31 décembre 2009

Campos y Ruedos - 2009, Game Over


Les grands espaces, les hôtels sans étoiles, les carnets de notes, la route, les potes, les petits sommes, les coups de fil... Les pauses pipi... Des fusillades, parfois, aussi...

Exit 2009, ¡hola 2010!



Vidéo YouTube proposée par son réalisateur © Nacho R. Piedra et issue du dernier CD/DVD du collectif madrilène Migala, La Increíble Aventura, Acuarela, 2004.

28 décembre 2009

Pehdtsckjmba !


Vic Chesnutt n'est plus cher Philippe. Ok, alors, spécialement pour toi, "en guise de consolation" ou adoucir le temps qui passe, voici un petit clin d’œil de fin de temporada. Ça sera peut-être aussi une source d’inspiration pour le José Tomás Tour 2010, vas savoir !
Celui-là, Dieu merci, il est bien vivant, et pour longtemps on l’espère. Voici donc en presque exclusivité pour Camposyruedos, l’incontournable, le génialissime, l’inimitable Tom Waits !

Vic Chesnutt


Vic Chesnutt n'est plus, Pedro Bravo me l'a « dit » hier... Né le 1er janvier 1964, il a choisi, ce 25 décembre, chez lui à Athens, en Géorgie, de quitter cette chienne de vie... Américain, sa guitare « à deux balles » jouait folk ; écorché vif, il chantait ce monde qui ne fait pas de cadeaux. Sans le savoir, il était « flamenco »...

En plus
— Quelques pages hébergées par Last.fm (bio, albums, photos, etc.) &
— une autre, fort belle, sur La Blogothèque.



Vidéo YouTube proposée par philipchek /// Vic Chesnutt, le 17 mars 2007 à Athens, en compagnie d'Eric Harris à la batterie et de Chris Sugiuchi à la basse.

26 décembre 2009

Paolo Pellegrin


A Camposyruedos on ne fête pas le nouvel an mais, rendez-nous en grâce, nous vous offrons un petit cadeau de Noël. Un petit que dis-je ? Un énooorme cadeau de Noël, un truc, faut voir.
C’est notre chouchou du moment. Notre chouchou du moment et pour un bon moment je pense.
Pellegrin qu’il s’appelle, mais rien à voir avec Manon. Celui-là de Pellegrin il s’appelle Paolo, il est italien et membre très officiel de l’agence Magnum depuis 2001. 2001, l’année de naissance de ma fille tiens... mais ça n’a rien à voir.
Paolo Pellegrin j’y suis tombé dessus en 2008 à Arles pour les RIP. Et là, le choc fut énorme, mémorable.
Des tirages très grand format, un noir et blanc granuleux, profond, émouvant, puissant et visiblement argentique.
Un choc autant esthétique qu’émotionnel. Paolo Pellegrin, il photographie les guerres, la bande de Gaza, les types du Hezbollah mais aussi ceux d’en face. Les enturbannés de tous bords. Et puis les autres évidemment, qui n'y sont pour rien, ou pour pas grand-chose.
Alors bien sûr on peut se poser la question de la légitimité d’esthétiser ainsi (c’est français ça ?) la guerre et la violence.
Vous jugerez par vous-même. Nous trouvons tout cela d’une immense dignité, un peu à la manière d'un Stanley Greene, mais avec un regard peut-être un peu plus... Enfin vous verrez.
Paolo Pellegrin...

22 décembre 2009

Maybe Harlem...


Robert Doisneau disait qu'il était seulement capable de photographier Paris, son propre univers, qu'il avait bien essayé de photographier ailleurs mais qu'il n'y parvenait pas.
A l'inverse, d'autres ont besoin de s'éloigner, se perdre et se dépayser.
Un des livres photographiques les plus remarquables jamais publiés sur la tauromachie est l’œuvre du dépaysement total d’un type de Minneapolis.
Minneapolis, le Mexique, Madrid et maintenant New York City, Brooklyn.
C’est à Brooklyn qu’il habite aujourd’hui le photographe de Minneapolis. Et c'est au cœur de Manhattan que nous l'avons croisé, "pour de vrai", après des années à s'échanger des e-mails.
- Minneapolis, like Prince !, lui balance notre Tendido69.
- Yeah ! like Prince, sourit Michael Crouser, tout en douceur et en timidité. Un pote à moi l’a photographié, Prince, à ses débuts. Mais bon, c’était les débuts, maintenant les choses ont changé.

Michael Crouser, évidemment vous le connaissez, depuis qu’on vous en cause sur Camposyruedos.
Nous le retrouvons 28ème rue, entre Park Avenue et Madison, dans un restaurant qui s’appelle Pamplona, tenu par de sympathiques Sud-Américains.
Pamplona à New York, pobre de mí, pas de bol, c’est le dernier jour du Pamplona. La crise sans doute. Et puis ici tout va tellement vite. Dommage, le cochinillo asado était d’un fondant à pleurer.

La conversation avec Michael est assez étonnante, nous mélangeons sans trop y réfléchir castillan et anglais, tout en évitant soigneusement le français. Et ça marche ! Ça marche parfaitement.
Michael nous montre les tirages de son dernier travail, sur les cow-boys de l’Oregon. Superbe, mais pas encore d’éditeur en vue. Pour les photographes aussi la crise apporte son lot de complications.

- Dis-moi un truc Michael, tu as cette ville à tes pieds, sous tes yeux. Tu attends quoi pour nous faire le New York de Crouser ?

- Tu sais, pour photographier, j’ai besoin de me sentir loin de chez moi, ailleurs, dépaysé. C'est un peu comme pour tirer, j’ai besoin des odeurs du labo, enfiler ma blouse, la lumière inactinique… Sentir le film sous mes doigts, le faire glisser entre l’index et le majeur pour l’essorer.

Petite parenthèse d'importance. A l’heure du triomphe hégémonique du numérique, Michael travaille toujours en argentique. Il en a besoin, pour se sentir photographe. Ce n’est pas qu’il dédaigne le numérique. C’est plutôt qu’il s’agit pour lui d’un besoin presque physique. Une sorte de nécessité difficilement explicable.
Michael reprend sur New York.
-… Et puis cette ville a tellement été photographiée. Quel regard neuf suis-je susceptible d’y apporter ?

- Ah non, là je t’arrête. Pour le dépaysement, ok, je te suis, mais pour le reste non ! Regarde. Avant toi il y a eu un nombre incalculable de livres publiés sur la tauromachie. Et puis arrive "Los Toros", la vision d'un Américain de Minneapolis, et là… Whaoooooo ! Alors je pense que tu devrais nous photographier New York City, même si je comprends ton problème de non dépaysement !

- (rires) Merci ! Merci ! Mais New York sera très compliquée pour moi. Vous savez, je cherche des photographies « timeless » qui ne soient pas datées, sans marques, sans choses à la mode… Alors New York, ce sera difficile…

- Bon, oublions Downtown, mais Harlem et Uptown alors ! Tu auras des milliers de choses à photographier à Harlem…

- Oui, peut-être Harlem… J’irai y faire un tour un de ces jours…

Peut-être Harlem. En attendant, Michael a envie de s'offrir un mois de San Isidro, sans appareil photo, juste profiter de Madrid et voir de belles corridas…
Pobre de mí.
Plutôt Harlem...

20 décembre 2009

Coquilla Dream, « Yes we can »


La possible disparition de l’élevage Sánchez-Fabrés d’origine Coquilla a suscité l’émotion de nombreux aficionados. Une émotion d'où a jailli un flot de mots de solidarité et de passion. Cette mobilisation a permis de recharger les piles du ganadero Juan Sánchez Fabrés, qui a finalement décidé de préserver provisoirement ce petit trésor qui habite « Pedro de Llen ». Au-delà des faits, ce rassemblement des aficionados ouvre des perspectives optimistes sur l’avenir et la préservation des encastes rares. Oui, l’aventure de ces derniers jours montre à tous ces éleveurs en difficulté qu’ils ne sont pas seuls. Elle leur rappelle que derrière eux réside une masse invisible, celle des aficionados. Elle leur démontre aussi que l’oubli du mundillo ne signifie pas l’oubli de l’afición. Ainsi, tant qu’ils préserveront leurs élevages, tant que la diversité sera présente au campo, même si celle-ci n’arrive pas jusqu’en piste, il y aura de l’espoir. L’espoir de changer les choses et de faire revivre cette multitude d’encastes aujourd’hui oubliés.

Cependant, pour revenir sur l’encaste Coquilla, si la disparition de l’élevage de Juan Sánchez Fabrés aurait été un drame, elle ne signifiait pas pour autant l’arrêt de mort de la rame Coquilla. Car Coquilla ne se résume pas à cette unique ganadería.
Il y a bien évidemment les coquillas de Sánchez-Arjona, mais pas seulement. Aujourd’hui, malheureusement, l’existence des élevages et des encastes se résume pour de nombreuses personnes à la seule UCTL (Unión de Criadores de Toros de Lidia). Rien n’est moins faux. En parallèle de cette association d’éleveurs en existe 4 autres. Des associations moins prestigieuses et surtout d’un niveau beaucoup moins homogène que l’UCTL. Il n'empêche qu'elles renferment quelques petits trésors qu’il est aujourd’hui coupable d’oublier.
Ainsi, lorsque l'on parle de l’encaste Coquilla, il est indispensable de se référer à l’ensemble de la cabaña brava espagnole et de ses 5 associations d’éleveurs. Aussi, il ne faut pas uniquement parler de deux élevages mais d’au moins 5. Je dis « au moins » car je peux vous assurer de ce nombre, mes pas et mes yeux ayant ratifié cette information. Mais il est plus que probable que j’ignore encore quelques devises qui possède l’origine Coquilla.

Il convient dès lors de citer :
- La Interrogación, le fer d’origine Coquilla de la famille Martín-Tabernero ;
- Mariano Cifuentes et
- El Añadio.

Remercions donc María Jesús Gualda, Mariano Cifuentes et Ángel Martín Tabernero, trop souvent oubliés mais qui, au même titre que Juan Sánchez Fabrés et Javier Sánchez Arjona, contribuent à préserver l’encaste Coquilla.

Et puisque nous en sommes à l’heure des remerciements, remercions également ceux qui, dernièrement, nous ont proposé des coquillas. Remercions Captieux, La Peña Jeune Afición de Saint-Sever, Saint-Martin-de-Crau, Rieumes, Céret, Mont-de-Marsan, Hagetmau, Collioure, Arles (concours), Vic-Fezensac (concours), Parentis-en-Born (concours) et Soustons (concours).

Pour finir, je tiens tout personnellement à remercier la Peña Jeune Afición de Saint-Sever qui inscrit sa politique taurine dans l’esprit de la diversité des encastes et la recherche d’élevages originaux. Un grand merci à eux. Si seulement d’autres pouvaient leur emboîter le pas, l’encaste Coquilla et les autres encastes rares seraient peut-être moins en danger. Mais tant qu’il y aura de la diversité au campo, nous pourrons encore faire changer les choses. « Yes we can ».

Photographie Le fer de La Interrogación sur la cuisse d'une vache Coquilla © Camposyruedos

Sofa's Knock Out (II)


Il neige sur la France. La nouvelle est tombée hier, lentement et délicatement comme on aime que la neige tombe quand on la regarde avec des yeux d’enfant, les joues rosies et caressées par la douceur de flocons éphémères. J’ai beau regarder par derrière la fenêtre, je n’arrive pas à me revoir enfant, à retrouver cette sensation de bien-être. Le blanc va devenir gris, marron, terre sale et il faudra passer la serpillère et nettoyer la bagnole et gueuler après les gosses. Et comme les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules, l’air comprimé chinois (voir Sofa's knock out) a vécu et mon jouet fétiche gît sur un coin de meuble, en sursis, plongé dans un coma silencieux qui m’inquiète. Au début, je l’ai observé de longues minutes dans l’espoir fou d’un surgissement inopiné, d’un retour de flammes mais rien n’est venu. Depuis j’angoisse et je continue de le scruter du coin de l’œil depuis le creux du canapé.
— Allo ?
— Oui...
— T’as lu le compte rendu de l’UVTF ? C’était hier leur congrès, à Mont-de-Marsan.
— Huuuummm, ouais ai vu ça... doit te laisser, à plus.

Je ne pouvais pas lui dire toute la vérité. De plus, je ne m’en sentais ni la force ni le courage et je n’avais pas envie de devoir m’expliquer. Je ne pouvais pas lui dire que oui j’avais lu le communiqué alléluiesque de l’UVTF, je ne pouvais pas non plus lui avouer que les oignons de la pizza d’hier m’avaient plombé toute la journée (c’est le genre de choses que l’on garde pour soi) et surtout, je ne me voyais pas lui avouer comme ça, au téléphone, que mon jouet était malade, très malade, si vite, sans symptôme annoncé ni préavis déposé. J’étais mal, je devais faire face, c’est vrai, mais seul.

L’UVTF, on dirait un nom de médicament générique. Quand ils l’ont créée en 1966, il ont dû faire exprès de l’appeler comme ça, UVTF, pour faire chier les Espagnols qui sont proprement incapables de prononcer le nom d’un médicament français. En tirant sur moi la couverture, entre deux pubs trop chics de parfums pour femme, je me disais que ça faisait un bail que ça existait ce truc, l’UVTF... 1966 ! 43 ans que ça se réunit chaque fin d’année chez les uns chez les autres, ça congresse, ça réfléchit à ce qu’il faudrait changer dans la tauromachie en France et ailleurs, ça râle parfois, ça sanctionnait à une époque, ça se divise et ça se sépare finalement après un grand banquet au terme duquel on annonce au micro que tout va bien et qu’on est assez content de cette belle saison en retenant un pet parce qu’il y avait de la confiture d’oignons avec le foie gras. Putasserie d’oignon et toi qui ne marche plus.

Les "Experts Manhattan" vont commencer. Je te regarde encore une fois, tu es sans vie, sans "tatatatata". Les "Experts Manhattan" commencent mais j'ai du mal à rester concentré.

Ils ont proposé, en collaboration avec le machin truc qui observe et que les Espagnols sont également incapables de prononcer correctement, d’inscrire la culture taurine (ils l’ont écrit avec des majuscules) au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Ils ont dû aussi proposer un Armagnac à la fin du repas et également des chocolats parce que c’est bientôt Noël. Et le jour où la corrida sera inscrite, le toro sera immatériel depuis longtemps à force de l’avoir oublié !

Miura a afeité ses toros, mais ça, c’est pas écrit dans leur compte rendu et puis faut pas le dire qu’il a afeité Miura, c’est pas bien de le dire. C’est l’inénarrable (imprononçable ça en espagnol) qui écrit qu’il ne faut pas le dire et toi tu gîs sans force sur un meuble de salon. On a besoin de toi merde ! Il écrit qu’il faut pas le dire parce qu’autrement son ami Carlos Aragón Cancela, un enrichi du BTP propriétaire des bucarés, va être obligé de leur mettre des fundas à ses toros pour éviter d’être accusé d’afeitado par ces aficionados brise burnes qui s’intéressent encore à l’état des cornes. Le 14 janvier 2009, j’avais lu ça : "En modifiant la réglementation et en admettant qu'il peut y avoir des toros naturellement moins astifinos qui n'en sont pas pour autant manipulés. Ce qui ôterait aux ganaderos l'excuse de la sanction possible pour se livrer à une pratique qui leur permet avant tout de vendre tout ce qui naît, dans la mesure où avec les cornes emmaillotées, même quand ils se battent les toros ne se blessent plus et que les accidents étant considérablement moins nombreux les profits sont largement optimisés" (in le site de l’inénarrable).

Merde, réveille-toi ! Debout ! Garde à vous ! A l’attaque ! Je veux des "tatatatatata" par dizaines, par milliers, balance la sauce !
— T’es mort hein ?
Ça fait une semaine que je te passe devant, tu n’as pas réagi.
Pourquoi est-ce que je te dis tu ?
Il me manque. Je me sens seul, incapable de lutter. Et maintenant, il neige. Rien ne va et j’ai encore plus froid sous la couverture orange. Je scrute le plafond qui couine dans l’espoir d’une réponse, d’un signe, mais rien ne vient et il neige dehors et il doit être mort.
Une idée hier matin ! Peut-être que lui...
— Bonjour, excusez-moi de vous déranger.
— Pas de mal ! J’peux faire quoi pour vous ?
— Vous allez trouver ça étrange voire presque malsain mais j’ai là un objet que je voudrais sauver s’il en est encore temps et je ne vois plus que vous pour cela.
En le disant, rouge et tremblotant, je l’ai lentement sorti de ma manche en faisant tout mon possible pour ne pas rencontrer le regard, que j’imaginais moqueur, de mon sauveur, mon armurier.
— Nom de dieu le beau modèle ! En parfait état en plus ! Vous avez bien fait de me l’amener !
Je n’en revenais pas. Il allait peut-être pouvoir faire quelque chose. Il ne savait pas précisément quoi car, m’avoua-t-il, il était difficile de trouver de l’air comprimé chinois par ici mais il avait des réseaux et il allait se renseigner. Il ajouta qu’on ne pouvait pas jeter un si bel objet aux oubliettes. C’était péché selon lui !

En quittant son étal, soulagé et déjà impatient, je me suis assis sur un banc sans neige face à des dizaines de voitures garées là. À deux bancs de moi était en train de baver une femme qui n'avait pas l'air d'avoir mis tous les fagots à l'abri, mais qui donnait le sentiment d'apprécier réellement ce qu'elle voyait (des voitures blanchies), simplement heureuse. Je me suis dis que c'était simple quand même et qu'il devait y avoir d'autres personnes dans ce monde immatériel pour contempler un paysage, un visage ou un rêve. J'ai même été jusqu'à penser qu'il était possible qu'à cette heure précise, dans l'angoisse du devenir de mon jouet fétiche laissé entre les mains expertes de l'armurier de la rue d'à côté, des gens qui s'aiment se marient sur les bords de l'Amazone. C'était possible et ici il neigeait.

Photographie
La neige © Camposyruedos

19 décembre 2009

Paroles de conteur


Les vacances... Regarder la neige tomber, rajouter une épaisseur, boire un thé, prendre un livre — carré, rouge, à tranche fine. Un livre d'histoires qui a la sienne, belle et inoubliable, mais comme elle vous intéressera quand même moins que toutes celles qu'il renferme, je ne vous la raconterai pas. Chez moi, les ouvrages abordant de près ou de loin les bêtes à cornes se serrent les couvertures sur deux étagères de la bibliothèque. Sauf un, le rouge, carré, à tranche fine. Celui qui parle... Mais n'allez pas croire qu'il en a été chassé parce qu'il parlait — je pense à ces jouets à piles qui agacent tant les parents. Non, je l'ai offert1. À Céret, au Cheval dans l'Arbre2... Mais non ! À ma fille qui, depuis, le garde jalousement dans sa chambre, dans sa bibliothèque à elle — à la faveur d'un récent déménagement, j'ai tenté de lui extorquer discrètement cette publication unique dans la littérature taurine, mais rien à faire ! « Il est chouette ce livre. » Ce n'est pas moi qui le dis, même si je le trouve (très) chouette aussi. Et pratique quand il lui prend de me poser une question pour laquelle la réponse tarde à venir. Alors je lui réponds : « Prends ton Luminoso3 ! » — c'est vrai ça, tout y est, elle n'a qu'à chercher... Et comme elle fait bien, parce que la réponse de son père, elle l'attendrait encore !

Sommeil d'innocent, par Fabrice Torrito
L'homme à cheval est parti ce matin pour rechercher les veaux nés cette semaine. Il doit les identifier. Il note d'abord sur son carnet la date de naissance, si c'est un mâle ou une femelle, la couleur de sa robe, l'endroit où il l'a trouvé et quelle vache est sa mère. Il doit ensuite l'attraper pour lui poser sur l'oreille une boucle numérotée.
Aujourd'hui, il cherche le rejeton de la vache Artificia. Il sait qu'il est né puisque sa mère est revenue vers le troupeau de vaches, et il a observé que son ventre s'était vidé. Mais il n'a toujours pas trouvé la cachette. Connaissant l'intelligence de cette vache, il se doute que l'endroit doit être très compliqué à localiser. L'année dernière, elle avait dissimulé son bébé en creusant sous les racines d'un olivier centenaire.
Après deux heures de recherche, le cavalier sent qu'il est près du but. Il a repéré des empreintes de petites pattes sur la berge de la rivière. Le veau est venu boire ici il y a peu de temps. Les empreintes repartent vers la forêt. Le cheval stoppe net et tend les oreilles. Il a entendu un bruit. Le vacher écoute à son tour. Effectivement, sur sa droite, à une dizaine de mètres, un léger mouvement fait trembler les feuillages d'un buisson. Il y a quelque chose caché. Le vacher se rapproche. Plus rien ne bouge. Plus aucun bruit. Par expérience, il sait que le veau est bien là, tapi.

Le cavalier, avec sa lance, tape un petit coup dans le buisson. Rien ne réagit. L'homme insiste et frappe à nouveau, mais plus fort. Surgit alors le veau qui, sans y penser deux fois, se précipite vers le cheval. Le vacher ne peut s'empêcher de sourire. Il reste admiratif devant cet acte de courage. Comment ce si petit animal peut-il attaquer un cheval et son cavalier ? Ce volumineux ennemi a la taille d'un véritable géant pour lui. L'homme le sait depuis longtemps, un taureau en colère est l'animal le plus fougueux de la terre. Rien ne l'arrête. Rien ne l'effraie. Même pas peur ! Le veau butte contre les pattes du cheval. Il donne des coups de tête, utilisant déjà ses cornes naissantes.
Le vacher fait attention de ne pas piétiner le veau. Avec précaution, il s'éloigne en évitant que son cheval ne l'écrase. Il s'arrête un peu plus loin. Le veau l'observe, les muscles de son petit corps tendus, tremblant de rage, prêt à s'élancer à nouveau. Un véritable face à face s'instaure. Dans la tête du veau, la situation est claire, il a réussi à repousser l'ennemi. Son orgueil est sauf, il n'a pas reculé, et il peut partir en vainqueur. Dédaigneusement, il tourne alors le dos au vacher et s'éloigne en trottinant. Le vacher le suit, à une distance prudente. Il attendra un terrain plus propice pour l'attraper.
Le veau, qui se rend compte que l'ennemi ne lâche pas prise facilement, utilise une autre tactique : la fuite. Il s'élance au galop. Le cheval accélère à son tour. La poursuite est lancée. Le cavalier est heureux. Poursuivre un veau à cheval est toujours un moment agréable. Le veau sait par instinct que rejoindre la forêt est son salut. Effectivement, il y pénètre et le cavalier doit mettre pied à terre, la végétation devenant trop dense pour continuer à cheval.
L'homme court maintenant à pied derrière le veau. Il doit franchir des obstacles difficiles : un maquis dense de fougères, de bruyères, de lentisques, de buissons piquants, de ronces cuisantes et même des ruisseaux d'eau glacée. Le veau est étonnant de force et de résistance. Au soleil, le vacher calcule que cela fait plus d'une heure que la poursuite dure.
Soudain, il n'aperçoit plus le veau devant lui. Etonné, il avance avec précaution. Il découvre alors l'animal qui ne bouge plus, couché sous un chêne. Le vacher se demande s'il est en train de lui jouer un tour. Il se méfie. Il sait qu'il a affaire à un veau très malin. Quelle surprise ! Le veau ronfle. Il est tout simplement en train de dormir. Epuisé, comme un bébé qui a trop joué, il est tombé net et s'est assoupi.
Le vacher sourit à nouveau et pense que ce repos est plus que mérité. Il ne va pas le déranger, mais seulement apprécier en silence, respectueux de ce sommeil d'innocent.

1 On peut l'offrir toute l'année... Noël était loin devant nous, son anniversaire déjà loin derrière.
2 Nom de la librairie cérétane.
3 Fabrice Torrito (dessins de Maria Torrito), Luminoso se mit à parler..., Lapuita/Sedicom, 2007.

Rappelons que l'auteur a son rond de serviette à Camposyruedos ; qu'il nous soit permis, ici, de le saluer chaleureusement.

Images Sous les chênes du Marqués de Albaserrada... Cette tête, une vraie réussite © María Torrito (une des filles de Fabrice) ... à « Mirandilla » © Camposyruedos

18 décembre 2009

Le doyen des photographes taurins fête son 98ème anniversaire


Francisco Cano Lorenza fête aujourd'hui son quatre-vingt-dix-huitième anniversaire.
Né à Alicante dans le quartier de La Goteta le 18 décembre 1912 d'un père qui eut une petite carrière de novillero, il tente d'abord sa chance comme boxeur, puis dans le monde du toreo en s'illustrant d'abord par ses sauts dans le ruedo à une époque où les espontáneos n'étaient pas rares. Il finit par apparaître dans quelques festejos, recevant même sa première cornada. Il fut aussi un temps maître nageur, avant d'entamer la carrière de photographe taurin que l'on sait, trimbalant sa casquette blanche dans toutes les arènes de France, de Navarre et d'Espagne, accrochant à son C.V. un nombre incalculable de spectacles couverts.

Je vous renvoie aux deux articles que Laurent Larrieu avait consacré au doyen des photographes taurins (ici et ), que l'on souhaite voir encore de nombreuses années déambuler dans les contre-pistes, promenant son personnage sympathique au destin si extraordinaire.

Image Paco Cano aux côtés de Joselito Adame, alors novillero, au mois d'août 2007 à Béziers © Camposyruedos

17 décembre 2009

Faena bien ordonnée commence par un théorème


Il en a fallu du temps. Plusieurs siècles. Des décennies à gloser sur des supercheries, à déblatérer sur des prétextes. Des prétextes ? Oui, la corrida... Un prétexte, un exemple, pas même une parabole ! Le combat du toro, dans son acceptation "moderne" a dû nous tomber, sans que l'on s'en rende compte, d'un mathématicien arabe, pressé par quelque croisé en reconquista et sommé de déguerpir plus vite que ça. Il faudra faire la même chose pour expliquer le flamenco, un de ces jours, quand on aura du temps, un compas et une règle. La tauromachie n'est pas plus un art qu'une philosophie, un sport de combat, une danse, une parade nuptiale ou un rite, la tauromachie est une démonstration géométrique pour peu que l'on sache se placer au bon poste d'observation et saisir le moment d'un clic. Le reste n'est qu'affaire de littérateur, de rhéteur : il faut bien des scribes et quelque antique expert en marketing pour tendre des ponts vers nos médiocres capacités d'entendement empirique.
Il y a les praticiens : des guerriers contorsionnistes qui tentent tant bien que mal de se mouvoir dans ce petit monde. Parmi eux, José Mari junior, 'Manzanita'. Statue classique et déclinaison exemplaire d'un nombre d'or sur un bloc de marbre par un pygmalion ibère, sculpteur initié peut-être vaguement homo. N'écartons aucune hypothèse. Manzanita est donc un praticien, parfait ou pas loin, un genre de magicien discret, un peu pantin comme tous, une grande toile blanche joliment gaufrée, un peu froissée, l'écran au fond de la caverne de Platon sur lequel la plèbe projette ses images, ses existences rêvées, ses théories fumeuses. La plèbe ? C'est nous. Enfin, c'était nous, enfin... Une immense agora autour de ce petit monde. Des gens avec des airs entendus, admiratifs, blasés ou autres... Une collection de masques, affamés de miettes que le vent de Grèce voudra bien porter jusqu'à leurs côtes italiennes d'où ils scrutent. La tauromachie est une géométrie, je vous l'ai dit. Suivez !! A partir de Charybde, de Scylla, du Vésuve et du Stromboli commence donc la foule, un air de commedia dell'arte, une touche de néo-réalisme. Des photos le prouvent. L'Italie un peu grotesque est le futur de la Grèce géométrique : une translation aussi réussie que possible, une condition de son existence, un marché selon les capitalistes.
Planquée quelque part entre ces deux mondes, Joséphine Douet, géomètre camouflée en photographe fonde ses théorèmes et développe des démonstrations à grands coups de 50 mm. Sur ses photos, des demi-droites, issues d'un œil de torero, qui viennent se fracasser invariablement à la frontière du volume délimitant ce petit monde. Des lignes de fuite désespérées, résignées ou inspirées, en forme de regards obliques et victimes de ce théorème implacable : toute demie-droite issue d'un point à l'intérieur d'un cercle se heurte au périmètre de celui-ci. Voilà pour la vision euclidienne : deux dimensions et surface plane. Par récurrence, l'auteure ajoute une dimension : le cercle devient sphère, mais toute tentative de fuite demeure vaine. Quatrième dimension : même verdict implacable, le temps dans lequel s'inscrit le torero est courbe et roule de répétition en répétition. Pas d'échappatoire. Toujours pas. Aux parois du petit monde rebondissent et tambourinent les regards des toreros, les demies-droites s'entrechoquent dans un vacarme assourdissant qui ne semble souffrir aucune plainte, aucun aveu. Tout est là et tout y reste, à sa place : les images saintes sur la table, les angoisses, les souvenirs, la torería... Rien ne filtre. Pris au piège, les éléments s'ordonnent, le hasard n'a pas sa place dans un théorème — voyez la main au revers du capote qui donne une Véronique de salon avant la course. Tout y est dit. Quelque part un toro se meut au sein de cet espace clos, fatalement il y a des chances qu'il croise une de ces lignes. Pour l'instant tout va bien.
La sphère est transparente et avale de façon vertigineuse les routes du monde plébéien qui la contient.

>>> Une galerie des photographies de Joséphine Douet est disponible sur le site, rubrique PHOTOGRAPHIES, et son livre est désormais distribué par la FNAC...

Souvenirs d'argentique (II)


Je n'ai pas dû en égarer beaucoup de mes vieux négatifs, mais quelques-uns tout de même. Evidemment, dans ces quelques-uns égarés, quelques clichés auxquels on tient particulièrement, pour une raison, ou pour une autre. Et maintenant, avec le numérique, les choses seront sans doute pire dans quelques années. D'ailleurs je me demande si je ne vais pas me retourner un peu vers l'argentique, plus tranquille, plus lent et plus profond. Une sorte de slow food photographique. Nous en reparlons un de ces jours.
Ce matin, une agréable surprise, la carte de vœux de notre ami Bastonito, avec une de mes vieilles photos argentiques. Une de celles dont justement je n'arrive plus à mettre la main sur le négatif. Vous aurez reconnu sans peine l'allure profonde des toracos de la famille Cuadri. C'était en 1996 d'après Martín, la grande époque des 'Clavellino', 'Poleo' et compagnie...

¡Muchas gracias por el gesto Martín, y el recuerdo!


On clique sur le cliché…

16 décembre 2009

El presidente de la UCTL afeita sus toros


No lo decimos nosotros pues, por supuesto, no se nos permitiría. Lo dicen los resultados oficiales, positivos y muy serios, de los análisis de los pitones de dos toros de la corrida que se lidió en Arles en 2009. Estos resultados han sido comunicados por el veterinario Dr. Compan en el congreso anual de la UVTF (Unión de ciudades taurinas francesas) que se desarrolló en Mont-de-Marsan el domingo 13 de diciembre del 2009.
Como de costumbre se han analizado dos toros por corrida, y los dos de Arles resultaron posivitos, es decir, afeitados sin lugar a dudas.
Curiosamente estos resultados positivos han sido callados por el portal bodeguero, entre otros, pero en el fondo creo que lo han silenciado por un motivo muy sencillo: la Unión de ciudades taurinas francesas, a pesar de estos resultados, se ha negado a imponer las sanciones previstas por el reglamento de dicha asociación.
Esa es la gran ventaja francesa para los afeitadores. Un reglamento de una asociación no es una ley, y es muy fácil hacer con él lo que les dé la gana, sin que ello suponga algún problema con la justicia o las autoridades.
Además hay que decir que el señor Miura lidiará en Francia en 2010 por lo menos cuatro corridas... y eso, a pesar de afeitar sus toros descaradamente en 2009.
Pero sí... Me equivoco... Los socios de la UVTF han sancionado el señor Miura: en 2010 se van a analizar no dos, sino cuatro toros por festejo. ¿Y si dan positivos los cuatro? Pues en 2011 seguramente analizarán los 6... y así, ¿hasta dónde? ¡Vaya chulería!
Mientras tanto todos se dan la enhorabuena tratando de inscribir la fiesta como patrimonio inmaterial de la humanidad.
La verdad es que, cada día que pasa, en esta fiesta lo más inmaterial es el toro, sus defensas, su fiereza, su poder, sus encastes, su integridad. Y esto sí que es una gran pena.

14 décembre 2009

UVTF, AG 2009...


... par Mario Tisné, mais sans photo... Il a oublié... Pour le coup, je vous propose une photographie prise pendant que les congressistes évoquaient les cornes des miuras. Ça se trouve en Camargue, un toro invendu en 2009, pas comme les miuras, mais en pointe, lui, pas comme les miuras... Allez, je laisse la plume à notre ami Mario...

Tentative de compte rendu AG congrès UVTF à Mont-de-Marsan, le 13 décembre 2009.

Madame DARRIEUSSECQ, sérieuse et distinguée, maire de Mont-de-Marsan, plante élégamment le décor à 10h07 par une introduction consensuelle et synthétique qui contient : anti-taurins, union, patrimoine, identité, valeurs de base et spectacle accessible à tous.
La parole revient aussitôt à la ville d’Arles, présidente de l’UVTF, pour un rapport moral comme on les aime, en particulier quand le texte est dit, sans emphase, par Jean-Marie EGIDIO. Et tout aficionado bien né se souviendra que le rapport financier présente un solde positif de 18 348,45 euros pour l’année en cours.
La voix de l’UVTF désignant le meilleur lidiador 2009 ira à... Sébastien CASTELLA ! C’est le fameux prix Mary Poppelins. Les candidats cités furent EL FUNDI et Enrique PONCE.

À 10H35, la parole est à un jeune gars de Vieux-Boucau, président de l’OCT : problèmes internes de la SPA, mais aussi OBAMA/PETA et le problème catalan où quelques politiques se serviraient de la corrida pour se séparer de l’Espagne, mais aussi le projet-pare-feu-UNESCO et le méchant mais pas nouveau souci de la disparition des encastes, sans parler de la réglementation sanitaire... La carte verte...
Le thème UNESCO est repris par François ZUMBIELH, enthousiaste, argumenté et convaincant.
L’idée : « inscrire la corrida au patrimoine immatériel de l’humanité ». L’OCT proposerait de rédiger la fiche d’inscription à l’inventaire qui serait alors proposée au Ministère de la Culture... Donc début d’un long processus qui bétonnerait pour longtemps les positions de la corrida. (Je rappelle accessoirement que le Traité d’Amsterdam garantit « l'épanouissement des cultures des états membres dans le respect de leur diversité régionale », mais abondance de biens ne nuit pas.)
Puis est avancée l’idée que l’élevage participe au maintien des écosystèmes et au développement durable. (Soyons prudents quand même avec ces affirmations pseudo scientifiques... La ruminante pète.)
Revenant sur l’UNESCO, un délégué arlésien en profita pour rappeler que cette démarche devait embrasser l’ensemble des tauromachies et ne pas se limiter à la... corrida. Évident.
À 10h48, un représentant de Parentis (40) propose d’installer aux entrées des villes taurines un panneau de signalisation qui indiquerait, voire revendiquerait, cette appartenance aux cultures taurines. (Et ça permet en plus de cibler quelques fusils de chasse.)
À ce moment de la matinée, il y eut mouvement accompagné d’une escarmouche sur mon flanc droit, suivie d’une charge du 4ème régiment de chevau–légers d’Orthez. Le Béarnais eut le souci de rappeler que l’engouement taurin se trouvait parfois inégalement partagé et que le prosélytisme présentait des inconvénients aux frontières des régions taurines. (Floirac en son temps fit les mêmes remarques et ça ne posait pas problème.)
Enfin, le représentant de la ville d’Arles demanda à l’assistance de soutenir l’élevage de Sánchez-Fabrés par des messages adressables avant le 2 décembre via le site de... CAMPOS Y RUEDOS !!!
Donc ne tardez pas davantage.

Il est 11h10, déjà, quand M. COMPAN re-présente le projet INRA et les relations métabolisme/alimentation chez le toro de lidia. Il est aussi question d’un projet scientifique américain qui est formidable mais que c’est les étudiants qui vont se taper le boulot parce que c’est pas cher à Clermont-Ferrand, et je me suis embrouillé dans mon calepin de notes.
L’heure est grave, 11h28, expertises de cornes, le président des frenchs doctors taurins au sujet des 2 miuras (40 et 66) analysés pour Arles. Je cite Gérard BOURDEAU et ce qui suivit avec scrupule :
- Premier toro : « Arreglé, manipulé frauduleusement à Arles, on peut dire que ce toro était afeité. » ;
- Deuxième toro : « Huit à dix centimètres avaient volé en éclat, ses cornes étaient despitonnées. »
- « Le 40 et le 66, pertes anormales de substances... Il y a trop longtemps que cette ganadería est douteuse... Ça pose des problèmes vis-à-vis des autres élevages. »
Réponse du représentant de la ville de Arles : « Suite aux analyses, nous (bureau de l’UVTF) avons pris une sanction ; la prochaine fois, 4 toros seront analysés au lieu de 2. » (Et là, moi je dis bravo, et s’il comprend pas, le coup d’après faudra en saisir et analyser 6... puis huit... etc., jusqu’à ce que mort s’ensuive.)
Intervention du représentant de Fréjus qui saute dans la flaque en dénonçant une décision non démocratique, qui « fera rire FOURNIER et CASAS ». S’ensuit une sorte d’espèce de débat que le président des vétos enrichira considérablement par un « Miura aurait un problème de fragilité de cornes » (et là... Olé !). Fort heureusement pour le corps prestigieux des vétérinaires, M. COMPAN estima opportun d’affirmer que ces analyses n’auraient plus de raison d’être si elles n’étaient pas suivies de sanctions.
Le président de la commission taurine montoise tranchera dans le vif en concluant que Miura ne serait pas sanctionné, car une paire seulement était négative. Et si comme moi vous êtes positifs, retenez que 87 % des toros analysés en France en 2009 furent déclarés négatifs.

Le clocher de la Madeleine indique presque midi et on nous informe que la veille, en séance confidentielle, la FSTF a dénoncé « le triomphalisme ambiant, les tercios de piques et l’augmentation du prix des places », ET que les Paul Ricard ont vigoureusement pointé le « vieillissement du public », MAIS que les chirurgiens taurins sont enchantés des dispositions et aménagements concernant leur activité dans bien des arènes.
Midi. On assiste aux premières émeutes de la faim dans la salle car cela fait bien deux heures que personne n’a rien pris, quand le Président de la Commission taurine montoise nous fait part d’une réflexion menée en commission de réflexion (!) à Arles à propos d’un projet de piques françaises et même d’un projet de premier tiers français qu’entérinerait l’UVTF. Cette expérimentation sera longue et menée par Alain BONIJOL. Elle serait réalisée d’abord lors de spectacles non réglementés de type festival (Béziers ?). « Ce sera long et ce devra être consensuel, il faut appliquer le règlement » devait affirmer François GUILLAUME en conclusion.
« Just’une info » : la prochaine AG de l’UVTF se tiendra à Moquère... ou Mouquère... Boquère peut-être ? Il reste quelques chambres en demi-pension au 04 66 xx xx xx chez Mme et M. GINER.

Beau temps, deux tiers de salle. Il y eut du meilleur et du pire.
Mario Tisné

13 décembre 2009

Sofa's Knock Out (I)


— Pardon, veuillez m’excuser, pouvez-vous pousser votre chariot s’il vous plaît, je voudrais attraper cette revue. Merci beaucoup !
Non loin du rayon des produits congelés consommables jusqu’à hier, au coin de la zone pansements, brosses à dents, capotes et lubrifiants, au détour des cris de marmots qui hurlent leur envie du dernier fusil mitrailleur à air comprimé recyclé dans les usines du trou de balle de la Chine, le long des soupirs ereintés de mamans devenues, un gros sac bio à la main, criminelles en puissance, derrière l’horripilente (c’est fait exprès) remontée de rayon d’une mémé en purée, s’alignent, dans un classement que seul comprend le chef du rayon fruits et légumes, les revues du moment. Lire, se sentir être humain, vivant ! Lire.
« Pour sa survie dans l’arène, le toro de Saltillo devra s’adapter et évoluer selon les goûts du public actuel... »
— Eh, petit ! Approche, écoute... Viens gamin... FERME TA GUEULE, rejoins ta mère, tu la vois là-bas, c’est elle qui remue la mémé... CASSE-TOI et file-moi ton flingue, j’ai de grands projets pour lui ! File-moi ton flingue je te dis !

Lire, se sentir être humain... Une clope... J’ai plus le droit !
Le toro de Saltillo je m’en vais le dessouder à la sauce Rambo époque Festina pour pas qu’il s’adapte, pour qu’il reste inconstant, surprenant, imprévisible, pour qu’il reste un toro de combat. Qu’il crève après tout, il crèvera au moins comme un toro !
Tatatatatatatatatata... Super ces nouveaux fusils mitrailleurs. Ça doit être l’air comprimé chinois !
Le frigo est plein. Entre deux olives fourrées aux anchois, on se dit que les gosses d’ici rêvent bizarre, de fusils mitrailleurs à air comprimé chinois et on se demande les yeux dans le fond d’un bordeaux ouvert à la va-vite si les gosses chinois ne rêvent pas, eux, d’une deuxième chaîne de télévision.

Sur la photo d’Oriol Maspons1, le gosse, quand il dort, il doit voir des toros partout jusqu’au plafond et les petites qui se retournent pour le voir finir sa passe, elles doivent rêver qu’elles sont ses amoureuses au torero en chaussettes blanches. Rêver de toros, c’est une autre manière de hurler qu’on est un homme, ça se fait pas en rayon et ça épate les filles.
Elle est belle cette photo et le môme il est tellement tordu dans sa véronique qu’on voit presque le toro déplacer l’air et emporter l’étoffe. Ca doit être un Saltillo le toro ! C’est le genre de truc qu’on se dit à soi-même en préparant la bouffe, en allumant le gaz, en mettant le couvert pendant que la nuit est là, déjà. Oui ! Un Saltillo énorme et méchant et qui plonge comme un missile dans le drap d’un torero en chaussettes blanches qui veut faire son grand devant trois pisseuses de son âge, le bon dieu pour témoin. C’est un Saltillo, c’est sûr.
Une olive a glissé sous la table basse du salon, l’anchois a dû s’échapper et le poste vomit en boucle les nouvelles rassurantes de l’hernie discale de Johnny plongé depuis quelques heures dans un coma artificiel à L.A.. La France a peur, elle s’inquiète évidemment et Laetitia, l’animal de compagnie de l’opéré exilé, ne peut rien déclarer aux médias tant son émotion est intense. L’anchois est resté dans l’olive, y’a des soirs comme ça, on a de la veine. Manquerait plus maintenant que la Bernadette jaunie comme ses pièces ne lance une campagne de soutien pour les disques lombaires du chouchou national ! C’est incroyable ce que l’air comprimé chinois rend ces fusils mitrailleurs crédibles. Vautré comme un romain orgiaque, une main caressant le bordeaux maintenant réchauffé, l’autre prodiguant de sensibles douceurs à mon nouveau jouet chinois, je n’arrive pas à concevoir que l’on puisse écrire de telles conneries sur les Saltillo ! Tatatatatatatatatata...

Nikos nous rassure, Jojo irait mieux mais Laetitia refuse toujours d’aboyer.
Le médecin qui a soigné Jojo s’est fait casser la gueule. Décidément, c’est pas terrible la pizza de la veille. Et puis il y avait trop d’oignons. Tiens un petit coup pour le fun… Tatatatatatatatatata... Marche trop bien.
Je ne veux plus lire depuis l’épisode du supermarché. Depuis que l’anchois n’a pas quitté l’olive sur le tapis du salon, je me sens en veine et je voudrais pas gâcher tout ça. Ne rien faire, ne rien risquer, la position vautrée favorise les chanceux, je le ressens à cet instant. Pour s’en convaincre, je regarde de loin cette photo de Xavier Miserachs. Elle a pas l’air en veine la gonzesse ? Elle cuit détendue sur le sable d’une plage de Lloret de Mar sans se soucier qu’un certain Ángel Peralta va toréer dans ce haut lieu de la corrida mondiale. Et elle y est même pas la gonzesse à la corrida ! Elle y va pas, elle reste là à sécher comme un saucisson d’âne du Poitou. Et elle a raison je me dis, la main toujours très caressante pour mon jouet qui marche super bien, de toute façon, à 1000 contre un que c’étaient pas des Saltillo ce jour-là à Lloret de Mar. Tatatatatatatatatata... Dézingués les Saltillo modernes, assassinés les Miura soumis, occis les Cuadri civilisés et les Victorino du fils. Tatatatatatatatatata...

Je savais qu’il y avait trop d’oignons. C’est des trucs qu’on ressent mais on se laisse dominer quand même. Après on regrette, c’est toujours pareil. La nuit est vraiment là, le silence l’accompagne, l’air comprimé chinois me donne des hauts le cœur à moins que ce ne soient les oignons ou les anchois peut-être. Après tout, je ne sais pas si lire ne me ferait pas du bien. Ne pas être superstitieux. Soigner le mal par le mal. Adiós Madrid. Un petit bouquin de 19982, sans prétention, sans décorum, sans forfanterie. Un titre nostalgique pour une plongée dans le Madrid taurin, des arènes au campo via les tabernas, obligatoirement. Un siècle de Madrid de toros en peu de pages, avec les mots passionnés de deux Madrilènes, loin de l’exhaustivité et de l’érudition savante. Un petit livre simple pour se reposer des oignons, des hernies discales et des Saltillo adaptés... Avant d’éteindre, un dernier pour la route... Tatatatatatatatatata... Même la nuit ça marche.

1 Vous pouvez retrouver les photos de Oriol Maspons et de Xavier Miserachs dans une collection de livres consacrée aux meilleurs photographes espagnols : La Fábrica. A découvrir en particulier les "sin título" noir et blanc de Matías Costa, un toro mort de Genín Andrada et, pour les fans, une photographie de la Casa Patas de Madrid par José María Díaz-Maroto. Ne manquez pas aussi, et surtout, les noirs et blancs de Pep Bonet. Le site Internet : http://www.lafabrica.com/.
2 Andrés de Miguel & José Ramón Márquez, Adiós Madrid, Paseos por el Madrid taurino, Ediciones la Librería, 1998.

12 décembre 2009

Cabinet des curiosités


Suite et fin de « Juin 1933, Le Toril » et de « Des carcasses de poids ».

Par qui on commence ? Allez, par le plus ancien, j'ai nommé Claude Popelin. Dans son dictionnaire La Tauromachie (Seuil, 1994, p. 59), à l'entrée « Canal », il écrit1 : « Compte tenu des déchets de boucherie, il convient d'ajouter 40 % au poids en canal, pour estimer approximativement le poids en vif. » Ajouter 40 % de quoi ? Certainement 40 % du poids en canal puisque seul celui-ci est connu. Bien, alors prenons le poids « en canal » moyen du lot de novillos de Moreno de la Cova (Vic 1933) rectifié par Le Toril, soit 275 kilos, et ajoutons-y 40 % (275 x 0,4 = 110), soit 110 kilos. On obtient donc un poids vif moyen de 385 kilos… Ce chiffre ridiculement bas parle de lui-même et ne dit rien qui vaille.

Dans un autre dico2, un cadet de Popelin, Pierre Mialane, n'a pas dû trop se creuser les méninges pour pondre son article, un copier-coller étoffé de la définition sus-citée : « Au poids en canal, il convient d'ajouter environ 40 % pour avoir approximativement le poids en vif. Ce petit calcul mental permet parfois de constater que le poids annoncé en vif est pour le moins fantaisiste. […] Ainsi un toro pesant 350 kg en canal […] pesait 490 kg à son entrée en piste. » Ah bon ? Pour avoir à ma disposition les poids « en canal » des Palha lidiés à Azpeitia le 31 juillet 2007, inutile de vous prévenir que la fantaisie ne se niche pas toujours là où l'on croît, car si le lot marqué du P surmonté de sa croix affichait un poids moyen « en canal » de 288 kilos, j'ai peine à croire que la moyenne dudit lot en poids vif ne dépassait pas les 405 kilos !

Dans un tout autre genre, j’ai déjà eu l’occasion de lire ici même, sous la plume de Laurent Giner — si les preuves sont accablantes3, les chiffres, eux, sont têtus —, que « le poids en canal pour le toro de lidia était, il y a peu, de 50 % du poids vif »… L’argumentation reposant sur « l’évolution depuis 15 ans du physique du toro de combat » — poids « déporté sur l’arrière-train » de l’animal, celui-ci perdant ainsi « de sa superbe et de son port de tête altier afin de mieux pouvoir la baisser » —, est-ce à dire que le lot de Miura de 1983 (voir Des carcasses de poids) ait pu afficher un poids vif moyen de 684 kilos ? Ou que le plus léger des novillos de 1933, au poids « en canal » de 260 kg, ait pu en peser 520 ? Et que le plus lourd de ces novillos ait pu en accuser 80 de plus !? Devait pas faire bon être novillero en ce temps-là…

Enfin, le « meilleur » pour conclure : cet été, Isa du Moun, membre actif du forum La Bronca, divulgua gracieusement, via l'organisation vicoise, les « poids en canal » (sic) des novillos et toros lidiés lors de la dernière Pentecôte. Où j'appris, ébahi, que les carcasses des novillos de Flor de Jara allaient de 460 à 545 kg ; que celles des toros de la corrida-concours affichaient des poids compris entre 478 (Victorino Martín) et 642 kg (Miura)4… et tout le reste à l’avenant, avec, en prime, cette phrase finale tout bonnement hallucinante : « Le poids en canal représente 50 à 55 % du poids vif. » Bigre ! Et la calculette me tomba des mains.

Décidément, entre Vic et la bascule, c'est plus que jamais je t'aime… moi non plus.

1 À moins qu'il ne s'agisse d'un ajout de Yves Harté à l'édition originale de 1970 ? Ne la possédant pas…
2 Robert Bérard (sous la direction de), La Tauromachie, Histoire et dictionnaire, Éd. Robert Laffont (coll. Bouquins), 2003, p. 351.
3 Lesquelles ? Je suis prêt à tout entendre, mais force est de constater que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le fantasme le disputant à la fantaisie (encore elle), actuellement, seules des données chiffrées collectées à différentes époques nous permettent de comparer. Au fait, qui cela intéresse-t-il ?
4 Je me permets de préciser, après coup, que les Vicois ont bien évidemment estimé et communiqué le poids vif à partir du poids « en canal » fourni par l'abattoir. Ça va mieux en le disant.

Rectificatif Bien fait pour moi ! Isa du Moun n'est pas très contente et elle a raison. Elle pense avoir été prise pour une imbécile, mais elle a tort. Si tel fut son ressenti, qu'elle veuille bien accepter mes excuses. Le 9 juin 2009, sur le forum La Bronca, elle publie ceci : « Le service des abattoirs a communiqué au club taurin les poids en canal, c'est-à-dire la dépouille y compris la queue sans tête ni viscère. Voici les poids des novillos et toros combattus à Vic pour Pentecôte ; les toros sont donnés dans l'ordre de sortie avec leur numéro et leur nom. » Et, en effet, à la suite viennent les noms des novillos et des toros, etc., et puis c'est tout ! Mais, 9 messages plus loin, le surnommé Cabron précise : « Le poids en canal représente 50 à 55 % du poids vif. » Par erreur, j'ai intégré ce propos au message d'Isa du Moun, en pensant sincèrement qu'il en faisait partie — pourtant, une simple vérification suffisait ! Voilà, ça ira toujours mieux (et plus que jamais) en le disant. Je ne passerais pas pour un imbécile, là ?

Images Francis Bacon / Figure with Meat, 1954 © Art Institute of Chicago Chaïm Soutine / Pièce de bœuf, 1923 © Collection privée, en prêt à la National Gallery of Art, Washington, DC

10 décembre 2009

Juan Sánchez Fabrés, quelques feuilles vertes...


GRACIAS por vuestra sensibilidad, apoyo y solidaridad, porque con ello habéis conseguido que me tiemble el pulso y se me enturbien los ojos con la lagrima contenida a la hora de firmar la solicitud de VACÍO SANITARIO para las vacas de COQUILLA.

Vosotros y sólo vosotros vais a ser la causa por la que la única rama original que hoy existe de las 4 en que se dividió la ganadería de Coquilla no desaparezca también.

Afortunadamente habeis entendido que el toro de lidia antes que grande y cornalón lo que tiene que ser es bravo.
Dado vuestro manifiesto interés me creo en la obligación de explicar las razones que me han llevado a tomar soluciones tan radicales:

Desde el año 1973 en que me hice cargo de la ganadería, hemos conseguido sobrevivir a la moda del toro grande con un toro pequeño, a la manía del toro cornalón con un toro cornicorto, a la imposición del toro tranquilo con el toro fiero, y a reconocimientos veterinarios que miden el toro con un único patrón, olvidando las peculiaridades de cada encaste; pero el que me obliguen a sacrificar una vaca con 16 años y 32 veces saneada, madre de 2 sementales y un toro de vuelta al ruedo, eso ha sido la gota que ha hecho derramar el vaso.

A partir de ahora os habéis convertido en ganaderos sin quererlo y en el futuro cada vez que salga al ruedo un toro de Coquilla, aunque sea en una novillada sin caballos, algo de él os pertenece, pues al final, sois vosotros los que habéis conseguido que siga existiendo, y por eso la familia Sánchez Fabrés os estará eternamente agradecidos.

Vamos a seguir, aún sabiendo que es inútil luchar contra el sistema, porque al encaste de Coquilla al igual que al olmo de MACHADO hendido y partido por el rayo algunas hojas verdes de esperanza le han salido.

Juan Sánchez Fabrés

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

MERCI pour votre sensibilité, votre soutien et votre solidarité, parce que tout cela a permis à mon pouls de frémir et à mes yeux de se brouiller de cette larme réprimée au moment de signer la demande d’ERADICATION SANITAIRE pour mes vaches d’origine COQUILLA.

Vous et vous seuls êtes la cause qui conduira à ce que la rame originale des quatre branches de la division de la ganadería de Coquilla ne disparaisse pas.

Vous avez fort heureusement compris que le taureau de combat, avant d’être grand et très armé, doit être brave.

Etant donné vos manifestations d’intérêt, je suis dans l’obligation de vous donner les raisons qui m’ont poussé à vouloir prendre des solutions si radicales :

Depuis 1973, date à laquelle je me suis retrouvé en charge de l’élevage, nous avons réussi à survivre à la mode du taureau grande avec un taureau plus petit, à la manie du taureau cornalón avec un taureau aux cornes plus courtes, à l’imposition du taureau docile avec le taureau combatif, et aux examens vétérinaires qui définissent le taureau avec un seul patron en oubliant les particularismes de chaque encaste. Mais celui qui m’a obligé à sacrifier une vache de 16 ans, 32 fois déclarée saine, mère de deux sementales et d’un taureau de vuelta al ruedo fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

A partir de maintenant, vous vous êtes reconvertis en ganaderos sans le vouloir et, dans le futur, chaque fois que sortira un taureau de Coquilla, même dans une novillada sans picadors, un peu de lui vous appartiendra, parce qu’au final, c’est vous qui aurez réussi à ce qu’il existe et pour cela, la famille Sánchez-Fabrés vous sera éternellement reconnaissante.

Nous allons continuer, même en sachant qu’il est inutile de lutter contre le système, parce que sur le tronc des coquillas, à l’instar de l'orme de MACHADO fendu et disloqué par l’éclair, poussent quelques feuilles de verte espérance.

Juan Sánchez Fabrés

09 décembre 2009

Copenhague...


Et les Coquilla, vous croyez qu'ils vont en parler des Coquilla ?...

Dessin Kerleroux © Le Canard enchaîné, 9 décembre 2009.

Souvenir vicois



Alors qu'ici et là commencent déjà à se faire entendre, en murmures, les prémices de la programmation 2010, un lecteur nous fait parvenir cette peinture du grand 'Camarito', toro de Palha qui nous avait tant enthousiasmés lors de la dernière corrida concours vicoise.

Philippe Eberlé réside à Beaucaire, dans le Gard, et recherche actuellement un endroit où exposer ses belles peintures où se lit la puissance du toro.

07 décembre 2009

Des carcasses de poids


Autour des arènes de Céret, le 13 juillet 2008.
« Viens Olga, on va voir si c’est ouvert… Mince, c’est fermé… Tu vois le monsieur tout en blanc, là ? C’est le boucher.
— Où ?
— Là, avec les bottes blanches.
— Comment il s’appelle ?
— Le boucher… c’est le monsieur qui découpe les toros… »
Un silence un peu plus grand que ma fille s’étire ; elle venait de mettre la main sur celui qu’elle cherchait.

En juin dernier, dans « Juin 1933, Le Toril », nous avions vu que le journal toulousain émettait de gros doutes sur les poids des novillos de Moreno de la Cova communiqués par l’organisation vicoise. Celle-ci annonçait une moyenne de 305 kg (poids « en canal » ou poids de carcasse) tandis que les Toulousains revoyaient cette moyenne à 275 kg, après s’être enquis du « poids vif des bichos au passage à la douane »... Et dire que dans son article, Le Toril ne nous donne pas ses chiffres ! Cela aurait été une aubaine et une bonne vieille règle de trois aurait suffi pour avoir une idée de la proportion poids vif/poids « en canal »1. Qu'importe, en partant du principe que la définition actuelle d’une carcasse doit ressembler de très près à celle de 1933, et qu’une carcasse de bovin, qu’il soit brave ou non, reste et demeure une carcasse de bovin, nous allons tenté d’attribuer un poids vif moyen au lot de novillos de Moreno de la Cova combattu à Vic en 19332.

C'est quoi une carcasse ? D’après le Dictionnaire des sciences animales établi par le Cirad, il s’agit du « corps d'un animal abattu pour la consommation humaine après dépouillement, éviscération et enlèvement de la tête, des pieds, de la saignée (parties de muscles entourant le point de saignée), des mamelles et des organes génitaux. […] Elle est constituée par l'ensemble du squelette (moins la tête et les extrémités sectionnées au milieu des carpes et des tarses) et des muscles ; les reins […], la hampe, l'onglet (diaphragme) et la queue restent adhérents à la carcasse. » Voilà, c’est ça une carcasse, et pas autre chose.

En espagnol, « en canal » signifie carcasse... Ancien vétérinaire des arènes de Bayonne, Pierre Daulouède3, à propos d’une corrida de Miura sortie en 1983 à Lachepaillet, affirme : « Ces toros pesèrent vifs : 541, 470, 571, 648, 624 et 567 kilos, soit 573 de moyenne (chiffres déduits des poids en canal représentant environ 60 % du poids vif : 325, 282, 343, 389, 374 et 340 kilos). » Citation ô combien précieuse puisque le poids vif, comme il l’est clairement exprimé, a été évalué à partir du poids de la carcasse.
En 1955, dans La vida privada del toro, Luis Fernández Salcedo, abordant la question de l’augmentation journalière du poids du toro, écrit : « Les premiers [qui seront lidiés à Madrid] auront augmenté leur poids de 80,5 kilos en sept mois, soit une carcasse prenant 0,380 kilos par jour, ce qui équivaut à 0,638 kilos en vif avec un rendement de 60 % ».
Le règlement taurin en vigueur actuellement (Real Decreto 145/1996) indique que le poids minimum des toros à combattre dans les arènes de 3° catégorie devra être de « 410 kg à l’arrastre, ou de 258 kg, son équivalent « en canal ». » Ainsi, la carcasse constitue(rait) 62,9 % du poids vif, et un toro ayant rendu un poids « en canal » de 336 kg pesait 534 kg, contre 560 avec un pourcentage de 60. La différence n’est certes pas énorme mais elle n’est pas non plus négligeable.
Quid du controversé règlement andalou ? Bien décidé à ne rien faire comme les autres, il dit que « le poids minimum des toros sera […] de 410 kilos dans les arènes de troisième catégorie et les portatives, ou de 235 kilos, son équivalent « en canal ». » Du coup, la carcasse représente(rait) environ 57,3 % du poids vif, et un toro ayant rendu un poids « en canal » de 336 kg pesait 586 kg…
Soyons (très) pragmatiques et considérons que la « vérité » se situe probablement, sans doute, peut-être, allez savoir !, au milieu, soit à 60,1 %. Même si, personnellement, j'aurais bien coupé la poire en deux entre les 60 % de Daulouède et Salcedo et les 62,9 % du Real Decreto (61,5 %).

Située à une quarantaine de km de San Sebastián, Azpeitia est une petite ville basque (Guipúzcoa) dont les arènes classées en 3° catégorie renseignent, à l'autorité compétente de son gouvernement, le poids « en canal » des toros qui y sont lidiés.
En 2007, deux corridas, l’une de Palha (31 juillet) et l’autre d’Ana Romero (1er août), sont programmées. En appliquant le pourcentage de 60,1 %, la course de Palha, pesée à 288 kg de moyenne « en canal » (259 kg pour le plus léger contre 315 kg pour le plus lourd), rend une moyenne poids vif de 479 kg (431 kg pour le plus léger contre 524 kg pour le plus lourd). Toujours avec le même pourcentage, la course d’Ana Romero, avec une moyenne de 336 kg « en canal » (321 kg pour le plus léger contre 346 kg pour le plus lourd), affiche une moyenne poids vif de 559 kg (534 kg pour le plus léger contre 575 kg pour le plus lourd).
On le voit, en contextualisant — Palha envoyant un lot correspondant à la catégorie de la plaza, tandis qu’Ana Romero prépare et amène en terre basque sa tête de camada —, ces chiffres n’ont rien de choquant même si les Buendía peuvent apparaître un poil (sinon deux) trop lourds. Le bajito et magnifique ‘Cacerolito’ de la corrida-concours 2009 de Saragosse pesait 526 kg (323,5 kilos « en canal » avec un rendement de 61,5 %).

En juin 1933, ces coquins de Vicois annoncèrent « que les six [novillos de Moreno de la Cova] avaient fourni 1.830 kilos de viande, soit une moyenne de 305 par animal », à savoir, en appliquant toujours le pourcentage de 60,1 %, une moyenne poids vif de 507,5 kg. Après vérification, les Toulousains du Toril rectifièrent « à 275 kilos de moyenne le poids des six La Cova du 4 juin, allant, toujours à [leur] avis, de 260 le troisième à 300 le dernier. » Par conséquent, ce 4 juin 1933, le lot de novillos de Moreno de la Cova aurait pesé — j’ai bien écrit « aurait pesé » — en moyenne 457,6 kg, allant de 433 le troisième à 499 le dernier.
Ce qui, par exemple et en comparaison, correspond grosso modo aux moyennes actuelles des novilladas présentées par l’empresa Pagès à La Maestranza, qui, soit dit en passant, possède une balance assez épatante puisque les novillos, comme le stipule le règlement taurin andalou, n’y dépassent jamais la demie-tonne4 !

Dans un prochain post, plus court et moins « lourd », nous tâcherons d’examiner quelques cas aussi contradictoires que curieux. À suivre donc…

1 Si vous lisez l’expression « poids net » quelque part, entendez-la comme l’estimation du poids « en canal » d’un toro bel et bien vivant. Si cette estimation est correcte, elle sera alors, sinon égale, très proche du poids « en canal ».
2 Pour des raisons évidentes que chacun imagine aisément, il est hautement aléatoire, voire intellectuellement malhonnête, de prétendre vouloir donner le poids vif de ces animaux plus de 70 ans après leur apparition dans le ruedo vicois...
3 Pierre Daulouède, Les carnets du vétérinaire ou la corrida à l’envers, Peña Taurine Côte Basque, 1996, p. 26.
4 Le règlement taurin espagnol, lui, fixe le poids maximum des novillos lidiés dans des plazas de 1ère catégorie à 540 kilos. Cette année, le poids des novillos de Cuadri combattus à Séville étaient les suivants : 495, 497, 498, 495, 499 et 492 kilos ! Bizarre, vous avez dit bizarre ? Rappelons que, sur ce point (poids vif maximum des novillos), le règlement taurin municipal français (2007) est aligné sur celui d’Andalousie (2006)… Au Pays basque, la limite est fixée à 475 kilos ! Manquerait plus qu’une Communauté autonome place la barre à 460 kilos, une autre à 420, etc.

Images Non, ce n’est pas Céret © Campos y Ruedos Rembrandt / Le Bœuf écorché, 1655 / 94 x 69 cm © Musée du Louvre El desolladero 2, album Flickr © Toros en Burgohondo

06 décembre 2009

Castellón - Concurso internacional de fotografía taurina


1ª TEMAS.- Exclusivamente taurinos, no premiados en anteriores concursos.
2ª CONCURSANTES.- Fotógrafos, aficionados o profesionales.
3ª FORMATO.- 30 x 40 cm.
4ª CANTIDAD.- Cada concursante podrá presentar hasta dos fotos.
5ª ADMISIÓN.- El plazo de admisión de las obras finalizará el día 25 de Enero de 2010.
6ª ENVÍOS.- Se dirigirán a Club Taurino de Castellón. Apartado de Correos 733 12080 - Castellón.
También pueden entregarse en la sede del Club, Calle San Blas, 5, de lunes a viernes de 19 a 21 horas.
7ª CARACTERÍSTICAS.- Las obras se presentarán encuadradas en cartulina blanca de 40 x 50 cm, y en el respaldo de las mismas figurará su título y las referencias del autor con su dirección, teléfono y correo electrónico.
8ª JURADO.- Estará compuesto por miembros de la Junta Directiva del Club Taurino, de la Fundación Dávalos-Fletcher, del Excmo. Ayuntamiento de Castellón, críticos de arte y medios de comunicación.
9ª RESOLUCIÓN.- El fallo del Jurado, que será inapelable, se dará a conocer durante los actos conmemorativos del Aniversario.
10ª DISPOSICIÓN.- Con las fotos seleccionadas se podrá montar una exposición pública, en los locales de la Fundación Dávalos-Fletcher, durante la Semana de la Magdalena (del 4 al 14 de Marzo de 2010), reservándose el jurado el derecho de seleccionar las obras a exponer.
Las fotos premiadas serán de libre disposición de la organización.
11ª PREMIOS.- Se otorgarán los siguientes:
1º.- Premio Internacional a la mejor fotografía de autor nacional o extranjero, patrocinado por la Fundación Dávalos-Fletcher, dotado con 600 € en metálico y pergamino.
2º.- Premio a la mejor fotografía de autor de la Comunidad Valenciana, patrocinado por el Excmo. Ayuntamiento de Castellón, dotado con 600 € en metálico y pergamino.
En su caso, también podrá concederse algún Accésit.
Ambos premios están sujetos a las retenciones legales.
12ª DEVOLUCIÓN.- Las fotos que no resulten premiadas, podrán ser devueltas a sus autores, sin que la organización incurra en responsabilidad alguna, en los supuestos de extravío o deterioro.
13ª PROPIEDAD.- Las fotos que resulten premiadas, serán de propiedad de las entidades patrocinadoras. Los autores de dichas fotos, facilitarán copia al Club Taurino.
14ª ACEPTACIÓN.- La participación en el concurso implica la aceptación de las presentes bases.

Castellón de la Plana, Noviembre de 2009

05 décembre 2009

Fausses évidences


C’est toujours la même question.
– "Y sont bien les toros aujourd’hui ?" Sous-entendu, auront-ils le comportement que nous sommes en droit d’attendre d’un toro de combat, nous qui n’y connaissons rien ; nous, touristes traînant la patte dans Séville endormie, nous qui allons assister dans dix minutes à notre première course de taureaux de notre vie (de novillos en l’occurrence) ? Parce que tu nous en as parlé des toros avant cette novillada, parce que tu nous a donné l’envie d’y assister et parce que donc nous nous faisons une infime mais bien réelle idée de ce que doit être le comportement d’un toro de combat. Agressif, puissant, brave (ça, nous n’avons pas tout compris), montrant sans cesse l’envie de charger et le faisant avec certaines manières (tu nous as dit que nous comprendrions mieux ce que tu disais sur les gradins).
Et je vous ai répondu que, malheureusement, ce n’était pas aujourd’hui que vous alliez pouvoir ne serait-ce que toucher du doigt toute l’étendue et toute la grandeur du comportement d’un toro de combat. Je vous ai répondu cela comme une évidence - et elle en était une pour moi - en regardant sans m’y intéresser vraiment les vendeurs ambulants s’abriter du soleil.
- "Ah bon ? Mais pourquoi ça ne serait pas bien aujourd’hui ?"
Parce que ! C’est comme ça, aujourd’hui ça ne sera pas bien, c’est tout, c’est comme ça ! Il aurait été nécessaire que je vous explique Domecq, le mono-encaste, le toro pasteurisé, l’évolution de la tauromachie, Pepe-Hillo, Francisco Romero, El Gallo, Manolete, El Cordobés et Enrique Ponce. Il aurait fallu que je parle alors que je n’en avais aucune envie. Il aurait fallu que vous entendiez des mots insensés comme encastes, généalogie taurine, sélection, tienta. C’est cela que vous vouliez ? Engloutir en dix minutes un magma à peu près aussi indigeste pour vous qu’eut pu l’être un cassoulet casero pour un anorexique ? C’est ça ?
Et puis je n’avais pas envie de parler. Il faut se taire avant une course, c’est mieux ainsi. Je ne saurais dire pourquoi, mais c’est mieux ainsi. Je voulais seulement me laisser bercer par le déambulement détendu des coussins rouge et jaune. Je voulais seulement me taire... et attendre.
- "Ils étaient bien quand même les toros ! Ils avaient vraiment envie de combattre, du début à la fin, non ?".
Déjà, personne n’était parti avant la fin. Personne n’avait eu la nausée. Vous étiez tous restés, en plein soleil, le soleil d’Andalousie.
Personne non plus n’avait déclaré que j’étais un grand con. Vous auriez pu et vous auriez eu raison. Bien sûr qu’ils avaient été bons ces domecqs que je ne connaissais pas, ils avaient même été excellents. Braves, à l’affût de tout, mobiles et piquants à souhait, un "torrente de casta brava" pour paraphraser Joaquín Vidal. Je m’étais planté dans mes pronostics de type gonflé de ses certitudes et vous vous en étiez rendu compte. Ce n’était pas difficile de s’en rendre compte. Au moins aviez-vous appris que la corrida n’est qu’une incertitude sans cesse renouvelée, à tous les niveaux.
Il existait donc en ce bas monde des domecqs qui pouvaient plaire aux amoureux de toros de combat. Oui, ça existait ! J’avais du mal à l’accepter et j’espérais peut-être secrètement que cette novillada sévillane ne soit qu’un heureux et ponctuel accident. Je savais qu’un jour lointain les domecqs avaient été de bons et passionnants toros mais je constatais aussi souvent que les élevages issus de ce sang étaient pour beaucoup dénués d’un quelconque intérêt. En traversant les ombres de la nuit andalouse, j’énumérais les noms de certains que j’avais déjà vu combattre : Daniel Ruiz Yagüe (détenteur du fer historique des coquillas !), El Torero, Juan Pedro Domecq, Santiago Domecq... C’était mauvais tout ça, faiblasse, molasse, bonasse... Putain je n’aimais pas ! Mais Guadaira, je m’étais planté, ça existait !
Et ça existe encore semble-t-il. Au regard des résultats de ces trois dernières années, il semblerait que le comportement se complique un tantinet pour ces jandillas des années 2000 mais cela reste un fer à suivre de près, de très près même.
Je n’avais pas eu le cran de l’avouer complètement à l’époque, en traversant les ombres de la nuit, en énumérant les édifices laids du toro moderne et modélisé, mais je m’étais senti con dans mes évidences. La corrida n’est pas une évidence, c'était certain !

>>> Retrouvez sur le site, rubrique CAMPOS, une galerie consacrée à l'élevage Guadaira.

Photographies Un novillo de Guadaira lidié à Séville en 2005 et le mayoral au milieu des futurs novillos de 2010 © Camposyruedos