29 juin 2010

Saint-Sever 2010, Escolar Gil


Sur le site http://www.camposyruedos.com/, retrouvez une galerie consacrée à la novillada d'Escolar Gil sortie dimanche 27 juin 2010 à Saint-Sever, rubrique RUEDOS.

Novillada encastée, globalement noble, moyennement bravita mais avec certains exemplaires plus compliqués et plus avisés. De l'intérêt tout au long de la course malgré certains novilleros encore verts.

28 juin 2010

Afición


Maintenant que la phase finale a commencé, sans l'équipe (sic) de France, la Coupe du Monde de football retrouve un peu d'intérêt... J'aime bien le football. Une partie de foot a toujours été pour moi une partie de plaisir. Je ne sais pas si j'ai oublié d'être gosse mais, une chose est sûre, je n'ai pas oublié les moments que j'ai pu passer balle aux pieds. Le gamin de 1973 se souvient comme si c'était hier, et pour encore longtemps j'espère, du coup franc de Platini contre les Pays-Bas un soir d'automne 1981, des cartes Panini échangées à la récré — je te passe Strachan, tu me donnes Passarella —, du dantesque France-RFA de Séville (1982), de la boulette d'Arconada en finale de l'Euro 84 — qu'est-ce qu'on a pu se moquer —, de la frappe de sourd de Battiston avec les Girondins contre la Juventus de Turin en 1985 — et de l'horreur du Heysel quelques jours plus tard —, des relances rageuses de Fernandez et des tacles parfaits d'Amoros (Guadalajara, 1986), ou de mon frangin qui, de son pied gauche diabolique, trouvait des angles impossibles — sac ou pull rentrant, pull ou sac rentrant —, etc. À chaque année ses joies immenses et ses grandes peines — qui pour me consoler d'une relégation du S(E)C Bastia ? Je m'arrête là, car on n'en finirait pas. Oui, j'aime le football du temps où j'étais môme ; un football que j'ai en partie revécu à la lecture d'un article de Laurent Rigoulet, paru dans Télérama, et dont voici quelques extraits qui parleront à certains et pas à d'autres. Ou comment partir du foot pour toucher aux toros...

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« On a beau passer la maison au peigne fin, on ne trouve pas de télé. Pas la peine de s'en étonner, notre hôte bougon en serait probablement froissé. Ici, le football est une affaire sérieuse. On en parle plus qu'on ne le regarde. Il se vit au stade, au pub éventuellement, mais, entre les murs de cette bicoque ouvrière de Liverpool, c'est une source de réflexions infinies, un objet d'étude et d'auto-analyse. [Rogan Taylor] est anglais. De Liverpool. La ville de Bill Shankly, coach légendaire des années 60, à qui un journaliste disait un jour : "Mais, le football, ça n'est quand même pas une question de vie ou de mort ?" — Réponse : "Vous avez raison, c'est bien plus que ça !" »

« Non contents d'avoir donné au monde un sport qui compte près de deux cent cinquante millions de pratiquants [...], les Anglais ont aussi inventé une forme de conversation particulière, qui part du football pour toucher à tout, au rock, à Dieu, à Marx ou Picasso... Une causerie qui oscille entre discours, fables et bavardage et prend souvent des tours illuminés. »

« Quand le football a commencé à devenir festif, latin et brésilien, nous nous sommes fait un devoir de rappeler la poésie de ses origines : la pluie, la boue, les stades des quartiers ouvriers où nous prenions place à côté de nos pères taciturnes pour regarder une équipe qui ne gagnait jamais. » Robert Smith, chanteur de Cure.

« Le football nous fera toujours souffrir parce que c'est une invention d'une extraordinaire perversité, affirme Rogan Taylor. La balle au pied : une idée délirante qui revient à demander l'impossible aux joueurs, à les condamner à l'imperfection permanente. [...] Du coup, la vie dans un stade est faite de douleur et de déception, on appréhende, on endure, on se résigne, on chante pour se donner du courage, on sent que rien ne se passera comme on veut. Et 99 % du temps, c'est le cas. L'amour du football est une longue affliction traversée d'éclairs divins ! »

« Le football est-il puritain ou sexy ? Rugueux ou sensible ? Anglais ou sud-américain ? Le monde se divise-t-il toujours entre le "romantisme" du football latin, le "drame" germanique, le "lyrisme" des équipes de l'Est et la "virilité" du jeu anglais ? »

« [L]e football, dit Rogan Taylor, a toujours vécu dans le souvenir d'un esprit de solidarité. Maintenant que le prix des entrées au stade est devenu prohibitif et que le kop n'est plus le kop, des cercles se reforment ailleurs, dans les pubs autour des écrans géants... »

>>> Laurent Rigoulet, « De quoi devenir foot », Télérama n° 3152, du 12 au 18 juin 2010, p. 30-34.

Images vintage Des supporters : ceux de Liverpool massés debout dans le kop d'Anfield Road (années 70) Une équipe : les Bleus de la demi-finale 1982 entraînés par Michel Hidalgo (de haut en bas et de gauche à droite : Marius Trésor, Jean-Luc Ettori, Gérard Janvion, Manuel Amoros, Maxime Bossis, Jean Tigana, Dominique Rocheteau, Bernard Genghini, Alain Giresse, Michel Platini et Didier Six) Un stade de football : un vrai, le mythique Sarrià de l'Espanyol de Barcelone détruit en 1997 (photo : César López/Wikipédia).

26 juin 2010

Germán Gervás


Les novillos vont d’un enclos à l’autre, poussés par un vacher à cheval. Ils fuient, ne s’arrêtent pas, daignent à peine nous jeter un regard. Ils fuient, comme la plupart des toros braves lorsqu’on vient les déranger dans leur quotidien.
Pas chez tout le monde. Chez Cuadri, par exemple, ils ont l’habitude d’être conduits par les vaqueros pour venir saluer les visiteurs d’un jour. On pourrait presque penser qu’ils sont apprivoisés. Sauf lorsqu’il leur prend, sans prévenir, de se mettre une rouste mémorable, là, à quelques mètres, juste sous vos yeux.
Chez Pablo Romero, je me souviens d’un jour, gris et venté, de toros très nerveux, agressifs. Des toros ne fuyant pas, ne s’approchant pas, des toros juste tanqués, immobiles mais furieux, arc-boutés de rage, prêts à bondir. Un mystère effrayant, insondable et inoubliable.
Cela dépend donc des élevages, et peut-être aussi de l’humeur du jour, du temps et des amours, ou plutôt de leur manque. Allez savoir.
Chez Germán Gervás, ce jour-là, ils voulaient juste qu’on leur foute la paix.
On peut les comprendre notez bien. On peut comprendre que, dans ce paysage grandiose et apaisant de la Sierra Morena, sur les hauteurs d’Andújar, ils aient mieux à faire que de venir poser pour des photographes français.
Chez Germán Gervás, la couleur est annoncée dès le départ. Ici, on fait du toro pour le torero, du toro pour toréer a gusto. On s’affiche en Santa Coloma mais on travaille sans aucune ambigüité pour la torería. Ça a le mérite de la clarté et de la franchise. Pas de faux-semblants, pas de faux discours comme dans trop d’endroits. On s’étonne tout de même que Javier Conde soit parmi ceux qui viennent régulièrement tienter ici.
Javier Conde et du Santa Coloma, même en tienta, ça fait doucement sourire. Santa Coloma ne serait donc pas forcément synonyme de bagarres et de complications.
Ça vous étonne ? Oui ? Ah, ça vous étonne. Eh bien si cela vous étonne c’est que vous devez être relativement jeune en afición. Car chez Santa Coloma c’est comme partout, il y a du dur et du moins dur voire du mou, enfin, du malléable.
Prenez par exemple le cas d’Ana Romero.
Utiliser ce nom dans la programmation d’une féria pour justifier de la présence d’un élevage torista est tout simplement un foutage de gueule total.
Attention ! Que les dents qui commencent à grincer se détendent immédiatement. Je n’ai pas dit qu’Ana Romero c’était mal ! Je dis simplement que se servir du nom d’Ana Romero dans la programmation d’une féria en l’annonçant comme "la" course dure du cycle est une escroquerie intellectuelle pure et simple.
Pourquoi ? Eh bien car Ana Romero n’est pas du tout un élevage... effrayant ! Chez les élevages d’origine Santa Coloma, Ana Romero fait partie de ceux acceptés par les vedettes car sélectionnés dans une certaine optique.
C’était le cas jusqu’à il y a peu, très peu. C’était à Arles, en 1997, un cartel de vedettes : César Rincón, Joselito et José Tomás... La commission taurine refusa à Hubert Yonnet le lot d’origine Domecq initialement prévu pour manque de présentation. Un événement en France lorsqu’on y songe aujourd’hui. Et que croyez-vous que lesdites vedettes acceptèrent d’affronter à la place des Domecq : des Ana Romero.
Les taurins reprochent souvent aux aficionados d’avoir des idées trop arrêtées, de vouloir absolument enfermer les choses dans des cases trop étroites. Vous constaterez dans ce cas que ce sont en fait quelques professionnels taurins qui créent eux-mêmes ces cases pour entretenir ou tenter d’entretenir les idées préconçues qui au bout du compte les arrangent, eux...
Donc, oui, Santa Coloma n’est pas forcément synonyme de piquant ou d’âpreté.
Germán Gervás en est une illustration actuelle et assumée.

>>> Vous en trouverez une petite galerie à la rubrique CAMPOS du site www.camposyruedos.com.

Béziers... encore plus loin

Cherchez l'erreur... ou pas. Décidément, Béziers est une arène innovante. Après l'affiche de Jean Nouvel l'an dernier, celle d'André Manoukian cette année, voilà que Robert Margé sort une becerrada pour Juan Bautista, Matías Tejela et Mehdi Savalli...

Image Capture d'écran du site des arènes de Béziers.

25 juin 2010

Survivre et mourir... au Campo Charro


Deux photographies, presque sans paroles.
La première, c'est la façade de la ferme de la ganadería de Justo Nieto (Vega-Villar ligne Encinas). Pour un peu, on se croirait presque chez Miura mais ici il n'y a plus que deux chevaux qui regardent errer les aficionados et écoutent piailler les poules et aboyer le chien. ¡Acabado!

La seconde, c'est un futur novillo de Juan Sánchez-Fabrés (Coquilla/Buendía) qui survit malgré l'Europe, malgré la tuberculose, malgré le milieu qui ne veut pas de ses bêtes, malgré l'époque, malgré le froid en hiver.

Fini de rire


Eh bien si, on y revient, sur la censure. C'est comme en politique. Y'a que les c... qui ne changent pas d'avis. Bon, et puis là ce n'est pas vraiment comme en politique, c'est un vrai changement d'avis, pas un retournement de veste. En fait, c'est juste que la chronique de François Morel de ce matin a été particulièrement pertinente. François Morel qui, pour les Nîmois qui nous lisent, fait partie de la programmation du Théâtre de Nîmes pour la saison qui s'annonce. Donc nous y reviendrons peut-être, ou pas, on ne sait pas. En fonction de nos humeurs...

24 juin 2010

« Ça manquait »


On n'arrête pas le progrès...

Terminées les peleas !
Envolées les fundas !
Fini le desecho !
Cocorico !

Il fallait l'inventer, des Français l'ont fait...

Les « éleveurs » intéressés sont priés de s'adresser à :
Créavia
69, rue de la Motte Brûlon
BP 30425
35704 Rennes CEDEX 7
France

On vit une époque formidable...

Image © Le Canard enchaîné, 23 juin 2010.

23 juin 2010

Les toros ont des noms


Les toros ont des noms. Ils finissent souvent en "o" parce qu’en France les mots espagnols finissent souvent en "o". Les toros portent des numéros, des marques, des cicatrices imprimés en relief sur leur peau et des noms qui les raccrochent à un arbre généalogique écrit en pattes de mouche sur le carnet bonzaï du conocedor de la ganadería. Ils portent souvent le nom de leur mère mais avec un "o" comme achèvement car le "o" est masculin alors que le "a" fait ouvrir la bouche en grand comme peuvent le faire les femmes au cours d’autres achèvements. Le "a" serait donc plus féminin et siérait (du verbe seoir) plus aux vaches qui sont les mères des mâles. C’est ainsi que 'Clavellina' donna naissance à 'Clavellino'. Les taureaux de combat portent des noms qui s’oublient dans la plupart des cas mais qui en d’autres occasions restent inscrits sur de la céramique blanche et bleue au coin d’une arène, d’un club taurin, d’une placita de tienta ou du bar Tarifa de Colmenar Viejo. Parfois, sans explication probante, des noms de toros sont sujets à caution par erreur, par myopie ou par la faute de l’exécrable écriture d’un mayoral. 'Bastonito' se nommait 'Bastoncito' le jour de sa grande mort alors que 'Desgarbado', qui s’appelait bien 'Desgarbado', aurait dû ne jamais y échapper, à la mort. Les noms des toros sont une presque féérie à chaque fois - Ce soir-là, 'Miraluna' léchait le cou blessé de 'Nochetriste' quand, de derrière la butte rouge surgit 'Draculoso', le colorado craint par toute la camada. 'Demoniado' le suivait. La nuit hurla longtemps et, au matin, quand le jour en eut fini avec elle, 'Nochetriste' s’écoulait sans vie sur la rosée fragile, percé, l’œil humide de pleurs et de mal.
Il est des toros qui portent un nom pour lui rendre hommage. C'est le hasard, c'est évident, mais c'est ainsi. Calahorra, 2007. Corrida de Doña Dolores Aguirre Ybarra. Panneau. N° 16, negro. Et sort LE manso ! Le lâche, l'infâme troubillard, le hic génétique. Démarche de crabe fugitif, l'envie de combattre d'un fruit de mer anorexique. Son nom: 'Langosta'. La langouste. Les langoustes chargent à reculons... pour fuir.
D'autres toros portent leur nom comme un loupé. C'est le hasard, c'est évident, mais c'est ainsi. Dans les Corrales del Gas attendent chaque année les lots de la féria. L'orage peut s'abattre sur Pamplona, personne ne craint rien, les paratonnerres sont là, au Gas. 6 ou 7 par corral. Celui-là, c'est 'Carafea'. Un autre Dolores. 'Carafea' : sale tronche pour faire court.
Il y a des noms qui disent les plantes, la nature et les oiseaux. 'Jardinero' est de ceux-là, comme 'Luna Nueva', 'Colibri' ou 'Cara de Rosa'. D'autres la guerre ou la violence. Il est des noms imprononçables, d'autres incompréhensibles et d'autres encore intraduisibles. Il y a les composés comme 'Pies de liebre', 'Cara-ancha', 'Soy de seda', les qui se crachent à la va-vite tel ce 'Kin Kon', les qui donnent un air con au bestiau. S'appeler 'Morucho' ou 'Bastardo' pour un toro.
Les noms de toros ne sont pas là par hasard ni ne sont la transfiguration des caprices délirants des ganaderos de ce temps. Si 'Carafeo' est 'Carafeo', l'explication se trouve des dizaines d'années en arrière, chez le Conde de la Corte. 'Guindoso' est 'Guindoso' parce qu'Atanasio Fernández et parce que le Conde de la Corte. C'est l'histoire des encastes et de l'élevage brave qui survit dans ces prénoms qui se terminent en "o", le plus souvent.

Petit, quand l'afición commence à mordre, la page "taureaux célèbres" faisait presque saigner. Un sanctuaire des rêves, les premières frayeurs et cette langue dénuée de sens, cette langue de "o" qui donnait à ses mots le picotement chatouilleux des bonbons trop sucrés. "'Caramelo', taureau du Marquis de Saltillo, combattu à Cadix le 17 juin 1867, à l'âge de huit ans et demi." "'Totovio" de José Gines, couru à Valdepeñas le 15 juin 1876. Il sauta par deux fois dans le tendido de l'ombre, semant une panique au cours de laquelle deux cents personnes furent plus ou moins blessées. La Garde civile ouvrit alors le feu sur lui pour l'abattre."1 Sublime ! 'Caramelo', 'Totovio', huit ans et demi, que des "o", que des cornes. Il y a un "o" dans le mot corne. Les noms de toros font rêver les marmots, après ils oublient. Faudrait pas oublier d'être gosse.

1
La Tauromachie, Claude Popelin, page "Taureaux célèbres".

Il y aura une corrida de Dolores Aguirre Ybarra à Orthez le dimanche 25 juillet 2010 (18h). Devraient y participer des 'Carafea', 'Clavijero', 'Burgales', 'Guindoso' et d'autres...

>>> Retrouvez deux galeries consacrées à la camada de toros de Doña Dolores Aguirre (la 1ère : toros pour Pamplona et Azpeitia et la seconde : toros pour Orthez 2010) sur le site www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.

Photographies Deux Dolores Aguirre Ybarra : le 1er pour Azpeitia et le second pour Orthez.

Pour en finir avec la censure


Chose promise chose due, la dernière chronique de Guillon... Après, on n'y revient plus...

Censure : ça continue !


Info de dernière minute ! Ça vient de tomber : l'humoriste Didier Porte licencié de France-Inter...
Pendant ce temps, Christine Boutin continue à réfléchir et l'autre dont j'ai oublié le nom continue à fumer ses cigares.
Vive la France !

Censuré


Le pouvoir rend mou du gland, c'est un fait. Et il n'y a pas besoin pour s'en convaincre de remonter jusqu'à Alain et ses "propos sur les pouvoirs".
Plus près de nous, c'est Pierre Dupuy, ancien directeur de la revue Toros qui s'était laissé aller à écrire au sujet d'un membre de l'ANDA passé au service d'une grande mairie du Sud-Est en qualité de Président de la CTEM : "Il n'y a pas pire que le loup qui vient manger à la gamelle du chien."
Je rassure mes ex-amis de l'ANDA (enfin, toujours mes amis mais plus de l'ANDA) le théorème s'est vérifié ensuite lorsque ce fut au tour d'un ancien de la revue Toros d'emboîter le pas à l'ancien de l'ANDA. Je vous le dis, le pouvoir, ou dans ce dernier cas, l'illusion du pouvoir, ramolli.
Encore plus étonnant, car à un tout autre niveau, le cas de Philippe Val, fondateur de Charlie Hebdo, devenu ensuite directeur de France Inter, par la grâce, dit-on, de Karlita. Aujourd'hui, Val s'apprête, semble-t-il, à censurer, certes en douceur (c'est pire !), le chroniqueur Stéphane Guillon.
Peut-être faut-il voir un lien de cause à effet entre cette douceur hypocrite et la mollesse du gland.
Ce ne sera pas la première fois sur le service public. Je me souviens, autres temps, autre pouvoir, mais même mœurs, de la censure de Claude Villers et de son équipe entière.
Je vous le dis, le pouvoir rend mou du gland.
On aime ou pas Guillon mais à Camposyruedos nous aimons surtout la liberté de ton, vous l'aurez remarqué.
Alors, en guise de clin d'œil à un Guillon censuré, nous vous offrons ici son avant-dernière chronique sur les ondes du service public. Et si la censure se confirme, nous la complèterons par sa dernière. Ça vous fera un collector !

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Bliiiiiiing ! A peine trois minutes après avoir mis ce post en ligne, l'information est tombée sur mon Iphone : "Urgent - France Inter, Jean-Luc Hees annonce le départ de Stéphane Guillon." Bon, ben demain je vous balance sa dernière chronique. Ça vous fera un collector...

22 juin 2010

Demain, l'été...


18h. José Ignacio Uceda Leal est vêtu sans or, violet rance et argent. La faute de mauvais goût traverse le ruedo portée par une nonchalance où se cherchent les genoux qui rendent fragile l'édifice, aussi fragile que le sera dans quelques minutes sa tauromachie.
18h18. José Ignacio Uceda Leal est décoiffé. Le boucher entame son oeuvre, le toro est saigné dans le patio.
18h23. Sort 'Peluquito'. Noir, légèrement bizco. L'extrémité de sa corne droite est blanche à l'extérieur, noire à l'intérieur. De la difficulté d'ôter les fundas ?
18h43. Javier Valverde a la gorge sèche. Les hurlements initiés par chaque mouvement de son bras (le droit le plus souvent) y sont pour quelque chose. Les toros ont les oreilles sales mais ils ne sont pas sourds.
18h45. Javier Valverde est réhydraté. Il se mouche.
18h46. Un cheval hennit dans le patio. Chez les chevaux, l'ennui pousse à hennir.
18h50. Chouette ! Mehdi vient de couper une oreille à... Istres ! Notre voisine vient de recevoir la bonne nouvelle sur son "mobil". Elle s'empresse de le hulluler à des amis quelques rangs plus haut. La mine béate, la voisine.
19h05. Julien Miletto est affûté. Son jeu de jambes ne trompe pas. Le toro d'Ibán n'arrive plus à le suivre dans ses redondos de secours. L'entraînement paye.
19h08. José Ignacio Uceda Leal souffle, recoiffé. Il doit tuer un autre toro.
19h25. José Ignacio Uceda Leal est décoiffé. Un ballon gonflable monte dans le ciel lourd au rythme des sons de la fête foraine. Javier Valverde grimace, certainement inquiet du devenir de ses cordes vocales.
19h30. 'Clavillero' ne saque pas les chevaux. Valverde ne saque pas le tercio de varas. Les peones ne saquent pas 'Clavillero'. Les chevaux ne saquent pas les batacazos. La boucle est bouclée mais au jeu du bluff, un cheval perd toujours le premier. Tapis, impair et passe ! 'Clavillero' l'a vraiment amère et relance fixement un second coup, tout seul, abandonné par une cuadrilla qui ne veut plus jouer.
19h32. Un nuage plus brun que les autres joue des coudes et fait sa place. En signe de dialogue, comme un geste diplomatique, le président, un Vicois, sort un mouchoir blanc. Peine perdue. Le nuage ne veut rien entendre mais le tiers est changé alors que Gallito ne demandait qu'à remiser, juste pour voir.
19h37. Pas de nouvelles de Mehdi. Portable muet.
19h40. Javier Valverde. Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Parle plus fort !
19h50. Fort marri d'avoir échoué lors de sa première tentative de dissipation des tensions météorologiques, le président, un Vicois, ressort le mouchoir blanc. Changement de tiers. Deux tiers de banderilles.

19h55. Julien Miletto pète la forme. Il a envie, le montre et porte sur le public d'autant plus que le toro ('Santanero') a de la caste. Le jeu de jambes est parfaitement réglé, heureusement.
19h58. Après une troisième entrée a matar, le président, un Vicois, décidement tenace dans sa démarche de héraut du temps clément, fait tomber une dernière fois le mouchoir blanc. La pluie, elle, ne tombera pas, l'oreille, oui (?).
20h00. Sans nouvelles de Mehdi.

La météo s'annonce meilleure pour la semaine. Demain, l'été...

>>> Retrouvez une galerie de la corrida de Baltasar Ibán d'Aire-sur-l'Adour dans la rubrique RUEDOS, sur le site www.camposyruedos.com.

Photographies Arrastre et 'Clavillero' au cheval © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com

Juste le campo


Lumière surréaliste d’une fin d’après-midi, même pas après l’orage. Simplement la beauté émouvante du campo au printemps. Ni chaud ni froid, juste parfait. Arrêter la voiture, s’approcher doucement, presque les apprivoiser. Et profiter. Plus d’heure, plus de montre, plus d’Internet, plus de moteur. Juste le campo.
Bon et puis de toute façon c'est ça ou sinon on vous cause d'Anelka, de Domenech, de TF1, des Bleus, de Ribéry, de Zahia, de la grève, du traître, de leurs putes, de leurs femmes, de leur coach, de leur nombril, de la ministre... La honte... En fait non, j'ai juste aligné des mots inutiles pour voir si ça va faire du buzz... Et puis nous ne sommes pas obligés d'avoir un avis sur tout ce qui se passe à Ploucland.

campo

20 juin 2010

Sonia


Je me souviens d’une multitude de drapeaux, de la foule, du soleil, des couleurs. C’était à la télévision, à la sortie d’un tube encore cathodique, l’émission « Envoyé spécial », sur la 2. C’était il y a presque vingt ans, il y a longtemps, le retour à la maison de César Rincón, en Colombie, un héros.
Il y a vingt ans, Sonia Rincón travaillait déjà dans un service culturel d’une administration française du Sud de la France.
Alors que j’étais le témoin télévisuel de ce retour triomphal, je n’avais encore aucune idée de l’existence de Sonia. Et de celle de César je savais simplement qu’il venait de faire trembler et exploser la planète des toros. Nous le découvrions, avec bonheur et jubilation, à Vic-Fezensac notamment, pour un inoubliable combat face à un toro retors de Rocío de la Cámara. Je ne savais rien de son photographe de père, de ses frères et sœurs, de son enfance, de ses galères, de cette mère et de cette sœur, mortes asphyxiées dans l’incendie de leur maison du quartier de Fátima, à Santa Fe de Bogotá.

C’était le début d’une histoire, celle d’un petit Colombien qui allait devenir un des toreros les plus importants des années quatre-vingt-dix et deux mille, et bien au-delà. Un torero pour l’Histoire, un torero porteur de la conception la plus pure et la plus authentique de son art.
A Madrid, les 21 et 22 mai 1991, en deux courses, juste deux courses et quatre toros, César Rincón venait de se consacrer et "expulser du temple l’espartaquisme et ses espartaquistes".
A l’époque, c’est à peu près tout ce que je savais de César Rincón. L’histoire commençait tout juste.
Presque vingt ans plus tard, César tourne une page. En France, le dernier chapitre s’écrira à Nîmes, le 16 septembre 2007, puis à Barcelone pour l’Espagne, le dimanche suivant, et enfin la Colombie, quelques mois plus tard.
A Nîmes, c’est au siège de l’association les Amis de Pablo Romero que l’Afición lui rend hommage, émue et reconnaissante. Trois ou quatre cents personnes applaudissent et remercient, disent leur admiration.
Sur la scène qui surplombe la grande cour où s’agglutine la foule, trois aficionados dont mon ami Laurent accompagnent César et Sonia qui écoutent les discours et les remerciements. Sonia ne lâche pas César d’une semelle, fière et attentive.
C’est elle qui fit le lien et permit que cette réception s’organise, que César soit là. Elle en sera évidemment remerciée.

Quelques mois plus tard, nous retrouvons Sonia, à Montpellier, à deux pas du Musée Fabre. Une visite à César est très prochainement prévue, chez lui, en Espagne, et c’est elle que nous sollicitons pour faire le lien, organiser la rencontre, prendre le rendez-vous.
Nous sommes loin de l’ambiance survoltée qu’il y avait chez Pablo Romero et nous pouvons tranquillement évoquer les souvenirs de la famille Rincón, César gamin dans les rues de Bogotá, leur enfance dans le quartier de Fátima, le père photographe, la tragédie, le début de la gloire, cette histoire que nous connaissons aujourd’hui mais que nous voulons entendre de sa bouche. Sonder l’envers du décor, découvrir le dessous des cartes.

Mai 2010, Extremadura, Cáceres, Santa Cruz de la Sierra.
Nous nous présentons à la finca de Julio César Rincón. Deux jours auparavant, Sonia m’a confirmé notre rendez-vous, nous demandant de ne pas trop nous attarder. César vient d’être papa à nouveau, et il est encore fatigué après son récent retour de Colombie. Mais si je peux photographier la famille avec le bébé pour en donner une photo à Sonia, ce sera parfait.
C’est le mayoral qui nous accueille. César est enfermé dans son bureau avec le représentant des arènes de Madrid. Nous l’attendrons une vingtaine de minutes.

— Je suis désolé mais je n’ai pas vraiment de temps à vous consacrer car nous devons embarquer des toros pour Madrid. Mais vous êtes ici chez vous, restez le temps que vous voulez.
— Maestro, nous ne voulons pas gêner, et si...

César ne me laisse pas finir : « Vous ne gênez pas ! Non, non... C’est juste que nous avons ces choses à faire mais vous pouvez rester. »

— Bon, très bien, mais votre sœur vous avait bien prévenu, n’est-ce pas ?
— Ma sœur ?
— Oui, votre sœur...
— Ma sœur...
— Oui, votre sœur, Sonia, qui vit à Montpellier.
Silence.
Ah, mais cette femme n’est pas ma sœur. C’est juste une femme que je connais comme ça, de mes voyages...

Dans ma tête, c’est une véritable explosion. Le castillan de César est rapide mais fluide. Je n’ai aucune difficulté à le comprendre. Et pourtant je ne comprends pas, je ne comprends plus. La seule chose qui m’effleure c’est qu’il me faut rattraper la sauce, vite, sauver les apparences.

— Ah, j’avais cru comprendre que c’était votre sœur... J’ai mal compris alors.
— Non... Non... Ce n’est pas ma sœur. Bon, vous venez ? Nous allons embarquer.

César ne se formalise pas plus que ça, s’étonne à peine, ne s’attarde pas.
Je me dirige vers notre voiture de location pour y prendre mes appareils photos, sonné, éberlué. Je repense à cette journée de septembre, à Nîmes, à ces trois ou quatre cents personnes applaudissant César et Sonia, à la cérémonie, à l’hommage, aux discours, aux remerciements. Je repense à ce déjeuner de Montpellier, avec Sonia nous racontant leur enfance, la famille, les souvenirs.
Je tente de mettre un peu d’ordre dans mes idées, mais je n’y arrive pas. Machinalement j’attrape mon téléphone et appelle Laurent.

— Allo, tu sais quoi ? La sœur de César... Eh bien ce n’est pas sa sœur.
Laurent marque une légère hésitation, mais me répond, presque du tac au tac.
— Eh bien tu sais quoi ? Ça ne m’étonne pas. Sonia, il faut vérifier ; mais Sonia c’est le prénom de sa sœur morte dans l’incendie, avec sa mère...

De retour en France, je ne me suis pas précipité sur ma bibliothèque, passant et repassant devant le César Rincón, de Madrid al Cielo, l’autobiographie écrite en collaboration avec Javier Villán en 1992. Je ne m’y suis pas précipité immédiatement, me contentant de le défier du coin de l’œil, sachant trop bien ce que j’allais y trouver.
Page 133, chapitre 14, « La maldición del fuego » : « Parece una maldición, pero a nosotros nos ha perseguido el fuego… Pero, en cuestión de incendios, el único que todavía nos conmueve a papá, a Luis Carlos, a Rocío, a Martica y a mí es el del barrio de Fátima en el que murieron mi hermanita Sonia y mamá... »

Le 13 mai 2010, quatre aficionados français se sont présentés chez César Rincón. Ils s’y sont présentés de la part de sa sœur, Sonia, tragiquement disparue 28 ans plus tôt, à Santa Fe de Bogotá, le 16 août 1982... Il aurait pu le prendre plus mal.

Et pourtant ils sont beaux (II)


Dans le jargon taurin, l'expression « aller chez le coiffeur » concerne habituellement l'animal suspecté d'avoir été aféité, ou arréglé ce qui revient grosso modo au même. Chez Partido de Resina, outre le fait que la pose des fundas soit monnaie courante, l'expression citée ci-dessus ne revêt aucun caractère métaphorique : les novillos de Partido de Resina vont chez le coiffeur se refaire une beauté capillaire, comme vous et moi. Enfin, surtout comme vous parce que moi, le coiffeur, bref... Le jeune Partido de Resina n'est pas à proprement parler ce qu'on pourrait appeler un jeune « dans le coup ». Sont-ce ses lointaines origines chrétiennes qui le poussent, génération après génération, à opter pour cette frange* si chère aux moines ? Possible... À défaut d'être « heureuse » et du goût des aînés Gallardo, d'où son extrême rareté au sein de la cabaña brava, cette coupe porte un nom : meleno.

* Droite ou avec un petit effet de vague (cf. photo).

Image Fréquente chez le colorado, le salinero, le melocotón ou le jabonero, la dépigmentation (partielle ici) du museau n'est peut-être pas sans rapport avec la tache blanche de la tête, et/ou vice-versa. Novillo cárdeno oscuro chorreado bragado corrido careto gargantillo rebarbo et meleno © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

19 juin 2010

Trait flamenco


Malgré une chaleur étouffante, et parce que vous avez deux lettres à poster en urgence, vous décidez de faire prendre l'air à votre chère petite tête blonde qui n'en demandait pas tant. La poste centrale, en retrait du boulevard circulaire, offre un excellent point de départ pour une excursion dans l'hyper-centre ; vous abandonnez les joueurs de boules à l'ombre des platanes et du monument aux morts, visez le Café (branché) de la Poste et vous engouffrez rue Gambetta dont l'agitation piétonne et automobile vous ferait presque oublier que vous vivez dans une sous-préfecture. Arrivé à l'angle de la massive et romane collégiale Saint-Martin (appelé Martin l'Espagnol car né en Espagne et lapidé à Brive au Ve siècle), vous prenez la rue du Docteur-Massénat et ses trottoirs pavés où vous ne tardez pas à croiser une jeune fille au violoncelle et un jeune homme à la guitare. Vous poussez la porte du conservatoire qui met à votre disposition une salle d'attente fraîche, clinique et déserte que votre bambin s'empresse de réagencer à sa guise — attention, ça déménage ! Vous avez juste le temps de saisir un programme du Festival d'Avignon et un autre d'Arte Flamenco de Mont-de-Marsan, sans oublier le bras du « petit monstre », que vous rejoignez vite fait la poussette garée dans la cour et fuyez... De retour (au calme), tandis que le minot dévore sa compote pommes-bananes (une orgie), vous consultez votre maigre récolte. Vu l'épaisseur du programme de la cité des Papes, vous retardez sa lecture en soirée.

Mont-de-Marsan, donc, et « 3 sourires 3 » : un pour la qualité du visuel du festival 2010 que l'on doit à l'illustratrice Amélie Fontaine, élève de l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), et qui devrait consoler ceux chagrinés par celui offert à cette pauvre Madeleine ; un autre pour la présence le jeudi 8 juillet du guitariste Moraíto Chico, fidèle d'entre les fidèles de notre cantaor préféré, j'ai nommé Agujetas1 — ce soir-là, c'est La Macanita de Jerez, comme Agujetas, et du quartier Santiago, comme Moraíto, qui fera gronder l'orage dans le ciel montois ; et un dernier pour la tenue d'une exposition2 réunissant pas moins de 150 photographies de plus de 70 photographes parmi lesquels Brassaï, Capa, Cartier-Bresson, et cetera.

Mon fiston aussi est tout sourire, il vient de balancer son reste de compote sur le parquet que je n'ai pas encore eu le temps de vitrifier. Pff...

1 S'il vous plaît, (re)lisez ce « Agujetas ».
2 Promise par le Ciego il y a déjà deux mois. À noter également la résidence de Christophe Dabitch et de Benjamin Flao — Mauvais Garçons, Solea 1 & Solea 2, Futuropolis, 2009 — avec lesquels rendez-vous est pris pour l'édition 2011 du festival.

Exposition Prohibido el cante. Flamenco y Fotografía au musée Despiau-Wlérick de Mont-de-Marsan, du 5 au 30 juillet 2010, de 10 h à 19 h du 5 au 9 juillet, de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h les autres jours.

Image Amélie Fontaine © Arte Flamenco

18 juin 2010

Et pourtant ils sont beaux


On finit par y croire. "C’est le plus beau taureau de combat qui soit". Nombreux sont ceux qui l’ont écrit, encore plus nombreux sont ceux qui l’ont lu un jour. Le toro de Pablo Romero serait, était ou est peut-être encore le plus beau toro de la création ganadera. Tête courte, bas, large de poitrail, enmorrillado et volumineux, harmonieux et tout le saint pataquès. Des reflets parfois presque dorés transpirent du cárdeno. Ce cárdeno du croisement Saltillo au sujet duquel tous les aficionados se sont interrogés sans vraiment avoir de doutes. Oui, il y a eu croisement. Oui, les actuels propriétaires ont rafraîchi ou croisé ou mélangé ou mixé le Pablo Romero centenaire avec du Santa Coloma ou un machin voisin. Tambouille interne inévitable pour qui veut remettre sur pattes un royaume en décadence. Eh oui, le Pablo Romero est toujours beau... dans une arène.
Au campo, à "Partido de Resina", le toro de Pablo Romero est cárdeno avec ces reflets parfois presque dorés qui transpirent, bas, chato et a deux espèces de moignons géants et blanchâtres des deux côtés de la tête. Il est comme plâtré le Pablo Romero. Car ici, à "Partido de Resina", on use et on abuse de la funda. Même les novillos en portent. Et comme ça les gonfle cette résine, ils la font sauter en grattant le sol — il n’y a pas d’arbres à "Partido de Resina". Et comme ils la font sauter, à quatre ans, on leur en remet quelques couches avec la délicatesse, la finesse et le doigté que l’on serait en droit d’attendre d’une horde d’adolescents un soir de fin de bac. A quatre ans, le Pablo Romero il est comme plâtré, convalescent d’une maladie qu’il a au fond de lui et qui le pousse à aller régulièrement fracasser la gueule de ses frères ou cousins. Il est malade d’être un taureau de combat alors on le soigne à grands coups de résine pour lui passer l’envie d’être malade et de latter les autres.
Il n’y a pas d’arbres à "Partido de Resina". Il n’y a pas d’herbe non plus, à tout le moins pour les cuatreños et les cinqueños. Il n’y a plus que de lointaines énormes taches blanchâtres qui reflètent la lumière surexposée de la fin du jour dans un hospice de faux malades. Et pourtant, ils sont beaux...

>>> Retrouvez une galerie consacrée aux Partido de Resina (sans fundas !) sur www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.

Photographie Un novillo de Partido de Resina avec une seule funda © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

17 juin 2010

La double "puya mejicana"


Cantinflas qui récupère la pelota... la glisse à Frida Kahlo : coup de rein ! Diego Rivera transmet à Orozco qui écrabouille Ribéry contre un mur : fresque !!! (oui, ça compte). Longue transversale en direction de Salma Hayek qui contrôle de la poitrine. Ouiii... Oh oui encore !

Mi-temps : Eisenstein change la péloche. Gael García Bernal n'a pas besoin de payer Zahia.

Reprise : Le 11 français tente de mettre la pression sur le but de la "Tri", c'est Fort Alamo ?!??!! Que dalle... c'est Camerone et les légionnaires bien français, un piège, un mirage cerné de crotales, une embuscade dans les cactus, une cuite au mescal, la panne de citrons verts, une tortilla gavée de gusanos grillés, une pute indienne cleptomane, un racket par un faux taxi dans la nuit du Districto Federal.

Deux fusils quatre pistolets
Et un couteau à cran d'arrêt
S'en vont à Guadalajara.
C'est pour un fameux carnaval
Que s'avance cet arsenal
Qui a pour nom Pancho Villa
(Gainsbourg)

Retour au jeu, Carlos Arruza torée Anelka al alimón avec El Pana qui brinde le scalp de Bakary Sagna à la pute indienne susnommée : le match s'emballe. Hugo Sánchez claque déjà un salto devant sa TV. Les cartouchières se porteront croisées et en bandoulière cet été. Le serpent à plumes louvoie dans les intervalles, se joue d'Abidal, étouffe Gallas et passe en retrait à un moustachu... Emi ! Emiii !!! Emiliano Zapata fusille Lloris !!!

Le timonier argenté plein de bons mots se mange deux puyas mexicaines, pleure pour l'indulto, tente de négocier la pique de tienta. En vain. Tu parles d'un bravo... L'arbitre sonne les trois avis. Henry se coupe la coleta, les catcheurs masqués exultent. C'est violent, c'est du Peckinpah.

¡Que viva México!



Image
© Alfredo Gómez Pérez dont nous vous présenterons prochainement le travail.

Chronique taurine très ordinaire


Dimanche Juan de la Marmita a triomphé à Trifouilli del Pozo. Il a coupé 5 oreilles, une queue et gracié un important toro de Martínez.
Dans ces cas-là, maintenant, on dit "important". Oui, on aurait l'air con de dire "exceptionnel" ou "rare".
"Important" c'est plus passe-partout et ça se réutilise aisément le week-end suivant.
Donc, le toro de Martínez fut important, historiquement bonito, interminablement grandiose, génialement jouissif. La quintessence de la bravitude. Il avait deux couilles aussi.
Les gens étaient contents, le président était content, Martínez était content, Juan était content, nous étions contents, tout le monde était content, même ceux qui n'y étaient pas étaient contents.
Le toro a pris cinq cent douze mille derechazos et il a duré quatre heures. D'ailleurs il dure encore. Et puis il s'est juste affalé cinquante fois, ce qui est peu. Et puis de toute façon il s'est relevé chaque fois. Et de toute façon qui peut prouver que ce n’est pas la nuit tombante qui lui a donné envie de se coucher ?
Les piques ? Quoi les piques ?

Lundi Rien.

Mardi Juan se repose après son triomphe de Trifouilli del Pozo. Il porte son caleçon fétiche et a annoncé qu’il ne le quitterait pas jusqu’à la prochaine course.

Mercredi Un toro de Martínez a perdu sa funda droite. Une équipe de la Guardia Civil locale a été dépêchée sur place en urgence. Martínez est inquiet et la funda reste introuvable. L’affaire est sérieuse. Quelqu'un pourrait se blesser.
Un voisin de Martínez, depuis le bord de la route et protégé derrière sa voiture, aurait fait une photo du toro sans sa funda, avec son téléphone portable. Hélas, il était à contre-jour mais nous la mettrons en ligne dès que le voisin arrivera à la transférer sur son ordinateur, puis à nous l'envoyer par e-mail. C'est pas gagné. Un toro sans funda au campo : un document.

Jeudi Il est possible que Juan soit annoncé à la féria de Trifouilli del Pozo en septembre, mais ça n'est pas certain. Il paraîtrait que l’organisateur Carlos ne veut pas lui payer ce qu'il demande.

Vendredi On vient d'apprendre que l'apoderado de Juan a téléphoné à Carlos et qu'ils discutent du prix mais qu'ils ne sont pas d'accord. Juan porte toujours son caleçon fétiche et se gratte la couille gauche.

Samedi Carlos vient de rappeler l'apoderado de Juan. Il est possible qu'ils trouvent un accord dans les prochains jours, mais plutôt pour l'année prochaine, en fonction des dates et seulement si la féria de Trifouilli del Pozo ne tombe pas en même temps que celle de Hoyo del Manzanita qui n'est pas encore fixée. Donc, pour l'instant, on n’en sait rien mais on continue à vous informer.
Ça vient de tomber : Kojak aurait retrouvé la funda chez Martínez.

Dimanche Juan a encore failli triompher, à Madrid cette fois. A l’hôtel, il portait son caleçon fétiche. Mais ce gros-enculé-de-sa-race de Président a refusé de lui donner l'oreille. C'est une honte. Ce type est la honte de la Fiesta. Vite, il faut le tuer. Juan aurait jeté son caleçon fétiche, de rage, contre ce chien-d’enculé-de-sa-race de Président.
En plus, tout en haut des gradins y’avait deux aficionados, deux cons, qui ont applaudi le Président qui a refusé l'oreille.
Ils sont fous ! Des aigris, des sinvergüenza, des ignares, des incultes de leur race, de leur mère, de leur père, et de leur grand-mère. Et je te parle même pas de leur sœur ! Elle doit porter des culottes en poil de yack la salope ! Des sales types. C'est juste que des "Zahia-tollas" qui font rien qu'à nous empêcher d'être heureux et de faire notre pub tranquille et d'encaisser peinard.

Lundi Les antis attaquent ! Ils veulent lancer une I.L.P. pour interdire la corrida à Trifouilli del Pozo. L'heure est grave ! A mort les antis qui font rien qu'à nous obliger à parler d'eux, parler de nous, parler de quoi ? Les "zantis" y mettent même pas de culottes si ça se trouve.
On a en a marre des "zantis". RAS-LE-BOL.
D'abord les antis ils sont méchants et nous ont est les gentils.
Et puis d'abord nous on a Picasso et Picasso c'est quand même vachement mieux que Brigitte Bardot !
Non, je ne viens pas de traiter Brigitte Bardot de grosse vache...
Et puis d'abord si seulement tous les aficionados du monde et surtout les deux cons d'en haut des gradins voulaient bien se donner la main et se la fermer, eh ben on serait les plus forts. Parce que les antis, eh ben c'est eux les méchants et ils puent du slip qu’ils ne portent pas les "zantis".
Et puis en plus c'est pas vrai que le toro il a mal.
Et puis à la fin y’en a marre des antis et des aficionados d'en haut des gradins qui veulent pas qu'on se donne la main, parce que si tous les aficionados du monde ils se donnaient la main eh ben on serait les plus forts, parce que les antis c'est eux les méchants.
Et puis d'abord c'est pas vrai que le toro y saigne, sauf au bout des cornes des fois lorsqu’il a été trop aféité.
Mais ça non plus il faut pas le dire car c'est pas vrai non plus. En vérité je vous le dis : le toro il est jamais aféité, il saigne pas, il a pas mal et il tombe jamais ou alors il se relève, ou alors il se couche parce que c’est la nuit qui arrive...
Voilà, la Fiesta c'est ça, c'est beau et c'est grand. Et si tu l'aimes pas tu la quittes ! Mais surtout tu te la fermes.
A part ça, les cons c'est les autres. Forcément, les cons c'est toujours les autres.

NDLR Toute ressemblance avec des sites taurins existants ou ayant existé serait évidemment purement fortuite. De toute façon, c'est pas possible en vrai d'être aussi con. Si ?

16 juin 2010

Campos y Ruedos 01 ya se vende en España


Tenemos el gusto de anunciarles que el libro de Campos y Ruedos ya se vende en España. Los aficionados interesados pueden dirigirse à la Librería Rodríguez...

Librería Rodríguez
Paseo del Marqués de Zafra, 31
28028 Madrid - España

De lunes a viernes, de 10:30 a 14:00 y de 17:00 a 20:00.
Metro, líneas 2 y 6, estación Manuel Becerra.
Teléfono: (34) 917 252 680

15 juin 2010

Saltillo

Dedicado muy especialmente a nuestro amigo Martín...

Saltillo, Palma del Río, Miura, La Campana, Moreno de la Cova, Félix Moreno Ardanuy, le Cordobés, la guerre civile, Lapierre et Collins. En transparence l'histoire, l'Histoire même, celle d'ici, de l'Espagne toute entière. Tous ces noms concentrés, présents, passés, et peut-être même à venir, forcément, ça fait son effet.

On ne s'appelle pas, par hasard, Enrique Moreno de la Cova. Et lorsqu'on s'appelle Enrique Moreno de la Cova, on ne décide pas, par hasard, de remettre les mains dans le cambouis très noble de la génétique brava.
Saltillo. Rien que le nom déjà. Pour ceux qui ne connaissent pas, je ne peux que vous diriger vers l’ouvrage de Pierre Dupuy : La ganadería de Saltillo que vous commanderez aisément par Internet à la boutique des Passionnés.

Palma del Río, un matin de mai. Nous arrivons par La Campana et passons devant le portail mythique : M.I.U.R.A., ses cinq lettres, ses deux poteaux, sa tête desséchée. Inimitable, intemporel, légendaire.
Putain ! Ils sont allés foutre une espèce de barrière en fer, moderne, tubulaire, juste derrière la légende. Décidément, tout se perd, même l'immortalité.
Elle y était peut-être déjà avant, notez bien. Et je n'y avais peut-être pas prêté attention. Vous me direz.
Nous ne sommes pas encore arrivés. Nous continuons notre route vers la ville du Cordobés.
C’est sur la gauche que se trouve la finca "Miravalles", notre destination. 8 heures du matin, la nuit a été courte. Mais nous sommes pile à l'heure. Notre Tendido69 a la gueule de travers. Il faut dire qu’il n’a pas eu le temps d'avaler son café. Gros sujet de discussion. Pourtant, il aurait juste fallu qu’il se lève un poil plus tôt. Mais évoquer ces quelques minutes fatidiques nous ferait entrer ici dans des subtilités très métaphysiques dans lesquelles il vaut mieux ne pas se lancer. Et puis, ça ne l'empêchera pas tout à l’heure d'aller se frotter, le ventre vide, aux vaches grises.
Enrique Moreno de la Cova nous attend, ponctuel, tiré à quatre épingles, 4x4 BMW au garde à vous, lui aussi tiré à quatre épingles.
Direction le campo, de l'autre côté de la route, pour profiter de la lumière du matin et rendre visite aux vaches.

Enrique a décidé voici une petite dizaine d'années de redonner vie au fer historique de Saltillo. Pour ce faire, il est parti de rien, ou presque rien, les presque ruines d'un chef-d'oeuvre en péril. Pierre Dupuy raconte que le livre de tienta de "Miravalles" a été inauguré en 2001 lorsque la finca fut aménagée pour l’exploitation du bétail brave, et lorsque sont arrivés une quarantaine de vaches et deux reproducteurs : « En 2002, Enrique achète à son cousin Ignacio qui dirige la "Ganadería Moreno Miura" et procède à sa première tienta de mâles ; il en retient un des trois essayés, qui ne "fonctionnera" pas. Il loue alors un semental à José Luis Buendía (pur Santa Coloma), 'Flor de Gamón', qu’il met avec 19 vaches, et gardera six mois sans résultat notable. »

Ce sera ensuite Álvaro Martínez Conradi (La Quinta) qui prêtera un semental, encore Buendía donc. L’apport de ce sang est d’ailleurs très visible sur de nombreuses bêtes. La galerie que nous vous présentons atteste de cela.
Redorer le blason des Saltillo n’est évidemment pas une mince affaire. Ces choses-là demandent du temps, beaucoup de temps et des moyens.
Ici, les moyens ne sont visiblement pas un problème. Le temps, c'est évidemment autre chose ; une chose que personne ne maîtrise. Nous ne parlons pas des quelques minutes qui auront manqué à Barth' pour avaler un café. Nous parlons de plusieurs générations à l’échelle humaine. Une paille quoi. Mais Enrique Moreno de la Cova est serein : « Au début, je n'avais pas une grosse base pour travailler. J'ai dû me contenter de peu. Et je devais par conséquent garder des vaches qui ne correspondaient pas vraiment avec l’idée que je m’en faisais. Mais il fallait bien travailler avec ce qui existait et se débrouiller. Aujourd'hui, il y a certaines vaches, que j'aurais gardées il y a dix ans, que je rejette sans hésitation. C'est tout de même le signe que les choses avancent. Mais il faut être vraiment patient. Tu verras la tienta tout à l'heure. Ça peut sortir bien comme très mal. Pour l'instant, je n'ai pas encore cette régularité à laquelle je veux parvenir. Mais c'est normal. »
Les vaches en tienta n'ont pas été vraiment à leur avantage, notamment sous le fer, mais toutes ont été très mobiles, et avec de la personnalité, du piquant. C'est déjà ça. De la personnalité, pas la candeur moutonne de trop de choses actuelles. On se dit que c'est déjà ça.

Après notre visite des vaches, et avant la tienta, est arrivé un petit groupe de la commission taurine d'Orthez qui, fidèle à la ligne qu’elle s’est fixée, donne cette année sa chance à un élevage jeune et peu connu.
Oui, jeune et peu connu car, malgré le prestige du nom, malgré les racines et les ancêtres, Saltillo travaille aujourd'hui pour retrouver son lustre d'antan. Et il n'est pas insultant de considérer Don Enrique Moreno de la Cova comme un jeune ganadero débutant.
Comment sortiront ces Saltillo mâtinés de Santa Coloma via Buendía ? Je ne m'aventurerai évidemment pas. Ce dont je suis certain, en revanche, c'est de l'enthousiasme du ganadero, de sa clairvoyance quant à l’ampleur de la tâche, de son pragmatisme, et de son "ilusión" dans la recherche de la caste.
Pour ces seules raisons, plus que suffisantes, nous serons quelques-uns à prendre la direction d'Orthez en juillet prochain, en croisant les doigts pour que ganadero et Afición y trouvent leur compte et des raisons d’aller encore un peu plus de l’avant. Ojalá. Nous en avons tous bien besoin.

>>> Retrouvez la galerie consacrée à la ganadería de Saltillo sur le site à la rubrique CAMPOS.

13 juin 2010

Dessine-moi un toro


La publication d'un post tient parfois à rien, ou plutôt à un faisceau de petits riens que vous vous efforcez de relier plus ou moins laborieusement : en ce mois de juin, vous retrouvez par hasard dans « [Vos] documents » un beau texte sur le scupteur et dessinateur anglais Henry Moore (1898 – 1986), mis de côté quelques années plus tôt ; vous découvrez sur Internet qu'une rétrospective lui est actuellement dédiée à la Tate Britain de Londres ; vous apprenez, grâce aux « 4 par 3 » qui ont inondé la ville, que le nouvel aéroport vous rapprochera grandement de la capitale anglaise à compter du 15 ; vous venez d'entendre parler, à la radio, de la célébration prochaine du 70ème anniversaire de l'Appel du Général et, enfin, vous ne manquez pas de constater, comme chaque année, que juin n'est décidément pas un mois taurin pour vous.

« Le grand sculpteur anglais a introduit dans nombre de ses sculptures monumentales ― couchées ou verticales ― l’audacieuse découverte du vide : allégées, elles sont traversées par la lumière. Le ciel, le paysage peuvent les habiter... En 1940, le Comité des Artistes de la Guerre lui commande un "reportage" sur la vie des Londoniens réfugiés dans les souterrains du métro de la capitale bombardée par l’aviation nazie. Ses visions ont été connues dans le monde entier. Fantômes endormis, pétrifiés : sur les couvertures des dormeurs et leurs visages blêmes, les alignements des briques semblaient poursuivre leur monotonie...
Trente-trois ans plus tard, après avoir, périodiquement, abandonné le dessin pour un travail d’esquisses en trois dimensions, Moore a repris ses carnets.
En 1972-1973, il a consacré aux grands Moutons de sa campagne d’Angleterre un album de dessins au stylo à bille. Les animaux à tête noire ― ceux qui ont assuré la réputation des laines anglaises ― n’y apparaissent pas comme timides, fuyants, ou grégaires. À demi-sauvages, ils fixent sévèrement l’intrus. À regarder attentivement leurs "portraits" ― tel le berger, l’artiste les identifie dans le troupeau ― on découvre avec émerveillement que Moore les a dessinés autrement. Lignes de brique pour les dormeurs des abris du temps du "
blitz". Fils de laine crépus, désordonnés, empoussiérés ; le stylo saisit la silhouette du mouton par sa toison comme un musicien crée une harmonie imitative. » Hubert Comte

À dire vrai, à relire ces lignes et à regarder les dessins de Moore, je ne peux m'empêcher de regretter qu'il n'ait pas eu l'opportunité, au cours de sa riche et longue existence, de sortir carnet et stylo entre Campo Charro et Andalousie ; nul doute que le campagnard du Hertfordshire aurait été fasciné autant par le regard insondable et les formes sculpturales des toros que par la vie rustique des hommes du campo.

Image Henry Moore & Kenneth Clark, Henry Moore's Sheep Sketchbook*, Thames & Hudson/© The Henry Moore Foundation, 2003.
* En cliquant sur le lien « See Inside » placé sous la couverture, pénétrez à l'intérieur de l'ouvrage...

12 juin 2010

Carlos Cazalis


Campos y Ruedos, à l’origine, était un site exclusivement photographique. Et puis les textes s’y sont invités. Habituellement c’est plutôt l’inverse. La photographie est bien souvent le parent très pauvre des plumitifs. C’est ainsi. Ce ne sera jamais le cas chez nous. Alors c’est toujours une immense satisfaction que de vous présenter un photographe et l’accueillir ici, chez lui.

Nous sommes donc très heureux d'inviter Carlos Cazalis. Carlos a 41 ans. Disons, pour faire simple, que c’est un « Mejicano Español » né au Mexique. Il en est parti à quatre ans pour les Etats-Unis, puis le Costa Rica, le Brésil, l’Argentine, avant d’y revenir pour ses 23 ans, pour repartir encore, à 29 ans, direction New York, pour des études aux Beaux-Arts, jusqu’en 2003.

Carlos, qui est légèrement difficile à suivre, vous l’aurez compris, avoue lui-même qu’il n’a pas vraiment de résidence fixe. On ne le contredira pas. Pour l’heure, quelques-uns de ses tirages ont élu domicile au 12, rue Saint-Gilles dans le 3ème à Paris, à la Polka Galerie, où ils sont exposés jusqu’à la toute fin du mois de juillet. Une exposition en noir et blanc consacrée à José Tomás. De Carlos Cazalis, nous allons évidemment en reparler très prochainement et plus longuement.

Pour l'heure, vous pouvez découvrir le site de Carlos : http://www.cazalis.org/.

'Juguetero'


Personne n'a jamais vu combattre 'Juguetero'. Pourtant, 'Juguetero', numéro 26, né en 1976, marqué au fer de l'élevage de Celestino Cuadri a été gracié, à Madrid, un jour de printemps de l'an mil neuf cent quatre-vingts. Pour vous dire la vérité, 'Juguetero' s'est gracié tout seul, à l'abri des regards, dans les arrière-cours. Personne ne l'a jamais vu combattre. 'Juguetero' n'a jamais foulé le sable jaune de l'immense piste madrilène. Il n'en a pas eu besoin.

Ceci n'est pas un conte. Cette histoire est le genre d'histoire que l'on vous racontera si vous avez un jour la chance d'emprunter ce chemin de terre sinueux, entre Trigueros et Gibraleón, ce chemin de terre cabossé et long, qui vous mènera aux confins du campo, jusqu'à "Comeuñas".
C'est là, en Andalousie, à quelques kilomètres de Huelva, que la famille Cuadri élève ses toros. Des toros très particuliers, impressionnants, massifs comme des montagnes, mais alertes et à l'esprit vif, aux accélérations supersoniques. "L'âme du Santa Coloma dans un corps d'Urcola"*. L'expression la plus aboutie de ce que peut être la caste. Les Cuadri réacteurs comme les surnomma le critique Georges Dubos.
"Comeuñas" est un peu le bout du monde, la fin de l'après nulle part. Et c'est peut-être pour cela que les gens de "Comeuñas", comme leurs toros, ne sont pas vraiment comme ceux d'ailleurs. Il se dégage des gens de "Comeuñas" une serénité et une sensibilité que l'on devine particulières. Ça jurerait presque avec le feu qui animera plus tard ces énormes carcasses, pour l'heure faussement paisibles. Sous les Cuadri, la tempête.
Parmi les gens de "Comeuñas", il en est un, plus incontournable encore que les autres. José Escobar, né ici, élevé ici, est le mayoral d'ici, depuis toujours, un énorme cigare vissé en permanence au coin des lèvres, à pied ou à cheval, surtout à cheval.
José Escobar est la mémoire des Cuadri, même s'il se refuse encore à écrire les siennes, sans doute pour conjurer un peu les effets du temps qui passe. Ici aussi le temps a son importance. Mais José n'est jamais avare d'annecdotes, d'histoires vraies, comme celle de 'Juguetero'.
Madrid, 1980. Une corrida de la presse, une corrida concours. Pour l'occasion, Celestino Cuadri avait choisi un exemplaire particulièrement agressif au campo, qui avait pour manie de charger quiconque osait s'approcher de son enclos.
Embarquer cette bête furieuse fut un véritable chemin de croix pour ces hommes pourtant aguerris et habitués à l'exercice. Et ces premières frayeurs n'étaient rien d'autre que le préambule d'une histoire qui commença vraiment six cents kilomètres plus au nord, à Madrid.

'Juguetero' jaillit du camion comme une fusée, dans un nuage de poussière, furieux, la queue dressée et avec pour seule idée fixe de foutre une énorme branlée aux autres toros, à tout ce qu'il croisait et à tout ce qui était à portée de ses cornes.
Les vachers, pour limiter la casse, tentèrent de l'isoler dans une cour voisine. Manœuvres suicidaires, bagarres dantesques et presque irréelles. 'Juguetero' se mit à briser les lourdes portes des corrals les unes après les autres, comme s'il s'agissait de simples cloisons de carton-pâte. L'ambiance se fit lourde, la salive rare et les gorges se nouèrent. Tous étaient sur le pont, chacun à son poste, afin d'éviter que le navire Ventas ne sombrât dans la tempête et sous les coups de boutoir de 'Juguetero', véritable vague scélérate.
Après de vaines tentatives et plusieurs portes détruites, 'Juguetero' fit face à une ultime porte. Celle-là donnait directement sur la rue. La tension et la peur étaient à leur comble. Les hommes n'eurent d'autre solution que de se regrouper dans le burladero opposé à la sortie toute proche pour détourner l'attention du fauve. Il les chargea, bien évidemment, et avec une telle violence qu'il s'y détruisit les cornes. Mais on parvint finalement à l'isoler après qu'il eut pulvérisé au passage une ultime porte, plus lourde et plus massive encore que les autres. De cette porte ne résista que la partie haute, maintenue dans un équilibre miraculeux. Le toro tenta de l'atteindre également, à de multiples reprises, sans succès, passant et repassant sous ce morceau branlant, écumant de rage, bondissant, furieux, comme si un matador imaginaire lui avait donné des passes par le haut.

Le lendemain, José Escobar demanda au responsable des arènes si, pendant la nuit, le toro s'était enfin apaisé.

— "S'il s'est calmé !? Autant que Santillana un jour de finale !"

'Juguetero' avait passé la nuit à s'acharner sur les mangeoires, les levant comme des fétus de paille et jonglant avec elles sans les laisser retomber sur le sol.

Informé de cette situation, Celestino Cuadri décida de faire rapatrier le fauve à "Comeuñas", pour le tester comme reproducteur. Et les mayorales repartirent à la guerre pour l'embarquer à nouveau. Mais le plus curieux dans cette histoire, qui n'en finissait pas de commencer, se déroula plus tard, au campo.
A cette époque, la famille Cuadri avait tienté un mâle, 'Tacholero'. Et son comportement face au picardor fut tellement enthousiasmant qu'on lui permit d'engrosser plus de la moitié des vaches de la maison. Mais le fait est que les descendantes de 'Tacholero' furent excessivement et inexplicablement réservées face au cheval. On supputa même que, connaissant la voix du picador qui était aussi leur vacher, elles n'avaient aucune envie de le charger. Mais lorsque sortirent deux filles de 'Juguetero', elles prirent six piques chacune, chargeant le cheval sans la moindre hésitation, depuis le côté opposé de la placita.

Quelque temps plus tard, les fils de 'Tacholero' furent dramatiques à Valencia, puis lors de la corrida de la Bienfaisance. 73 vaches furent envoyées à l'abattoir et la totalité de la camada au rejón, pour ce qui fut la pire traversée du désert de l'élevage. A compter de ce jour, plus jamais la famille Cuadri ne pratiqua la tienta de mâles.

La première corrida des fils de 'Juguetero' fut combattue à Vitoria et le résultat dépassa toutes les espérances : caste pure. Puis, à la féria du Pilar, un fils de 'Juguetero', toréé par Morenito de Maracay, fit sensation et s'accapara la totalité des trophés de la féria. Il s'appelait 'Jaramago'. Ainsi prit fin la traversée du désert des Cuadri de "Comeuñas".

Dans ses pâturages andalous, 'Juguetero' continuait à se comporter comme un fauve indomptable, ne tolérant aucune intrusion sur son territoire, et détruisant quelques portes à l'occasion de ses contrariétés.

Une année, les vachers de "Comeuñas" firent pénétrer dans l'enclos voisin huit magnifiques toros destinés à la féria de la San Isidro. La corrida pour Madrid, très forte, était également de très mauvaise humeur et les chevaux durent batailler longtemps pour la faire pénétrer dans l'enclos.
Dans la nuit, agacé par tous ces va-et-vient, 'Jugetero' brisa la porte qui séparait les deux enclos. Et au petit matin, José Escobar découvrit que les huit toros destinés à Madrid s'étaient introduits dans l'enclos où se trouvaient 'Juguetero' et ses vaches.
Les huits toros, alignés comme des anchois, regardaient avec envie ce groupe de vaches fort tentantes. Mais aucun n'osa s'approcher et aucun ne disposa de la moindre femelle.
'Juguetero' leur faisait face, en les toisant, et aucun n'osa le défier. Il avait alors 16 ans.

* Expression caractérisant parfaitement l'élevage et que nous devons à Adolfo Rodríguez Montesinos, auteur, notamment, de l'incontournable El Toro de Santa Coloma.

>>> Retrouvez la galerie consacrée aux toros de Cuadri sur le site à la rubrique CAMPOS.

11 juin 2010

Aquí se puede fumar


José Escobar n’est pas Dieu. Dieu s’écrit-il d’ailleurs avec une majuscule ? José Escobar n’est pas non plus de Cali et Cali prend une majuscule. José Escobar n’est pas Dieu, donc. A l’observer avec attention, l’éventualité qu’il fut Dieu ne revêt absolument aucun sens. A le voir approcher dans les horizons impressionnistes de "Comeuñas", un simple coup d’œil permet de comprendre sans difficulté que José Escobar a bien autre chose à faire qu’être Dieu.
Pour autant, si l’on en croit le notaire, Dieu aurait, en son temps, couché sur la pierre blanche et rugueuse de son Testament une note fort discrète mentionnant qu’il créa l’homme à son image, un mercredi peut-être. De fait, José Escobar n’est pas Dieu mais s’en approche tout de même et même plus que toi qui ne fumes pas de havanes. Car lui, José Escobar, est un fumeur de havanes. Et Dieu aussi, tout le monde le sait depuis qu’un Russe au cigare en forme de chou, clopeur de gitanes, le fredonna aux oreilles d’une évasive belle de jour. José Escobar n’est pas Dieu. Sans se ronger les ongles pour si peu, il a autre chose à faire, en fumant un havane. Et chaque matin que Dieu fait après avoir fumé "même la nuit"*, José Escobar se dit que si "la fumée envoie au paradis", ça fait bien longtemps qu’il y est, lui, au jardin des délices. C’est son paradis, son monde à ciel ouvert, son œuvre d’art majeur. Dans les premières volutes qui s’évadent au son du jour qui naît, José Escobar contemple ses créations "aux courbes souveraines", "pleines pleines"**, noires noires, inquiètes et sombres, lourdes de peurs et de guerres. Les toros de Cuadri, son paradis, en fumant un havane. Derrière lui, dans un nuage de poussière qui vole en fumée jaune, chevauchent les disciples qui fument le havane et guident les Cuadri dans l’horizon frontière d’un Eden de fumeurs. Tous fument le cigare et tous sont vaqueros.
Dans les salons camperos de "Comeuñas", José Escobar rallume son havane. Les autres observent les souvenirs des Cuadri d'antan accrochés aux murs blancs assombris, les 'Sacristán', 'Clavellino' et autres fleurs de paradis. José Escobar fume son havane dans un coin de pénombre. Au-dessus de lui, à sa droite, comme en reflet, comme en écho, une photographie le montre au centre du monde, chapeau levé vers un public debout mais à genoux. Las Ventas, Cuadri. Sur la photographie, on ne distingue pas le havane. Du centre du monde au paradis, son paradis, il n'y a qu'un souffle, qu'une expiration grise de fumée de havane...
¡Aquí se puede fumar!

* A écouter encore et toujours : "Dieu fumeur de havanes", Serge Gainsbourg.
** De même : "Volutes", Alain Bashung.

>>> Retrouvez la galerie consacrée aux toros de Cuadri sur le site à la rubrique CAMPOS.

Photographies José Escobar et les vaqueros de "Comeuñas" et un toro de Cuadri © François Bruschet/Camposyruedos.com

09 juin 2010

Taurus


Du mythe au rituel

C'est le titre de l'exposition qui vient d'être inaugurée au Museo de Bellas Artes de Bilbao.
Figurez-vous que plutôt que de me creuser la tête à écrire un truc poussif, j'avais préféré vous traduire la première version du texte de présentation. Visiblement rédigée « à l'arrache », cette dernière a purement et simplement disparu du site pour laisser la place à une version certes plus aboutie, mais aussi vachement plus longue et compliquée ; donc, nous nous en passerons.

Exposition Taurus. Del mito al ritual au Museo de Bellas Artes de Bilbao, du 7 juin au 5 septembre 2010, du mardi au dimanche de 10h à 20h.

À l'occasion de cette exposition, un catalogue de 400 pages a été édité.

Image Martin de Vos (1532 – 1603) / L'Enlèvement d'Europe*, 1590 / Huile sur panneau de chêne, 133,7 x 174,5 cm © Museo de Bellas Artes de Bilbao

* « Fille d'Agénor, roi légendaire de Phénicie, et sœur de Cadmos. Zeus, amoureux d'elle, se métamorphose en taureau blanc, l'enlève et la transporte en Crète. De leur union naissent Minos, Sarpédon et Rhadamante. Ses frères, partis à sa recherche, auraient fondé plusieurs villes. » in Le Petit Robert.