31 août 2010

Zalduendo, Bilbao, zéro...


N'est pas Durand qui veut et écrire sur rien n'est pas à la portée du premier Tendido69 venu. Je pourrais passer le temps en parlant du Guggenheim, d'Anish Kapoor, de son canon à peinture rouge, ses excréments en béton ou ses miroirs déformants où les filles de Pepina passeraient des heures à s'élaborer des migraines. Ou bien dire qu'au-delà de Zabalburu et de la voie ferrée, la Calle de Las Cortes de l'autre côté était jalonnée de putes immigrées mais ponctuée par mon hôtel. Je dois avouer qu'aux heures indues de mes retours, je l'empruntais, mon ébriété à l'abri d'un taxi.
Je repasserai pour la frime.
La corrida de Zalduendo a commencé dans le rose confort imaginaire et ouaté d'une poitrine gonflée d'injures, et la vigueur d'un doigt dressé. Elle a fini la tête lourde de lassitude. Entre les deux, rien que trois gouttes pour faire basque et un peu de volonté d'emballer le sprint final de la part de Manzanita. Nouveau rendez-vous manqué avec ces figures que je vois rarement.

>>> Quelques clichés vous attendent sur le site, rubrique RUEDOS.

Photographie © Frédéric 'Tendido69' Bartholin

Salut Chulo !


Un nouveau blog vient de naître des mains d'un aficionado de Dax, commentateur régulier de Campos y Ruedos, El Chulo.

Bienvenue et enhorabuena Chulo !

Le blog du Chulo : Adios Chulo !.

30 août 2010

Coureur d'encierro


Cette photographie, à l'image de la précédente, aurait pu être « sans paroles ». Sauf qu'en la voyant, un papier de TOROS a jailli de ma mémoire — il ne restait plus qu'à mettre la main dessus.
Trois coureurs invités par un club taurin, et Miguel Darrieumerlou qui prend des notes pour la « vieille dame ». Les propos recueillis respirent l'intelligence et l'afición. Voici quelques courts extraits :


« L'encierro va se passer, avec tout son rite de bonheurs et de frustrations possibles et, à la fin de l'encierro, l'événement majeur c'est de nous retrouver, comme nous ne courons pas tous au même endroit, ni sur la même distance ; il y a d'abord une quête de l'un et de l'autre. Le groupe se recompose, ça va mieux, tout le monde est là, il n'y a pas eu de blessés... »

« [Le regard des autres] peut être parfois dubitatif, moqueur, mesquin... peu importe. Il n'y a pas d'un côté les très bons coureurs et d'un autre les mauvais coureurs. À partir du moment où un homme s'est mis sur le parcours, où un homme a décidé de ne pas s'échapper, il est coureur d'encierros. Après, il fait en fonction de ses capacités, physiques et psychologiques. »

« Bien sûr, implicitement on a envie, lorsqu'on s'apprête à courir, de faire quelque chose de fort, de grandiose. Paradoxalement, l'homme qui a été très fort pendant la course tente souvent de disparaître rapidement, d'être le plus discret possible, le plus humble, presque anonyme. [...] Si les autres l'ont vu, cela suffit à sa quête, à sa réalisation. »

>>> Miguel Darrieumerlou, « À propos de Pamplona. L'Association française des coureurs d'encierro ou l'art de courir pour l'art ! », revue TOROS n° 1631, 6 juillet 2000, p. 1-3. Merci Vincent !

Image © Laurent Larrieu

29 août 2010

Photographie sans paroles (XXXVI)


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Retour d'argentique


Ce n’est pas pareil. Ce n’est pas que l’un soit mieux que l’autre, ou que l’autre soit pire. C’est juste différent. La photographie argentique est différente de celle numérique, mais vraiment. Pourtant cette dernière a fait de réels progrès. Sans doute même a-t-elle supplanté la photographie argentique dans la possibilité de réaliser des agrandissements encore plus grands.
La différence n’est pas là. La photographie argentique offre ce volume, cette matière, cette chaleur qui sont encore étrangers à la photographie numérique malgré des possibilités au post traitement de plus en plus précises et pointues.
La photographie argentique, en noir et blanc, est comme un vin arrivé à maturité, apaisé de la fougue de sa jeunesse ; un vin dont l’ampleur s’est révélée avec le temps.
Bien sûr, pour travailler en argentique, en noir et blanc qui plus est, il faut maîtriser sa chimie, avoir un minimum de connaissances et beaucoup de temps.
Les connaissances s’acquièrent. Pour le temps, à l’heure de l’ADSL, du fast-food et du "fast tout", c’est plus délicat. Heureusement il demeure des artisans, des amoureux de métiers presque disparus. Alors si vous avez envie de vous lancer dans l'argentique, voir ce que ça fait — des sensations nouvelles —, une seule adresse, celle d’Aurélien Le Duc. Aurélien connaît les couples révélateur/pellicules comme d’autres connaissent les encastes. Car l’argentique ne supporte pas la médiocrité ou l’approximation. Inutile de vous dire que dans le contexte actuel Aurélien est vraiment une perle rare, un luxe qui nous permet aujourd’hui encore de goûter en toute tranquillité d’esprit, et sans y passer nos nuits, à l’émotion du film argentique.

Pour illustrer ce post, une photographie évidemment argentique : Joaquín Moreno de Silva avec Madame, en barrera, à Parentis, il y a quelques semaines.

joaquin_moreno_de_silva

28 août 2010

¡Tomate!


Bilbao, 24 août 2010. Corrida de toros de La Reina (le 1er) et El Tajo (les cinq autres) pour Morante de la Puebla, Sébastien Castella et Leandro (remplaçant Cayetano blessé).

André Breton qui était normand a écrit ou dit que le surréalisme était un "automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit de tout autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale". Reconnaissons que même normand, André Breton n’était pas une pomme en matière de surréalisme. Et puis ça fait toujours bien de citer Breton, la moitié voire les trois quarts d’entre nous ne pipent mot de ce qu’il a écrit ou dit mais ça en jette d’écrire : "André Breton a écrit ou dit..." Nonobstant (ça aussi ça en jette), André Breton a quand même écrit ou dit ce qui précède et même si nous n’y comprenons rien, il convient de prendre très au sérieux ce qu’a écrit ou dit André Breton. Parce que des fois, ce qu’il a écrit ou dit existe. C’est du vrai de tous les jours, de la bonne réalité pressée comme un jus de nos vies quotidiennes, et surtout des leurs. Oui, ce qu’a écrit ou dit André Breton existe... Prenons au hasard une dizaine de personnes qui ne se connaissent pas, qui ne se ressemblent pas, des hommes, des femmes, jeunes, vieux, fumeurs, non fumeurs... surtout fumeurs, laids, beaux... surtout laids et asseyons-les sur les gradins des arènes de Bilbao par une grise journée de la fin août. Observons maintenant l’extraordinaire puissance de la corrida sur ces "automatismes psychiques purs" rendus, pour l’occasion, à leur plein rendement par l’heureux truchement d’une consommation "absente de tout contrôle exercé par la raison" de substances liquides avec ou sans bulles, ça dépend, mais sans eau, ça c’est sûr.
17h55.
Œil droit bleu, mort et voilé. Un ami à sa gauche. Moustache à la mode gauloise jaunie par soixante ans de fréquentation abusive de gitanes.
— Vous êtes Français ?
— Oui.
— Ah, vous êtes venu voir Castella !
— Euh... non, pas spécialement. Je suis plutôt venu voir les toros, et question toreros Morante est plus à mon goût que la tauromachie de Castella.
— Bieeen. Vous allez voir, il va être bon votre Français. Vous serez content d’avoir fait la route spécialement pour le voir !
— ...
18h05.
Un toro negro de La Reina en piste. Ils sont derrière. Ils sont deux. Ils marchent ensemble. Une paire de chaussons. Ils se répondent. Des charentaises. Ils se répondent encore. A voix haute. Très haute. Sans micro. La trentaine légèrement entamée, le teint gris, le cheveu gris, la veste grise. Celui de gauche aspire un puro XXL qui devrait lui tenir toute la féria. Son nez soutient avec difficulté des lunettes de l’espace, triple foyer XXXXLLL, son œil droit tire vers le toril, le gauche zieute les piques en même temps. Son pote, celui de droite donc, utilise une panse king size pour reposer les bras. Seuls les yeux bougent dans ce magma tassé comme une religieuse (le gâteau).
¡Cambio!
¡Vaya becerro! ¡Cambio!
¡Vaya toro de Bilbao! Mati (alias Matías González, président des Corridas Generales de Bilbao), ¡vendido!
Le toro noir, armé large mais de trapío indigne en ces lieux, est faiblissime. Soudain, céleste et cristallin, un cri déchire le dépit :
¡Oye Curro Vázquez ! Yo no olvido, yo no perdono, ¡¡¡que lo sepas!!!
Soulagé le gars. Ça devait faire une paie qu’il voulait le lui dire à Curro Vázquez. C’était fait. On se sent mieux après. Il lui en voulait au Curro car c’était lui qui, pour protéger les intérêts et les fesses de son poulain Cayetano, avait imposé ce lot de toros. Et le troisième, on allait voir le troisième. ¡Una cabrita!
18h50.
— Alors, il vous a plu votre Français ?
En vérité, la question n’attendait pas de réponse et le Français (Castella) devait m’avoir plu. Evidence.
— Vous avez eu raison de faire toute cette route pour le voir.
— En vérité, il ne m’a pas plu. Je vous l’ai dit tout à l'heure, je n’aime pas sa tauromachie stéréotypée, je n’aime pas les circulaires, je n’aime pas le cambio de début de faena, je n’aime pas les pechos à répétition et là, je n’ai pas aimé son usage abusif du pico. Par contre, le toro m’a beaucoup intéressé. Pétri de caste, d’alegría et d’intérêt (mais sans réelle bravoure à l'image de la corrida). Un bon toro, vraiment, largement au-dessus du torero.
— Ne vous inquiétez pas, il vous plaira tout à l’heure à son second !
— ...
18h55.
— Allumez la lumière ! On ne voit pas le toro !
— Miaou, miaou...
¡Vaya toro de Bilbao! Curro Vázquez... La lumière, la lumière !
19h20.
Morante ! Silence. Deux naturelles. Une trinchera. Toro soso et sans aucun intérêt si ce n’est le fait de se briser net un pitón contre l’étrier du picador. Malditas fundas de mierda... Morante. Il a recoiffé sa mèche gominée à la mort du toro...
19h50.
— Il n’a pas été bon votre Français !
— C’est le moins que l’on puisse dire.
— J’espère que vous n’êtes pas trop déçu. Faire toute cette route pour le voir faire ça. C’est dommage quand même !
— ...
20h15.
Elles sont deux. La mère, la fille. De profil, ça se voit. Elle n’ont pas dit grand-chose de toute la course. La fille s’est ennuyée, et la mère a fumé son paquet en grommelant parfois son désarroi face au manque de poder et de bravoure du bétail. Le troisième, la "cabrita", l’a particulièrement courroucée. C’est le sixième. Devant elles, légèrement à gauche, un taré a hurlé en fin de faena : "¡No lo mate!" Leandro venait de conclure une faena dans laquelle il avait donné la distance à un bon toro de troisième tiers, franc et noble. Leandro torée peu et est resté en dessous de ce qu’offrait ce toro. Le taré a donc crié "¡No lo mate!" La mère a tiré sur sa clope. La fille a regardé le type, le taré. Elle a souri.
¡Vale! ¡Ha dicho tomate!
Elle a sorti ça par humanisme. Il a dit "tomate". Derrière elles, la rumeur est montée, attisée par les amis de Curro Vázquez. Il a dit "tomate" ! Il a dit "tomate" ! Il a dit "tomate" ! La mère a écrasé le mégot. Son corps a ondulé, à peine. Elle s’est approché de sa fille et lui a lancé, souveraine :
— Amène-moi à la tertulia ! On va aller écouter toutes leurs conneries sur cette corrida !
Dans la presse, dans les tertulias bien coiffées, tous ont déclaré que la course avait été bonne...

>>> Retrouvez les galeries consacrées aux corridas de Joselito et de Victorino Martín sur le site www.camposyruedos.com, rubrique RUEDOS.

Photographies Morante de la Puebla et Sébastien Castella à Bilbao © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

27 août 2010

Sangüesa 2010


De bonnes nouvelles arrivent de la Navarre et de la petite bourgade de Sangüesa. Pour sa féria de San Sebastián 2010, la nouvelle empresa "Toros Valle del Sol" propose une programmation fort intéressante pour les aficionados. Ainsi, le dimanche 12 septembre 2010, ce seront 6 toros de doña Dolores Aguirre Ybarra qui seront lidiés par José Ignacio Ramos, Iván Fandiño et Salvador Cortés, alors que le samedi 18 septembre 2010, il s'agira de 6 toros de Cuadri (ceux qui devaient sortir au mois d'août à Valverde del Camino) opposés à Rafaelillo, Javier Valverde et Juan Bautista. Certains médias espagnols annoncent une corrida de Cebada Gago en lieu et place de celle de Dolores Aguirre, mais tout porte à croire selon l'éleveuse que ce seront bien les astados d'origine Atanasio/La Corte élevés à Constantina qui combattront le 12 septembre 2010. ¡Enhorabuena!

Pour plus d'informations sur la féria de Sangüesa : Sangüesa Digital.

Photographie Un Cuadri qui sortira peut-être à Sangüesa en 2010 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

24 août 2010

A quoi rêve Álvaro Conradi ?


Dans cette énième victoire de l'homme sur la bête, il me semblait qu'on oubliait un point culminant de la mathématique taurine, un détail fondamental pour qui frétille à l'idée de l'alchimie improbable : El Juli venait de s'envoyer goulûment les terribles Santa Coloma de La Quinta, pas moins ! Mais si l'âge m'a passé de contester ce succès pour m'attirer les foudres des candides talibans thermalistes, j'observais toutefois qu'il avait manqué à cette victoire par K.O. en 6 rounds, un poil de virilité dans l'Art de poser le godillot dans l'antre du cornu, exigence burnée mais sine qua non du dominio, à condition que le monstre en question puisse se secouer suffisamment afin d'en balayer l'intrus. C'était, à mon avis, largement le cas. Mais peu importe, nous conviendrons juste qu'il en faudra toujours plus à certains publics pour daigner se gâcher le plaisir d'une victoire à domicile. Qu'il en soit ainsi. Non, non, ma question à moi venait d'ailleurs : où donc était foutu le Santa Coloma des Buendía de ce jour ?

Les "number one" de l'escalafón s'étaient parés de leurs atouts les plus rutilants pour se mesurer à des tíos que l'on pensait forts en gueule et qui furent finalement à peine moins polis que des communiants.
C'est-à-dire que loin d'être des nigauds, qu'on appelle ici et là "modernes", ces bichos avaient toutefois oublié d'être des "hils de pute" increvables, des durs à cuire de ronds de sable, des caïds redresseurs de naseaux, quitte à choper de faux airs de vieux salopards. Même qu'on ne leur en aurait pas voulu.
Où donc avaient-ils balancé ce petit coup de godasse qui vous raye le blaze quand vous clignez hâtivement de la paupière pour une blondasse "plasti-poumonée" de barrera, ce coup de teston qui vous dézingue les molaires pour un derechazo pas bien appuyé, ce "tampon-sanction" qui vous pète en travers pour une naturelle un brin superficielle, et cette déferlante de rage hurlante dans les petos ? Ahhh... la rage hurlante dans les petos... Soupir.

Bref, il manquait cette trouille permanente qu'on déconseille aux femmes enceintes, ce danger pesant auquel on n'invite pas les mamies, cette guerre sans merci où même les braves se félicitent de n'y avoir laissé qu'un bras.

Hasard ou coïncidence ?

Oui, un peu trop bien éduqué, ce Santa Coloma-là, avec le trapío du gendre idéal, en plus. On peut toujours songer à l'erreur de casting, bien entendu, mais il se trouve qu'il y a, depuis peu, un retour suspect de senteur santacolomeña dans les ruedos les plus fleuris, un Santa Coloma que les figuras s'arrachent, telles des mamans devant un tricot soldé à 50 % qui irait bien au petit, un Santa Coloma plus fréquentable que certains Parladé, figurez-vous !

Alors, les questions finissent par débarquer, comme à Omaha Beach : où donc étaient les recalés de l'escalafón résolument collés à ce genre d'après-midis prétendus douloureux ? Et que diable venait faire le gratin du toreo dans ce rendez-vous inespéré ? Y a-t-il une raison pour laquelle El Juli ou José Tomás acceptent soudainement d'affronter les Buendía de La Quinta ou d'Ana Romero, quand il se murmure en même temps qu'ils refusent certains Domecq ou Núñez ? Cela voudrait-il dire qu'il vaut mieux un Buendía d'Ana Romero plutôt qu'un Núñez d'Alcurrucén ? Alors, finalement, faut-il vraiment se réjouir que les figuras souhaitent se cogner quelques santacolomeños bien choisis ?

Curieusement, l'heure n'est pas à l'avalanche de zèle couillu, au dégueulis de pundonor chevaleresque, et la "Légende des Siècles" ne s'écrira pas deux fois. Alors non, je ne crois pas que le mundillo se soit soudainement sensibilisé à la cause taurine, et je ne crois pas à ces effets d'annonce mensongers de l'incroyable rencontre du preux chevalier et de la bête immonde. Cela ne cessera jamais de se négocier à coups d'arrangements de branleurs, de deals foireux, de conditions puantes et autres sales regards de coins de rue sombre. J'ai pourtant espéré, mais le mundillo n'a rien à y gagner, il ne changera donc pas. Nous étions venus voir les Santa Coloma cárdenos d'Álvaro Conradi, ceux-là mêmes qui ont écrit jadis une solide page taurine dans les pinèdes de Roquefort, et nous ne les vîmes pas. Du moins, pas comme on croyait... disons, pas comme on aurait voulu.

L'alchimie brava est une science qui se dose et s'ajuste tous les jours à force de convictions et de sensibilité dans la quête de la Bravoure idéale, de la Caste pure, mais qui s'offre quotidiennement aux sirènes de toutes les facilités. "Je vous mets un peu de ci, si vous m'enlevez un poil de ça", et tout me fait penser qu'il y aura désormais, chez La Quinta comme chez Ana Romero, un Buendía pour Rafaelillo, et un autre pour El Juli. Tout bien refléchi, on en viendrait, dès lors, à prier que celui-ci ne souhaite pas s'en envoyer tous les dimanches après midi, comme on se tape une gaufre au sucre sur la jetée de Capbreton, ou ce Saltillo dénaturé des ruedos festifs du Nouveau Monde. Car, intimement, on préférera toujours la gaucherie "rafaelillesque", devant un tonton râpeux à qui on ne la fait pas, à l'enchanteresse gestuelle du "Juli" face à ce petit toro éduqué auquel on apprend à se servir du couteau à poisson.

Tout est affaire de croyance, de conviction... ou d'interêts, et c'est pour cela que, soucieux, je me demande désormais à quoi rêve Álvaro Conradi ?

Photographie © Jérôme 'El Batacazo' Pradet

23 août 2010

Loin du kitsch, près du cœur ?


Cenicientos, 15 août 2010. 6 toros de Hubert Yonnet pour Iván García, Luis González et David Mora.

N’en doutons plus, l’Afición française, quand il le faut, peut se mobiliser aux moments importants. Nous étions des centaines... peut-être plus... peut-être même vingt réunis dans une même ferveur autour de Françoise et Hubert Yonnet, et fêter ainsi les 150 et UN ans d’existence d'un des plus anciens élevages de toros de la planète. Ce n’était ni à Arles ni à Nîmes ni à Vic ni à Céret. Vive la France nom de Dieu !
Apartado religieux dès qu’un responsable annonça que le vénérable ganadero montait l’escalier pour un dernier salut à ses toros. Apartado somptueux, apartado émouvant. Et puis ce petit colloque avec l’Afición locale qui avait travaillé la déco et l’accueil.
Tous très armés et luxueux, les Yonnet, entre quatre ans et demi et cinq ans et neuf mois, ont raconté la Camargue et le Rhône en 10 puyas absurdes, les puyas de Cenicientos, des puyas d’amateurs frileux ; un toro remplacé par un survivant des Alcurrucén de la veille (mansada encastée) et un toro qui se déglingue la patte en poussant "l’impoussable" sur une piste qui part en croûtes et cratères.
Ajoutez à cela Iván García qui attend la dernière série de muletazos pour comprendre que 'Arlaten' est brave mais pas tendre, et que 'Carabin' est brave mais malin ; ajoutez que Luis González s’est fait bouffer tout cru par l’important cinquième après avoir manqué mourir dix fois lors de la pelea avec le brave, sauvage et bronco second ; ajoutez à cela que David Mora, le plus capable, n’a pas été servi par le sorteo. Ajoutez des cuadrillas prédisposées à réduire les risques et les toros comme on réduit un fond de sauce, et ajoutez enfin que, si cette course était sortie à Vic, elle eût fait a minima égalité avec les Fidel San Román... Vous comprenez maintenant le désappointement de la colonie tricolore à la sortie...

Les gradins vidés, Hubert et Françoise, circonspects, ont vécu le coucher de soleil sur les Gredos avec cette poignée française en exil, nul sachant s’il fallait rire ou pleurer.
En dehors de tout affect, j’ai dit et le redis, j’ai vu pour ma part deux bons et un très bon... toros de La Bélugue.
Le lendemain, sur la route, par là, soirée à El Burgo de Osma, en compagnie de six Palha, de moins de cinq cents kilos, aféités souvent, tous braves et encastés, mal respectés en huit rencontres, négligés par un public approximatif et des toreros limités (José Ignacio Ramos, Sánchez Vara et José María Lázaro). Heureusement, l’endroit est beau, la fête paisible, les espaces infinis, et les embouteillages inexistants dans le Duero.
Mario Tisné

Photographies Les Yonnet chez Pablo Mayoral et dans le ruedo de Cenicientos © JotaC/Camposyruedos.com & Mario Tisné

22 août 2010

Comme le vent sur la pierre


Entrée de CenicientosSamedi 14 août, dans la lumière brûlante, Cenicientos attend.

L'hiver fut rigoureux, bien plus qu'à l'ordinaire. La roche s'est fendue mille fois sous le gel. Le souffle de la sierra a balayé la crête, pétrifié le soleil et glacé les mémoires. Le village, resserré pour endurer les froids, s'est longtemps assoupi dans les rêves fébriles où naissent les légendes. Les vieux ont raconté. Ils ont dit le passé, entretenu la flamme et réveillé les monstres qui peuplent le Tiétar. Ils ont tous invoqué le granit de Guisando, les monolithes sacrés, immuables et puissants, les combats des anciens, la lune et puis le sang. C'est tout leur héritage, le culte de l'aurochs, de la pierre et du vent. C'est aussi leur présent.
Des hommes sont partis. Leurs semelles ont brisé les dernières fleurs de givre. Ils se sont avancés portés par l'illusion d'un printemps vigoureux aux pointes astifinas. Ils ont marché devant, perpétuant le cycle et poursuivant la quête, inexorablement. Ils ont quitté le pueblo pour chercher des toros dignes de leurs ancêtres.
Aujourd'hui comme hier, Cenicientos attend.

Dans la lumière d'août et la cacophonie des foules bigarrées, Cenicientos attend qu'on ouvre enfin les portes. Agglutinés, juchés sur les corrales, accrochés aux rambardes, les paupières mi-closes guettant dans la pénombre, suspendus à l'espoir d'entrevoir un instant cette masse de cuir taillée dans de la chair et forgée dans le feu, les Coruchos attendent. Ils aiment leurs toros, ils les veulent sauvages, farouches, indomptés et patientent une vie pour les apercevoir. C'est seulement après qu'ils lèvent les yeux au ciel en demandant justice pour le pauvre animal. Ils savent la rengaine. Ils la savent par coeur. Aquí hay mucho toro y muy poco torero. Ils lèvent les yeux au ciel pour implorer la Vierge — la leur, pas celle des autres —, la patronne des lieux qui sait ôter les doutes et conjurer les sorts des montagnes de Gredos. Ils lèvent les yeux au ciel vers la Virgen del Roble, se rangent lentement, en rejoignant leurs femmes, les uns derrière les autres, les pieds dans la poussière, écoutant les aînés qui racontent des fables, de belles fariboles qui parlent de batailles, de luttes mémorables, de faenas d'un jour livrées par des belluaires que l'on n'a plus revus. Aquí hay mucho toro y muy poco torero. Parce qu'ils ont la foi, ou par résignation, les Coruchos se rangent en longue procession, entonnent des cantiques et déposent des cierges en priant pour les toros.
Ils prient pour qu'une fois, une fois seulement, la bête ne soit pas offerte en sacrifice, immolée au cheval, coincée contre le peto, terrassée par la pique. Ils prient par lassitude ou par fatalité pour qu'une fois peut-être, une fois seulement, un vaillant cojonudo ose planter son âme au centre de l'arène, un frêle illuminé qui n'aurait que sa peau et viendrait la jouer pour quelques clopinettes dans un patelin paumé des confins madrilènes. Les cuadrillas le savent, à chacun sa rengaine. Mucho toro y muy poco dinero. Il n'y a rien à gagner qu'une gloire éphémère, un mauvais coup de corne et un trou dans le ventre. ¡Pica, picador, pica!

Torerito en CenicientosDans la lumière d'août, Cenicientos attend qu'un gamin d'infortune, une fois seulement, dessine des volutes avec un bout d'étoffe en tournant sur le sable comme le vent sur les pierres...

Il n'y eut que le sable, les toros et le vent.
Cenicientos attend.

Cenicientos, samedi 14 août 2010. 6 toros d'Alcurrucén — 3 Alcurrucén et 3 El Cortijillo pour être précis, le même encaste Núñez extrait du troisième fer de la maison — pour José Ignacio Ramos, José Pacheco 'El Califa' et Fernando Tendero qui prenait l'alternative.

>>> Retrouvez la galerie de cette corrida à la rubrique RUEDOS du site.

Autres liens Le site de Cenicientos & les Toros de Guisando.

Billebahaut (II)


Légende Picadors ayant troqué leurs piques contre des guitares.


Si, à compter d'aujourd'hui et ce jusqu'au 29, vous prévoyez d'aller baguenauder du côté de Bilbao — les corridas qu'on y donne sont encore annoncées avec picadors —, ce serait ballot de ne pas se réveiller suffisamment tôt pour assister à l'apartado. Bilbao se modernise mais Vista Alegre n'a pas bougé, et ses lots, des commandos de six toros triés sur le volet, figurent toujours parmi les plus faits et armés du monde taurin. Aussi, passer une matinée à attendre l'un d'entre eux pour avoir ensuite le privilège de l'admirer, dans le « carré » autour de la fosse, permet de se rappeler que les grands moments de toros se vivent souvent, et de plus en plus fréquemment, à l'écart du ruedo...

>>> L'apartado à Bilbao, quelques repères.

Rappel L'exposition Taurus. Del mito al ritual se poursuit jusqu'au 5 septembre, au Museo de Bellas Artes, du mardi au dimanche de 10h à 20h. Merci Pepina !

Image Daniel Rabel (Paris v. 1578 – 1637), Bagage des Grenadins, Le Ballet royal du Grand Bal de la Douairière de Billebahaut [Bilbao], 1626 / Plume, lavis, encre brune, aquarelle, gouache, rehauts d'argent, rehauts d'or, 28,5 x 44 cm © Paris, Musée du Louvre, Département des arts graphiques, Cabinet des estampes /// Ce dessin illustre la couverture du disque Pierre Guédron, Le Consert des Consorts (Alpha 019, 2002), un des trois CD du Poème Harmonique présents dans le coffret Si tu veux apprendre les pas à danser... Airs & ballets en France avant Lully (Alpha 905, 2005).

21 août 2010

Photographie sans paroles (XXXIV)


Bilbao (I)


Légende Taureau de Dolores Aguirre corrigeant un “taurin” venu s'interposer afin d'empêcher le sang de couler.


Si, à compter de demain et ce jusqu'au 29, vous prévoyez d'aller poser votre derrière dans les coques bleu délavé de Vista Alegre — les corridas qu'on y donne sont encore annoncées avec picadors —, vous pourrez agrémenter votre séjour d'une visite, au Guggenheim et en compagnie de contemporains en shorts l'audioguide rivé à l'oreille, de l'exposition Henri Rousseau — vous savez le Douanier. Après avoir arpenté ce temple de l'art envisagé comme une formidable machine à remplir le tiroir-caisse, vous ne devriez pas manquer de faire une halte devant l'impressionnante série abstraite de neuf tableaux (1963) du peintre américain Cy Twombly, ni de vous « recueillir » dans la vaste salle où trônent les grandes et puissantes toiles des Rothko, Motherwell, Still, De Kooning. Et si par malchance vous ressortiez dépité(e) du chaudron bilbaíno, vous aurez la possibilité rare de requinquer corps et âme dans la surprenante piscine avec terrasse sise sur le toit du tout nouveau AlhóndigaBilbao (transformé par Philippe Starck) et ouverte... jusqu'à 23 heures !

Exposition « Henri Rousseau » au Museo Guggenheim de Bilbao jusqu'au 12 septembre 2010, du lundi au dimanche de 10h à 20h (en août).

Image Tableau non présent dans l'exposition de Bilbao, qui compte tout de même quelques beaux specimens de « jungles » /// Henri Rousseau (1844 – 1910), Eclaireurs attaqués par un tigre, 1904 / Huile sur toile, 120,5 x 162 cm / The Barnes Foundation, Merion, Pennsylvanie / Wikipédia A propos du Tigre (la bête), il sera de nouveau « quinzomadaire », un samedi sur deux, le 3 septembre 2010 (n° 13). Si j'évoque ici cet élégant magazine à rayures, c'est parce que j'y ai puisé l'inspiration, à la rubrique Pointes sèches du « noble vieillard facétieux » Walter Lewino (http://walterlewino.unblog.fr/).

14 août 2010

Parentis 2010... por fin


Après les habituels déboires aoûtiens, en termes plus clairs les vacances des uns et des autres, nous avons enfin réussi à composer les galeries photos de la féria de Parentis-en-Born 2010.

Vous pouvez donc retrouver les galeries des novilladas de Prieto de la Cal et de Moreno de Silva sur le site www.camposyruedos.com, rubrique RUEDOS.

Bonne visite.

Photographie Un Moreno de Silva © Yannick Olivier/Camposyruedos.com

13 août 2010

Une photo...


prise par Juanjo Martín (qui travaille pour l'agence espagnole EFE) et publiée dans El Diario Montañés de Cantabrie fin juillet. Juste une photo.

11 août 2010

Le geste


Oublier le morrillo. Oublier le cheval trop grand. Oublier les rayas. Oublier le lieu. Oublier l’heure. Repères à 0. L’art. La concurrence du monde, de la nature. Peut-être une inspiration de celle-ci. Un geste.
La tauromachie a ses gestes. Ils sont codifiés. Ils sont décryptés. Ils sont attendus. Avancer la jambe, entrer a matar, puntiller, piquer, courir la main, mettre sa montera, se signer, souhaiter bonne chance aux compagnons, saluer, disposer avec soin sa cape derrière soi pour faire une vuelta, accrocher la muleta avec l’épée factice... Des gestes. Des dizaines de gestes répétés, vus et revus. Le cadre.
Et puis il y a le geste. Celui qui n’en est plus tout à fait un. Le geste qui sort du cadre. Celui qui le justifie tout en l’annihilant. L’art. La concurrence du monde, de la nature. C’est un derechazo en apnée de Curro Romero à Madrid face à un Garzón. C’est Morante qui quitte la Maestranza comme porté par l’écho perçant et chaloupé des musiques de la Semaine sainte. C’est El Alcalareño qui cloue à Bilbao une paire de banderilles qu’aucune photographie ne peut saisir, ou alors il ne s’agit que d’un mensonge pur. C’est Fernando Robleño qui se relève à Madrid, le sable sent le sang, le sang coule sur les yeux bleus, la jambe avance vers l’œil contraire, entre deux cornes qui le connaissent déjà, le bras tendu vers devant, il y repart. Le geste. Parfois plus simple. Le geste. C’est ce cavalier dont je ne me rappelle pas le nom. Orthez, 25 juillet 2010. Midi passé. Le cheval blanc s’est échappé d’un tableau de Botero et lui, le piquero vêtu de rouge, arrive tout droit du campo, de là où naissent les toros. Il ne cite pas comme les autres. Il ne lève pas la pique à l’horizontale du sol meuble de la piste en hurlant un mâle "Ehhh ! Toro ! Ehhh !" Il ne crie pas. Il ne bouge presque pas. Il tient sa pique sur l’épaule droite. Comme la tiennent les vaqueros du pays d’où naissent les toros. Il est face au novillo de Saltillo avec la pique qui hésite entre barrera et callejón. Sur l’épaule, comme au campo. Le geste rare. Simple. C’est le campo dans le ruedo. Le travail de tous les jours un dimanche loin de chez soi. Un geste naturel du quotidien. L’art vient de là.

Photographie Le geste © Frédéric 'Tendido69' Bartholin/Camposyruedos.com

Photographie sans paroles (XXXIII)



Photographie Novillo de Moreno de Silva à Parentis © Jérôme 'El Batacazo' Pradet

09 août 2010

Moreno de Silva, suite...

morenosilva

Elle fait parler cette course. Tout le monde n’est pas d’accord. Et c’est heureux. Cela signifie au moins que nous ne sommes déjà plus dans le cadre de la morne norme établie.
En ce qui me concerne, c’est un peu la question de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Le négatif l’emporte-t-il sur le positif ? A moins que ce ne soit le contraire.

Parmi les points positifs, la caste, assez incontestable à mes yeux et éclatante chez le manso déclaré sorti en sixième position. Vive les mansos !
Il y a, d’ailleurs, souvent des mansos avérés chez Moreno de Silva, ce qui ne les empêche pas d’être passionnants, encastés, mobiles, bagarreurs et nobles comme ce sixième. Cela tendrait à faire relativiser le manque de bravoure pure face au picador. Vaste débat sur lequel nous reviendrons plus en profondeur un de ces jours.

Ensuite, que la caste soit bonne ou mauvaise ne me paraît pas une manière réellement pertinente de poser le débat.
Il y a de la caste, de la vraie, qui génère donc du danger, de l’intérêt et de la tension.
Si elle était si mauvaise que cela cette caste, combinée à un genio à ce point supposé, les trois novilleros, inexpérimentés au possible, n’auraient sans doute pas fini la course indemnes. Et ce n’est pas leur faire injure que de le remarquer.
Petite parenthèse pour dire mon refus de jeter la pierre à ces ultramodestes qui, eux, ont accepté de faire le paseo ici, et avec ça dans les chiqueros...

Pour ma part, le point négatif vient du troisième tiers. Il n’y avait pas ce jour-là l’étincelle, la chispa, la mobilité infatigable qu’on leur a vue ailleurs.
Nous avions plutôt affaire à des toracos aux charges pesantes faisant davantage penser à des charges de toros adultes qu’à des novillos.
Evidemment, nous pouvons supputer qu’avec des piques moins meurtrières et des lidias plus adéquates le résultat aurait été plus brillant. Je n’en suis guère convaincu. 'Diano' ou d’autres de ses frères se sont fait briller en grande partie tous seuls, malgré des lidias désastreuses et des piques assassines. De Moreno de Silva, on attend beaucoup depuis quelque temps.

Des qualités, des défauts, un débat sans fin et, pour moi, au final, un intérêt constant.
Voilà qui me fait songer aujourd’hui à une discussion maintenant ancienne que nous avions eu avec Jorge Laverón alors que nous étions sur la route, entre Madrid et Cenicientos, pour y voir une corrida d’Escolar Gil.
Jorge m’avait alors fait part de son inépuisable enthousiasme pour cet encaste : « Tu peux avoir du très noble, du très compliqué, du vicieux, du bon et du mauvais. Ce qu’il y a de bien chez eux, c’est que même avec les mauvais je me régale ! »

Lassitude


Novillada de Moreno de Silva /// Parentis-en-Born /// Dimanche 8 août 2010

Je n'ai ni le temps ni l'envie de m'étendre, encore moins de faire dans la dentelle — que je sache, ce dimanche, personne ne fit vraiment dans la dentelle... De présentation très correcte (à l'exception de l'encornure gacha du 5e et du 6e laid en tous points), « typique », modérément armés et astifinos (aucune corne n'a éclaté il me semble), les novillos qui portaient le O et le M entrelacés du fer de Moreno de Silva ne cessèrent de piétiner celui tracé au centre de la piste. Attentifs à tout et intransigeants sur la propreté, ils passèrent la tarde à faire le ménage. Encastés Saltillo, ils furent les maîtres du ruedo... sans pour autant se révéler « mangeurs d'hommes ». Certes salement piqués (cela faisait longtemps que je n'avais pas vu autant de piques rectifiées) et lidiés par des cuadrillas aux abois, abrutis et tués de fort vilaines manières par des novilleros qui le resteront sans doute et qui peuvent s'estimer heureux d'avoir quitté le rond sans une égratignure (!), la déception vint également des problèmes moteurs et des signes de faiblesse (cf. les piques ?) affichés par certains novillos, ainsi que de leur caste par trop civilisée — seul le manso sixième, insuffisamment piqué malgré une sévère première ration, nous gratifia du spectacle du boxeur qui enchaîne et varie les coups sans temps mort, débordant, asphyxiant et humiliant un adversaire repoussé dans les cordes (aplausos).

PS Il est urgentissime que l'organisation investisse dans un panneau annonçant au minimum les n° et nom des novillos.

Image 'Diano', sur la route je ne pensais qu'à toi. Je t'ai attendu mais tu n'es pas venu © François Bruschet

Photographie sans paroles (XXXII)


Novillo de Moreno de Silva, à Parentis, le dimanche 8 août 2010.

07 août 2010

Moreno de Silva à Parentis, demain...


A Jean-Marc, en souvenir...


Madrid, 18 août 1996, au cœur de l'été, une corrida de 5 toros de Joaquín Moreno de Silva et un remiendo de Carlos Núñez. La chaleur est écrasante et les arènes plus vides que pleines. Au centre de l’immensité, le fragile Luis Parra 'Jerezano' dépose précautionneusement sa montera à ses pieds, se redresse, se cambre et pointe du menton le Saltillo, à l’autre bout, collé aux planches.
Au premier mouvement de la flanelle rouge le toro gris et fin n’hésite pas une seconde. Il s’élance, allègre, vif, et fait l’avion lorsqu’il pense pouvoir attraper la muleta qui se dérobe sous ses cornes astifinas.
Les passes s’enchaînent, la faena se construit rapidement et sans hésitation ; la personnalité et la vivacité du toro l’imposent ainsi. Il ne peut en être autrement, ou c’est le fracaso. Jerezano fait face et se hisse à la hauteur de l’opposant qui semble se faire partenaire. Le moment est précieux, intense, et effrayant pour finir, au moment de l’estocade. La caste n’est jamais innocente. Deux coups de cornes, 15 et 20 centimètres.
La corrida fut très sérieuse de présence et de comportement, très complète, passionnante, mobile et piquante.
La caste vive des Saltillo et la décision de Luis Parra 'Jerezano' nous ont rendu cette après-midi intimiste absolument inoubliable.
Quelques mois plus tard, nous rencontrons l’éleveur dans un bar proche des arènes. Il est évidemment enchanté. Il nous parle d’avenir, de ses projets, de ses envies. Deux corridas, peut-être trois, c’est ce qu’il voudrait faire combattre chaque année et en priorité à Madrid. Car Madrid est pour tout éleveur le centre de la galaxie taurine.

Nous étions tous aux anges, comme des voyageurs égarés dans le désert découvrant sans vraiment s’y attendre une oasis inattendue et prometteuse.
L’oasis ne fut hélas qu’un mirage puisque, très rapidement après cette course mémorable, la vacada de Moreno de Silva fut frappée par la maladie, la tuberculose je crois, et décimée en grande partie.
Désenchantement total de la petite partie de l’Afición concernée par ce genre d’élevage, désespoir on l’imagine chez l’éleveur. Envolés les prévisions et les projets. L’horizon se fit plus que sombre.
Ce que l’Afición ne savait pas c’est que Joaquín Moreno de Silva ne s’était pas découragé. Il puisa dans ses réserves et dans des sangs similaires la force de tout recommencer, presque repartir de zéro.
La résurrection, quasi officielle, eut lieu à Madrid, en 2007 en novillada, et les années suivantes avec trois autres novilladas qui firent beaucoup parler. La caste parle et la caste fait parler.

Madrid, septembre 2008. Le torero retiré André Viard, pourtant absent des arènes ce jour-là, dénoncera sur son site Internet « des novillos faits de mauvaise caste, de genio intoréable, qui avaient mis deux novilleros à l'infirmerie dont le français Camille Juan »
Manipulation de l’histoire car ce fut en réalité un second succès qui valut à l’élevage d’être répété une troisième fois, en 2009.

Nouveau succès pour la troisième comparution, cette fois sans histoire, et Moreno de Silva s’ouvrit ainsi les portes de la San Isidro.

Madrid 2010, Feria de San Isidro.
La novillada sort moins imposante que les années passées mais très encastée, mobile et de comportements très divers, du brave au très manso, mais toujours avec cette caste qui maintient un intérêt majeur et constant.
Fait rarissime, deux novilleros totalement dépassés par cette caste vive, quoique nullement assassine, ne pourront venir à bout de leurs adversaires et écouteront les trois avis fatidiques.
A l’issue de la course, le novillero Paco Chaves, dont j’ai peur que l’histoire ne retienne pas le nom, se laissa aller à déclarer que « de pareils élevages ne devraient même pas exister ».

Madrid, mais aussi la France. Un novillo à Parentis en novillada concours et puis, surtout, l’inoubliable novillada de Carcassonne en 2009, avec 'Diano' en point d’orgue.
Et demain Parentis avec une expectación certaine, une attente que nous ne voudrions pas être déçue. Croisons les doigts.

Image Reseña de Luis García pour © ABC

Yonnet en Cenicientos (II)


C’est parti !

Mercredi matin, de très bonne heure, le camion corrucho de Luis Vedia s’est présenté à La Belugo pour y embarquer les 6 pavos qui le 15 août prochain seront passés au fil de l’épée, à Cenicientos, Valle del Tiétar.

Pour ceux qui comptent faire le voyage, notez bien que la corrida a finalement été programmée le 15 août et non le 14 comme initialement annoncée.

Les matadores de toros chargés de combattre les Yonnet sont Iván García, Luis González et David Mora.

>>> Vous trouverez une galerie de cet embarquement en rubrique RUEDOS du site www.camposyruedos.com.

06 août 2010

Cría cuervos


Cría cuervos, pour le commun des français, c’est probablement le film mythique de Carlos Saura. Le Madrid des années soixante-dix, l'enfance de la petite Ana témoin de la mort de ses parents. Une Espagne encore franquiste. La jeune actrice, Ana Torrent, est depuis devenue une superbe femme (voir photo ci-contre), actrice de profession.

Cría cuervos, c’est évidemment la chanson du film, Porque te vas, entêtante, inoubliable, interpretée par Jeanette.

Cría cuervos, c’est aussi un proverbe espagnol dont personne n’est vraiment capable de vous expliquer une origine qui, dit-on, se perdrait dans la nuit de temps médiévaux.
Cría cuervos y te sacarán los ojos dit le proverbe.
Ce qui peut se traduire par : élève des corbeaux et ils te crèveront les yeux.

Aujourd’hui, s’il y en a un qui doit le méditer ce proverbe, c’est bien Stéphane Fernández Meca qui vient de se faire piquer Alberto Aguilar par un autre rapace, Bernard Domb, plus connu sous le nom de Simon Casas.
Vous aurez remarqué que sur Campos y Ruedos nous n'avons pas pour habitude de commenter ce qui se passe dans les cuisines du mundillo. En fait, nous en avons cure. Mais alors là !

Stéphane Fernández Meca, matador de toros vaillant et retiré, a sorti du rien le petit Alberto.
Il l’a même soutenu une année à blanc, suite à une salle blessure à l’entraînement. Et puis il l’a lancé, pour de bon, pour de vrai. Pas pour rire.
Saint-Martin-de-Crau, Vic-Fezensac, Céret... Un vrai plan de bataille, une vraie ambition, une vraie trajectoire, un vrai projet.
Entre temps, Stéphane Fernández Meca avait eu la mauvaise idée de se présenter à l’adjudication des arènes de Nîmes.

Adjudication. Adjudication n’est pas un proverbe espagnol sorti de la nuit de temps médiévaux. Adjudication n’est pas un terme espagnol barbare. Adjudication est juste une procédure très contemporaine prévue par nos lois très républicaines. Une procédure dont la subtilité républicaine, justement, doit échapper à quelques taurins professionnels comme le sieur Domb.

Alors, pour se venger de l’effronté, le sieur Domb lui pique le petit Alberto dont on peu craindre qu'il finisse par payer l'addition finale.
Cosas de toros comme on dit dans ces cas-là. Oui, mais bon. Minable tout de même. Minable et bien dans l’air du temps taurin actuel, mais quand même.
Quant au petit Alberto, on se dit qu’il doit en avoir moins dans la cabeza que dans la taleguilla. En tout cas on lui souhaite une trajectoire plus glorieuse et surtout plus longue que celle, par exemple, et au hasard, d’un certain Carmelo.
Vous ne connaissez pas ? Normal...

Cría cuervos y te sacarán los ojos... y mi corazón se pone triste contemplando los taurinos...

NDLR Photographies (Google images) d'Ana Torrent aujourd'hui et de Jeanette il y a longtemps...

Pourquoi Saltillo ?


Par le biais de quelques individualités l’encaste Saltillo fait ces dernières années quelques apparitions dans l’actualité. On est encore bien loin des papiers glacés ou des couvertures des revues les plus renommées mais l’encaste fait « un peu » parler de lui, ce qui est déjà pas si mal voire même insoupçonné en se projetant seulement une décennie en arrière.
Cette microrenaissance part d’une bonne novillada de Moreno de Silva à Madrid en 2007. L’année suivante l’élevage est répété et réitère sa prestation. Quelques oreilles à l’affût ne perdent rien de l’affaire et, en 2009, Carcassonne présente une novillada tandis que Parentis place un novillo dans sa novillada-concours. Parentis va enfoncer le clou en proposant ce week-end une novillada complète et Orthez, qui a fondé sa politique taurine sur les encastes minoritaires, a emboîté le pas en présentant il y a quelques jours leurs grands frères, marqués du fer historique de Saltillo. Le résultat fut mauvais et la presse spécialisée ne s’est pas privée de le souligner, profitant de l’occasion pour régler quelques comptes. Mais aucun n’a, à mon sens, abordé la question essentielle : « Pourquoi Saltillo ? » Car ce choix a une logique qui si elle n’est pas expliquée perd tout son sens.

Pour ébaucher une réponse au « Pourquoi Saltillo ? » il faut prendre du recul et faire un bref rappel historique.

Il y a près de trois siècles, les toros vivaient en troupeaux sauvages, la zone géographique déterminant leurs caractéristiques, principalement en fonction du climat et du relief. Puis l’homme prit les choses en mains. L’évolution du taureau de combat cessa alors d’être naturelle pour suivre le sillon de la tauromachie. Une belle diversité fut malgré tout conservée tant les critères définissant un toro sont larges et subjectifs.
Malheureusement, à compter du siècle dernier, les éleveurs se sont enfermés dans des objectifs de sélection étriqués, visant seulement la réussite d’un spectacle trop stéréotypé. Dès lors, le taureau de combat entra irrémédiablement dans l’entonnoir de l’uniformisation. Plus le siècle avançait et plus les toros se ressemblaient. Des diverses castes fondamentales ne restait plus que celle de Vistahermosa et, pire encore, de Vistahermosa ne restait plus visible qu’une de ces ramas : celle de Murube-Ibarra.
Pourtant, à la fin du XIXème siècle, une autre rama de Vistahermosa avait fière allure, qui était l’égal de la rama Murube, voire la dominait : celle de Saltillo. Au cours du XXème siècle, et ce très rapidement, l’encaste Saltillo ne cessa de perdre de l’importance pour devenir de nos jours pratiquement inexistante.

Alors, « Pourquoi Saltillo ? »
Saltillo tout simplement parce qu’il s’agit aujourd’hui de la plus grande source de diversité, du toro de la branche Vistahermosa le plus éloigné du toro actuel. Saltillo parce que choisir Saltillo est un gage de différence et un acte en faveur de sa préservation. Une différence génétique mais aussi une différence de morphologie et de comportement.
Parce que défendre Saltillo c’est aussi défendre l’idée que la corrida ne suit pas un scénario imposé à l’avance. Défendre Saltillo c’est défendre la richesse de la corrida. En bien ou en mal.

Sans masquer la mauvaise prestation des Saltillo d’Orthez, présenter aujourd'hui une course de Saltillo dépasse largement le simple résultat. Il s’agit d’une démarche, d’un symbole.

Evidemment l’encaste Saltillo ne peut se contenter de cette médiocrité mais il a déjà démontré par le passé qu’il pouvait être d'or. Et on ne peut que souhaiter qu’il le confirme dès ce week-end à Parentis, couronnant de lauriers les initiatives de l’ADA et, bien au-delà, justifiant le soutien romantique de toute une Afición !

« Saltillo parce que... » Encore faut-il qu’on l’explique ou qu’on veuille bien vous l’expliquer.

Photographie Novillo de Moreno de Silva © Yannick Olivier/Campos y Ruedos

05 août 2010

Retour vers le futur


Carcassonne, samedi 5 juin 2010.

Les membres de Carcassonne Toros fêtent leur alguazil, Christian Baile, qui frôla la mort, littéralement étripé par un novillo de Miura le dimanche 23 août 2009. A cette occasion, ils lui remettent la peau de la bête qui a bien failli lui ôter la vie.
J’en profite pour étrenner un vieil appareil argentique, manuel, mécanique. Une sorte de retour vers le futur, une immersion dans le monde d’hier.
Je suis accroupi. Dans mon viseur j’ai la peau grise du Miura, largement étalée. On distingue clairement le fer. Au milieu de la peau, quelques trous, le travail du picador.
En haut du cadre, dans le tiers gauche, Marc Teulié, président du club, et Christian Baile.
Nous sommes dans une ruelle très animée, à l’ombre, la lumière est parfaite pour un joli noir et blanc. 36 pauses au compteur, comme au bon vieux temps. 400 asa, j’ouvre à 5.6 et je suis au 5OOème...

Dans mon viseur, la peau grise, le fer de Miura et, en haut, Marc Teulié et Christian Baile. J'ai tout mon temps pour cadrer.

Le président Teulié prend la parole visiblement ému.

Christian...

A ce stade il faut imaginer une voix qui porte et un accent carcassonnais très prononcé. Les « r » roulent, roulent. Je reprends.

Christian, nous nous souvenons tous de cette sale bête qui a voulu de tuer. Tu t’en es sorti. Alors aujourd’hui nous sommes très heureux de t’offrir sa peau. Et désormais, le matin, quand tu te réveilleras, c’est TOI qui lui marcheras dessus !

Clic, clac, je déclenche, fais avancer mon film, sensations vite retrouvées. Je double, je triple les clichés.
Ces instants ont quelque chose d’irréel, inattendu et hors du temps. Je me dis que ça va bien pour de l’argentique.

Quelques semaines plus tard, développement. Cuve, chambre noire, révélateur, fixateur, rinçage.
Film vierge, non exposé, pas une photo. Le type qui m'a cédé la vieille machine à faire des photographies a juste mal accroché le film.
Resteront le souvenir de ce moment et la rage d’avoir déclenché pour rien. Ce n’est pas donné à tout le monde de retourner dans le futur.

NDLR Forcément, la photographie montre une vieille machine, argentique et mécanique.

04 août 2010

L'ange en colère


Mercredi 4 août 2010, 6h05. Je viens de lire l’édito de Terres Taurines.
Je crois que je les ai tous lus et je les ai trouvés souvent malhonnêtes et imbuvables. Celui d’aujourd’hui restera le plus odieux. Ça dégouline d’autoréhabilitation en voulant culpabiliser l’Autre pour s’exonérer de ses propres errements.
Le truc infâme et révisionniste à bon compte. Un vieux pot de confiture jamais essuyé dont on se barbouille les doigts au point de finir par tout virer à la poubelle pour ne plus y penser.
Des années d’autosuffisance pour en arriver à s’auto-absoudre sur le dos des antitaurins, de la Catalogne, des toristas et tout le saint-frusquin, avec l’esthétique, Morante de la Puebla et l’« opuces » 28 en toile de fond.
Aujourd’hui Terres Taurines nous donne le baiser de paix. Et il nous autorise à penser qu’effectivement « le mundillo n’a pas toujours agi au mieux de l’intérêt commun » et nous révèle que nous étions dans une période « spéciale », particulière, de « transition » qui lui permet de pointer nos erreurs et de mettre en valeur son sens politique aigu. Mais il nous pardonne et nous invite à un abrazo général tout en balançant au passage quelques coups de savates (Orthez et Pimpi) car c’est dans sa nature profonde.
« Un jour, quand le recul du temps permettra à chacun de comprendre combien le problème était complexe, nombreux seront sans doute ceux qui regretteront d’avoir mis la charrue avant les bœufs et d’avoir, par leurs critiques souvent trop violentes, contribué à la déstabilisation d’un spectacle en pleine période de transition. »
On croit donc deviner que nous sommes des cons ; mais sutout que l’Inénarrable a besoin de changer son fusil d’épaule.
Le ton était apaisant depuis quelques semaines... Bizarre disait La Brega.
La ligne éditoriale s’infléchirait-elle ?
On est avertis... mais pas surpris ; ça pue et on a le choix : on pouffe ou on étouffe.
Mario Tisné

Photographie prise dans la Collégiale d'Alquézar dans le Haut-Aragon © Mario Tisné

03 août 2010

D'Azpeitia à Santander


...en passant par Bilbao où, si aucun toro n'était annoncé à Vista Alegre, force est de constater que le thème taurin était bien présent, comme dans le reste de toute l'Espagne en ce premier week-end post loi d'abolition de la corrida en Catalogne. Du toro dans les journaux, du toro dans les discussions, du toro dans les menus de restaurants. Et du toro à Azpeitia, du Dolores Aguirre Ybarra bien manso, puissant et compliqué. Un encierro fort intéressant mais bien en dessous du lot sorti une semaine auparavant à Orthez, à l'exception du noble sixième, une estampe de toro. Nous y reviendrons.
Du toro également à Santander mais là, du beaucoup plus suave, du beaucoup moins puissant, du gentil Victorino Martín qui décidement est passé définitivement au décaféiné trop sucré. Inquiétante évolution d'une ganadería pour aficionados. Nous y reviendrons aussi.

>>> Retrouvez les galeries consacrées à ces deux courses sur le site www.camposyruedos.com, rubrique RUEDOS.

02 août 2010

Crève salope !



Oui, je sais, je n'aurais pas dû y aller...


L’été en Espagne. La mer. Le soleil. L’être humain est trop nombreux ! Mets tes tongs, renfile ton short fluo que tu portais hier, digère les churros de 11 heures trente et suinte l’huile des frites achetées à la va-vite au "bar à tapas" du bas de la tour dans laquelle tu oublies un peu ton quotidien de merde ou pas. Les vacances. La mer. Le soleil. L’être humain est trop nombreux. Y’a corrida aujourd’hui. Un truc typiquement d’ici, pas d’ailleurs, pas de chez toi. Des animaux féroces et méchants avec des cornes et des grosses couillasses qui pendent entre les pattes arrières et qui sont combattus par des mecs avec des couillasses aussi, que toi t’as pas, qui bombent par devant ; des gonzes à part qui bouffent pas de churros à 11 heures trente sous le soleil. L’humanité est injuste. Salope !

Tu te tires de là fissa fissa parce que ça va bouchonner pour rentrer à la tour. Les six bestioles sont mortes et peut-être dans deux jours tu les boufferas en daube, après la San Miguel, avant les frites, avant la plage où t’attendent rôtis et vautrés dans leurs huiles des millions d’autres humains trop nombreux. Vie de merde ! Salope ! Tu hais la daube. Ils s’appelaient Marca les bestioles. José Luis Marca. Ils tenaient pas debout. Ils tenaient pas assis. Ils tenaient pas couchés. Tu lui mettrais bien un churro dans le pif au José Luis. Tu savais pas toi que José Luis fabriquait ça ! Tu savais même pas que ça existait... ça ! Si tu le croises le José Luis, tu lui diras de penser à autre chose. Les churros se vendent bien, les frites aussi. La corrida, non ! Celle-là en tout cas, celle de José Luis Marca, non ! Tu te dis que t’y reviendras pas. Tu sais ce que c’est pourtant les bestioles. Ça réagit pas toujours comme on attend. Mais là, c’est plus des animaux. Stop. Les toros sont trop nombreux ou alors pas assez, les vrais s’entend. Au début t’étais content. Ils ont lu un papier écrit par les matadors de toute l’Espagne ancestrale de sa mère à la grand-mère. Un papelard qui disait qu’il fallait défendre la corrida parce qu’en Catalogne, c’était fini, que c’était pas bien et "¡Viva España!" et "¡Viva la Fiesta!" Et t’as crié "¡Viva!" Et t’étais content, comme les autres parce que toi qui y pompais rien, tu te disais que la corrida fallait la défendre par ce que y’en a qu’ici. En Espagne. Pas ailleurs, pas chez toi !

Mais t’y repartiras pas. T’as compris l’embrouille, la grosse ficelle, aussi épaisse et large que Mercedes la voisine gueularde qui usine de 8 heures à minuit au Coca et aux Lay's. T’y repartiras pas les voir les matadors. Veulent survivre ? Qu’ils se battent contre des toros. "¡Marca fuera!" comme ils disent. Elle peut crever leur corrida ! Salope ! Elle a le goût de frites froides. Elle renifle le churro de 15 heures. Elle empeste la San Miguel de fond de chiottes. Crève, salope !


Photographies Toros (quoique le terme ne soit pas bien choisi) de José Luis Marca sortis en piste (nous n'osons pas écrire lidiés) à Santander lors de la catastrophique corrida de la Beneficencia du 1er août 2010 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

01 août 2010

Lluis


Si vous cherchez sur Google le prénom Lluis, vous avez plus de chance de tomber sur Lluis Llach, l’auteur de L'Estaca, que sur Lluis l’anticorrida de Barcelone.
L’anticorrida catalan, Lluis, voilà six ans qu’il bat le pavé devant la Monumental, tous les dimanches, le visage peint en rouge.
Je l’ai évidemment croisé à de multiples reprises, debout sur sa chaise, son immense pancarte tenue à bout de bras. Il était là avant que j'arrive, il y était encore lorsque nous partions.
Il ne m’a jamais invectivé et je n’ai jamais vraiment prêté attention à lui.
En fait, je l’imaginais juste devoir ensuite prendre une douche, pour se décrasser de toute cette peinture. C’est à peu près tout ce qu’il m’inspirait.
Prendre une douche. Comment le prendre au sérieux ?
J’avoue ne pas lui en vouloir, ne pas le détester. Il y a là de la ténacité, du courage même.
Après le vote des politicards catalans, Lluis est un peu devenu une vedette, celui par qui les choses sont arrivées. Son quart d'heure warholien avant de sombrer dans un anonymat définitif.
Il fut interviewé et déclara qu’au début ils n’étaient qu’une vingtaine à militer.
Vingt personnes, pas plus.
Cliquez sur la photo. Barcelone un jour de corrida ordinaire, un jour sans José Tomás. J’ai du mal à en compter plus de neuf.
Pierre Desproges disait que la démocratie est la dictature du plus grand nombre. En l’occurrence, ce n’est même pas le cas. Juste la dictature de la bêtise de quelques politicards catalans. Et n’allez pas penser que chez nous les choses auraient été bien plus reluisantes. C’est juste une question de contexte.
Vingt personnes pas plus. Ça laisse songeur tout de même.
En écrivant ces lignes, je jette un œil sur les portails taurins espagnols.
Burladero.com, dimanche 1er août 2010 : "Barcelone répond en graciant un toro".
Ils n’ont vraiment rien compris...

La Mancha


... vue par notre ami Artamir dont les clichés sont consultables sur sa page Flickr, par là... On clique sur la photo, of course.

Orthez 2010


Me voilà de retour en terre limousine après avoir été privé d'Internet durant une semaine — autant dire privé de tout ! J'ai presque rien lu, j'ai pratiquement pas bu, j'ai beaucoup « manju » et j'ai vu plein de jolies choses...

La bave aux lèvres
Ce dimanche 25 juillet à Orthez, et je ne vous causerai que d'Orthez — vous l'avez échappé belle —, par une matinée agréable, la novillada de Saltillo, diversement quoique fortement présentée (les triplés 2, 3 et 5 : l'avenir de la ganadería ?), plutôt proprement piquée eu égard à des conditions défavorables (présentation susdite, piste trop sableuse et cuadra monolithique) heureusement compensées par le duo « organisation-présidence » (réflexion valant pour la corrida), la novillada, disais-je, fut aussi âpre de comportement que Saltillo est gouleyant en bouche. Je ne passerai pas sous silence l'état inquiétant de certaines cornes après contacts dont M. Viard s'est curieusement délecté de quelques déclics « vengeurs », lui qui ferme si effrontément les yeux partout ailleurs, toute la temporada durant. Je ne passerai pas non plus sous silence, au milieu des tournures ampoulées et autres métaphores éculées, l'empathie démagogique de M. Zocato à l'encontre des novilleros (« Ils pourraient être nos enfants... »1), pourtant opposés à des « guarismo 7 », ou la charge déplacée contre un palco exigeant alors même que l'on ferme là encore les yeux, où que ce soit et à longueur de temps, devant l'absence de critères de tant de présidences aux ordres — auteur d'un valeureux coup d'épée, Javier Herrero fit une vuelta fêtée que vous, M. Zocato, n'avez pas pris la peine de relater dans votre papier ! Enfin, le bizarroïde premier Saltillo (¿sin cojones?) rappelait tellement, dans un autre style, le premier Montesinos de l'an passé qu'il n'est pas totalement absurde de prendre cette attention béarnaise comme... un trait d'humour. Le beau dernier ? Une note d'espoir. Ce n'est pas rien, c'est déjà beaucoup. Le vilain quatrième, rentré vivant aux « corrals » ? Un coup de coude appuyé adressé à JC Rey pour qu'il envisage une reconversion. C'est tout le mal que...

Bouffez-les !
L'après-midi, sous un ciel clément, il y avait de la présence en piste. L'encierro à la devise noire2 de Doña Dolores Aguirre Ybarra, d'âge respectable, de tamaño « moyen-moyen + » et homogène de présentation (seul le colorado ojo de perdiz sorti en 5ème position, plus largo, avait une allure quelque peu différente), musculeux et correctement armé (quelques astillas), fort mal tué à l'exception relative de l'ultime du lot, a été réellement passionnant à voir combattre. Car les Dolores Aguirre se sont comportés en taureaux de combat, livrant bataille de bout en bout, et ce sans relâche3. Regards féroces, queues zébrant l'air en tous sens, charges vives et puissantes, ils ont affronté des hommes dépassés par la caste après s'être esquinté physique et moral contre les blocs de pierre de la carrière El Pimpi. Et dire que nous avons assisté à une vingtaine de rencontres (merci à la présidence — quelques-uns auraient probablement mérité d'être davantage piqués), les premières pratiquement toutes traseras et carioquées (la force de l'habitude) dans une portion du ruedo particulièrement riche en sable... Disons-le sans ambages, dans ces conditions, seuls des toros possédant la force et la combativité de ceux de madame Dolores pouvaient ferrailler face à ces chevaux-chars d'assaut résolument inaptes à un tercio de varas digne de ce nom.

De deux choses l'une : soit El Pimpi arrête sur le champ avant même d'avoir réellement commencé (ce qui, j'en conviens, devrait pousser à davantage de modération) ; soit il refonde illico sa cavalerie en conservant un ou deux chevaux (cf. novillada) et... en bouffant les autres !

Soucieux d'allier l'utile à l'agréable, Camposyruedos propose à El Pimpi et son équipe la recette (facile) d'un plat des plus roboratif ; je veux parler de la bien nommée...

Daube chevaline sur son lit de polenta
pour 4 personnes
Temps de préparation : 20 minutes /// Temps de marinade : 1 journée /// Temps de cuisson : 2 heures.
Ingrédients :
- 800 g de viande chevaline (macreuse, paleron) ;
- une bouteille de vin rouge charpenté (un madiran fera l'affaire) ;
- 6 à 8 baies de genièvre et 2 feuilles de laurier ;
- 2 oignons et 200 g de beurre ;
- de la farine, du sel et
- un paquet de polenta.
Préparation :
- dans une terrine, disposer la viande, verser le vin, ajouter le genièvre écrasé et les oignons (épluchés et émincés) ainsi que les feuilles de laurier ;
- faire mariner une journée au frais en retournant la viande de temps en temps ;
- égoutter la viande, l’essuyer, la rouler dans la farine et la faire revenir dans une cocotte avec le beurre ;
- verser la marinade, saler si besoin, couvrir et faire cuire 2 h à feu doux ;
- préparer la polenta (ah, la cruchade !) en suivant les instructions du paquet ;
- étaler dans l'assiette la polenta bien chaude sous la forme d'une galette et servir la viande découpée en tranches.
Source (améliorée) : http://www.civ-viande.org/10-cheval.html.

1 In « La peur au ventre », Sud Ouest Béarn du lundi 26 juillet 2010.
2 Orphelin du mari de la ganadera, décédé le 3 juillet dernier, ce lot de toros avait troqué la traditionnelle devise bleue et jaune contre une noire.
3 Mots inspirés de ceux trouvés dans le programme de Ceret de Toros 2010 : « Toros ! Toros ! Toros ! Ces animaux sont de combat ! Ils se battent donc jusqu'à leur mort. »

PS1 Après une course compliquée (Saltillo) ou encastée (Aguirre), il n'est pas inutile de faire remarquer que certaines décisions — concession d'une vuelta, octroi ou refus d'une oreille, interruption prématurée d'un second tiers — relèvent de l'anecdote. Ou quand le toro remet tout et chacun à sa place.
PS2 Nous savons à quel point la corrida est un enjeu politique et combien les prix mis en jeu participent de la réussite, notamment de celle du tercio de varas, mais d'aucuns ont attendu que Le Pesqué se vide pour espérer pouvoir lancer un « Merci Dolores ! » à celle que nous ne quittions pas des yeux... Déjà un homme s'avançait micro à la main : c'était l'heure de remettre le Prix Roger-Dumont.

Images © Frédéric 'Tendido69' Bartholin & François Bruschet (au centre)
Un Saltillo Cachez ce cheval que je ne saurais voir ! (Aguirre) Bave, devise, sable et cape dans le vent (idem).