29 juin 2006

Ya falta menos... J-7


Parfois, comme partout, il est des positions instables. Cet homme, par exemple. Courir l’encierro, c’est rechercher la position instable. C’est un acte gratuit et volontaire, une quête d’instabilité furtive.
Ne pas courir l’encierro est un choix, une quête de stabilité durable.
Pourtant, il arrive que l’instabilité vous croise en haut de la côte de Santo Domingo, une matinée ensoleillée de juillet.
Bloqué par la foule, il faut remonter jusqu’aux arènes nous dit ce flic qui s’en remue les cojones qu’on se fasse étriper loin de chez nous. On n’aura pas le temps, c’est sûr.
Une porte, dérisoire petite grotte dans le lit du déferlement, on s’y colle. Les couvertures qu’on devait vous ramener sont là, des remparts au cas où.
On est cool jusqu’au pétard.
Xssss…poum... glaçant, l’enfer monte à la gorge.
Des bruits de sabots, pleins ; des cloches, ils arrivent.
Les Partido de Resina vont très vite devant nous, leur tête cherche le coureur égaré, inexpérimenté. Ne pas bouger, musée Grévin de la peur.
Cauchemar ? Rêve ? Qui es-tu finalement Pamplona ?
Peut-être une utopie, dans sa double définition :
« 1° : L’Utopie : pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux. 2° : Idéal, vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité. » (Petit Robert)

Une simple et grandiose utopie. Les deux définitions lui vont bien. Les fêtes de San Fermín ne sont pas imaginaires, quoique, mais elles débordent de vies rêvées.
Un gouvernement idéal, par principe et littéralement, ça ne tient pas debout. Sauf ici peut-être. C’est le peuple en branle qui gouverne, qui dit quoi faire, qui applique les lois, comme tout gouvernement, en théorie. C’est lui qui crie qu’il veut être heureux, il a neuf jours pour y arriver. Challenge, comme on dit aujourd’hui.

Pamplona, c’est aussi cet « idéal qui ne tient pas compte de la réalité ». Une vue non pas politique ou sociale mais métaphysique, ontologique. L’être ou le néant en quelque sorte, pendant neuf jours. Challenge, comme on dit aujourd’hui.
Rien n’est figé en ce bas monde, une seule définition ne suffit pas à expliquer un mot, un sentiment, un phénomène. Tout est multiple, et unique dans cette multiplicité. Il faut de la complexité.
Pamplona ne déroge pas à la règle.
Des milliers de définitions peuvent la qualifier, aucune n’a ce pouvoir de la saisir pour la figer.
Il faudra des vies entières pour en connaître ne serait-ce qu’un instant réel, c’est pas gagné.
Elle est ce que nous en faisons, on reste les maîtres à bord de ce navire au large du réel.

26 juin 2006

Douce France


« Le pays de mon enfance ».
- « C’est décourageant, ils ne feront jamais le plein ici » me glissait un ami en début de corrida. L’afición aturine se cache et se demande sans cesse qui elle est. Elle ressemble à ses arènes, bordées par l’Adour qui aime les toros jusqu’à son embouchure mais dissimulées par une armée de platanes ombrageux. Pour nous, jeunes du coin, elles furent un terrain de jeux, un lieu initiatique. On faisait l’apéro tout en haut en regardant le fleuve. Mille fois on y a refait le monde, nos voix remplissaient le vide du ruedo. Quand l'ivresse était là, nous étions toreros, toros, dans la nuit, cachés par les platanes, protégés par l’Adour. On escaladait les grilles comme des voleurs de poules, ça nous faisait bien rire au retour quand il fallait descendre. Je repensais souvent, dans ces moments précis où l’équilibre devient incertitude, à la photographie de ces mômes de Madrid, collés comme des araignées aux motifs mudéjars du coso venteño ; tout ça pour voir un bout de corne. L’afición !

Pourtant, l’aficón aturine se cache et se demande qui elle est. Les arènes Maurice Lauche ne se remplissent pas, même Victorino échoua. Aire n’a pas de ligne éditoriale, elle n’en a jamais eu. C’est ainsi, une valse d’empresarios, un ballet de la magouille. Chopera, Piles/Yonnet, Casas, Folque de Mendoça, tous s’y sont écorchés. L’éleveur portugais a réveillé l’espoir. Un espoir torista, Victorino et les Palha. Que demandait le peuple ? Tout alla "a menos", jusqu'à l'insulte immonde de cette corrida tronquée de l'année 2005. Des palha afeités, coupés, escobillés. La fiesta tronçonnée. Le mayoral faisait la tronche en voyant le Nikon, on sut vite pourquoi. Folque de Mendoça est un tricheur, il n’y a pas d’autres mots. Il ne fut pas le seul. Une année, Aire ouvrait les bras à la légende Pablo Romero. Le gris des Gallardo se couvrit d’un rouge sang honteux, les cornes pleuraient l’intégrité dès leur entrée en piste. Pitoyable !

Sans ligne éditoriale, sans idée directrice, point de salut.
2006. Welcome M. Lartigue. Vamos a ver.
Corrida-concours de ganaderías. Bonne idée, initiative heureuse.
Il y avait un peu de tout question encastes. Du Vega-Villar (Paco Galache), de l’Urcola (Caridad Cobaleda), du Pinto Barreiros par Yonnet, du Juan Pedro Domecq (Gallon), du Jandilla (Blohorn) et enfin du Santa Coloma ibarreño (Hermanos Clemares). La variété est l’intérêt de ces corridas, le contrat était rempli sur le papier. Néanmoins, organiser une concours, c’est s’assurer que l’éleveur fusse de la partie. C’est s’assurer qu’il a choisi lui-même son bicho, qu’il joue le jeu. Mais nous sommes à Aire, malheureusement. Il semblerait que M. Lartigue, qui travaille en collaboration avec M. Jalabert, ait des lots de toros à écouler. Clemares, Galache, on en voit partout cette année. Etrange, étrange. A mon avis, ça ne coûte pas très cher tout ça.
Victorino Martín vient de racheter une moitié de l’élevage de Paco Galache, la partie Vega-Villar qui passa un temps entre les pattes d’un certain Encinas. Le paleto veut certainement adoucir ses Monteviejo et il a, semble-t-il, frappé à la bonne porte. Il lui faudra cependant régler les problèmes de faiblesse.

Le Galache, bien dans le type Vega-Villar, bas, fin et bien armé a montré un joli caractère tout au long de sa vie publique. Il prit deux piques en bravito, deux piques ternies par une faiblesse crescendo. Vilches distilla deux ou trois gestes sévillanissimes mais la main ne put jamais tomber.

Quand se présenta le Caridad Cobaleda, on me glissa à l'oreille : "Tu te souviens de cette rumeur sur la 14ème vertèbre des Miura ?". Oui, je m'en souvenais. J'avais du le lire dans Miura de Tío Pepe. Le mystère sans fond, comme souvent à Zahariche. Toujours est-il que ce Caridad avait, lui, sa 14ème vertèbre. Un cou comme un yoyo, une pauvre paire de pitones gris, le manque de trapío dans tout son désespoir. Un toro sans caste, pas vicieux pour autant, une flatuche des temps modernes. Il permit cependant d'assister à la plus belle pique de la journée. A la base du morrillo, elle fut toute de maîtrise cavalière, une contention ferme dans la mobilité. Amaya usa d'un toreo profilé, sans fond comme le mystère miureño. Toujours décentré, déviant les trajectoires à la périphérie, il ennuya son monde.

Douce france ! Lescarret versus Yonnet !
Hubert Yonnet était là, sur les tendidos, paraît-il. Ça doit gonfler de voir ça. Un toro élevé pendant 4 ans, un toro con trapío, armé correctement avec un vrai moteur. Mal mis en suerte aux piques, trop encasté dans le dernier tiers pour un Julien Lescarret débordé et petit bras, le Yonnet fut pourtant l'animal de l'après-midi, un vrai toro de combat. Hubert Yonnet doit être un homme sage et savoir qu'il y aura encore beaucoup de ses toros qui finiront ainsi, sans que leur valeur puisse être reconnue.

And the winner is ! Un noiraud tout bas de la famille Gallon, mal armé, pas très beau. Sa charge est longue et nette, Vilches se régale déjà.
1ère pique : le toro part avec allégresse, rencontre la monture, sent la piqûre dure et puis... rien, c'est fini. Deux secondes de pique, la plaza est debout. Quelle beauté, quel dosage ! Je frémis.
2ème pique : le Gallon, toujours alègre, pousse mieux qu'à la première. Le châtiment doit durer trois secondes de plus. Génial, déchaînement des mains. Je vais pleurer je crois.
3ème pique : regatón ! Oui, regatón ! Oh la la ! Le tercio de l'année. Erection.
Vilches mangea de ce bonbon. Toreo stylé, temple, le "dessin" est arrondi et la pata si sévillane, ici en bords d'Adour. Evidemment, le torito obtint le prix. Evidemment, le piquero décrocha aussi le trophée pour... n'avoir pas piqué. Hubert Yonnet doit vraiment être un homme sage et raisonnable.

On parle souvent d'harmonie pour qualifier le trapío, d'équilibre des lignes, des formes. Le toro de Blohorn était venu donner un cours, que dis-je une conférence, sur ce que n'est pas le trapío. Démonstration verlan, quasi absurde. Sa tête surnageait trois étagères au-dessus du cul, un cul de la famine. Quelle laideur ! A croire qu'on l'avait lipposucer, avec une rage excessive. Amaya refit du Amaya, à la banlieue du sitio adéquat.

L'ultime de Clemares était laid lui aussi. Un grand corps lourd avec une tête... anodine. Ouh la vilaine chose ! Lescarret refit du Lescarret. Un coup je te fais deux naturelles correctes et puis vas-y que je trépigne et voilà un molinete. Un terrain à gauche... oh, et puis non, on va aller là-bas à droite... à moins que... Triste Lescarret que le pays défend, malgré tout, malgré tout ça.

M. Yonnet doit être un homme raisonnable et sage, c'est certain. Mais les prix n'ont pas d'importance en définitive.
M. le président, l'an prochain, ayez l'obligeance d'interdire à la banda de jouer pendant l'arrastre des toros. Que les mauvaises traditions montoises restent "au Moun". Nous avons le droit, nous les passionnés, de pouvoir applaudir un toro, de le siffler si bon nous semble ou de faire entendre le silence. Pensez-y !

En rentrant, l'Adour était plus noire, il y a eu de l'orage plus haut, c'est sûr.

22 juin 2006

Tout ce qui brille...


C’est bien connu, tout ce qui brille, n’est pas d'or. Et pour rester à Madrid, prenez par exemple le Teatriz, un ancien théâtre au 15 de la calle Hermosilla. Il a été restauré en 1990 par le génial Philippe Starck qui en a fait un restaurant. Et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est à la hauteur de la réputation du bonhomme. Le resto étant dans le Michelin — tout de même — nous nous y sommes aventurés. Et là : catastrophe. Sans doute un des pires repas que j’ai pu faire. Par contre, n’hésitez pas à y entrer visiter la salle et boire un apéritif au bar. Pour le reste… Vous avez la Trainera pas loin.

19 juin 2006

Le murmure d'hier


José,
Tu n'étais pas là. Je ne t'ai pas vu derrière le burladero, et avec toi manquait un peu d'Andalousie. Un peu trop même. J'étais assis sur du bois doux et sombre, poli par cent ans de fesses basques et de vieux persifleurs aux rides douloureuses.
Ce bois n'est qu'un murmure aujourd'hui, un presque silence de ce que fut jadis ce coin de Pays Basque. L'Oria file toujours et se meurt là-bas, au loin du pont, aspiré par le gris du temple de Santa María. Tolosa murmure son passé comme bouffée par la modernité laide, urbaine et industrielle de cette vallée surnommée la "vallée de l'ETA".
Ils avaient dessiné un grand A, en plein au milieu de ce murmure rustique, un grand A rouge orienté vers le sud, vers toi qui n'étais pas là.
José, tes toros aussi ne sont plus qu'un murmure et l'habit, malheureusement, ne fait plus le moine. Ils étaient mignons tes toros. Armés en pointe, sans une once de graisse, bajitos comme le sont les García Pedrajas. Ils ont une "tronche" étrange tes toros. La tête est courte et leurs yeux sont gonflés par des rides en rond. On dirait des "gremlins".

- "Eso es un tulio!". C'était facile à dire à leur entrée en piste. Pourtant, sous leurs airs de jouets, sous la belle apparence, rien, rien de plus qu'un terrorisme sourd, un quasi nihilisme. Ni cause à défendre, ni éthique, des brutes sans foi ni loi tout au plus.
Murmurent-ils encore d'ailleurs leur grandiose passé ? Certains l'ont bafouillé. Pas de bravoure aux piques, ils tapaient tête en l'air, ils découpaient le vent sans jamais mettre les reins. Ils furent distraits, José, fuyards et assassins. Leur manque de caste et leurs mauvaises manières ne furent pas aidés. Les trois "humbles" du jour furent en tout lamentables. A leur décharge, ce n'est pas le nombre de contrats qu'ils signent qui en fera des figuras. Sánchez Vara, Iker Lara et Iván Fandiño construisirent un néant.
Personne ne s’occupa de les conduire correctement au cheval et dans cet exercice, Iván Fandiño, pourtant le plus abouti des trois, peut faire campagne. Pourtant, les medios étaient plus espacés que de coutume et l’on aurait pu voir des tercios de varas. Il n’en fut rien, au contraire. Ni tes toros, ni ces mauvaises pioches ne surent nous régaler.

Les faenas furent à cette image. Quand la distance s’imposait, la muleta se collait sous le mufle, stupidement, et les couilles narguaient le diamant des pitones. De profil, toujours.
Trois de tes bêtes eussent méritées un sort plus juste mais il était dit que tout irait de travers. A l’ultime, les quelques présents demandèrent une oreille pour se venger d’être venus peut-être. Une oreille pour les tableaux de fin de saison.
Des gaitas, néanmoins, aigües aux quatre vents, accueillaient tes toros. Ils s’en moquaient pas mal ces copies de tulio.
José, ne m’en veux pas d’être aussi dur. J’étais venu voir des tulios, les Isaías y Tulio Vázquez. Je savais que tout n’allait pas bien, que les temps étaient difficiles mais j’ai été déçu.
Ce qui est certain, c’est qu’ils ont tenu dur le combat, sans un pousse de faiblesse. C’est déjà ça de pris.
Ce qui est certain aussi, c’est que je reviendrai voir tes toros dans une arène nostalgique ou un pueblo plein de poussière. Je reviendrai voir tes toros en avril ou en mai, dans les herbes hautes de la finca, et toi au fond, qui marche en sifflant. Je reviendrai à "Los Guaperales" entendre le ciel devenir un cri rauque, un ronflement inquiet quand le combat s’annonce. Personne ne le sait, José, mais sous les fleurs violettes, les cailloux ont des cornes, le toro est partout dans ce bout d’Espagne que Dolores partage.
Je reviendrai enfin voir tes tulios car ils doivent survivre. Ils ne sont peut-être que le murmure d’hier mais le bruit ne s’entend que de milliers de murmures distincts.
Caresse 'Bruto'.

14 juin 2006

Viconographie (II)


Si un fleuve coulait à Vic, je me serais appuyé sur le pont, au-dessus de l’eau claire, j’aurais déplié une paille géante quatre couleurs et j’aurais siphoné le tout d’un trait, d’un souffle, en faisant même du bruit à la fin pour finir et ne pas en laisser, comme les mômes qui agacent leurs parents.
J’avais soif de tout ce qu’on avait bu cette nuit.
Le dimanche matin, c’est "Vic-Fezensec" !
Corrida-concours, "Domingo de Resurección" en Gascogne, sans croix ni couronne d’épines, un dogmatisme heureux de la bravoure et de la caste, seulement, et c'est déjà tant.
Cette corrida-concours ne fut pourtant pas digne de ses sœurs de 2005 et surtout de 2004.
Le choix des encastes était intéressant sur la feuille de match car il permettait aux passionnés d’apprécier le combat de deux pensionnaires Coquilla, chose rare par les temps qui courent. Que nenni !
Rendons tout de même hommage à ces Vicois qui ont résolu aujourd’hui l’abracadabrantesque problème de la langue bleue. Vic et "nulle place ailleurs" !
Selon nos sources, le staff du CTV se fournit désormais du côté du Wyoming, Etats-Unis. Le trajet est plus long mais là, pas de mesquineries moucheronesques.
En troisième position sorti donc un toro annoncé de Valdefresno, venu tout droit du Yellowstone. Toro coquet de surcroît, mise en pli de mariage (carifosco), manucuré comme une héritière andalouse, une vraie laideur à quatre pattes.
« Un bison ! » s’exclamèrent nos voisins, rang 9. 650 kilos (au moins) de viande et deux bananes bien mûres pour arrondir le tout. En 1994, le second Dolores Aguirre Ybarra avait été remplacé par un truc semblable (mais plus haut) de La Cardenilla, un « bison » lui aussi, tout frisotté et tout con, un manso perdido.

Les autres furent présentés correctement, "na' más".
Le Justo Nieto, calcetero, lucero, quoique différent des cousins de Barcial car plus haut et plus fin, entra en piste avec la corne droite totalement escobillée. Ça craint !
Le Valverde était commun et le Zaballos armé large.
Les Coquilla, par Sánchez-Arjona et Sánchez-Fabrés, sont restés inédits. Le premier fut changé par un assez bel exemplaire de Diego Garrido ; le second, asaltillado, ne montra pas grand-chose, à moins que ce ne soit "l'espoir" Iván García qui nous rendit aveugle. Je penche pour la seconde option.

Les Armagnacs d’Eauze, alignés comme dans un bus vertical, sont vêtus de rouge et blanc. Un canotier dit qui ils sont. Devant eux, c’est Mozart qui nous montre sa perruque, un ersatz de Wolfgang, hommage au maître. Ils auraient pu jouer le « Requiem » mais c’eut été trop beau encore en comparaison avec le spectacle dans la fosse. Il y a mille façons de rendre hommage et même un piquero peut être Amadeus, trois minutes dans sa vie.

'Trublión' s’élança comme Wagner aurait lancé ses Walkyries, une furie dévastatrice. Au tapis rossinante. Violent !
El Pimpi remonta ; les gammes étaient faites, lancez les violons. La pique fut énorme, maîtrisée, "a caballo levantado" puis douce et harmonieuse, Mozart niquait Wagner. De la grande musique de bois et de fer.
Ovation de gala, évidemment. La seule de la matinée, la seule méritée d’ailleurs.
Après Mozart, le rock ? Même pas. Le Fundi se contenta d’être là, surtout à son second (mise à mort à la Javier Conde). Un passage par Vic pour les stats. Même en chef de lidia, il ne fut qu’à moitié présent. Ça arrive.
José Ignacio Ramos est un bon tueur. On se passait le mot rangs 9 et 10, ça rassure quand on voit le reste. José Ignacio Ramos tua mal, très mal. Ça arrive.
Iván García est un jeune prometteur. On se passait le mot rangs 9 et 10. Il est blond et pour paraphraser Arthur Rimbaud, « on n’est pas sérieux » quand on est blond et torero. Ça fonctionne mal, c’est comme ça. Iván García fut mauvais, débordé et sans recours. Ça arrive.
« T’as vu, ils ont piqué les serviettes du resto ». Ça y est, le n° 25 ou 26 du rang 10 se réveille. C’est dimanche matin, d’habitude il n’est pas là. "Vic-Fezensec" pour lui aussi mais un peu moins cette année, alors il est là.
Le 26 ou 25 rectifie : « ils ont même embarqué la nappe, plus de respect de nos jours ». Et vertes les serviettes, très vertes et nombreuses à notre gauche, en plein cagnard.
« T’imagine, les mecs ils pensent à venir ici avec déjà l’idée de faire changer les toros, au cas où ». Là, le 26 ou 25 est vraiment outré, ironiquement outré. Ce n'est pas faux finalement, ni cette réflexion ni la demande légitime de personnes passionnées et qui agitent un pañuelo verde.
Rang 9, tendido sol, à gauche le toril, à droite la présidence, au milieu les questions. On serre les paluches devant, derrière, ceux qui ne sont pas abonnés observent le manège.
« C’est quoi ce matin les toros ? »
- Des Espioja.
- Connais pas ! ». Ça rime !

Aux premières chaleurs, la mouche est bienheureuse. Il y a du bovin pour jouer en bande, six morceaux, du choix moyen, mais six morceaux quand même. La mouche est bienheureuse en ce samedi bleu mais son trépas est proche, imminent. Elle furète, alègre, se pose sur un oeil, décolle puis revient. Une mouche quoi. You gonna die... la mouche ! Gobée, happée par la plus grande bouche de ce coin de Gascogne, toujours en alerte, prête au crime. Savalli est enthousiaste, la bouche grande ouverte, trop ouverte. L'enthousiame novilleril est louable, la morgue injustifiée, insupportable.
Un "violín" à son premier fait entrer Padilla dans le callejón. Brindis oblige et les mouches se planquent pour ne pas finir dans ce gouffre de l'autosatisfaction. Padilla, que certains nomment "Palidia" (clin d'oeil), distille ses conseils. Aucune importance, Savalli fait n'importe quoi ou à peu près. Peu centré, jamais croisé, ramené sans cesse en querencia, il se leurre et leurre le public qui tape des mains comme à Guignol. Effarant ! 2 novillos, 3 oreilles, 500 mouches portées disparues.

Benjamín Gómez était là. Ah bon ? Tu l'as vu où ?
Et Esteve ? Bof, ma foi, il resta en retrait, pas dérangeant pour deux sous, ni pour Savalli "bocabierta", ni pour son second novillo relativement noble et collaborateur.
Une matinée de toros pépère, comme on en voit souvent. Une "ballade des gens heureux" qui n'en finissent pas d'applaudir tout et son contraire et surtout son contraire. Pas une pique en place, des cariocas de gala et tout le monde il est content. Et ces novillos, mon cher, ne les méritaient-ils pas tous ses claquements de mains ? Ah ma bonne dame !
Rafael Da Silva quitte le ruedo, castoreño en main, la plaza est droite comme un i, le point c'est le soleil.

'Velonero' observe quelque part, à l'ombre. Qui le regarde là ? Il doit être écoeuré. C'est l'autre qu'on encense. Pourtant, pourtant, pourtant.
La première fois, il a dézingué le Da Silva d'un pet, juste du bout de la corne gauche. Et vlan ! La fois d'après, il a poussé bien droit, la tête fixe longtemps, très longtemps, comme 'Garapito'. L'autre, il lui a collé la pyramide bien dans l'épaule gauche, là où il ne faut pas. On ne peut pas dire qu'il n'avait pas le loisir de rectifier le Da Silva vu la distance si courte de la mise en suerte. Bravo la cuadrilla. Oui, il doit être écoeuré et pas qu'un peu même. La troisième fois, il a fallu que ça gronde pour qu'il y ait une troisième fois. Stupide présidence. Heureusement, Encabo avait compris le bruyant mais juste message. Troisième fois donc. Mieux que les autres encore, droit vers devant, les yeux dans les "oeillets", pas à pas, sûrement. La plaza comme un i, le point c'est le soleil. Et dans l'épaule !
Stupide présidence, l'arme devait être retournée.
Rafael Da Silva quitte le ruedo, bon cavalier, piètre viseur. La plaza comme un i. Le reste, je m'en fous. 'Velonero' fut bon, brave et encasté (même avec sa charge la plupart du temps à mi-hauteur). Padilla et ses padillesqueries habituelles, Lescarret dépassé et ces Charro de LLen dépareillés, grands et sans réel trapío. Le reste, je m'en fous, sincèrement. Merci 'Velonero' !
De Vic vers les Landes, le soir après la corrida, la lumière rouge orange fuit vers les Pyrénées encore blanches. Le Gers est beau, "hil de pute". On reviendra l'an prochain parce que 2006 ne pouvait pas être 2004 et n'est pas 2007. C'est aussi simple que cela les toros, une évidente incertitude et puis... le Gers est beau, "hil de pute".

13 juin 2006

Mondovino


Si je vous en parle maintenant c’est que la chose est sortie depuis quelques temps déjà en DVD et qu’elle est tout bonnement savoureuse. Que l’on soit amateur de vin ou pas, le documentaire explosif de Jonathan Nossiter sur le monde et surtout sur le business du vin est incontournable. Dès sa sortie en salle, de nombreuses dents, notamment bordelaises, ont grincé très forts et les détracteurs de Nossiter lui ont reproché un parti pris. Et alors ? Voilà enfin quelque chose de politiquement incorrect, d’engagé. Voilà quelqu’un qui dénonce, ose pointer du doigt, se mouille. Mais tout ça n’est pas gratuit. Car malgré quelques aspects inévitablement contestables du film il y a là un véritable travail d’investigation qui donne toute sa force à ce documentaire. Tout est tourné à l’épaule (ça bouge un peu mais c’est sympa) et Nossiter parvient habilement à mettre un grand coup de pied dans la fourmilière. Quel bonheur !
J’ai fais visionner ce film à des amis pas particulièrement sensibles aux plaisir de bacchus mais très aficionados a los toros et donc sensibles aux conflits de civilisations - n’ayons pas peur des mots ! - qui peuvent nous opposer pèle-mêle aux antis, aux anglo-saxons, au mundillo et son fric, et j’en passe. Ils ont adoré. Il n’est donc pas besoin d’être un « psychopathe du verre à pied » pour s’embarquer dans l’aventure que nous propose Nossiter.
Le vigneron italien qui ouvre et termine le documentaire est touchant d’humanité. Le bourguignon Hubert de Montille l’est tout autant. Vous y croiserez un exportateur américain épatant, une caviste italienne charmante, nos Languedociens très terroir… pas forcément les plus représentatifs, mais bon... Vous voyagerez en France bien sur, en Italie, en Amérique, du Nord et du Sud, chez Bobby Parker himself. Tiens, il manque l’Espagne… ou le Portugal…
Et puis il y a évidemment les « méchants » dont la cupidité même pas dissimulée nous donne des scènes absolument hallucinantes et presque incroyables, sans oublier le sens de l’humour du cinéaste. Je vous laisse le découvrir. Du coup, on se prend à rêver d’un Mondotoro tout aussi percutant et impertinent. Mais j’ai bien peur que ça ne soit pas pour demain.

Lien utile : Romanduvin.

10 juin 2006

El Juli et les Victorino (II)


Après la vision de Joaquín Monfil, voici celle de Bastonito.

Je n’ai pas, eu égard à mon âge, connu les vieux escuderocalvos, mais les victorinos des années 70 m’ont été familiers. Je peux témoigner que de part leur trapío et leur comportement ils paraissaient sortis tout droit de l’enfer.
Ces toros, mansos ou braves imposaient toujours aux toreros de se justifier et je ne les ai pas vus fouler un ruedo depuis déjà quelques années.
Hier les alimañas ont resurgi de la nuit des temps, entre foudre, éclairs et coups de tonnerre.
Il y avait une différence cependant avec les anciens victorinos. A ceux d’hier il manquait le poder. Le poder (la puissance, le pouvoir) est fondamental pour qu’un toro puisse exprimer ce qu’il porte en lui, de bon ou de mauvais.
Le victorino d’avant recevait quatre piques - un peu plus grandes en outre que celles d’aujourd’hui - et poursuivait inlassablement les banderilleros et faisait passer un sale quart d’heure au matador au moment de la faena.
Les victorninos d’hier ont reçu une petite pique et picotazo, ils se sont arrêtés aux banderilles et sont restés très courts dans la muleta.
A ceux d’avant, un torero technique, physique et courageux leur coupait les oreilles, ce qui était pratiquement impossible avec ceux d’hier car sans poder ils manquaient de mobilité, se déplaçaient peu.

Les trois matadors se sont justifiés et se la sont jouée hier à Madrid, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont été biens. A eux aussi il leur a manqué du poder, surtout à Encabo malgré sa bonne volonté. Esplá s’en est mieux sorti surtout avec le quatrième auquel il parvint à arracher une demie douzaine de naturelles assez estimables.
El Juli sans être à la hauteur, notamment de son second, a montré qu’il progresse et a fait preuve d’un grand courage.

La corrida n’a pas été mal, non monsieur… et il n’y a pas eu d’oreilles !
D'après Bastonito

El Juli et les victorinos


En ce final de mini-féria madrilène du 75ème anniversaire, je vous propose un extrait de la chronique de Joaquín Monfil en ligne et en VO sur le web opinionytoros concernant à la corrida de Victorino Martín lidiée le 9 juin 2006 par El Juli.
DESDE EL 7
Aujourd’hui Victorino a démontré une nouvelle fois qu’il est au-delà du reste des ganaderos bien que son neveu s’en approche chaque jour un peu plus. Parfaitement présentés, avec des cornes offensives quoique sans exagération et avec le comportement de la caste et la sensation du danger que devrait toujours avoir le toro de combat. Mais à la différence des années passées on constate chaque fois un peu moins de force, de poder et de sauvagerie. Ce sera la modernité. Il y en a même eu un qui a sauté au callejón (jamais vu chez Victorino) et un autre qui fut sur le point d’y parvenir.
Malgré tout, durs, difficiles, coriaces, en se retournant comme des chats à la moindre occasion, et certains comme le second chargeant directement l’homme en ne faisant aucun cas des leurres. En définitive ils ont demandé aux toreros leur carnet de professionnels. Et les trois, chacun dans leur style, ont fait face aux difficultés, en quittant la plaza sur leurs pieds, sains et saufs. Il est certain que les spécialistes d’il y a quelques années, comme Ruiz Miguel, Manili o Dámaso auraient peut être pu ouvrir la grande porte mais il est certain que les toreros ont aujourd’hui la vie plus facile et s’adapte aux facilités que leurs offrent la majorité des élevages actuels.
La majorité des victorinos d’aujourd’hui étaient des alimañas pour les toreros. Les spécialistes des années passées les auraient sans doute mangé « con patatas ».
Ceci dit, en cette après-midi pluvieuse, personne n’a protesté, personne ne s’est ennuyé. Les seuls qui sont partis tristes sont les « orejistas » et peut-être les organisateurs car ils n’ont pu améliorer les statistiques…
… El Juli tenait la dernière occasion de triompher sur sa terre. Mais bien qu’on ne puisse pas dire qu’il a été franchement mal, nous pensons qu’habitué aux « chochones » (douceurs) qu’il torée chaque jour, choisis avec le plus grand soin par le clan que dirige Roberto Domínguez, aujourd’hui il a croisé des toros qui en étaient de véritables et on a pu se rendre compte de son manque d’habitude.
Il a fait l’effort, y a mis sa meilleure volonté, ce dont nous lui sommes gré, mais il y avait trop de corrida pour lui. Et bien que quelques « claveleros » (spectateurs snobs de l’ombre) s’entêtaient à l’acclamer, immédiatement arrivaient les accrochages de muleta, les peurs, les erreurs de placement et sa méconnaissance des terrains et des distances, caractéristiques sans importance avec la majorité des toros-poubelle qu’il tue chaque jour mais fondamentales lorsqu’on se trouve face aux encastés victorinos, fussent-ils faibles.
En résumé une corrida digne pour ce final de mini-féria qui ne fera cependant pas oublier le désastre des jours précédents.
Joaquín Monfil

Les photographies sont de Juan Pelegrín.

08 juin 2006

NODO


J’étais bien décidé aujourd’hui à vous traduire les écrits de Bastonito sur la très madrilène corrida de la bienfaisance qui s’est donnée le mercredi 7 juin 2006. Avec un élevage de Jandilla plus piquant que jamais, les cojones et le temple de Castella, le professionnalisme et le pundonor de Rincón, l’extraordinaire main gauche du Cid, il y avait de quoi saliver. Une fois n’est pas coutume, je me suis même planté devant mon petit écran à las siete en punto de la tarde. Las... Le fracaso fut total, le néant. Je ne vous traduirai donc pas les écrits de Bastonito. Inutile de s’appesantir.
Je vais tout de même vous parler de Madrid. Il n’y a pas de raison. Et les toros ayant fracassé, c’est sur la gastronomie que nous allons nous rabattre. L’intérêt de Madrid c’est que même si la course est mauvaise il y a ensuite de multiples endroits à écumer pour passer la nuit. Madrid est une fête, mais Madrid n’a pas la richesse gastronomique de la Catalogne ou du Pays Basque. Ceci étant on peut tout de même s’y régaler. Il y a bien entendu les classiques, traditionnels, que vous devez connaître. Mais il y a aussi, par exemple, le NODO, au 150 de la calle Velázquez, qui propose un subtil mélange de cuisine japonaise et méditerranéenne. Ça n’a évidemment rien de castizo. N’allez pas y chercher des callos ou du cocido. Mais le lieu et l’assiette valent indéniablement le déplacement. Un des plats incontournables du chef Alberto Chicote est le tataki de atun con ajo blanco. Il s’agit de thon à peine passé à la plancha, donc cru, mariné à la japonaise et servi en tranches fines accompagnées d’une mousseline d’ail et amandes montée à l’huile d’olive et d’une sauce sambaizu. Superbe, quoique pas forcément du goût de tout le monde. Une amie à qui je croyais faire plaisir n’a pas apprécié, et n’a pu finir son plat. Les goûts et les couleurs... Et si vous n’avez pas l’occasion d’aller à Madrid chez NODO en voici la recette, à l’évidence réalisable à la maison.

Et maintenant Coluche


Après le clin d’œil à Gérard Majax, c’est maintenant au regretté Coluche que le président de la CTEM nîmoise vient de rendre hommage. Jugez plutôt ses déclarations faites au Midi Libre du 1er juin dernier où sont exposés les tenants et aboutissants d’un nouveau protocole de saisie des cornes. Si rien ne filtre sur le protocole lui-même, il est vrai que l’on comprend mieux à la vue de ces quelques déclarations les intentions de la CTEM nîmoise : « La philosophie est d’inverser la tendance. On veut montrer, en continuant de saisir deux paires de cornes par corrida que la majeure partie des analyses sont négatives, donc que les toros ne sont pas afeités et non pas systématiquement mettre en avant les prélèvements positifs qui, s’ils existent, sont quand même moins nombreux. »
Oui, vous avez bien lu... Autrement dit, nous allons parler des trains qui arrivent à l’heure... Les autres... Un peu comme si les contrôles anti-dopages des sportifs étaient fait pour glorifier les champions honnêtes et jeter un voile pudique sur les autres.
Et le président de préciser : « Nous, nous souhaitons faire une progression dans la sanction, du classement sans suite à la recommandation d’interdiction de tel ou tel élevage, en passant par un blâme écrit à l’éleveur. »
On serait tenté de préciser qu’après 10 avertissements l’éleveur aura un blâme et après 10 blâmes... C’est facile, mais tellement vrai et renversant qu’il vaut mieux en rire.
Quant à la ligne éditoriale du quotidien local, il y a, là aussi, de quoi s’esclaffer et poser, cette fois-ci, sérieusement la question : y a-t-il un journaliste à Midi Libre ? En effet, après les déclarations du président de la CTEM nîmoise sur les résultats des analyse de cornes (voir post « Gérard Majax), le président de l’Association Nationale des Aficicionados, Laurent Giner, a pris contact avec le journal afin de s’en faire ouvrir les colonnes et pouvoir rectifier quelques contrevérités grossières. Résultat : rien, aucune publication, aucune possibilité d’exposer au grand public la réalité des faits et des analyses.
Il y a même plus grave, il n’est venu à l’esprit d’aucun gratte papier de creuser le sujet pour essayer de comprendre, appeler les vétérinaires pour leur demander des explications et éventuellement informer les lecteurs. On semble préférer se contenter d’avaliser les déclarations des politiques locaux.
Tout aussi ahurissant, lors de la corrida de Palha combattue à Nîmes le 1er juin dernier les membres de l’ANDA ont déployé en signe de protestation la banderole « Nîmes légalise l’afeitado ». André Viard dans Terres taurines, La Provence en seconde page ou Zocato ont relaté l’événement. Cela paraît être la moindre des choses lorsque l’on a pour profession l’information. A l’inverse, et comme de bien entendu, pas une ligne ni un mot et encore mois une photo dans le quotidien local.
Si à cette conception très particulière de l’information nous ajoutons le contenu des pseudos critiques des corridas faites dans notre quotidien local, se pose alors cruellement le problème de la « déséducation » du grand public qui le lendemain d’une course n’a rien d'autre à se mettre sous la dent que les commentaires pour le moins courtois dudit canard. Et là, il y a plutôt de quoi grincer des dents que rigoler. Mais c’est ainsi, et rien sans doute n’inversera jamais la tendance.

07 juin 2006

Tarde de fracaso


Madrid - 6 juin 2006 - José Antonio Morante de la Puebla n’a pas sauvé l’après midi comme j’ai déjà pu le lire ici ou là. A ce niveau de fracaso il n’y avait plus de sauvetage possible. Et en outre la faena au cinquième fut soignée mais quelconque, avec quelques naturelles estimables mais la majorité mauvaises et "hacia fuera" comme celle de la photo.
La pétition fut minoritaire. Cependant... ¡ay!, et comme cela commence à être la mode, l’oreille a été demandée par un occupant de la loge royale occupée hier par les Duques de Lugo et leurs invités qui auraient dû s’abstenir de toute manifestation.
De fait le fonctionnaire de police don César Gómez a donné l’oreille à Morante qui a fait la vuelta lentement et sous les protestations.
D’après Bastonito

06 juin 2006

Viconographie (I)


Tous les cabots de Gascogne ont dû répondre en chœur, hurler de concert ce lundi 5 juin 2006. 'Garivacío', petite chose negra de Paco Galache de Hernandinos, s’affale comme « Caruso », le labrador paralytique d’un « Air de Famille » et la bronca rugit. On est à Vic !
- « Alors, hier soir ? demande le n° 25 ou 26 du rang 10 à son pote, le n° 26 ou 25.
- Chou blanc, encore. Ça fait 3 soirs, trois soirs chou blanc !
- Remarque, c’est comme ça depuis quatre ans. »


- « C’est le train arrière, ce toro a le train arrière pété » affirme, sûr de son jugement, un du rang 9. Il suit ce qui se passe en bas.
- « Ben nous au moins, on s’est pas cassé le train arrière hier soir ».
Fou rire !

On doit être les seuls pimpins à se bidonner franchement dans ce bordel de la colère. Le président ne changera pas 'Garivacio'. Sait-on jamais, si tout le lot était comme lui. C’est à peu de choses près ce qui se passa pourtant.
'Garivacio' est mort, l’oreille est majoritairement demandée. Ionesco est Vicois ! Le président hautain.
'Panero', le cinquième de la tarde, attend. Manuel Jesús 'El Cid' boit tranquillement derrière un burladero, de la main droite. 'Panero' attend, tête haute, à droite du buveur.
'Panero' démarre. C’est Manuel qui l’attend, maintenant, pour le doubler, à droite. La tête est dans le leurre, la main droite dirige, oblige, conduit puis... disparaît. Le rouge avance seul, le sable ne sent rien qu’un murmure de vent ; pas un bruit, pas un rire, chut... et chante la main gauche.
Le reste ne fut qu'hurlements et léthargie. Chaque génuflexion des pensionnaires de Galache était ponctuée par le cri sourd d'un spectateur, comme ces klaxons des années 1920. Vic était fatiguée, écœurée. Sous la chaleur, on transpirait Salamanque, des grosses gouttes d'une maladie bleue, stupide et bureaucratique. Ya basta, le "chou blanc" qu'ils disaient.
A dire vrai, déjà dimanche, l'orage qui gonflait au loin sur les Pyrénées était prêt à se vider sur le rond vicois.
Une gitane charra nous a balancé 6 choses noires en pleine Gascogne, six choses sans trapío. Santa Coloma, c'est pas toujours très costaud, le prototype racial comme il est de bon ton de dire aujourd'hui, n'offre pas de grandes carcasses. Même le côté ibarreño de la famille, pourtant plus imposant. Les organisateurs devaient avoir des crottes de mouches dans les yeux au campo. Nanisme du pitón, musculature en berne, du "chou blanc" de toro.
Ferrera, López Cháves, Vilches étaient là, semble-t-il. A l'ombre, tout en haut, dans la partie moderne, la sieste s'immisce plus insidieusement, les agapes de la veille se distillent gentiment. J'ai roupillé, c'est sûr. Evidemment, ça n'a pas duré tout le temps.
Les applaudissements de l'étrange public vicois m'ont rappelé que Ferrera posait encore les banderilles. Le visage tordu par une rage quasi tellurique, le corps cambré à en péter, Antonio court dans tous les sens, esquive le cornu qui de toute façon n'a pas envie de le charger, et plante tout en puissance, comme un bûcheron basque. Et ça applaudit, ça applaudit, certains même se pâment, se lèvent. Ferrera a inventé le toro trampoline et ça plaît... Le cul à Teruel, la tête à Badajoz. Bref, j'étais réveillé mais pas content.
Arriva López Cháves, et... le sommeil. Je ne sais pas si j'ai rêvé mais des cris aigus m'ont à nouveau dérangé. Vilches paraissait agacé par la mule qui tournait à ses côtés. Il se mit à crier, vociférer pour attirer son attention. C'était valeureux mais trop tard. Trois, quatre passes plus tard il fallait s'en aller, quitter ce lit de béton, ces draps de chaleur et d'ennui.

Vic n'était qu'un "chou blanc", avec un foulard rouge.

01 juin 2006

"Même pas devant le portail"

Voilà une photographie bien étrange.
Un homme et un toro me direz-vous. Certes, mais surtout un homme caressant un toro de lidia. Et pas n'importe quel bestiau figurez-vous, un miura!
Cet homme était le mayoral de la ganadería à l'époque de la photographie, c'est-à-dire en 1923.
La scène est commentée de la façon suivante par l'immense Luis Fernández Salcedo dans un petit ouvrage fort intéressant, El toro Bravo : " Pour démontrer que le toro bravo est un animal naturellement pacifique, nous pouvons citer le cas de ce toro de Miura ('Judio', n°84, couru à Bilbao en août 1923), qui, après avoir été châtié par ses congénères, vint trouver refuge auprès du mayoral, le célèbre Miguel 'El Niño', se laissant caresser pour la première fois et qui s'avéra ensuite très bon lors de la lidia."
Le toro de lidia est-il réellement pacifique ou 'Judio' fut-il une des exceptions qui confirment la règle ? Je ne sais pas personnellement quelle version je préfère croire.
Les toros blessés par leurs congénères sont-ils de meilleurs combattants que les autres ? Il n'y a évidemment pas de règle en ce qui concerne la "psychologie" d'un tel animal mais l'interrogation est louable.
Evoquant la mémoire de 'Bombito' avec l'actuel mayoral des miuras, Manolo García, celui-ci m'expliquait que ce toro avait été encorné quelques semaines avant d'être embarqué pour les Sanfermines de 1999. Pendant deux jours, il avait cru perdre cette magnifique bête mais, la caste aidant peut-être, 'Bombito' se "refit une patate", lentement mais sûrement. Il alla à Pamplona !
Ceux qui assistèrent à la course se souviennent encore de la pique d'environ 10 minutes (certes proche du toril) et de la pelea encastée qu'il livra ensuite face à Juan José Padilla qui lança pour l'occasion sa carrière.
Les toros reconnaissent-ils parmi eux les futurs grands de l'arène ? Ont-ils cet instinct là ?
Parfois, pourtant, l'histoire n'est pas aussi belle. Manolo García évoqua aussi un frère de 'Bombito' (le même selon lui mais avec plus de cornes encore !) qui fut exécuté une nuit, dans l'anonymat et le silence des coups de cornes. Cosas de toros.
Voyant ce Miguel 'El Niño' caressant placidement le morrillo de 'Judio', revient à ma mémoire cette sentence de Curro Romero à qui l'on demandait ce qu'il pensait des miuras (ou quelque chose comme ça) et qui répondit qu'il "ne passerait même pas devant le portail" de la finca. A chacun ses caresses.

Cosas de toros
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El Toro Bravo, Luis Fernández Salcedo, Sección de publicaciones, prensa y propaganda del ministerio de agricultura.