandilla », j’ai pensé que Fabrice n’était pas encore là et c’était le cas. Une femme du personnel nous a expliqué qu’il était au village (Gerena) faire réparer un tracteur. Je me suis dit : « tiens, c’est ça aussi son boulot de mayoral » et j’ai allumé une clope. Loulou court à pleins poumons. Fumer une clope pour endurer l’attente. Ça ne m’évite pas les cent pas, les réflexions à deux balles, les plans sur la comète et l’œil sur la lune que je vois là en plein jour. Sans Fabrice, tout paraît vide ici, comme si le temps avait anticipé une œuvre néfaste annoncée depuis longtemps. Je regarde Loulou qui gambade avec ses sœurs et je me dis qu’il ne reviendra peut-être jamais à « Mirandilla », parce qu’ici plus qu’ailleurs l’incertitude le dispute à l’oubli. Il y aurait de quoi s’interroger sans détour sur sa propre afición. La fumée, de moi, s’échappe en une étreinte grise sur le tronc d’un eucalyptus et je la regarde se perdre à hauteur des premiers feuillages. Finalement, Loulou et ses sœurs auront fait le tour des vieilles baraques qui ne font plus rêver (et encore) que quelques olibrius : Miura, Prieto, Cuadri et Albaserrada. Au moins, les auront-ils vus. Les souvenirs de jeunesses ne s’éteignent jamais complètement. Le tracteur vert a tout de suite épaté Loulou. Loulou aime les tracteurs, tous les tracteurs. Fabrice va s’excuser du retard, j’en suis certain en écrasant mon mégot, mais il ne devrait pas, il bosse. Fabrice nous accueille à la manière de Fabrice. En lui serrant la main, je sais que je suis venu aussi pour cela, pour ce bonjour à nul autre pareil, imperceptible, suave, léger comme le vent du soir agite à peine la cime d’un champ de blé, un bonjour délicat sous les frissons d’eucalyptus. Fabrice Torrito parle bas et doux. Il a dans ses mots le sud mais un sud sans forfanterie, apaisé et fragile. Un sud délectable d’où la délicatesse affleure sans le vouloir parce qu’elle est là, réelle et mélodique. Je l’observe contempler son pré de fleurs d’origine Pedrajas. Les vieilles vaches Pedrajas de chez le Marquis d’Albaserrada. Fabrice ne les élève pas (en vérité, si), il les admire, il les dévore de ses yeux protecteurs, même celle qui est morte parce que la vie s’arrête aussi pour les vaches braves. Elle s’éloigne mourir comme pour donner la vie ; elle laisse une place qu’elles sont de moins en moins nombreuses à prendre. Fabrice raconte aux enfants ce qu’elle fut et, du flot sucré de ses mots, les enfants comprennent que la mort fait partie de la vie et que même s’il ne reste qu’une peau dure et sèche sous leurs yeux, une peau qui fait résonner le vide au-dedans d’elle, cette peau mérite d’être là où elle a vécu, au milieu des herbes qui la cachent et sous la lune qui l’éclaire. Fabrice m’explique que le travail de récupération de l’élevage sera long et que les incertitudes et les turpitudes seront, elles,  infinies. « À part Tulio, tu veux aller chez qui pour rafraîchir ?  » Yerbabuena ? Guardiola (ce qu’il en reste) ? Je ne sais quoi répondre. Je repense à mon dernier passage chez Tulio l’an dernier. Tulio et José. Tulio, autre vieille baraque que j’ai contemplée de mon chemin. L’an dernier, j’avais une boule dans la gorge, même les belles choses du campo n’avaient pu me l’ôter. Fabrice a raison après tout. Il faut qu’il tienne ne serait-ce que parce qu’il est là. Ne serait-ce que parce qu’avec toute sa délicatesse d’un sud fragile et apaisé, il les emmerde tous à élever du Pedrajas. Ne serait-ce que parce qu’un Tulio, un Pedrajas, un Albaserrada, c’est beau et ça fait peur. Mets du Tulio ! Nous irons voir leur peau faire résonner le vide de ce monde taurin qui tweete mais ne tue plus.
À la fin, Fabrice s’est tu et nous allions partir. Dans la grange, dans la pénombre, Éléonore a photographié sa sœur. Au premier plan, il y a une tête de toro mort. Derrière elle, Fabrice marchait le long du gigantesque mur blanc et son ombre s’étirait avec douceur, comme ses mots, vers le bout d’un tunnel qu’il creusera de ses ongles s’il le faut. Mets du Tulio Fabrice.

>>> Retrouvez une galerie consacrée à la ganadería du Marqués de Albaserrada sur le site www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.

Il s'en va


Il l'a annoncé, il y a quelques jours. Quelque part, quelqu'un a écrit « el diestro veterano ». J'ai été plus étonné de lire qu’on le considérait comme un vétéran que par son départ, finalement. J’ai l’impression que le Fundi ne vieillit pas. Sur la photographie, c’était à Arles, pour son troisième paseíllo sur les bords du Rhône, autant dire ses débuts. Vous trouvez qu’il a vieilli, vous ? Non, il n’a pas vieilli. El Fundi ne vieillit pas. 
Depuis ce jour, les terribles Miura sont devenus… rien. Depuis ce jour, le Fundi n’a pas pris une ride, pas une, et a tué des wagons de toros plus retors et plus méchants les uns que les autres. 
Comme aurait pu le dire Desprosges, s’il avait été aficionado, Le Fundi s’en va, Castella est toujours là. Ce n’est pas bon ça, pas bon du tout. Bien sûr, c’est dans l’ordre des choses, mais qu’un matador de toros, un tueur de toros de cette trempe tire sa révérence, ce n’est pas bon. Personne n’y peut rien. Car ceci n’est rien d’autre que l’affirmation d’une modernité galopante et irréversible. Et ça pue.

20 décembre 2011

Capture d'écran


« On ne peut pas systématiquement récompenser la connerie et espérer que cela demeure sans conséquences. » Carlos Granés

19 décembre 2011

Photographie sans paroles (LXXVII)


En la revoyant, j'ai pensé à la future féria de Vic… © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com

18 décembre 2011

Journée taurine Orthez 2012


Novillos de D. Fernando Pereira Palha, mars 2010 © Laurent Larrieu
Au petit jeu des annonces des élevages pour 2012, si le cargo vicois menace dangereusement de s'échouer dans le golfe de Gascogne tandis que le monocoque cérétan maintient le cap toutes voiles dehors, le frêle esquif orthézien, lui, a pris l'audacieuse option de filer vers le sud en longeant les belles et sauvages côtes du Portugal.

Samedi 21 juillet 2012 - 11 h
5 novillos de D. Fernando Pereira Palha - « Quinta das Areias », Vila Franca de Xira (Região de Lisboa, Portugal) - Veragua, Palha Blanco et autres.

Samedi 21 juillet 2012 - 18 h
6 toiros de D. António José da Veiga Teixeira - « Pedrogão », Montemor-o-Novo (Alentejo, Portugal) - Pinto Barreiros et Oliveira Irmãos.

17 décembre 2011

Feria del Toro 2012


Un Escolar à Vic en 2010 © François Bruschet

Le Club taurin vicois vient de révéler le nom des élevages de sa prochaine Feria del Toro :

Samedi 26 mai - 11 h
Novillada mixte avec deux erales (non piqués) et deux novillos des élevages gersois Ganadería de L'Astarac (Jean-Louis Darré à Bars, encaste Gamero Cívico) et Ganadería du Lartet (Paul et Jérôme Bonnet à Peyrusse-Grande, encastes Cebada Gago et Marqués de Domecq).

Samedi 26 mai - 18 h
Corrida concours de ganaderías avec, par ordre d'ancienneté, des toros de Carriquiri (Núñez), D. José Joaquín Moreno de Silva (Saltillo), Fidel San Román (Villamarta), Toros de Esteban Isidro (Domecq), Alcurrucén (Núñez) et Ganadería El Tajo (Domecq, Torrestrella et Núñez).

Dimanche 27 mai - 11 h
toros de Flor de Jara (Santa Coloma - Buendía).

Dimanche 27 mai - 18 h
toros de La Cruz (Santa Coloma - Buendía), élevage des frères Granier situé sur la commune de Saint-Martin-de-Crau.

Lundi 28 mai - 11 h (ou 17 h, et Marc paie sa tournée de cœurs de canards !)
toros de D. José Escolar Gil (Albaserrada et Buendía).

Des figuras


« Lorsque les figuras commencent à toréer ton élevage, à le toréer par habitude, pas pour faire un geste, cela veut dire que ton élevage est sur la pente descendante et qu’ils l’ont perçu avant toi. Alors ça ne me gêne pas que les figuras ne tuent pas nos toros, bien au contraire. Les figuras sont bien là où elles sont, et nous, nous sommes bien là où nous sommes, sans elles. Ceci dit avec tout le respect que j’ai pour les figuras qui ont gagné leur place dans le ruedo. » Fernando Cuadri (Nîmes, décembre 2011)

16 décembre 2011

L'instant d'avant


L'instant d'avant… © José 'JotaC' Angulo  2011
C'est l'instant de tous les possibles…
Un cillement fugace et le regard s'aiguise, le buste se redresse, le bras se relève, lentement.
C'est l'instant de tous les regards quand un œil noir observe, un autre œil noir le suit dans le miroir des sables.
C'est l'instant de tous les déserts, qui assèche les solitudes et affûte les larmes jusqu'à l'oubli.
C'est l'instant de tous les reflets, quand la danse devient macabre, quand la musique s'est tue, quand le vacarme du monde n'est plus qu’évaporé.

C'est l'instant de tous les silences, lorsque la gorge se noue, lorsque l'esprit se fige, lorsque le bras se lève et pointe lentement le fil du temps.
C'est l'instant de tous les instants, lorsqu'il est l'heure de trancher le souffle rouge de la vie qui oscille entre l'avant et l'après… entre l'après et l'avant, inexorablement.
Quand le soleil aveugle, c'est l'instant.
L’œil noir fait face au néant. Matador, il est temps.


À propos de mise à mort, voici un billet d'humeur de Laurent Giner qui complétera la réflexion.

De matador de toros à pegapase via Quito

La ville de Quito (Équateur) a pris une décision sans précédent en interdisant la mise à mort dans ses arènes. Le Portugal avait déjà pris les devants, il y a bien longtemps, mais avec la suppression des picadors.

La belle affaire politique ! Encore un groupe d’élus qui n’a pas le courage de trancher et qui fait dans la demi-mesure afin de satisfaire un peu tout le monde. Garder les toros (je n’ai pas écrit corrida) parce que sans eux, pas de férias, pas de rentrées d’argent, arrêt de l’économie taurine, mais en supprimant la mise à mort afin de faire plaisir à l’électorat protectard. J’adore !
L’Afición, depuis longtemps, a conscience que le premier danger de la corrida est le milieu taurin. Aucun salut n’est à attendre de ses acteurs. Leur vision est sur le court moyen terme. L’émotion et la sensation de danger ont déserté les plazas de toros depuis 15 ans. Les jeunes ne vont plus aux corridas mais au recorte et autres spectacles de rue.
95 % des corridas pourraient se dérouler sans picadors, tellement la faiblesse des toros frise l’invalidité. Comme l’écrit Robert Piles, dans Profession torero, la tauromachie a changé d’une lettre — le V pour le D. Avant, les toreros disaient aux picadors : « ¡Dale! » (donne-lui). Aujourd’hui, ils leur disent : « ¡Vale! » (arrête).
Le mundillo a-t-il analysé et pris conscience de tout cela ? Les taurinos ont laissé mourir la Catalogne, fermé des arènes une à une pour n’avoir en 2011 qu’une seule plaza en activité. Leur incompétence d’analyse sur le long terme et leur manque d’anticipation m’étonneront toujours.
L’histoire de la Catalogne nous aura prouvé que nous ne pouvons laisser la tauromachie être gouvernée et dirigée par le milieu taurin, même si, je ne suis pas dupe, la tauromachie est « un milieu ». L’Afición restera toujours au bord mais elle l’encercle et la finance en passant aux guichets.
Et Quito dans tout ça ?
Les taurinos nous ont montré leur manque d’Afición, et les toreros le peu de valeur qu’ils portent au costume et à la profession de matador de toros.
S’ils veulent être les porte-drapeaux de leur profession, comme ils ont su le faire pour défendre leurs intérêts en créant le G10, il leur faudra plus de pundonor. S’ils veulent retrouver une place dans notre estime, ils devront refuser ce genre de contrat qui bafoue la profession de matador de toros. Il leur faudra renoncer à quelques dollars de plus dans une saison déjà bien rentabilisée. Je m’adresse là à Castella, El Fandi, Ponce, Talavante (tous présents à Quito) parce qu’ils ont le pouvoir de dire non et d’entraîner les autres avec eux.
La défense, la survie de la corrida, son éthique doivent passer par cette intransigeance, à moins que leur penchant pour l’appât du gain ne soit trop fort !
J’espère juste qu’à leur retour sur le vieux continent et dans nos plazas, l’Afición saura se souvenir de leur geste. Il faudra leur rappeler que l’on ne transige pas avec l’honneur des braves et qu’un matador de toros n’est pas qu’un pegapase (celui qui donne des passes). Le troisième tiers est celui de la mort, pas de la muleta.

Laurent Giner

14 décembre 2011

Céret de Toros 2012


Pour ses 25 ans, l’Association des aficionados cérétans a souhaité offrir à l’Afición un « Céret de Toros » exceptionnel. Les fers mythiques de Don José Joaquín Moreno de Silva et  Don José Escolar Gil, qui se sont illustrés lors des précédentes éditions, seront à nouveau au rendez-vous. Fidèle à sa politique, l’ADAC complètera l’affiche avec les novillos de la ganadería Escobar. Fernando Robleño, le torero emblématique du ruedo cérétan, qui s’est toujours distingué face aux ganaderías de respect, affrontera seul les 6 toros d’Escolar Gil. Ce défi, loin des triomphes programmés, constitue un acte de courage auquel peu se hasarderaient. Les 14 et 15 juillet 2012, à Céret, en Catalogne, un évènement torista à ne pas manquer. 

Samedi 14 juillet - 18 h
6 toros de D. José Joaquín Moreno de Silva - « La Vega », Palma del Río (Cordoue) - Marqués de Saltillo.

Dimanche 15 juillet - 11 h
6 novillos de Hros. de D. José María Escobar et D. Mauricio Soler Escobar - « Isla Mínima », La Puebla del Río (Séville) - Conde de Santa Coloma via Graciliano Pérez-Tabernero et Joaquín Buendía Peña.

Dimanche 15 juillet - 18 h
Pour Fernando Robleño, único espada, 6 toros de D. José Escolar Gil - « Monte Valdetiétar », Lanzahíta (Ávila) - Marqués de Albaserrada et Joaquín Buendía Peña.

Lien 
La rubrique CAMPO du site de l'ADAC.

12 décembre 2011

Fernando Cuadri chez Pablo Romero


Communiqué des Amis de Pablo Romero

Le vendredi 16 décembre à partir de 19 h 30, au 12, rue Émile-Jamais à Nîmes, le ganadero-artisan Fernando Cuadri sera l'invité du dernier rincón taurin de l'année.
Situé à Trigueros, entre Huelva et Séville, l'élevage andalou Hijos de D. Celestino Cuadri Vides, triomphateur à Madrid en 2010 et 2011, est un des rares à pouvoir encore prétendre au qualificatif de romantique : à « Comeuñas », les toros sont élevés sans les modernes fundas ; lors des tientas les vaches sont approuvées ou refusées dès l'épreuve des piques, avant même la faena de muleta.
Orateur chaleureux, Fernando Cuadri donne régulièrement des conférences au cours desquelles son afición et son franc-parler ont pour vertu première de réconforter les aficionados en perte de repères.

Entrée libre. Tapas et vins seront servis avant et après les débats.

>>> Prochain rincón taurin le vendredi 27 janvier 2012 : « Les férias de novilladas : une tauromachie en perdition », avec la peña El Quite de Calasparra (Murcie) et l'Association des aficionados de Parentis.

http://www.pabloromero.fr/ | amis@pablo-romero.asso.fr

10 décembre 2011

Depuis le carafal


Tout le monde n’a pas accès au carafal, cette immense cage en fer installée dans un coin de la place du village. Le carafal est la propriété de la peña des filles. Et il faut être membre pour y accéder. J’y suis admis, comme invité. La place est à peine éclairée, plongée dans une pénombre qui la rend inquiétante pour l'étranger que je suis ici.
Du premier étage je contemple les jovens però valents amener pour la deuxième fois de la journée le toro dans sa cage, l’attacher au pieu et parer ses cornes de torches qui dégagent une forte odeur d’essence.
J’ai la sensation que c’est tout le village qui tire sur la corde, pousse et bloque l’animal, le prépare pour son ultime course. C’est une sorte de communion, un attrait collectif et irrésistible qui pousse les plus courageux à s’approcher, toucher, pousser, attendre le dernier instant, l'ultime seconde avant de prendre la fuite et se mettre à l’abri.
Un murmure monte. Un homme allume les torches et un autre, immédiatement après, coupe la lourde corde qui retient l’animal.Un troisième s'accroche à la queue.
Une fois libéré, le toro devient le maître de ces rues nocturnes et sombres. Il les hantera et fera régner la peur et l’angoisse jusqu’à ce que ses cornes s’éteignent. Il sera alors temps pour lui de réintégrer une dernière fois les corrals provisoires installés de l’autre côté de la place. Ça en sera définitivement terminé de sa vie publique.



En la Pobla de Farnals


09 décembre 2011

« Yo voy a la plaza a torear, no a matar a un toro »


Sébastien Castella au quotidien Hoy, un journal en ligne sud américain.

« Yo voy a la plaza a torear, no a matar a un toro.

Pero te llaman matador…
Sí, obviamente, porque en los principios, solo se pegaban dos muletazos y se mataba. Ha evolucionado y los toreros no vamos a matar, sino a torear. La gente no quiere ver cómo matan a un toro, sino que quiere ver arte… »

Traduction : « Moi, je vais aux arènes pour toréer, pas pour y tuer un toro. — Mais tu es matador… — Oui, évidemment, car au début on donnait seulement quelques passes de muleta et on tuait. Les choses ont changé et nous, les toreros, nous n'y allons pas pour tuer, mais pour toréer. Les gens ne veulent pas voir comment on tue un toro, ils veulent voir de l'art. »

Ça se passerait même de commentaires. Le tercio de piques, sauf quelques rares arènes et/ou élevages, en est déjà réduit à sa plus simple expression.
 De toute évidence, pour une bonne partie du mundillo, l'évolution vers la corrida incruenta (non sanglante) est enclenchée. Castella a au moins le mérite de dire bien haut ce qu'une partie du mundillo n'ose encore dire qu'en mode « messe basse ».

François 'Solysombra' Bruschet

07 décembre 2011

En la carretera (II)


Ce n'est pas vraiment une route taurine. Enfin, à Marseille, il y a longtemps, il se donnait des corridas. Et puis on s'en fout…

 

Campos y Ruedos en terre biterroise


Ce vendredi 9 décembre à partir de 19h, une partie de l’équipe de Campos y Ruedos sera présente à Béziers au siège de la  peña Emilio & Abel Oliva au 9, boulevard de Genève pour y parler toros et campo, et présenter les deux livres édités par Atelier Baie.

Noël approchant nous en profitons pour vous rappeler que les livres peuvent être commandés directement sur le site de l'éditeur. S’il reste encore un bon stock du 02, sachez que le 01 est quasiment épuisé…

05 décembre 2011

Autorovia (XIII)


Fabrice nous attend en fin de journée à « Mirandilla ». Avant 18 h 30, toute tentative de braver le dehors serait au mieux une dinguerie, au pire l'assurance de faire partie des 100 % de gagnants qui ont tenté leur chance au cancer de la peau, sans grattage, avec infarctus pour numéro complémentaire. Bingo ! quine ! carton ! J'essaye en vain de m'abîmer de nouveau dans les ondulations narcotiques de mes flâneries orientales (lire « Autorovia (XII) »). Je regarde le ciel et n'y trouve qu'un bloc colossal de vanité d'être trop parfaitement et profondément bleu. Je pose l'exemplaire de Salcedo sur le coin de la table et me promets d'y revenir prochainement. Je rejoins les enfants au bord du récipient de briques érigé sur la terrasse que l'agence de location a qualifié de piscine sans que je m'enlève de l'idée, depuis les quelques jours que nous sommes ici, que l'édifice susdit penche plus certainement vers la baignoire de plein air. Je me fais une raison en me convaincant qu'il y a mieux mais c'est plus cher. Loulou me montre ses deux brassards et m'attend à ses côtés. C'est l'heure du génocide et je sais qu'il aime partager ses choses simples de la vie avec son papa. Je me glisse avec toutes les précautions du monde dans l'eau, je m'adapte à la fraîcheur dont je sais qu'elle ne durera qu'un instant, j'évite les gouttes accidentelles ; Loulou sourit de plein cœur. C'est l'heure. Il me tend un Ken brun, teint halé, abdominal saillant et couilles en berne, et me demande de lui arracher la jambe droite, requête vis-à-vis de laquelle je ne me sens pas de riposter par une quelconque rebuffade. En désossant le chum de Barbie, je prends conscience qu'il va falloir me montrer plus raide dans mes obligations éducatives de père à l'avenir. Seules les jambes du Ken brun peuvent s'arracher sans difficulté. Le Ken blond et le Ken noir n'ont certes pas la même mobilité du bassin mais au moins leurs jambes musclées ne finissent-elles pas systématiquement au fond de l'eau, dessoudées du reste d'un corps pour lequel je développe, moi trentenaire pétri de convenance, une exaspération que je soupçonne vouloir dissimuler un zeste de jalousie. Pour autant, je préfère ne pas creuser plus avant cette hypothèse qui n'aurait d'autre conclusion que de me confronter à des tourments que je croyais enfouis loin derrière moi en terre adolescente. Et puis, sérieusement, jalouser le corps eunuque d'une poupée fût-elle parfaite touche au ridicule le plus crasse. Nonobstant, et pour faire plaisir à Loulou, j'écartèle Ken brun de bon cœur préservant cependant la guibole droite, qui, plus rapide que l'éclair et vive que la truite, vient décrocher la tête de surfeur de bac à sable de Ken blond, lequel, dans un râle rauque de douleur, saccage l'assurance prétentieuse de Ken noir d'un chokeslam d'une violence comme échappée de l'Undertaker. Le bain n'est plus qu'un brûlis silencieux où seul le mince écho des flots évoque le carnage. Loulou est aux anges et veut qu'on recommence. Il adore particulièrement quand Ken brun, l'handicapé donc, dessoude le blondinet de toute sa vivacité d’étourneau. Je suis fier de lui, déjà, si jeune, prendre instinctivement la défense et le parti des opprimés et de ceux que la vie a marqués m'émeut. J’en serais presque à avoir une pensée pour les Indignés mais non, je décide de ne pas être faible et il faudrait que je fume, or, dans une baignoire, fût-elle de plein air, l’entreprise ne me botte guère. Je le contemple… mon œuvre d'art. Le calme ne dure pas, soudain interrompu par les couinements respiratoires de trois Barbies sans culotte — devant un enfant ! — et qui chouinent et qui pleurent. Connasses ! D'un geste brusque, d'une grimace calculée, je tente de disjoindre la jambe gauche de la droite de Barbie blonde mais je ne réussis qu'à lui fabriquer une attitude qui lui va bien, c'est un fait, mais qu'il est inacceptable de laisser contempler par un enfant. Je la noie donc dans l'instant, comme dans les films, elle bouge beaucoup au début et puis presque plus rien, quelques bulles, plus rien enfin. La brune et la noire ont assisté à tout et Loulou se bidonne. Faut achever, faut pas laisser de témoin je lui dis. « C'est quoi témoin ? — C'est elles ! » Je lui montre en attrapant les deux greluches anorexiques. « Elles se battent pour sauver leur peau, chacune prête à massacrer l'autre pour implorer ensuite notre pitié. Pim pam poum et pim et poum et plouf et gloups… Plus rien, plus rien, plus rien. » Loulou rigole toutes dents dehors. Il ne sait pas ce que je viens de faire. « C'est intelligent de lui montrer des choses comme ça ! — Oh, ça va, on a zigouillé les trois ! Pas de discrimination. On leur apprend ça à l'école, non ? », lui réponds-je pas peu fier de ma répartie œcuménique tout en sachant au fond de moi qu'elle doit avoir raison — ma femme a souvent raison.
Sans y croire, sans y tenir particulièrement, je propose à tout le monde d’aller se balader en attendant de partir pour « Mirandilla ». « Voir quoi avec cette chaleur ! — Sais pas moi, des églises tiens. Y’en a partout ici des églises, ils en font pousser comme des Mickey à Disneyland. Doit pas y avoir long à marcher pour en trouver une. »

Au fond, elles ont raison. Il fait trop chaud. Et puis les églises j’en ai soupé à une époque. J’entrais dans toutes, je cherchais les christs pourfendus à moitié d’une lumière agonisante et pudique, je prenais des photos. Je marchais sur la pointe des pieds sans regarder ceux qui priaient, comme si je m’étais tout à coup retrouvé dans les frusques d’un criminel en cabale. Je n’ai jamais apprécié de déranger quiconque et, allez savoir pourquoi, l’idée de me montrer sous un jour discourtois au regard froid et blanc de leur dieu m’a toujours mis mal à l’aise. Alors, je sortais sur la pointe des pieds, comme un voleur donc, quittant à regret cet antre dans laquelle le silence a un droit, et divin de surcroît. J’aime bien cette idée qu’il persiste des lieux, comme des refuges, où le commun de mes pairs peut goûter l’onctueux bonheur de l’insonorité en franchissant seulement une porte lourde de bois sur le seuil de laquelle une main tend vers vous des yeux déjà vaincus. Avant le dimanche de Pâques, au fil de la Semaine sainte qui est à Séville ce que San Fermín est à Pampelune et la rosette à Lyon, les Sévillans délaissent leurs églises dans une ostentation de piété aux confins du raisonnable — mais est-il judicieux d’en appeler à la raison s’agissant de croyance ? Je me le demande mais je n’ai rien à me répondre ma foi. C’est comme si elles étaient devenues tout à coup trop petites pour absorber le flot de leur foi ; ils préfèrent alors rester dehors à attendre que viennent à eux les vierges et les christs surélevés par la souffrance physique des costaleros et conduits dans les méandres de rues étroites par l’alignement comminatoire de cagoules phalliques. ¡Que sale! J’allume une Marlboro light. Je vois sans y prendre garde Ken et Barbie flotter dans l’eau de la piscine. Je préfère ne plus penser à eux. Je revois ces processions aujourd’hui que les brûlants pavés sévillans sont désertés par tous. J’étais allé récupérer les développements de pellicules diapositives au coin de la place Duque de la Victoria. La rue Alfonso XII pliait sous les corps en attente et je m’étais faufilé à grand-peine contre eux, le long d’eux, malgré eux. Je me rappelle que j’étais comme un gosse et peu m’en coûtait de devoir affronter cette foule, j’espérais mes diapos sur lesquelles les toros de Partido de Resina ne portaient pas encore de fundas. Peut-être étaient-ce des Tulio ? Je courais vers eux mais c’est comme si une force sans cesse plus puissante avait décidé de me priver de ce plaisir. À mesure que se distinguaient les balcons de la place, je les sentais se soustraire à moi, s’échapper plus loin, enlevés par des notes de musique stridulantes et répétitives. Je n’ai jamais atteint la place Duque de la Victoria. Pas ce jour-là, un jeudi saint, un jour de Macarena. J’ai grimpé sur un poteau pour voir. Et j’ai vu. En tirant sur ma clope, je souris au souvenir de ce que je pensais alors, à cet instant précis où je vis : Séville est une partouze ! Un formidable enchevêtrement d’êtres de foi, d’apparences ou de traditions contemplait dans un murmure assourdissant l’emmêlement surréaliste de processions qui se perdaient les unes dans les autres, chacune contrite par un rythme lascif mais sûr de lui, chacune s’insinuant dans l’autre et donnant le sentiment d’une perdition qui aurait fait pleurer les vierges et les seins. Mais il n’en était rien. J’ai quitté mon poteau, sous le regard réprobateur d’une famille chez qui il ne manquait personne, j’ai remonté Alfonso XII sans mes diapos, le regard fatigué d’avoir été voyeur. À la fin, sur les pavés, mais il faut le savoir, ne restent que des traînées blanchâtres, éparpillées mais régulières, comme des coulées. Certains y voient des larmes de cire (celles des bougies)… Séville est beaucoup plus. « J’arrive ! »

Photographie sans paroles (LXXV)