26 avril 2006

"Un cortado, por favor" - Brève de campo


Cher Solysombra,
J'ai mis quelques jours à répondre, replongeant mon nez dans les ouvrages de référence, feuilletant ça et là de vieilles revues mais restant "sec" sur le fin mot de l'histoire.
Quand on visite le campo, il est rare, sauf à être reçu tel un prince venu des confins de l'Orient, de découvrir "l'arrière-boutique". On vous montre volontiers les toros de saca, certains novillos et parfois les vaches si elles se trouvent sur la même finca. Le reste demeure un mystère souvent bien gardé. Chez Miura, c'est ça... mais pire !
La placita de tienta quadrangulaire et ses azulejos sont autorisés, une vue sur les encinas qui au loin choyent les toros, à la rigueur, mais "na' más" !
Pourtant, parfois, le hasard fait bien les choses et l'on tombe sur les vacas de desecho, celles qui n'auront pas l'honneur de donner leur nom à leur progéniture. Elles attendent dans un corral de la placita, remuées par des cabestros aux têtes de zébus.
Toutes très typées, c'est une peine de les voir attendre le camion de l'anonymat. Ce qui remue encore plus, ce sont ces morceaux de cornes qui sortent de leur crâne. On leur a coupé les pitones au terme de la tienta, on leur a coupé très court et c'est un euphémisme. C'est d'ailleurs ce qui t'a surpris, cher hôte.

Ces vacas de desecho sont-elles les seules à voir ainsi leur beauté atrophiée, que dis-je, taillée comme une vigne que l'on fait chaque année renaître ?
C'est Eduardo Miura lui-même qui répond, via le net, et de manière aussi courte que les "canelonis" de ses vaches d'abattoir : "TODAS LAS TENTADAS SE LE CORTAN LOS CUERNOS, SOLAMENTE LAS DE DESECHO SE CORTAN MAS".
Ainsi donc, nous tenons notre réponse qui ne changera pas la face de l'afición mais qui peut-être intéressera les lecteurs.

D'ailleurs, en feuilletant les ouvrages* d'Adolfo Rodríguez Montesinos, les photographies des vaches Miura donnent déjà la réponse car bon nombre des vaches présentent également des cornes coupées mais de manière bien moins criante que leurs soeurs du matadero.

* Prototipos raciales del toro de lidia et Los toros del recuerdo.

21 avril 2006

Le bout du tunnel ?


Dans le dernier numéro de la revue "Messages d´Espagne - Politiques agricoles et halieutiques", on peut trouver des informations intéressantes car traitant de la future vaccination généralisée des ruminants contre la fièvre catarrhale ovine. En voici le texte littéralement rapporté :

Questions sanitaires / Un nouveau plan de lutte contre la fièvre catarrhale
Auteur : Marie-Laure Métayer

Aucun cas de fièvre catarrhale n’a été enregistré depuis 4 mois en Espagne continentale. Les Iles Baléares ont recouvré leur statut indemne, les derniers cas enregistrés dans cette zone remontent à plus de 2 ans.
Le ministère de l’agriculture espagnol a présenté aux communautés autonomes un projet d’arrêté ministériel qui établit de nouvelles dispositions en matière de lutte nationale contre la fièvre catarrhale. En effet, la réglementation en vigueur depuis décembre 2005 établissait une zone provisoirement libre durant l’hiver (saison pendant laquelle le vecteur de la maladie est absent) facilitant considérablement les mouvements des animaux des espèces sensibles à la fièvre catarrhale. L’arrivée du printemps et la remontée des températures imposent le rétablissement des règles de mouvements très strictes. La grande nouveauté de l’arrêté en préparation est le recours à la vaccination massive, y compris sur les bovins. L’Agence espagnole du médicament pourrait en effet très rapidement homologuer officiellement un vaccin inactivé pour les bovins. La vaccination systématique des animaux de cette espèce permettra de faciliter considérablement les mouvements de transhumance et des taureaux de combat, mais, comme le soulignent les représentants des organisations syndicales, ne permettra pas l’éradication de la maladie.

10 avril 2006

Le maestro...


Il y a aujourd'hui quatre ans que Joaquín Vidal nous a laissés. Quatre ans déjà et il me semble que c'était hier.

Le dimanche 9 avril, une partie de l'afición madrilène s'est retrouvée à l'entrée du tendido 10, ou une plaque commémorative a été apposée. C’est devenu une coutume, on y dépose quelques fleurs et on évoque la mémoire de cet incontournable et talentueux écrivain.

Un de ces jours je vous raconterai comment cela s’était passé et comment ceux qui ont eut l’initiative de cet azulejo ont dû se montrer déterminés. Joaquín Vidal nous manque et je me dois de dire que depuis son départ, je ne lis plus grand-chose, je feuillette quelques rares articles à l’occasion de corridas particulières mais guère plus.

« Después de Vidal el diluvio » avait alors écrit le polémique Navalón, lui aussi depuis disparu. On ne peut pas dire qu’il avait tort. La critique taurine en 2006 n’est guère reluisante et on ne peut pas dire que la relève pointe le bout de son nez.

Joaquín Vidal nous manque… vraiment…

06 avril 2006

Peones y peores


La corrida est un théâtre à ciel ouvert (quoique parfois). Il y a les acteurs principaux, le toro et les stars ou parfois simples premiers rôles, et puis la troupe, ceux que le cinéma nomme les seconds rôles. L'histoire est souvent la même, tragique forcément et menée en trois actes. La troupe qui encadre le maître reste souvent dans l'ombre des chroniques ou critiques taurines. Les peones ne sont que très rarement évoqués, mis à part quand il s'agit de saluer une belle pose de banderilles ou d'invectiver un "frêle" puntillero. Le reste passe à la trappe, le rideau tombe.
Et pourtant, et pourtant ! Le labeur du péonage est essentiel dans la lidia d'un toro de combat et certains aficionados savent encore applaudir la conduite d'une charge à une main (rarissime cependant).
Dès que le toro sort du toril, toute la troupe s'ébroue discrètement, la montera à peine en vue derrière le burladero. Nous avons tort, à mon sens, de ne pas prêter plus d'intérêt aux comportements de ces seconds rôles qui, eux aussi, faut-il le rappeler, prennent de sincères risques.
Mais dans cet univers si particulier des toreros, ce sont tous des toreros, il y a ce me semble, deux catégories : les peones et les "peores". Le jeu de mot était facile, j'en conviens. Chacune de ces deux catégories n'étant évidemment pas hermétique l'une à l'autre et il est aisé de comprendre qu'un peón qui sera excellent une tarde puisse devenir un infâme tricheur le jour d'après.

Tout commence dès l'entrée en piste de celui qui devrait toujours être la star de l'affiche, le toro. La logique voudrait qu'il puisse se déplacer à son aise dans le ruedo afin que le maestro et ses aides aient le loisir d'observer ses réactions. Ce temps doit être court mais bien réel. Or, l'on assiste presque invariablement au même cirque. A peine la tête a-t-elle franchi la talenquère que le toro est appelé qui à droite, qui au fond, qui à gauche. Mais il y a pire!

Dans les années 1980-1990, à l'époque où Bayonne avait fait des Fraile un étendard de sa féria aoûtienne, il était de coutume de voir un ou même deux toros se casser une corne en tapant sauvagement contre un burladero. Spectacle navrant que ces estampes diminuées, bons pour la case abattoir. Plusieurs fois, la suspicion s'est abattue sur certains peones qui donnaient un lâche et discret coup de cape au moment où le toro passait à leur niveau. Acte volontaire ? Erreur ? Difficile à dire en vérité. A qui profite le crime ? Peut-être au matador content de faire sortir le sobrero (souvent d'un élevage différent) et de trouver là un prétexte à expédier la chose toutes affaires cessantes. Peut-être, sait-on jamais.

Certains maestros, dépassés ou manquant d'entrega, laissent le soin à un peón d'amener le toro au cheval. Passes courtes par le bas, recortes anachroniques et destructeurs à ce moment-là de la lidia, voilà la scène qui nous est alors proposée. Nonobstant, on pourrait dire la même chose de ces matadors qui accueillent leur adversaire, dès la sortie du toril, par des chicuelinas comme Juan José Padilla ou César Jiménez qui avait coutume de le faire étant novillero (je ne sais pas s'il continue, n'ayant pas eu l'occasion de le voir récemment).

Durant les piques, le cinéma continue. Observez bien certains subalternes se placer derrière le burladero (au niveau du cheval) pour inciter la bête à charger la cavalerie. Padilla, toujours lui, aime le faire aussi, en corrida-concours...

Et l'on arrive au plus insupportable car le plus flagrant et le plus visible. Le placement d'un toro pour les poses de banderilles. Pantomime de lidia ! Le toro reçoit alors des dizaines de passes sans fondement, le plus souvent des passes basses et cassantes, peut-être volontaires. Comment voulez-vous qu'après l'épreuve de la monopique assassine actuelle et après ces passes qui sont déjà une faena à elles seules, le toro puisse répondre décemment aux cites du maestro ? N'oublions pas également que ces passes, si mal données souvent, peuvent induire l'apparition de "défauts" dans le comportement d'un bicho jusque-là franc. Ces pratiques sont malheureusement devenues monnaie courante. Pour s'en rendre compte, il suffit d'observer les réactions d'un matador qui a décelé que son opposant pouvait lui permettre le triomphe. Le toro est alors relativement épargné lors du second tiers et il n'est pas rare d'entendre le maestro crier sur un peón donnant trop de passes.

Vient la partie "comique" de cette pièce en trois actes. Acte III donc. Prenons par hasard Antonio Barrera, matador de toros apodéré par la casa Chopera. Un certain dimanche du mois de mars 2006, M. Barrera se retrouve face à un toro "sin pena ni gloria" des Herederos de Don Celestino Cuadri Vides. La charge est franche quoique lourde et le torero nous ennuie au plus haut point. Pas une étincelle, peu de dominio ni de conduite de la charge, bref une faena de plus qui attise les baillements. Tout-à-coup, et quasiment dès le début du troisième tiers, s'élève un "biiiiiiiiiieeeeeeeeeeeeennnnnnnnnnn" du callejón. Les regards cherchent, furètent, puis découvrent le caprin ou l'ovin, comme vous voudrez. Le peón de Barrera, en transe certainement, a gueulé (il n'y a pas d'autre mot) tout au long de ce travail qui fut l'incarnation de l'insipidité. Pauvre Barrera, déjà en-dessous ; comment n'a-t-il pas demandé à son aide de la fermer ? Le ridicule ne tue pas, on le sait. Ce genre d'anecdote devient de plus en plus familière dans les ruedos. Cela va de ces cris gutturaux aux demandes menaçantes de pavillons et récompenses depuis la contre-piste (les empresas et apoderados ne sont d'ailleurs pas en reste). Souvenez-vous, public vicois, de ce tour de piste honteux d'El Andaluz qui pensait réparer l'injustice faite à son maestro Richard Milian. Ces peones sont les peores, je le maintiens.

Enfin, puisque la mort clôt la représentation, il faut bien évoquer ici les subreptices manoeuvres de quelques sbires qui, depuis le burladero, donnent un coup de cape assez clair pour que le toro aille dans la bonne direction au moment de l'entrée a matar. N'en jetez plus la coupe est pleine ! Faut-il souligner, à décharge, que nombre de ces agissements sont purement et simplement commandités par les matadors ? Oui, il faut le dire et le redire, les ordres tombent toujours d'en haut ! J'en oublie certainement mais déjà longue est la liste. Les temps m'inspirent peu d'espoir de voir changer ces pratiques et je préfère garder en moi l'image de ces peones qui, là, ne sont pas les "peores", déboulant sur le sable pour sauver la peau d'un compagnon, quel qu'il soit. ¡Eso sí!

05 avril 2006

Lista de ganaderías indeseables : Madrid, encore et toujours


D'après le site internet Burladero.es, l'association El Toro de Madrid vient de publier sa nouvelle liste de ganaderías indésirables dans le coso venteño. Cette année, comme le fait remarquer le journaliste de Burladero.es, la liste s'est alourdie d'élevages de prestige, en particulier dans les rangs "toristas" : Miura, Isaías y Tulio Vázquez, Partido de Resina ou José Escolar font partie de cette mise à l'index.

Il faut bien convenir que ces ganaderías n'ont pas répondu à toutes les attentes ces dernières années à Madrid. A part 'Pepón' en 2004, Miura a même connu deux fracasos consécutifs pour son retour à Las Ventas après une absence d'une dizaine d'années.
Que dire des ex-Pablo Romero qui semblent s'engluer dans une faiblesse alarmante et qui ont montré un piètre spectacle l'année dernière.
Si cette liste est intéressante, sorte d'éphéméride de la saison madrilène de l'année précédente, elle recèle toutefois certaines anomalies.
Je me demande par exemple pour quelle raison les ganaderías de Alcurrucén, Núñez del Cuvillo ou Garcigrande, j'en oublie certainement, ne font pas partie de cette liste. Loin de moi l'idée de défendre des ganaderías dites "toristas" face à d'autres, absentes de la liste, qualifiées plus couramment de "commerciales". J'ai donc relu les reseñas de cette même association concernant les trois élevages qui n'apparaîssent pas sur la liste :

- Núñez del Cuvillo (San isidro) : "flojos, mansos y descastados pero muy nobles" ;
- Alcurrucén : "sosos y descastados primero y sexto; noble y manejable el segundo; tardo y noble el cuarto..." ;
- Gargigrande : "correctos de presentación, justos de fuerzas, 3° inválido, mansos y descastados aunque nobles".

Que dire en outre des Palha qui furent "sin raza ni fuerza" lors de la Feria de Otoño 2005 ? Bref, sans vouloir faire de démonstration, je comprends tout à fait les motivations de cette association d'aficionados qui a la volonté de responsabiliser et les ganaderos, et l'empresa. Cette démarche est louable et peu d'arènes peuvent se targuer d'avoir un groupement d'aficionados aussi rigoureux. Néanmoins, soit cette liste est incomplète, soit elle me paraît injuste.

Tout d'abord, cette liste est établie sur les seuls résultats venteños, ce qui me semble réducteur pour analyser les résultats d'ensemble d'une ganadería. Certes, il ne faut parler que de ce que l'on voit ou connaît, surtout en matière taurine, mais les membres de l'association devraient peut-être analyser toutes les courses d'un élevage pour se faire une réelle idée de son état de forme. Par exemple, prendre en considération la course des Escolar à Dax l'an dernier, après tout il s'agissait logiquement des frères de ceux de Madrid. C'est une idée, comme ça.

Enfin, je regrette que l'association mette au pilori des ganaderías fondées sur des encastes originaux voire en voie de disparition. Les Albaserrada, Miura, Pablo Romero ou Pedrajas ne sont pas si courants dans nos plazas (espagnoles ou françaises). Et même si elles se trouvent dans une mauvaise passe pour certaines, pourquoi ne pas leur laisser une chance, ne serait-ce que pour varier le panel ganadero de la saison madrilène. Il est parfois plus intéressant de voir courir six tulios "retors" que six Carriquiri ou six Núñez Del Cuvillo, vus et revus.

Imaginons que les aficionados madrilènes partent du principe qu'il faut laisser du temps à ces élevages pour se refaire "la patate" et, dans ces conditions, on ne peut qu'avaliser leur initiative et attendre le retour de ces devises au plus vite.

Félicitons-les tout de même de l'existence de cette liste qui met (peut-être peu mais tout de même) une forme de pression sur l'empresa et qui donne encore plus de rigueur à la première arène du monde.