28 décembre 2012

Communiqué de presse… pas banal


Communiqué

« Lors de son assemblée générale annuelle, la Peña Campo Charro de Dax a attribué, à une forte majorité de ses membres, son prix pour la temporada dacquoise 2012 au jeune et prometteur picador Alberto Sandoval.
Le 12 août, à la demande bienvenue et historique de la commission taurine de Dax, et avec l’accord des maestros et des picadors de la tarde, un seul picador s’est présenté en piste cet après-midi-là.
Alberto Sandoval exécuta le tercio de piques devant le 5e toro de la corrida de la ganadería D. José Escolar Gil (‘Milagroso’, n° 28, né en octobre 2007).
En appliquant les règles de cette suerte (qualités de cavalier, présentation du cheval, placement de la pique) par trois fois, le toro partant de distances croissantes, Alberto Sandoval a déclenché une émotion générale démontrant que le public est sensible et adhère à un tel moment grâce à la présence de véritables taureaux de combat et à la volonté des acteurs.
Sa remarquable prestation a été honorée par un tour de piste au côté du maestro Javier Castaño. »
Peña Campo Charro


Dessin À Dax, le prix « Campo Charro » 2012 décerné à un picador torero — Jérôme ‘El Batacazo’ Pradet

24 décembre 2012

Ben ouais, c'est Noël quoi…


« Noël : nom donné par les chrétiens à l’ensemble des festivités commémoratives de l’anniversaire de la naissance de Jésus-Christ, dit “le Nazaréen”, célèbre illusionniste palestinien de la première année du premier siècle pendant lui-même.
Chez le chrétien moyen, les festivités de Noël s’étalent du 24 décembre au soir au 25 décembre au crépuscule.
Ces festivités sont : le dîner, la messe de minuit (facultative), le réveillon, le vomi du réveillon, la remise des cadeaux, le déjeuner de Noël, le vomi du déjeuner de Noël et la bise à la tante qui pique.

Le dîner : généralement frugal ; rillettes, pâté, coup de rouge, poulet froid, coup de rouge, coup de rouge. Il n’a d’autre fonction que de “caler” l’estomac chrétien afin de lui permettre d’attendre l’heure tardive du réveillon sans souffrir de la faim.

La messe de minuit : c’est une messe comme les autres, sauf qu’elle a lieu à vingt-deux heures, et que la nature exceptionnellement joviale de l’événement fêté apporte à la liturgie traditionnelle un je-ne-sais-quoi de guilleret qu’on ne retrouve pas dans la messe des morts.
Au cours de ce rituel, le prêtre, de son ample voix ponctuée de grands gestes vides de cormoran timide, exalte en d’eunuquiens aigus à faire vibrer le temple, la liesse béate et parfumée des bergers cruciphiles descendus des hauteurs du Golan pour s’éclater le surmoi dans la contemplation agricole d’un improbable dieu de paille vagissant dans le foin entre une viande rouge sur pied et un porte-misère borné, pour le rachat à long terme des âmes des employés de bureau adultères, des notaires luxurieux, des filles de ferme fouille-tiroir, des chefs de cabinet pédophiles, des collecteurs d’impôts impies, des tourneurs-fraiseurs parjures, des O.S. orgueilleux, des putains colériques, des éboueurs avares, des équarrisseurs grossiers, des préfets fourbes, des militaires indélicats, des manipulateurs-vérificateurs méchants, des informaticiens louches, j’en passe et de plus humains.
À la fin de l’office, il n’est pas rare que le prêtre larmoie sur la misère du monde, le non-respect des cessez-le-feu et la détresse des enfants affamés, singulièrement intolérable en cette nuit de l’Enfant.

Le réveillon : c’est le moment familial où la fête de Noël prend tout son sens. Il s’agit de saluer l’événement du Christ en ingurgitant, à dose limite avant éclatement, suffisamment de victuailles hypercaloriques pour épuiser en un soir le budget mensuel d’un ménage moyen. 
D’après les chiffres de l’UNICEF, l’équivalent en riz complet de l’ensemble foie gras-pâté en croûte-bûche au beurre englouti par chaque chrétien au cours du réveillon permettrait de sauver de la faim pendant un an un enfant du Tiers Monde sur le point de crever le ventre caverneux, le squelette à fleur de peau, et le regard innommable de ses yeux brûlants levé vers rien sans que Dieu s’en émeuve, occupé qu’Il est à compter les siens éructant dans la graisse de Noël et flatulant dans la soie floue de leurs caleçons communs, sans que leur cœur jamais ne s’ouvre que pour roter.

La remise des cadeaux : après avoir vomi son réveillon, le chrétien s’endort l’âme en paix. Au matin, il mange du bicarbonate de soude et rote épanoui tandis que ses enfants gras cueillent sur un sapin mort des tanks et des poupées molles à tête revêche comme on fait maintenant.

Le déjeuner du réveillon : la panse ulcérée et le foie sur les genoux, le chrétien néanmoins se rempiffre à plein groin, se revautre en couinant de plaisir dans les saindoux compacts, les tripailles sculptées de son cousin cochon et les pâtisseries immondes, indécemment ouvragées en bois mort bouffi. Ô bûches de Noël, indécents mandrins innervés de pistache infamante et cloqués de multicolores gluances hyperglycémiques, plus douillettement couchées dans la crème que Jésus sur la paille, vous êtes le vrai symbole de Noël. »
Pierre Desproges


>>> Extrait tiré du Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis (Points/Seuil, 1977).

22 décembre 2012

Féria de la Crau 2013


Saint-Martin-de-Crau prépare une très belle féria sur le papier.
Il y aura deux corridas les 27 et 28 avril 2013 :
— Corrida de competencia entre ganaderos français avec 3 Yonnet et 3 Jalabert frères.
— Corrida de Dña. Dolores Aguirre Ybarra.

Gageons qu’avec les rares sorties effectuées en 2012 par la ganadera bilbaína nous pouvons espérer y voir combattre quelques cinqueños…

19 décembre 2012

Fous de Camargue


En découvrant Gaston Bouzanquet je découvrais non seulement Carle Naudot, mais également le lien qui l’unissait à la famille Yonnet : en 1906, il épousa Joséphine, une des six filles de Christophe I (1817 – 1912).
Auteur de la préface de la réédition de l’ouvrage Camargue et Gardians1, Hubert Yonnet est le fils de Christophe II, lui-même fils de Joseph Henri — l’un des deux fils de Christophe I et donc frère de Joséphine2.
Alors, qui est Carle Naudot pour Hubert Yonnet ?… 

1 Carle Naudot, Camargue et Gardians, Actes Sud/Parc naturel régional de Camargue, 2012. 
2 Les informations sur la généalogie de la famille Yonnet proviennent de l’ouvrage de Pierre Dupuy Histoire de l’élevage du toro de corrida en France (La Renaissance du livre, 2003, p. 54). 

NOTA. — Le musée de la Camargue, qui détient les importants fonds Bouzanquet et Naudot, est fermé pour travaux depuis le 29 octobre dernier. Il doit rouvrir en novembre 2013. 


Photographie Toros de Yonnet sur leurs terres de Camargue — François Bruschet 

16 décembre 2012

Trilogies


Le 12 octobre 1990, à Bilbao, Tomás Campuzano, Pepe Luis Martín et Juan Cuéllar combattaient six toros de Cuadri ; les derniers tués à ce jour dans les arènes de Vista Alegre. J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé sur Internet de compte rendu de cette course dans le quotidien El País.
En revanche, j’en ai découvert trois, signées Joaquín Vidal, où figurait chacun des toreros de la corrida du 12 octobre 1990. Je n’y ai pas lu le Vidal que certains considéraient sans vergogne comme un aficionado néfaste pour la Fiesta — probablement le prix à payer de l’indépendance journalistique —, car, oui, la plume taurine d’El País savait apprécier tout ce qui, dans l’arène, rendait sa grandeur à l’art de combattre les toros, et justifiait qu’il existât*.

«Tomás Campuzano sabe de miuras todo, todo, todo. Tomás Campuzano ve un Miura y nadie tiene que decirle cómo ha de citar, por dónde lo debe torear. […] Lo primero que debía hacerse con el Miura era templarle, y eso lo cumplió Tomás Campuzano con cabal ejecución de las reglas del arte. Los ayudados con que inició la faena, más que castigar sirvieron para mecer al toro en la franelilla, de la que se hizo amiga, y ya faena adelante siguió los recorridos que dictaba el maestro miurista, sin rebelión ni protesta alguna.» 

«Algunos cuestionaron su inclusión en los carteles. ¿Por qué ha de venir Pepe Luis Martín a la importante feria de Bilbao? se preguntaban. Y el propio torero les dio respuesta ejecutando un toreo hondo, interpretado con estricta sujeción al clasicismo y a la pureza. […] Pepe Luis Martín muleteó al Palha que abrió plaza presentándole la muleta para luego traérselo toreado cargando la suerte. Y entre las rectificaciones y destemplanzas que forzaban las acometidas broncas sacó pases de impecable factura. Así se torea, sí señor.» 

«En el toro anterior (le troisième, ndr) la fiesta brava hizo manifestación jubilosa de la grandeza que llegó a alcanzar en sus mejores tiempos. El toro, poderoso y encastado, […] tomó cinco varas sin perder su empuje, y llegó a los siguientes tercios con una embestida agresiva que sólo podía dominar un torero a carta cabal. Lo maravilloso del caso es que el torero a carta cabal estaba en la plaza, se trataba de Juan Cuéllar, y asumió el compromiso de dominar la embestida agresiva sin la menor vacilación, precisamente en el centro del redondel.» 

* Nous sommes dimanche, «et le dimanche maintenant, dans Campos y Ruedos, on va vous balancer un imparfait du subjonctif, comme ça, gratos, juste pour le style». 

NOTA. — Pour voir ma pauvre traduction, cliquer sur «commentaire». Pour profiter pleinement, en français, de la prose de Joaquín Vidal, se procurer, ou se faire offrir, Chroniques taurines (Les Fondeurs de briques, 2010). 


Image Joaquín Vidal, El Toreo es grandeza, Turner, 1987 via La Razón incorpórea.

Pas contents… on comprend


L’Adac nous fait parvenir ce billet dans lequel elle témoigne de son étonnement et de son agacement à l’annonce de la diffusion, ce dimanche 16 décembre, en marge du congrès de l’UVTF, de deux films ayant pour sujet les deux encerronas nîmoises de l’année.
À juste titre, l’Adac rappelle aux aficionados, si besoin était, qu’elle organisa au mois de juillet 2012 l’encerrona triomphale de Fernando Robleño face à six astados de D. José Escolar Gil.
Provocation ? Manque de discernement ? Bêtise ? 


Le communiqué de l’Adac

« À 19 heures, à la salle du conseil municipal de la commune de Céret, en marge de l’assemblée générale de l’Union des villes taurines françaises, sera projeté un film sur les deux encerronas de la temporada nîmoise 2012.
Cette manifestation étonne l’Association des aficionados cérétans à deux égards :
— Tout d’abord, la ville de Nîmes est en dehors de l’UVTF depuis plusieurs années et ne saurait être au centre des manifestations organisées ce week-end à Céret.
— Ensuite, la ville de Céret est une ville taurine où l’Adac organise dans les arènes des corridas depuis vingt-cinq ans. Il est choquant de constater que pour accueillir les aficionados et institutionnels de la France entière l'on utilise des images totalement hors contexte.
En réaction à cette initiative douteuse et maladroite, le site mettra prochainement à disposition de l’Afición la vidéo de l’encerrona de Fernando Robleño face aux toros de D. José Escolar Gil. »

14 décembre 2012

En hommage à…


En hommage à Maurice Herzog, Campos y Ruedos y Bollocks rediffuse ce soir Dolores Aguirre, la colère de Dieu (novillada de la Saint-Ferréol 1995 à Céret).



#NeverMindTheBollocksWeAreTheSexPistols
#OnSenBatLesCouillesOnEstCamposYRuedos
#MeImportaTresCojonesSomosCamposYRuedos
#DesSommetsOnEnAAtteintNousAussi #MaisOnDiraPasDeQuoi
#AnarquiaEnLasPlazasDeToros
#PunkNoEstaMuerto
#AnnapurnaPremier8000
#KlausKinskiPresente!
#DiosSalveElMuseoReinaSofia
#PasDeDoigtsPasDeChocolat

Image Werner Herzog, Die Große Ekstase des Bildschnitzers Steiner, 1974.

13 décembre 2012

Jingle Bells !




Pour comprendre ce post, il vous suffit de cliquer sur ce lien et de lire l’article consacré par Joël Jacobi aux photographies de Yannick Olivier, et un peu à Campos y Ruedos parce que le Yannick Olivier eh ben il est de Campos y Ruedos.

Sur nous, j’ai entendu autrefois que nous étions l’ETA, puis plus récemment les cousins d’Augusto Pinochet — rapport à la censure drastique et innommable qui sévit sur ce blog et peut-être aussi à la moustache d’un des nôtres. Après y’a eu la période « couilles molles », charentaises et macramé à laquelle nous avons préféré tourner le dos à la manière d’un Polnareff en 1972, parce qu’on s’est dit qu’au moins si le couillon est flasque la fesse restait roide et fière et que, de loin, après tout, avec de l’imagination, un cul pouvait ressembler à un doigt qui se lève ; un majeur s’entend !

Dernièrement, y’a eu l'affaire José Tomás. Grave, sérieux ! Très grave. C’est la faute du Batacazo, incapable d’aligner sur cinquante lignes autre chose qu’une onomatopée indigne et bouffonne. En plus, c’est presque pire, nous avons eu l’outrecuidance de ne pas publier de livre sur la course historique du 16 septembre 2012. On avait des photos en noir et blanc, en couleur, les deux mélangés, surexposées, floues, cramées ; on connaissait des mecs qui y étaient, des femmes aussi ! on a les interviews du boucher, des chevaux de picadors, de la dame pipi de l’hôtel et du genou gauche du peón de confiance ; on a l’enregistrement du rot de Simon Casas à la fin et il ne nous aurait pas été difficile de convaincre Francis Wolff (c’est un moustachu lui aussi !) de nous pondre un petit texte pour nous expliquer en cinquante points pourquoi cette corrida avait « complètement déstructuré nos schémas dramatiques », dixit un certain Santi Ortiz dont on peut douter qu’un jour tombât entre ses mains le récit du combat héroïque entre Achille et Hector. Bref, José Tomás, on n’a rien écrit dessus.

Ben v’là t’y pas qu’aujourd’hui monsieur Jacobi nous métaphore avec les Sex Pistols. Waouh ! Alors là on remonte le froc et on laisse fureter les anges et les angettes. Sex Pistols ! Monsieur Jacobi, merci ! Sincèrement, cordialement, musicalement et en noir et blanc façon Tri-X. Le seul truc qui m’épate dans cette histoire, mais faut connaître la bête, c’est que cette parabole — osons parabole — ait vu le jour grâce à notre Ban Ki-moon à nous : le sieur Olivier.

Yannick, félicitations cosmiques d’un ami que tes photos émeuvent et merci, thank you, danke, spassiba, gracias, obrigado, car grâce à toi maintenant je me sens punk, je suis punk et j’ai les cheveux qui poussent et le cuir trop petit et je veux, oui je veux (François Bruschet aussi je le sais) qu’on baise mes pieds qui trempent dans le vin !

Niemeyer n’a pas construit les arènes de Luanda


Le geste taurin du mois écoulé est unanimement attribué à Tendido69 par moi-même. Résister une semaine à la tentation de vous balancer une galerie de photos sur les avenues désertes de Brasilia sous ciel nuageux en hommage à Niemeyer, appelez ça comme vous voudrez, moi je colle un 10 en aguante. Et puis Philippe a insisté, et puis on a débattu entre nous : pour ou contre Brasilia ? Vous ne savez pas à quoi vous échappez sur la liste des collaborateurs ! Personnellement, je suis plutôt pour, mais Batacazo est plutôt contre. Je résume. En ce qui me concerne, je pense à la feijoada et au manguier qui, cette fois-ci, va avoir des fruits pour Noël, et puis c’est cool, un concept quasi intact, des lois antipublicité sur l'Eixo monumental ; j’y connais des gens sympas avec qui la vie a plutôt été agréable elle aussi. BataKa, lui, y a vu des mecs se fracasser au crack… Forcément, ça donne pas une première impression terrible. Il y aura un jour une vie à Brasilia, une identité pour ses habitants qui ira au-delà de la ville bizarre et du statut de fonctionnaire qui s’ennuie dans la complaisance du boulot parfait. Faudrait penser à y installer un vrai club de foot pour commencer ; je n’ose évoquer des arènes.

Pour ma part, je traînais à Luanda pour quelques heures la semaine dernière et, bien sûr, j’y ai cherché des arènes via Internet. Pourquoi pas ? Vous trouverez à Lisbonne des magasins de gravures vendant des affiches de corrida à Lourenço Marques, au Mozambique, alors oui, pourquoi pas l’Angola ? Elles existent mais semblent inachevées. Profitant de la présence de notre collègue Alva, Portugaise exténuée sous les tropiques depuis trente ans, je me renseignais sur ces arènes entre deux rendez-vous. « Pendant la guerre civile, ils y organisaient des procès publics… » Charmant. On imagine le dialogue MPLA/Unita réglé à la kalach’. Olé ! D'une pierre deux coups : Niemeyer n’aurait-il pas chantourné un bâtiment « inspiré des courbes féminines », comme le déclamaient les nécros de la semaine passée, ou posé un immeuble délicieusement sixties, avec le rez-de-chaussée ouvert, quelque part entre l’Avenida da revolução de Outubro et l’Avenida Engels ? Nenni ! Tout juste fut-il pressenti pour un projet de nouvelle capitale pour l’Angola il y a quelques années. Quand la conviction communiste, la légende de Brasilia et la communauté linguistique ne suffisent pas…

Niemeyer toujours, mais de son vivant : une semaine avant le départ du grand architecte, Diego Urdiales passait une soirée parisienne au Club taurin. Wolff en embuscade, Araceli assurant la traduction en simultané, l’éloge liminaire du président de l’association justifiait à lui seul de risquer sa peau face à des carnes des années durant. J'aurais dû faire torero ! Urdiales, stoïque, droit comme un « I », le sourire avenant et le profil tranchant, promenait sur l’assistance débonnaire son regard intrigant. Il y a du Jack Palance chez cet homme, pas seulement dans le physique. 

Belle initiative que celle d'inviter un torero de cette catégorie venu expliquer, en toute simplicité, le quotidien d’une « access figura » et l’abnégation quotidienne nécessaire, année après année, pour se hisser à une place au soleil parmi les vedettes, quand le mundillo vous a assuré dans le hall d’accueil que la réception était privée. Vinrent les questions… « Quels élevages aimeriez-vous toréer plus ? — Eh bien… (sourire radieux) Garcigrande, Núñez del Cuvillo, El Pilar, Juan Pedro, Parladé, Domingo Hernández, etc. » La salle attendrie communie, « se forge une félicité qui la fait pleurer de tendresse » (La Fontaine) devant tant de bon sens. Ce garçon mérite sa place au banquet quand se présente le chariot de desserts !

Soit. « Maestro, quels élevages ne voulez-vous plus toréer ? Parce que le Domecq à la longue… ça lasse et c’est là qu’est l’os… Ne vaudrait-il pas le coup de devenir la figura faisant de vrais gestes au cours d’une saison avec des élevages réputés plus difficiles ? » 
Vous connaissez la réponse, elle est invariable : « Il n’existe pas de toros difficiles et de toros faciles, mais de bons et de mauvais toros. Le torero croit au toro bravo permettant le toreo, pas au toro manso sorti de son morphotype par les exigences de publics ignares. De tout temps les vedettes ont choisi leurs toros, et si elles toréaient les Pablo Romero c’est parce que ceux-ci étaient bons à l’époque. Et puis ce genre de gestes n’est pas reconnu… » Dans la salle, les regards se font lourds. On jurerait avoir manqué de délicatesse. J’aurais dû dire que j’étais à Nîmes, en septembre, pour ne pas avoir l’air trop léger dans mon afición…

La dernière question fut la plus intéressante, elle évoquait une citation d’un livre de Domingo Ortega : « El toreo empieza cuando se para el toro. » La réponse s’avéra passionnante mais fut écourtée, car il fallut passer à table, le poulet allait refroidir. Diego Urdiales vint « remater » la question un brin gênante des toros en privé, de façon simple et cordiale : « Y torear de verdad, ¿qué es? — C’est  toréer avec les talons bien plantés dans le sol. » Olé Maestro !

12 décembre 2012

Des Cuadri et des hommes


L’autre jour, je parlais du retour des Cuadri à Vista Alegre comme d’un « événement » ; les vingt-deux ans et dix mois qui, en août 2013, nous sépareront du 12 octobre 1990, date de leur dernière apparition à Bilbao, justifient à eux seuls l’emploi du mot. 

En décembre 2010, je demandais à mes camarades de blog de donner leur cartel pour une hypothétique course de Cuadri à Bilbao. Maintenant que la corrida est annoncée, qui pour l’affronter ?
N’ayant nulle envie de réorganiser un vote — vu les statuts de Campos y Ruedos ça prendrait au moins six mois… —, reprenons, si vous le voulez bien, le résultat des « primaires » d’il y a deux ans :
— Cité cinq fois, Diego Urdiales était arrivé en tête, mais une vingtaine de mois a passé et Diego ferait désormais la fine bouche, déclinerait des offres, etc.
— Classé deuxième, Sergio Aguilar avait attendu ce moment sans jamais y croire vraiment.
— Avec trois citations, José Tomás avait décroché le poste de chef de lidia. (En visite à « Comeuñas », j’imagine l’apoderado de « l’homme qui a superé le mythe » se lancer dans son numéro de charme favori, puis devoir quitter les lieux après n’avoir vu que les canaris.) 

Le refus de José Tomás entraînant celui de Diego Urdiales, deux places resteraient à pourvoir. Parmi ceux cités à deux reprises (Curro Díaz, El Cid, Fernando Robleño et Morante de la Puebla), seul le Madrilène accepterait la proposition des Basques. Quant à Luis Bolívar, cité une fois, celui-ci serait blessé (eh, c’est pas d’pot) et l’honneur de se mesurer aux Cuadri de Bilbao reviendrait finalement à Morenito de Aranda — aussi enthousiaste que ses futurs compagnons de cartel. 

À Bilbao en août prochain, à défaut d’avoir « 6 toros de Cuadri pour José Tomás, Diego Urdiales et Sergio Aguilar », nous aurions « 6 toros de Cuadri, choisis et certifiés limpios par le ganadero, pour Fernando Robleño, Sergio Aguilar et Morenito de Aranda »… et cela m’irait tout à fait. 

À suivre. 


Photographie Plaza de toros de Vista Alegre, Bilbao 2009 — Laurent Larrieu/Camposyruedos.com 

10 décembre 2012

Focale alternative Magazine


Focale alternative est un magazine photographique en ligne*, belge, mais très sérieux… On peut même dire qu'il s'agit d'une revue pointue, remarquablement présentée, qui s’adresse aux amateurs de photographie vraiment éclairés. 

À la feuilleter on se rend vite compte que les photographes mis en avant le sont pour leur démarche, pour la qualité de leur travail et, surtout, pour la cohérence de leurs projets. On aime ou pas ce qui est proposé, mais la cohérence est là, toujours, et la démarche affirmée, argumentée.

Forcément, ça relève immédiatement le niveau et ne laisse pas de place à l’approximation. Ce n’est pas tous les jours que la tauromachie est exposée dans ce genre de revue. La présence de Joséphine Douet et de Yannick Olivier dans le numéro 29 en est donc d’autant plus remarquable et réjouissante ; elle démontre qu’il est encore possible de porter sur le sujet un regard débarrassé des poncifs habituels si souvent rabâchés, éculés et lamentablement folkloriques, il faut bien le dire.

Pour profiter pleinement du numéro 29 de Focale alternative Magazine, il faut le télécharger au format PDF, et pour le lire confortablement sur votre écran choisir le mode « Page double ». Enjoy.

* Entre le numéro qui nous intéresse (décembre 2012) et le précédent (juillet/août 2012), une version papier a paru. Souhaitons à Philippe Reale, le créateur de la revue, de pouvoir renouveler l'initiative aussi souvent que possible.

08 décembre 2012

« La mente en Blanco », les photos


Ce fut long, fastidieux et même douloureux, mais il fallait bien faire le tri. On ne ressort pas indemne d'une aventure qui dure près d'un mois et demi. Il faut laisser reposer, calmer les émotions et prendre son temps pour que, de la dizaine de milliers de photos, ne sorte que l'essentiel.

Il y a quelques mois, je vous avais raconté « La mente en Blanco » ici et .

>>> En cliquant sur la photo, retrouvez une galerie de photographies de Florent Lucas et d'Albert de Juan.

02 décembre 2012

Guignol's Band


Les toristas, si vous le saviez pas je vous le dis, ce sont des gros cons.

Ben ouais… Franchement, des gros cons qui pensent tout savoir, science-infusés dans le Ricard, ou dans le côte-rôtie pour les plus snobs. Des cons qui n’ont pas encore compris que les kilogrammes n’ont rien à voir avec le trapío. Ouais… Parce que les toristas ils sont tellement cons qu’ils confondent trapío et kilos. Depuis le temps qu’on le leur dit pourtant. Pour vous dire leur degré d’aveuglement, de dogmatisme, de bêtise… Crasse la bêtise, très crasse. Des cons qui osent tout, tout le monde sait ça.
J’écris toristas parce qu’il faut bien écrire quelque chose. Et à ce niveau de polémique, nous n’allons pas nous lancer dans des subtilités sémantiques. Pas la peine.

Donc le torista est un gros con qui aime les kilos. Sauf parfois quand il s’agit d’un élevage de son obédience. Là, le gros con de torista, quand il s’agit d’un toro de son obédience, il peut admettre qu’il puisse ne pas peser autant que ce qu’il est censé… supposé qu’il aimerait que dans l’absolu il pesât.
C’est français, ça ? Pas sûr… Mais on s’en fout, c’est dimanche. Et le dimanche maintenant, dans Campos y Ruedos, on va vous balancer un imparfait du subjonctif, comme ça, gratos, juste pour le style.

Non, parce que le torista au fond il est malhonnête, empêtré dans ses dogmes et donc dans ses contradictions. Dans sa connerie quoi.
Si je me sens visé ? Bof, non… C’est juste que ça m’amuse à la vérité. Ça m'amuse franchement même.

Heureusement, le bon sens et la mesure ont aussi leurs dogmatiques… Ça équilibre. Un con partout. Les redresseurs de torts à deux balles, les bien-pensants de bistrots, les ravis de la crèche. Toujours contents d’y être, toujours contents de savoir raison garder, de ne jamais déborder. À chacun ses dogmes, à chacun ses cons.

Y’a pas longtemps Michelito a pris l’alternative, à quatorze ans : un record… Quel rapport ? Aucun… Enfin, si… Interview de Michelito… Et là, sortie du plus profond de la caverne, ressuscitée du trou noir, LA question qui tue… LE dogme… LE concept… Du gros, du gras, du lourd… du très lourd, du fantastique, THE bouquet final… Allez, je balance : « Prendre un toro de 610 kilos pour ton alternative, ce n’était pas un peu risqué ? »

Vous vous en foutez de la réponse ? Moi aussi.
Bienvenue au club.

30 novembre 2012

Steak haché


Avec l’automne les feuilles tombent et les toros meurent.

Un coup de pistolet électrique entre les deux yeux, le bruit lourd et épais d’un bloc qui s’effondre d’un coup, des chaînes qui crissent, des hommes qui gueulent que c’est bon en regardant l’horloge. ¡Otra!

De haut en bas dans le cou. D’un geste bref mais appuyé, précis, millimétré, on achève, on prépare la suite. La viande. Ce n’est plus que ça maintenant : de la viande. La peau se tire, d’un coup comme sur les lapins ou presque. La tête tombe, coupée, tranchée. On la garde dans un coin avec les autres sur un sol de glaires et de caillots où le rouge n’est qu'un noir. 

On en fera du steak haché pour les hamburgers. Made in chez nous on lira sur l’emballage cartonné dégueulassé de ketchup, troué, baveux, jetable. À la fin on rote, c’est pas le steak c’est le coca.

Moreno de la Cova vient d’envoyer ses vingt dernières vaches Urcola au matadero.

29 novembre 2012

En peu de mots #15


Pays basque taurin

D’hier 
Avant l’arrivée, en 1998, de la soucoupe volante Illumbe — qui n’a jamais vraiment décollé, hein —, Saint-Sébastien accueillait les toros dans ses arènes néomudéjar d’El Chofre (1903 – 1973), d’où, au cours du «premier quart du XXe siècle», le photographe Gaston Bouzanquet rapporta ce précieux reportage

D’août prochain 
La nouvelle du retour des Cuadri à Bilbao m’a mis en joie ; je me vois déjà à l’apartado, vers midi autour de la fosse aux toros, puis à la course où, je l’espère, Vista Alegre aura troqué le sable «marron dégueu façon steak haché trop cuit» contre son gris cendré et retrouvé un président… à la hauteur de l’événement. À suivre.


Photographie Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

28 novembre 2012

Citation (VIII)


« Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “À quels enfants allons-nous laisser le monde ?” » Jaime Semprun in L'Abîme se repeuple, L'Encyclopédie des nuisances, Paris, 1997. 



27 novembre 2012

M – 678141




Ferruccio Lamborghini (1916 – 1993) et Eduardo Miura (1914 – 1996) étaient faits pour se rencontrer…


>>> Joe Sackey, Lamborghini Miura. Un beau monstre, ETAI, 2010.

Photographie Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

26 novembre 2012

Ganaderías Orthez 2013


La commission taurine d'Orthez vient de communiquer officiellement les élevages retenus pour la journée taurine du 28 juillet 2013. C'est avec une joie non dissimulée que nous nous en faisons ici l'écho enthousiaste.

« La commission taurine d’Orthez a le plaisir de vous annoncer le nom des deux ganaderías retenues pour la journée taurine d’Orthez qui aura lieu le dimanche 28 juillet 2013 aux arènes du Pesqué :
— Corrida de Raso de Portillo (Santa Coloma par Dionisio Rodríguez) et
— Novillada de Hros. de D. Miguel Zaballos Casado (Saltillo).
La novillada sera cette année complète avec 6 novillos. »

Voilà un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte tant l'intérêt sera soutenu tout au long de la journée. Nous aurons ainsi l'occasion de revoir les noirs Saltillo de Miguel Zaballos, qui nous avaient gratifiés d'une course passionnante à Céret il y a quelques années (et que l'on aperçut aussi à Carcassonne, en Crau et lors d'une concours arlésienne), et de découvrir, à l'âge adulte, les pensionnaires de Raso de Portillo, qui avaient donné lieu à deux novilladas dantesques à Parentis-en-Born.

24 novembre 2012

Une question noire


Céline disait que pour écrire il faut être capable de mettre sa peau sur la table, qu’il y a toujours un prix à payer. 
C’est ce à quoi j’ai songé en refermant Une question noire… Cet essai dans lequel René Pons s’interroge sur son amour de la corrida. 
Je vous imagine dubitatifs. Non… René Pons, dans cette cinquantaine de pages, ne vous donne pas les bonnes raisons d’aimer la corrida comme l'on vous donnerait les bonnes raisons d’acheter une lessive. 
René Pons s’est regardé dans le miroir, sans faire l’économie des aspects qui fâchent, sans faire l’économie du fond. 
La plume de René Pons court, limpide, fluide, et n'évite pas la question, à mon sens essentielle et à laquelle tout aficionado devrait avoir la lucidité de se confronter : la corrida est cruelle, violente et noire…
Sa peau sur la table, je vous dis…

« Ses adversaires trouvent la corrida cruelle et ils n’ont pas tort, puisque le mot cruauté est issu, l’étymologie nous le dit, d’une racine exprimant les notions de “chair crue, saignante” et de sang répandu. »
« La corrida, joyeuse et lumineuse pour la plupart de ses adeptes, se situe, pour moi, plutôt du côté de l’ombre. Derrière tant d’éclats c’est plutôt une nuit qui commence. » 

René Pons s’interroge beaucoup sur cette noirceur et sur bien d’autres aspects de sa passion taurine, sans jamais réellement parvenir à trouver les réponses à ses propres contradictions, les nôtres. C’est lucide, pertinent et remarquablement édité par l’Atelier Baie, comme toujours j’allais dire. Et c’est à lire absolument. 

Vous pouvez commander Une question noire directement chez l'éditeur, et écouter René Pons sur France Culture dans l'émission « Du jour au lendemain » d'Alain Veinstein :



23 novembre 2012

Un peu d'air


C'est l'automne ; un peu de campo vous fera le plus grand bien. Si, si, il faut s'aérer un peu malgré les impôts, le froid, les fêtes qui arrivent et le suspens à l'UMP… Faut dire qu'on est inquiets, houlala !

Voici donc un jeune exemplaire de Sagrario Huertas, Santa Coloma plutôt dans la ligne Sotillo Gutiérrez. Début octobre, à quelques heures de la despedida madrilène d'El Fundi, Pedro et moi participions à un rodéo automobile épique aux côtés de Víctor Benayas. Un immense souvenir sur lequel nous reviendrons. Le campo plat comme le dos de la main, la promesse de la chaîne de Gredos au loin et le soleil déjà rasant. Une merveille. 

Sortez donc prendre l'air.

21 novembre 2012

Nimeño II chez « les Pablo Romero »


Les Amis de Pablo Romero (Nîmes) nous transmettent le calendrier de leurs prochaines soirées.

Samedi 1er décembre 2012 | Espace Pablo-Romero – 12, rue Émile-Jamais à Nîmes | Entrée libre

Soirée hommage à Nimeño II pour notre dernier rendez-vous de l'année. Nous revivrons la carrière de Christian Montcouquiol, du mont Margarot à Madrid en passant par Nîmes, Bayonne…
En compagnie de son épouse et de ses enfants, nous accueillerons les témoins de cette époque : Jean-Marie Bourret, Dominique Vache, Michel Bouix, Jacques Boyer et Marc-Antoine Romero.

Samedi 19 janvier 2013 | Espace Pablo-Romero – 12, rue Émile-Jamais à Nîmes | Entrée libre

Thomas Thuriès, animateur du site Terre de toros, nous entretiendra sur l'évolution des encastes des taureaux de combat.

• En février, les dates et les invités restent à définir, mais nous préparons un gros week-end taurin (conférences, expositions…). Nous espérons la venue d'El Fundi et du ganadero José Escolar Gil.

17 novembre 2012

Combinaison gagnante


Ça n'avait pas commencé très fort en ce tant attendu samedi de septembre. En fin de soirée, les mines étaient longues et grises comme le ciel qui avait accompagné la journée. Les toros ont gâché la fête, et boudé l'anniversaire : 50 piges. Un demi-siècle à lâcher des toros dans les rues. C'est pas rien, c'est d'ailleurs la peña la plus ancienne de Massamagrell. Imaginez un peu des toros galoper dans la rue cinquante ans en arrière. Imaginez-vous l'Espagne de 1962, Valence, Massamagrell, un village entouré d'orangers et de champs. En 2012, tout paraît si simple ; en 1962, c'était une aventure, un défi au pouvoir en place, un vrai risque que de lâcher un toro dans une rue.

La Peña taurina de Massamagrell fête donc ses 50 ans. Trente-deux peñistas qui ont à cœur de marquer le coup, pour l'honneur et pour la fierté, dans un village qui compte une bonne douzaine d'autres peñas taurines. Alors on met les petits plats dans les grands et on se saigne aux quatre veines une longue année durant afin que le traditionnel jour de la peña se transforme en deux grandes journées de toros.

Pour l'occasion, ils ont choisi huit toros : deux Juan Pedro Domecq, l'élevage emblématique de cette peña, deux Conde de Mayalde et quatre Baltasar Ibán. Pour que le toro soit le roi, et lui donner l'avantage, ils ont réparti quatorze camions de sable sur l'immense parcours — saveur du passé, quand les rues du village étaient probablement en terre battue.

Le samedi, à 17 heures, tout était prêt. Et puis, rien, le champagne s'était éventé. Si le juanpedro avait un problème de vue, si le condeso manquait de jus, si son frère était neuneu et si l'ibán s'est éteint trop vite, qu'importe, le résultat fut le même, et l'analyser ne fait que jeter un peu plus d'huile sur le feu. Ça râle, ça jase, ça chambre comme de coutume ; le malheur des uns faisant le bonheur des autres dans un village où la concurrence taurine est de bonne guerre.

Aux moqueries et aux piques, les trente-deux peñistas n'ont qu'une réponse : il reste un jour et quatre toros. Et lorsque, très tard dans la nuit ou très tôt le matin, ils sont allés chercher quelques heures de sommeil, je suis sûr qu'ils ont fermé les yeux en pensant à ‘Fariseo’, ‘Rabosillo’, ‘Perdulario’ et ‘Lastimoso’. 

Dimanche 30 septembre, le soleil est revenu et divise le Camí la Mar en un sol y sombra de circonstance. Sur les coups de midi, les balcons sont garnis et la rue respire l'ambiance des grands jours. Le juanpedro et l'ibán font honneur à cette rue légendaire et les sourires reviennent. Les peñistas soufflent, sourient et retrouvent un peu d'espoir. Il reste encore l'après-midi ; il faut bien que le cadeau arrive. Le bous al carrer c'est un ensemble de facteurs, de paramètres, qui, mis bout à bout, peuvent assurer la réussite de la journée ou son échec. Les données de ce week-end me font penser à une combinaison de loterie : 50-32-14-30-2-8. Il me manque encore le numéro complémentaire pour peut-être toucher le gros lot. 

Le numéro manquant, je l'aurai à 17 heures. ‘Lastimoso’, de Baltasar Ibán, est le cadeau d'anniversaire de la peña, et le numéro 18 qu'il porte sur son flanc gauche est le chiffre qui me manque pour que la combinaison soit gagnante. Lorsque le cajón s'ouvre et libère ‘Lastimoso’, la caste et la bravoure inondent la grande rue de Massamagrell. ‘Lastimoso’ sort comme un obus, répond à tous les cites avec fougue, se retourne et poursuit sa proie. Rapidement le tri se fait parmi les recortadores. La seconde ligne des piétons recule de quinze mètres, alors qu'une poignée d'intrépides s'aventure sur le terrain de ‘Lastimoso’. Pendant une grosse demi-heure, le toro offre le spectacle de la bravoure aux yeux de tous, puis on décide de le changer de terrain, de l'emmener dans les ruelles du village et sur la place de l'église afin de voir s'il est capable d'y déployer le même allant. Pendant près d'une heure, ‘Lastimoso’ sera de tous les combats, la bouche fermée, chargeant avec vérité et générosité. Un grand toro. Un véritable cadeau comme on a peu de fois l'occasion d'en profiter. La peña jubile, ‘Lastimoso’ a justifié tous les sacrifices d'une année et à lui seul garantit le succès de ce grand week-end.

50-32-14-30-2-8… 18 : c'était la combinaison gagnante de ce dimanche, et le gros lot est tombé dans l'escarcelle de la Peña taurina de Massamagrell. ¡Enhorabuena a todos!

14 novembre 2012

Bis repetita


Alain Montcouquiol, Nîmes, 1969.
Il fait gris, la nuit tombe vite, trop vite, beaucoup trop vite, et les toros ont déserté les ruedos. Le moment est venu de reprendre le chemin des arènes… blanches pour effeuiller une nouvelle saison tauromachique sur papier.

Vendredi 16 novembre à 18 heures, l'Arène blanche et la librairie Torcatis à Perpignan vous invitent à rencontrer Alain Montcouquiol. Il présentera son recueil de nouvelles, Le Fumeur de souvenirs, publié aux éditions Verdier. Un livre où de « grands noms de la tauromachie, artistes de cinéma, mais aussi et surtout héros anonymes cabossés de la vie, rêveurs brisés, perdants admirables, se croisent autour des arènes mais pas seulement, de Madrid à Lisbonne en passant par Nîmes et le Michoacán. » 

C'est aussi l'occasion de rappeler qu'il y a plus de quarante ans le premier des Nimeños parlait déjà comme un livre. C'est aussi l'occasion de souligner que cet homme n'a pas varié d'un iota. Qu'il a conservé intacte la même flamme. Qu'il a gardé un état d'esprit identique, une même conduite et une égale philosophie au long des années. Et c'est suffisamment rare pour que l'on insiste. Autant de constance et de fidélité. C'est rare et essentiel. Nous vous engageons, une nouvelle fois, à consacrer un quart d'heure de votre précieux temps pour visionner le reportage proposé par l'Ina : Français dans l'arène.

Regardez et écoutez, vous ne le regretterez pas.

11 novembre 2012

Cuadri Tour 2013


Très jolie prochaine féria d’Azpeitia sur le papier :
— des Palha, qui furent très intéressants en 2012 ;
— des Pedraza de Yeltes, qui reviennent après leur succès de 2011, et, enfin,
— des Cuadri, qui se rapprochent lentement mais sûrement de la France puisque, outre le lot d'Azpeitia, la ganadería de Trigueros fera combattre un lot à Bilbao pour les « Corridas generales ».

A priori l’élevage ne devrait pas sortir en France en 2013, et c’est fort dommage même si une certaine commission taurine du Sud-Ouest avait des vues plus qu’appuyées sur le lot d'Azpeitia. Otra vez será, espérons-le.


Photographie Un Cuadri pour 2013 — Laurent Morincome/Camposyruedos.com

Photographies sans paroles (CX)


Évolution de la série « Bous al carrer » : trois nouvelles photographies…

10 novembre 2012

Caubère sur Inter


Philippe Caubère sur France Inter, invité de l'émission « Le grand entretien » de François Busnel.


09 novembre 2012

Raffinés


Le monde est plein d’aficionados qui se disent raffinés et puis qui ne sont pas, je l’affirme, raffinés pour un sou. Moi, votre serviteur, je crois bien que moi, je suis un raffiné ! Tel quel ! Authentiquement raffiné. Jusqu’à ces derniers temps j’avais peine à l’admettre… Je résistais… Et puis un jour je me rendis… Tant pis !… Je suis tout de même un peu gêné de mon raffinement… Que va-t-on dire ? Prétendre ?… Insinuer ?… 
Un aficionado scribouillard véritable, valable, raffiné de droit divin, de coutume, officiel, d’habitude doit écrire au moins comme dans 6toros6… pâmer sur la nuance… Mundomachin, le blog à Lulu, troufignoliser l’adjectif… hemingwaytiser… merde ! enculagailler la moumouche, frénétiser l’Insignifiance, bailler ténu dans la pompe, plastroniser, cocoriquer dans les micros…
Révéler mes goûts subtils… mes projets de conférences… Je pourrais, je pourrais bien devenir aussi moi, un styliste véritable, un académique « pertinent ». C’est une affaire de travail, une application de mois… peut-être d’années… On arrive à tout… comme dit le proverbe espagnol : « Beaucoup de vaseline, encore plus de patience, Éléphant encugule fourmi. » Mais je suis quand même trop vieux, trop avancé, trop salope sur la route maudite du raffinement spontané… après une dure carrière « de dur dans les durs » pour rebrousser maintenant chemin ! et puis venir me présenter à l’agrégation des dentelles… Impossible ! Le drame est là.

08 novembre 2012

Burlagrosmots


Que serait la tauromachie sans ses outrances ? « 6 poderosos toros de… », « Extraordinaria corrida de toros », « Cósmica actuación de los Bomberos toreros » et j'en passe. Je viens de découvrir qu'il existe une version française de Burladero.com. L'espagnole ne suffisait pas, il fallait nous livrer toutes ces infos essentielles piquées sur Mundomachin dans la langue de Molière. Et c'est encore une fois de José Tomás dont il s'agit. Décidément, certains vont penser que pour quelqu'un qui n'a pas assisté à la course du millénaire j'en fais des tonnes sur le sujet. Mais tout de même, il fallait oser titrer : « L'homme qui a superé le mythe ». Déjà, l'idée de « superer » un mythe j'ai du mal à comprendre. L'idée même de mythe affublée à un être humain, certes courageux, certes grand torero, n'arrivera jamais à me convaincre. Mais utiliser le verbe « superer » ça devrait être passible de la loi. Dans les sous-titres qui suivent, on peut même lire : « entre l'humain et le divine, là est José Tomás », signé par une certaine Magaly Zapata qui semble écri… heu, non traduire, avec ses pieds.

Sinon, sur la même page, à en croire le traducteur du site, on apprend que, « sollicitées par un groupe de Nîmois, les éditions Passiflore ont relevé le défi de réaliser en un temps record : Une corrida pour l'histoire. » Quand on voit la couverture, on se doute qu'ils ont été (trop) vite ; ils n'ont même pas eu le temps de faire un choix entre le noir et blanc et la couleur. Un mois pour faire un livre… Espérons seulement que l'on ne confiera pas aux traducteurs de Burladero.com la charge de traduire l'œuvre dans la langue du Quichotte.

05 novembre 2012

Film is not dead


« Ce qui manque à la photographie numérique est un sentiment de “gravité”. » Elliott Erwitt

 


Toujours en argentique, mercredi soir sur Arte : Le Siècle de Cartier-Bresson de Pierre Assouline.


04 novembre 2012

Zanzibar et autres lieux (II)


De « Mirandilla »…

Une journée à « Mirandilla », ça commence à La Cantina, qui n’est plus un café taurin aujourd’hui, mais où l'on peut toujours demander à la serveuse de faire signe lorsqu’elle verra Fabrice Torrito arriver. Il arrive. Elle fait signe. Il m’embarque pour aller découvrir les Marqués de Albaserrada… et les Tulio.

À partir de cette minute, Fabrice prend son temps — il est vrai qu’il faut au moins ça pour vivre en Andalousie. Il ne méprise aucune ignorance, écoute, explique, répond, ré-écoute, ré-explique, re-répond. Fabrice s’est fait une religion de défier l’ostracisme du campo ; il évoque un peu le passé difficile, mais parle surtout du futur, en utilisant souvent l’humble conditionnel.

Les raisons du culte qu'il professe à l'endroit des toros sont là devant moi : des vaches vraiment très belles ; des Tulio moins impressionnants que dans les illustrations du Tío Pepe, mais Tulio quand même ; des erales qu’on aimerait voir sortir en novillada prochainement et des novillos aux cornes étonnamment tricolores qu’il serait chouette de voir en corrida en 2013.

Évidemment, je ne saurais vous raconter (que ce soit en mots ou en images) tout ce qui m’a été généreusement offert pendant ces quelques heures par Fabrice et ses compagnons de route, Javi et Jean-Christian, qui font un bout de chemin avec lui — et dont les parcours individuels pourraient inspirer plus d’un scénariste en quête de sujet palpitant.

Il s’agit de minuscules choses qui pourront prêter à rire pour certains, mais qui, avec la magie du campo (parce qu’il y en a une, je vous le jure), trouvent leur place dans la colonne des « grands moments de l'existence ».

Jean-Christian, par exemple, a tout compris. Il a compris que j’avais 42 ans à la ville mais moins de sept à la campagne. Moi, je me moque de mon idiotie, mais pas lui. Il me propose même de ramener un cheval au patio. Celui qui a pris la cornada. Lui se charge de l’entier. Je traîne le pas pour que la petite balade dure plus longtemps. Jean-Christian s’ajuste à mon rythme et me laisser profiter.

Javier, quant à lui, sourit. Presque tout le temps. Des fois, c’est juste un rictus, parce qu’il a le soleil dans les yeux. Mais le plus souvent il sourit pour de vrai. Il y a juste un moment où il a cessé de sourire pour franchement éclater de rire, c’est quand je lui ai demandé s’il n’avait pas un peu peur à l’idée de « tienter » les deux Tulio. En fait, il ne m’a pas vraiment répondu. Mais il a fait oui de la tête.

Fabrice a une spécialité. Il repère les vaches invisibles qui viennent de mettre bas dans les buissons et s’arrange pour poser les crotales aux nouveaux-nés de la manière la plus douce possible. C’est l’époque des naissances au campo, alors on est parti sur les traces des nouvelles mères. On (enfin, je dis « on » mais c’est pas vraiment moi, hein, c’est surtout Fabrice qui l’a vue) en a trouvé une avec son petit veau né dans la nuit. On voyait encore des résidus de placenta qui pendouillaient. Et là, Fabrice me propose de descendre du 4x4 pour poser une boucle à ce petit toro marron, couleur miel. Sa mère n’était pas loin mais je n’ai pas eu peur. C’était mon toro ! Heu, enfin, jusqu’à ce que Fabrice pense à vérifier… et m’annonce que mon toro était une vache. Mais c’est pas grave. C’est ma vache. Et elle sera sûrement très brave. C’est la 183. C’est écrit dans le carnet du mayoral : « 9/10 – 183 – H – Mulata* – 9396 ». Ma brave est endormie au soleil. Je remonte dans la voiture. Pendant ce temps, Fabrice la porte et va la mettre à l’ombre. À cet instant, je me dis que tous les « zantis » du monde peuvent bien aller manger des cailloux.

Une journée à « Mirandilla », ça se termine à La Rociana. Et ça, c’est inénarrable. Je suis sortie le ventre plein et le gosier largement hydraté, un bouquet de thym à la main et des anecdotes (pas toutes comprises) plein la tête. En guise de paiement, j’ai dû dire que José Tomás était le plus grand torero de tous les temps et chanter Non, je ne regrette rien plusieurs fois — car les présents trouvaient que mon interprétation ne ressemblait pas assez à la chanson de Doña Piaf.

* Negra mulata : ce sera sa couleur quand elle sera grande. C’est comme ça que j’ai appris que les « erreurs » de robe sur les sorteos ne sont pas (ou du moins pas systématiquement) le fruit du manque de professionnalisme ou d’une déficience visuelle des organisateurs ; c’est juste qu’ils reportent la couleur indiquée sur les fiches officielles établies par les vétérinaires alors que la bête n’a que quelques mois.


… à « Comeuñas »

J’avais rendez-vous un certain jeudi 9 octobre (un jour qui, dans le calendrier de l’an de grâce 2012, n’existe pas), à Huelva (150 000 habitants) ou à Trigueros (7 500 habitants), avec Luis Cuadri que je ne connaissais pas (seul indice : il est grand). Rencontre improbable donc… D’autant que les gens, là-bas, ne pouvaient m’être que d’une aide très modeste dans la mesure où ils parlent une langue très énigmatique. Mais c’est mal me connaître que de croire que ces menus détails auraient pu m’arrêter. Je suis finalement arrivée à « Comeuñas » où Luis avait trouvé plus sage de m’attendre, et m’a accueillie passablement sidéré en me voyant débouler à pied.

Les trois heures qui suivirent furent particulièrement néfastes pour le reste de mes vacances. À partir du moment où je suis sortie de la finca je n’ai plus eu qu’une idée : y retourner. Un peu comme quand j’ai vu ma première course ; en sortant de Las Ventas, je n’avais pas pu profiter de Madrid faute de réceptivité. Une seule pensée m’obsédait : revoir une corrida. Là, je suis un peu passée à côté de Séville parce que le campo me bouffait les terminaisons nerveuses, et ce chatouillis ne m’a pas laissée en paix.

Luis m’a ramenée à Huelva. Sur le chemin du retour, on a parlé de José Tomás. Il est très gentil, Luis. Et c’est le seul Espagnol à ne pas avoir rigolé quand je lui ai dit que j’avais préféré aller voir la concours à Arles plutôt que J. T. à Nîmes. Plus tard, tout à fait sincèrement, mais aussi un peu en manière de remerciement, je lui ai dit que l’an prochain je suivrai les Cuadri et essaierai d’aller voir combattre les lots qu’il m’avait montrés. Mais ça, je crois qu’il s’en foutait un peu. Ce qu’ils aiment là-bas, à « Comeuñas », c’est élever les toros dont ils sont amoureux et les voir sortir comme ils les ont rêvés. Le reste… c’est plus trop leur affaire. Alors j’ai simplement dit : « Merci. »

Zanzibar

01 novembre 2012

Énormissime




Intervention de José Tomás (traduction Olivier Deck) lors de l'hommage rendu à José Pedro Prado ‘El Fundi’ le 26 octobre dernier au théâtre de Fuenlabrada :

« Bonsoir,
Je dois dire que, même si sur cette photo c’était la première fois que nous faisions le paseo ensemble, en vérité, ces dernières années, nous avons partagé l’affiche à l’occasion de nombreuses corridas de toros, et c’est cela qui justifie ma présence ici, pour cet hommage si sincère et émouvant que sont en train de te rendre les gens de ta ville, ceux de ton pays, ta famille, tes amis et tes compagnons d’arène. Je dois te dire que, comme le disait José Alfredo Jiménez, l'un des meilleurs compositeurs de rancheras, pour moi le meilleur : “Il ne faut pas arriver le premier, mais savoir arriver.” De plus, toi tu es arrivé par un chemin plein de courage et de valeurs, des valeurs telles que, entre autres, l’honnêteté, le dépassement, le sacrifice, la responsabilité, la sensibilité — que tu es en train de démontrer — et, surtout, la loyauté à ta profession. Je crois que ces valeurs ont toujours été très présentes dans la tauromachie, mais tous ne leur ont pas été fidèles comme tu l’as été. (El Fundi pleure, applaudissements) Le chemin d’un torero, me semble-t-il, n’est jamais facile. Le tien ne l’a pas été, comme nous l’avons vu tout au long de ce retour sur ta vie professionnelle proposé par Paco (Aguado – ndt), mais je crois que toi tu l’as mené d’une manière exemplaire, “en te grandissant”, surtout sur le plan artistique, comme nous avons pu le constater dans tes dernières faenas. Et pour en arriver là, il faut posséder un grand savoir, beaucoup de patience et une âme d’acier. Comme torero, comme compagnon de cartel, je veux te faire part aujourd’hui de mon respect et de mon orgueil. De mon respect… de mon admiration avant tout pour la manière avec laquelle tu as parcouru ce chemin ; de mon orgueil d’avoir pu le partager durant ces après-midis où nous avons effectué le paseíllo ensemble. Être de l’autre côté de la barrière — à attendre que sorte mon toro — et te regarder toréer aura été un véritable luxe pour moi… (applaudissements) Et je ne veux pas être plus long. La seule chose que je désire… c'est que ton âme d’acier trouve un nouveau chemin qui puisse l’alimenter. Félicitations Maestro. »