31 août 2012

Joselito, le grand…


C’est le blog Toro, torero y afición qui attire l’attention sur l’initiative d’Antonio Pineda et José Morente du blog La razón incorpórea :

« Le 28 septembre prochain, cela fera cent ans que Joselito prenait l’alternative à la Maestranza de Séville. Alternative concédée par son frère, le génial Rafael, avec pour témoin le diestro Antonio Pazos. Le toro de l’alternative s’appelait ‘Caballero’ et appartenait à l’élevage Moreno Santamaría.
À notre connaissance, rien n’a été programmé pour commémorer cet événement fondamental. Fondamental et essentiel car avec cette alternative commence le toreo moderne, qui, construit à l'aide des meilleurs matériaux employés jusque-là dans le toreo, se convertit en une alchimie pleine et magique grâce à la science torera et à l’intuition du génial torero sévillan.
À cette occasion, les auteurs de ce blog donnent rendez-vous aux aficionados le 28 septembre prochain pour une promenade qui les conduira dans quelques-uns des endroits de Séville conservant la mémoire de l’immortel matador gitan. »

Communiqué de l'ADAC


« Méfiez-vous des contrefaçons !
L'ADAC (Association des aficionados cérétans) tient à préciser qu’elle est totalement étrangère à l’organisation de la manifestation taurine prévue en septembre aux arènes de Céret. 
Rendez-vous, pour le prochain Céret de toros, les 13 et 14 juillet 2013 ! » 

* * *

Remarque. — Il semblerait, contrairement à Carcassonne, à propos de laquelle aucun des médias autorisés et bien-pensants ne dit mot, que Didier Lacroix soit étranger à la corrida cérétane de septembre prochain.
Il se pourrait donc que cette corrida ait bien lieu. Sauf évidemment si les organisateurs ont engagé les torèrrasses pour la mauvaise date, auquel cas nous proposons de rapatrier les Prieto à Nîmes, ce qui fera douze toros d'un coup pour José Tomás et donnera un peu plus d'ampleur au geste.



« Um Homen do Ribatejo »


En cherchant autre chose, on tombe sur ça : le Ribatejo, la Lisière du Tage, les campinos et les toiros.


29 août 2012

Omniscience


Photo hors sujet — Tendido69
Je n’étais pas à Mimizan le 25 août dernier pour assister à la corrida du Camino de Santiago. Tout le monde s’en moque mais je n’y étais pas. Les antis ont hurlé, paraît-il, y’avait des vagues, je crois, et les pins pignaient comme d’habitude. Je n’étais donc pas à Mimizan mais j’ai tout de même voulu connaître le résultat de la course et j’ai ouvert « the » Sud Ouest pour m’en faire un avis.

Ce qui est bien avec Sud Ouest, comme avec beaucoup de titres de la PQR j’imagine, c’est qu’une reseña ne peut pas s’apprécier en tant que telle : elle oblige à lire entre les lignes, à s’imaginer ce que signifie « 6 piques au total », à se creuser la cervelle pour comprendre pourquoi un enculé de sa race de président a osé refuser une oreille à un torèrrasse.

Bref, je me doutais bien que ce ne serait pas Zocato qui se chargerait de l’affaire, ayant d’autres génialités de Perera à contempler sur les bords du Nervión (ça lui a plu Perera à le lire — mais j’avoue que je le lis en diagonale, voire en m’échappant, voire plus en fait).

Bref encore, en ouvrant le papelard, quelle ne fut pas ma surprise de constater que la reseña de Mimizan était signée… Pierre Vidal. Ben tiens ! Pour ceux qui ne savent pas qui est Pierre Vidal, cet éminent critique taurin est aussi le président du Cercle taurin mimizannais, qui organise les corridas de Mimizan. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, c’est bien connu !

Pour 2013, ce serait sympa que les organisateurs montois pensent à faire reseñer Simon Casas. J’ai le sentiment que la rentrée littéraire 2013 pourrait en être toute chamboulée.

Encastes minoritaires (II)


Chez María del Sagrario Huertas

Le compañero David Cordero nous transmet le lien vers quelques-unes de ses photographies prises lors de la novillada donnée à Santa Cruz del Retamar avec du bétail de Sagrario Huertas que nous vous avions présenté ici-même (voir également la fiche de Terre de toros).
Rappelons pour les amateurs de lignées taurines que la famille de Sagrario Huertas mène un élevage fort intéressant puisqu’elle détient les anciens Sotillo Gutiérrez d’origine Albaserrada.
À la lecture de plusieurs commentaires sur différents blogs, il semblerait que la novillada ait maintenu l’intérêt des aficionados. Enhorabuena pour cette petite ganadería des abords d’Oropesa (Tolède) que nous espérons un jour voir fouler le sable d’une arène française.

Toujours chez les petits, toujours du côté des novilladas, Adolfo Rodríguez Montesinos fait lidier ce dimanche 2 septembre six utreros dans la localité madrilène de Cerceda où nous souhaitons que ses bichos de plus en plus orientés Buendía par apport récent de bêtes Flor de Jara lui donnent grande satisfaction.

Chez Adolfo Rodríguez Montesinos
Enfin, soulignons la programmation alléchante de la prochaine féria d’Andorra (Teruel) au cours de laquelle seront combattues une novillada de Los Maños (Santa Coloma) et une autre de Dolores Aguirre qui, malgré les rumeurs, ne sera pas présente, malheureusement, à la Feria de otoño de Madrid. Gageons qu’il restera moult cinqueños l’an prochain à « Dehesa de Frías » et que certains de nos organisateurs auront le bon goût d’aller y faire un tour.

28 août 2012

Champ de ruines


De minces filaments, éphémères, fuyants, fleurissent ma nuit qui roule sur la vitre. Des hommes et des femmes, et des enfants c’est sûr, vivent là, infimes halos, poussières bientôt endormies.

Le feu d’artifice est fini. Bilbao fume étrangement comme s’il lui était arrivé malheur. La mémoire d’un aficionado doit ressembler à ça : un édifice de fumée volage que le ciel aspire comme le temps. Un champ de ruines que l’on affectionne de parcourir, souvent, toujours, inlassablement.

Que restera-t-il de cette corrida ? Des toros d’une présentation moyenne pour le lieu, mais pour ça le temps fera son œuvre, deux vraies alimañas à l’ancienne (2° et 3°), des combats âpres, la caste pesante et accrocheuse du 6°, la répétition noble du 5° et le vide total au premier tiers. Dans les recoins de mon champ de ruines, j'en oublierai c'est ainsi, Urdiales debout et exultant, vidé et émacié mais vivant, restera comme l’image de ce vélo garé contre une grille de la Calle Ledesma par un ami italien venu pour deux jours, deux jours seulement ; comme les impressions d’une première corrida vécue aux bras d’un amoureux, mordu lui aussi, qui conservera son billet pour édifier son champ de ruines bien à lui à Paris ; comme le vertige de se dire qu’enfin, certains, certaines, prennent un bus au Mans pour rallier la Biscaye, une semaine durant, errance solitaire et grandiose de l’afición a los toros.

Après, le reste, ce qu’il reste, ce sont les mots d’eux tous qui racontent leur monde, le mien, le nôtre, le monde des toros, fil rouge d’une guerre sans fin.


>>> Retrouvez une galerie consacrée à la corrida de Victorino Martín de Bilbao sur le site, rubrique « Ruedos ».

27 août 2012

« Bilbao Song »


Bilbao 2012 c'est fini… On va pas se quitter comme ça quand même ? Un au-revoir en chanson c'est tellement plus sympa !  



— Mais t'as trouvé ça où, bordel ?!

Mais ça, c'est la magie conjuguée de la nostalgie et de l'ennui, des rediffusions de l'été, des siestes dominicales qui donnent des insomnies et la magie des rebonds sur la Toile : Wikipédia… Spotify… YouTube…

Bref, la semaine dernière repassait Bons Baisers de Russie, juste après On ne vit que deux fois, et, la sieste aidant, je n'ai pu résister au plaisir de revoir mon préféré de la série : Daniela Bianchi et son ruban de velours, les costumes Savile Row de Sean Connery (le gris avec la cravate bleu marine tressée et le bleu nuit en laine avec de fines rayures), la bouche d'Anita Ekberg, la gondole dans le réservoir romain d'Istanbul, la libération de la femme mais pas trop, L'Orient Express et le souvenir de vingt-cinq ans de cette vilaine Lotte Lenya à propos de laquelle le paternel me signalait qu'elle avait été l'épouse et l'interprète de Kurt Weill, notamment dans L'Opéra de quat'sous. Bien…

Et voilà que, furetant ce soir Lotte Lenya et Kurt Weill sur le Net, je tombe sur cette Bilbao Song dans la langue de Goethe et le livret de Bertolt Brecht, s'il vous plaît. La chanson est tirée d'une comédie musicale intitulée Happy End qui semble avoir fait de sacrés bides lors de ses différentes sorties de Berlin à New York. La chanson, elle, fut adaptée par Boris Vian en français, interprétée par Yves Montand et ça ne vous rajeunit guère. Ça ne parle guère de toros, mais ça se délecte de la sonorité basque et c'est déjà beaucoup. 

En prime (vous en trouverez, vous, des blogs taurins qui vous gâtent de la sorte…), le texte original, pas franchement 100 % raccord avec la version ci-jointe — c'est de l'allemand, je crois. 


DER BILBAO-SONG
Bertolt Brecht, 1929

Bills Ballhaus in Bilbao
war das schönste auf dem ganzen Kontinent.
Dort gab's für einen Dollar Krach und Wonne,
und was die Welt ihr Eigen nennt.
Aber wenn Sie da hereingekommen wären,
ich weiß nicht, ob Ihnen so was grad gefällt.
Ach!
Brandylachen waren, wo man saß,
auf dem Tanzboden wuchs das Gras
und der rote Mond schien durch das Dach,
'ne Musik gab's da,
da wurde was geboten für sein Geld!
Joe, mach die Musik von damals nach!

Alter Bilbaomond!
Wo noch die Liebe lohnt…
's ist toll mit'm Text!
Lang, lang ist's her!
Ich weiß ja nicht, ob Ihnen so was grad gefällt, doch:
es war das Schönste auf der Welt.

Bills Ballhaus in Bilbao
an 'nem Tag gen Ende Mai im Jahre Acht,
da kamen vier aus Frisko mit 'nem Geldsack,
die haben damals mit uns was gemacht.
Aber wenn Sie da dabei gewesen wären,
Ich weiß nicht, ob Ihnen so was grad gefällt.
Ach!
Brandylachen waren, wo man saß,
auf dem Tanzboden wuchs das Gras
und der rote Mond schien durch das Dach,
und vier Herren konnten Sie mit ihren Brownings schießen hör'n.
Sind Sie 'n Held?
Na, dann machen Sie's mal nach! Na?

Alter Bilbaomond!
Wo noch die Liebe lohnt…
Ich kann den Text nicht mehr,
's ist schon lange her!
Ich weiß ja nicht, ob Ihnen so was grad gefällt, doch:
es war das Schönste
auf der Welt.

Bills Ballhaus in Bilbao…
heute ist es renoviert so auf dezent,
mit Palme und mit Eiscrem ganz gewöhnlich…
wie ein anderes Etablissement.
Aber wenn Sie jetzt hereingesegelt kämen,
's ist ja möglich, dass es Ihnen so gefällt.
Spaß!
Auf dem Tanzboden wächst kein Gras,
und der Brandy ist auch nicht mehr das,
und der rote Mond ist abbestellt.
'ne Musik machen sie,
da kann man sich nur schämen für sein Geld!
Geh Joe, mach die Musik von damals nach.

Alter Bilbaomond,
das hab' ich oft betont,
ich hab' sie nie geschont…
Na, das ist ja der Text…
Verzeihung, 's ist zu langer her…
Alter Bilbaomond…
Ich weiß ja nicht, ob Ihnen so was grad gefällt, doch:
es war das Schönste
auf der Welt.

Es ist zu lange her…

26 août 2012

Estimao Matías


N'y allons pas par quatre chemins, la corrida d'Alcurrucén combattue en huitième position du cycle de l'Aste Nagusia m'a fait mal au bide. Je m'y pointais pourtant plein de confiance et même assez impatient d'assister à ce que je pensais être « la » corrida bilbaïna telle qu'on la rêve : sérieuse, puissante et austère comme une symphonie de Bach.

Au cœur du plus charbonneux ruedo du monde — que les tablas rouges subliment et que les gradas bleues soulignent —, qui ne saurait trouver son maître autrement qu'à travers la mythique présence du président Matías, trépassait enfin l'ultime ruminant… et pschiiiiiit ! Une mansada majuscule, sans trace de caste, et, pire encore, une présentation à pleurer qui pousse aux pires craintes. La symphonie grandiose de Bach tournait à la soupe mixée de cantine scolaire. Passée la crise de foie, finie l'incommodante digestion, aujourd'hui je débriefe et pose la question : « Qu'est-ce qui ne va plus à Bilbao ? »

Passe encore la soporifique raideur de Miguel Ángel Perera et son bon goût d'occire sur-le-champ ses deux carnes offrant chacune une oreille pour tant de générosité chiante et rectiligne, avaleuse d'émotion. C'est pas donné au premier venu d'être un faiseur d'ambiance, et, définitivement, Miguel Ángel Perera m'emmerde comme un jour de pluie wallon.
On pourrait même pardonner à Enrique Ponce — le Charles Aznavour des ruedos que l'on va devoir conduire « de force ou de force » vers la sortie — sa prestation « one more time » d'interne des Hôpitaux de Paris en blouse blanche et rapport médical sous le bras envoyant le client dans le service « phase terminale » sans plus de détails et, surtout, en utilisant tous les recours nécessaires pour garder les doigts propres.
Enfin, fermons les yeux sur Iván Fandiño, qui ne m'avait pas habitué à tant de passages à côté du sujet, lui que je voyais inventeur de toros qui ne le sont pas et qui s'est mis en grève cette fois-ci, ne comprenant jamais, par exemple, que ce dernier toro voulait galoper comme un con, encore et encore, alors que le « chic type de Biscaye » préférait l'étouffer dans une muleta courte et sans envergure. On espérait qu'il nous refasse le coup de l'Adolfo madrilène, mais on ne fit qu'espérer parce que derrière, que dalle, woualou, zob, nada.

Reste que le cactus dans le pied de cette journée vint avant tout des pupilles des Lozano brothers. Les tontons flingueurs des années précédentes, ces hils de putes braves et encastés qui nous habituaient à prendre la foudre sur les tendidos, avaient hier des airs de veaux marins. On les aurait bien pris pour bien d'autres cieux plus accomodants, mais sûrement pas pour les spectacles que l'on donne traditionnellement à Vista Alegre, Bilbao, Biscaya. Des novillos con cabeza, vous voyez ? Mansos, fuyant les emmerdes et la baston, s'excusant presque d'être des combattants si peu convaincants et tentant de se justifier pour qu'on les pardonne du peu qu'ils avaient à offrir. Comme en plus ils avaient des têtes d'anchois, leur désarroi était total. La gente popular, dont on dit de son afición qu'elle se liquéfie comme un Miko au micro-ondes, trouvait finalement quelques ressources au fond du tiroir pour quémander un peu de clémence auprès du bon Matías, qui faisait la sourde oreille… Trop à mon goût, car il validait de sa signature un petardo maison grandeur nature. On dit qu'il s'est assagi, donnant plus souvent satisfaction à la foule que sa réputation le lui autorisait avant. N'empêche qu'aujourd'hui, pour d'obscures raisons, Matías González approuve le fait que l'on tue des toros imprésentables et anovillados lors de corridas formelles en sa bonne cité de Bilbao, et si l'on considère que tout cela vient s'ajouter au fait que oui, l'afición bilbaïna ne parvient plus à ramper jusque dans ses arènes, où aucun lleno ne fut enregistré en 2012, alors, j'affirme que le problème est bel et bien préoccupant. Le centre névralgique est atteint.

En août 2012, à Bilbao, saint des saints du toro-toro, l'afición est mourante, les hommes s'émoussent et le spectacle que l'on y propose désormais tolère l'intolérable en son propre sein comme une nouveauté, sans compter que le cultissime sable charbon de Vista Alegre ne l'est plus tout à fait, tendant plutôt sur un marron dégueu façon steak haché trop cuit qui rend sans doute les choses plus familiales.
Bientôt on mettra un peu de blanc dans le rouge sans nom des tablas de Vista Alegre. J'ai peur que Matías González et ses amis barbus bibliques aux toisons poussiéreuses n'aient passé ensemble la première couche.


La croix… sur le calendrier



Juste pour… mémoire.

Encastes minoritaires


Le 16 août, Las Ventas a annoncé le cycle de novilladas de septembre. Intitulé « Encastes minoritaires », il fait suite, sauf erreur, au cycle « Huit Nations » qui a sévi jusqu'à l'an passé. On ne peut que se réjouir de voir des élevages aux sangs originaux fouler la piste des arènes de la Calle Alcalá, même si malheureusement le fait d'organiser cela en septembre, loin des cycles de mai-juin, laisse à penser que nous assistons à un genre de féria-zoo où s'exposent les quelques raretés encore subsistantes de la cabaña brava :

Dimanche 2 septembre
Novillos de D. Tomás Prieto de la Cal (Vázquez/Veragua) pour Pascual Javier, Miguel de Pablo et Miguel Cuartero

Dimanche 9 septembre
Novillos de D. Mauricio Soler Escobar (Santa Coloma/Graciliano - Santa Coloma/Buendía) pour Daniel Martín, Sergio Blanco et Andrés Jiménez ‘Gallo Chico’ (présentation)

Dimanche 16 septembre
Novillos de Ganadería de Concha y Sierra (Vázquez) pour Iván Abasolo, Ángel Puerta et Jesús Chover (présentation)

Dimanche 23 septembre
3 novillos de Hros. de D. Alfonso Sánchez-Fabrés (Santa Coloma/Coquilla - Santa Coloma/Buendía) et 3 de Hoyo de la Gitana (Santa Coloma/Graciliano - Santa Coloma/Buendía) pour Jesús Fernández, Mario Alcalde et Jesús Duque

Dimanche 30 septembre
Novillada concours. Novillos de Partido de Resina (Pablo Romero), Barcial (Vega-Villar), Hros. de D. Alonso Moreno de la Cova (Urcola - Vega-Villar), Cubero-Buendía (Villamarta - Núñez), Coquilla de Sánchez-Arjona (Santa Coloma/Coquilla) et Aurelio Hernando (Vázquez/Veragua) pour Miguel Hernández ‘Miguelín’, Raúl Rivera et Alberto Escobar


>>> Pour l'automne madrilène (du 4 au 7 octobre), on entend parler de Dolores Aguirre et de Palha.

Photographie À Orthez cet été, Iván Abasolo et un novillo représentant lui aussi un encaste minoritaire (et menacé !) : Fernando Palha.

25 août 2012

Das Horn




Le mont Cervin (4 478 m, Suisse), que l'on nomme aussi Matterhorn, tient son nom de Hore, ou Horu en dialecte valaisan — das Horn, en allemand, signifie la corne.

Informations tirées du bimestriel Alpes Magazine (n° 130, août-septembre 2011).


Image Face nord à droite et face est à gauche — Wikipédia/The Library of Congress, Washington DC

24 août 2012

Aléas d'août


Azpeitia 21, avenue de Landeta, poussez la porte, entrez, asseyez-vous. Public détendu et sans artifice. Beaucoup de musique et souvent des toros, mais peu cette année.

Solidité et bravoure Valdellán à Parentis.

Moreno de Silva Plof !

Bayonne Bon ben va falloir aller soutenir Bayonne… Les jours avec El Juli ou les jours de toros ?

Saint-Sébastien ? Un endroit improbable pour une clientèle ciblée dont on nous avait vanté le concept génial au moment de l’inauguration, et qui aujourd’hui ressemble à un bunker sentant le pipi gardé par un service d’ordre qui découragerait un peloton de la légion étrangère. Bildu ou pas bildu, cet endroit est dépourvu de charme et de passion. La page est tournée depuis la destruction du Chofre.

Dax Cinq ans d'absence et passage rapide pour voir les toros d'Escolar et le public bicoloré. Les tercios de piques ont mis en évidence un manque de fond pour les 1er et 5e. Plus sérieux, les 4e et 6e (qui prend trois piques dont deux cariocas parce qu'il a cinq ans et demi et des cornes) ont été aussi dégonflés par la lidia. Le sérieux 2e a développé un genio inquiétant et le 3e méritait bien davantage la vuelta al ruedo que le 5e. Le vilain 1er, sans race, s'est vite réservé. Le public hésitait, recherchant à la fois succès et consistance. J’ai bien noté que les escaliers 17 et 18 résistaient avec une admirable constance. Qu'ils sachent que, depuis le G10, Pierre-Albert Blain les soutient et qu'El Juli ne pratique plus « tauromachie éjaculatoire » (sic). Dax a mis soixante-dix ans pour placer le picador en face du toril et quatre-vingt-cinq pour faire passer l'écartement des lignes concentriques d'1,80 m à 2,50 m. À noter aussi que la plupart des puyas étaient bien posées ce jour-là. Autrefois convaincue d’avoir un train d’avance, Dax doute désormais, et c’est peut-être bon signe, mais que de temps perdu.

Vic-Fezensac Le Cercle taurin de vieux (CTV) s’inquiète pour les sous mais s’enferme puisqu’il est vieux et que Chopera administre le fonds de pension.

Morante de la Puebla Dans l’échec il reste un savant, un torero libre et créatif. Rare et cher… Depuis 2011, et malgré 2012, le 23 août reste un jour férié sur mon calepin.

Bilbao et Jandilla Tant de bravoure qui se perd dans tant de faiblesse.

Cuéllar Partir, voir ailleurs pour réfléchir… mieux, bien sûr.

Mario Tisné

À propos du « monopicador »


Appelez ça comme vous voudrez, tendance, « in », fantaisie d'été ou caprice de drôle, il n'empêche qu'il n'aura échappé à personne que la temporada française 2012 a choisi de tourner le cul aux coquineries onéreuses de nos starlettes pour leur préférer quelques aspects moins saillants mais plus piquants du panel taurin.

Ceci m'amène à souligner un fait inédit, sans doute dû à la tournure des choses, vu quelques fois au cours de cette temporada : le « monopicador ».
De rigueur jusque-là dans les corridas concours (et quelques ruedos en avance sur leur époque), on a vu cette année, et ce à maintes reprises, des organisateurs préférer la présence d'un seul picador dans leur ruedo, mais toujours en des occasions très ponctuelles : par exemple, l'événement « Toros de France » à Vic, voire même la corrida d'Escolar Gil à… Dax !!! Si, si !
Ces deux exemples ont d'ailleurs fait apparaître l'évidence que cela ne peut pour l'instant se produire que lors de corridas où les élevages sont dits « durs » (étonnamment, les autres corridas des cycles vicois et dacquois ont toutes été piquées avec deux picadors en piste… et l'on ne sait toujours pas ce qui a motivé cette exception), et montrent que l'on ne réserve pas le même sort à tous les toros cela variant selon le sérieux de l'affaire, j'imagine. Entendez par là qu'il y a donc officiellement un toro que l'on souhaite voir piqué soigneusement et un autre offert à un éventuel dézingage à l'ouvre-boîte sans que cela n'émeuve quiconque. Mais c'est encore un autre problème et je vous laisse le soin de tirer vos propres conclusions… sur lesquelles nous aurons beaucoup à dire prochainement. En tous cas, si j'en juge par ces constatations, je veux croire que cette présence solitaire apparaît pour les organisateurs comme une solution, ou un simple gage, à la réhabilitation d'un premier tiers mortellement atteint et à l'appréhension de l'être « toro » trop longtemps mis à mal par la notion de « modernitude ».
Cela signifierait que l'on est en train de mettre sur pattes une énième génération de corrida de toros où l'attention des foules serait concentrée sur la lidia du premier tiers. Alors, comment interpréter ce fait nouveau ?

D'abord, qu'on se le dise, la Fiesta a tout à gagner de la généralisation de cette unique présence en piste : par définition, un seul picador réduit l'affluence dans le ruedo — moins de monde, c'est plus de clarté et moins de distraction pour la bête.
Ce picador unique oblige l'animal à concentrer son attention sur un seul et même objectif, particulièrement dans un petit ruedo, mais, pour des raisons différentes, il se trouve que cela pourrait se vérifier aussi dans un grand ruedo, bien que cette deuxième présence se justifiât davantage dans ce genre d'arène. Ainsi, la présence massive et mouvante du picador suffit à ce que le toro focalise son regard sur lui seul. Une seconde présence de ce style dans son « dos » et hors de sa vue provoque la méfiance vis-à-vis d'un point qu'il ne contrôle pas. Imaginez-vous avec un adversaire face à vous et un autre dans votre dos ? Vous ne livreriez sans doute pas le même combat que contre un seul, et tout en tentant de vous défaire de l'un votre garde serait plus aiguë vis-à-vis de l'autre, celui que vous ne voyez pas. Parce que l'attention du toro est portée sur l'ensemble du théâtre et non sur une cible unique, il ne se livre pas pleinement et l'appréciation de sa bravoure réelle se trouve faussée.

Capter l'attention d'un toro sur un seul et même point pousse obligatoirement le maestro et ses hommes à un travail plus ciblé et précis. La lidia prend alors tout son sens car il n'est pas question que le toro perde temps et énergie à galoper d'un bout à l'autre de la piste, surtout quand celle-ci est grande ou qu'on lui donne des passes superflues, comme la mortelle chicuelina dont on ne voit souvent que la beauté de l'exécution tout en oubliant qu'elle peut être plus dévastatrice qu'une pique. Tout cela cumulé nuirait bien entendu à la suite des événements et porterait préjudice au déroulement du tercio : le toro s'épuiserait en vue des autres tiers ; le public perdrait le fil de l'action et se lasserait, à plus forte raison si le toro se montre tardo ou querencioso. Il est donc indispensable de ne pas perdre l'animal de vue et de le garder savamment dans les plis de sa cape. Voilà pourquoi la présence d'un second picador dans les ruedos de grande taille se justifie plus aisément que dans les petits elle permet de rattraper les erreurs de lidias (voulues ou non), voire de les autoriser.

La brega donnée dans un petit ruedo pourvu de deux picadors se doit d'être tout aussi pointue et millimétrée que dans un grand. En effet, il suffit de replacer brusquement l'animal au centre de la piste pour qu'au moindre mouvement de tête sa vue, soudainement distraite par un nouvel objectif, se fixe sur le second picador, déjà à portée de corne, et qu'il se jette alors dessus sans que l'on ait eu le temps de porter le quite opportun. L'appréciation des qualités de bravoure, peut-être pourtant réelles, est alors perturbée et le tercio perd là aussi tout son sens. À ce sujet, je prie pour que le Club taurin vicois finisse par en prendre conscience…
Par ailleurs, et cela est plutôt remarquable, l'absence du second picador dans ce genre d'arène libère un espace dans lequel on peut désormais placer un toro cul aux planches, celui-ci prenant de fait possession d'un terrain inédit dans ce tercio. Même tardos ou querenciosos, on a donc pu voir des bichos s'élancer de loin, de très loin, et même de l'autre bout de la piste. Autant dire que pour les hommes en place tout cela oblige à une réflexion sérieuse dans la façon de mener les lidias (les picadors eux-mêmes ne sauraient démentir), ce qui donne enfin la part belle au toro et au tercio, qui s'y prête — et si ce n'est pas par la qualité de la bravoure démontrée, c'est au moins par l'émouvant spectacle d'un fauve se jetant corps et âme sur l'unique objet de sa colère. 

Un travail de qualité (efficacité recherchée des quites de cape, de brega et de lidia) pousse naturellement l'autre héros du tercio, le picador, qui focalise alors sur lui tous les regards et les peurs, à plus d'efforts dans sa tâche. Toujours guidé par le maestro, son travail consiste non seulement à assurer sa propre sécurité (on ne saurait en douter) mais à « aguanter » un toro qui va dans quelques secondes vous réserver toute sa rage. Citer un toro planté trente mètres devant vous oblige parfois à bien des subterfuges, des gesticulations et des manipulations, et l'on ne pourra que se réjouir de l'occasion qu'ont su saisir Gabin Rehabi, à Céret, ou Alberto Sandoval, neveu de qui vous savez, à Dax, pour transformer leur rude labeur en une vibrante communion rappelant à certains les glorieux après-midis exotiques des inoubliables Efrén Acosta et Anderson Murillo. Qui s'en plaindrait ? Reste à prouver que cela découlerait naturellement de piques placées dans le morrillo… Pour l'instant, rien n'est moins sûr et je le déplore. Mais, une fois n'est pas coutume, avançons à petits pas.

Bref, je ne vous ferai pas en plus l'affront de vous expliquer que, pour ce genre d'exercice de haut vol, mieux vaut s'assurer que le bourrin sur lequel on est assis est passé maître dans l'art de se faire secouer la couenne sans trop remuer du croupion. Là encore l'absence d'un second picador en piste, donnant l'opportunité d'augmenter les distances entre le toro et le cavalier, implique que les montures soient préparées à cet exercice d'un nouveau genre et que les cuadras dressent des chevaux solides et mobiles à souhait prompts à encaisser des impacts plus conséquents. Mais, après tout, avouez que l'on ne saurait refuser l'occasion de quelque batacazo velu qui pourrait se présenter. 
'Camarito' aurait-il été le grand brave qui nous a tant éblouis à Vic s'il n'y avait pas eu qu'un seul picador en piste ? ou s'il avait été lidié quelques jours plus tard à Madrid ? Allez savoir… Ce qui est sûr, c'est qu'un brave toro vicois, en raison de la taille du ruedo et de lidia que l'on y donne en conséquence, ne serait peut-être qu'une bedigue sans fond à Madrid pour les mêmes raisons. Et la présence d'un unique picador est à l'évidence le geste premier d'une lidia consciencieuse et raisonnée fait d'abord par l'empresa au public du lieu dont elle a la charge.

Il reste toutefois à trouver le moyen d'officialiser cette pratique, en la justifiant publiquement et non pas en l'« exceptionnalisant » de façon fantaisiste. J'imagine que ce qui vaut pour Robleño et ses Escolar peut finalement bien valoir pour le G10 et ses Zalduendo, sans quoi la scission entre deux formes de tauromachie ferait apparaître un sentiment d'injustice chez les partisans du fer et de la sueur face aux caprices de la dizaine d'empruntés aux poignets onctueux. Il serait donc grand temps, pour le bien de tous et de la tauromachie, que les organisateurs de tout poil progressent dans ce sens, car si cette pratique est certainement encore faillible et n'admet pour l'instant aucune conclusion officielle, nous admettrons qu'elle apparaisse déjà comme un embryon de changement allant dans le bon sens : celui de l'humilité, de l'amour du travail bien fait, de la beauté technique du geste (opportun, équilibré, intelligent), et de la place centrale redonnée au toro et à l'expression de sa bravoure. Sans oublier de mentionner que cela a même l'air de plaire aux foules, toujours plus sensibles au travail laborieux de l'artisan consciencieux qu'aux exigences malvenues de starlettes un peu susceptibles et jamais assez rémunérées.  

À bon entendeur…

23 août 2012

Céret 2012 — Escobar


Avec beaucoup de retard certes, mais-enfin-bon-hein elle est là la galerie de Florent consacrée à la novillada matinale de Céret 2012 !

22 août 2012

Clic


Sudouest.fr. Clic. « Toros ». Clic. 18 août 2012 : « Une réflexion à mener autour des figuras ». Clic. Jacques Pène fait le bilan de sa féria de Dax.

« À l'heure actuelle, il existe deux types de corridas. Les courses toristas, avec du bétail d'Escolar Gil, d'Alcurrucén et de Baltasar Ibán qui était super bien présenté [...] »
Ça commence fort ! Ils nous refont le coup des Ana Romero. Torista Alcurrucén, torista Baltasar Ibán ! Insupportable ce mot « torista » maintenant. Utilisé par les excités de l’aviso à la seconde près pour s’autoproclamer connaisseurs de la doxa taurine tout autant que par les organisateurs en mal de reconnaissance et de séduction à l’égard d’une certaine frange de l’afición, le mot « torista » s’applique maintenant à toutes les sauces et justifie certains carteles tout autant que l’incapacité de ces mêmes organisateurs à faire lidier ces corridas aux figuras. C’est ainsi que pendant deux ans les Ana Romero, parce que d’origine Santa Coloma, furent présentés comme toristas ; c’est ainsi que Marie Sara considère que Margé et Fuente Ymbro c’est torista aussi. Aujourd’hui, le torista est seulement l’élevage que les membres du G10 ne veulent pas toréer (sauf en de rares cas et en de rares lieux), autant écrire donc que tous les élevages qui ne sont pas en photo dans Aplausos sont des élevages toristas.
De plus, mentionner que les corridas de ces trois élevages étaient très bien présentées revient à laisser supposer que les autres corridas, celles destinées aux figuras, ne l’étaient pas. Évidemment, à lire entre les lignes, on comprend que ce sont les figuras qui imposent ces lots et cette présentation et non pas la pauvre organisation qui a les mains liées face aux exigences de ces méchants messieurs. Quand les grandes arènes françaises (par la taille et le nombre de spectacles s’entend) ont voulu être classées en première catégorie, avaient-elles un tant soit peu réfléchi au fait qu’il faudrait suivre sur le plan de la présentation des toros ? Il est quand même hallucinant de constater le niveau moyen de présentation de certains toros dans ces arènes de première catégorie françaises qui gonflent la poitrine et remuent du popotin quand vient le temps de la présentation de leur féria. Avez-vous vu la tronche de ce ‘Calabrés’ de Daniel Ruiz gracié par monsieur Perera dans les arènes de Béziers ? 

« Notre ligne directrice a été de soigner la présentation des toros, et nous avons fait des choix au campo dans ce sens. Nous avons vus et revus les toros, et nous savions ceux qui sortiraient. »
La commission taurine de Dax sait à l’avance quels toros vont sortir dans le ruedo ! Nouvelle extraordinaire qui montre tout le sérieux de cette organisation. Que les autres arènes de première catégorie françaises qui achètent leurs toros sur le catalogue de La Redoute en prennent donc de la graine !

« Comment expliquez-vous le comportement du public dacquois lors de la corrida avec El Juli ?
C'est difficile à comprendre. J'ai l'impression que les gens sont restés sur la corrida de l'an dernier et se sont dit que Jandilla et Juli ça allait être un peu hard. Et même si la course était bien présentée, avec des toros à 297 kg de viande et dont quatre ont donné du jeu, le public a dit "niet". C'est injuste de contester la qualité d'une corrida seulement parce qu'il y a des vedettes et c'est d'autant plus étonnant que ce phénomène ne s'est pas reproduit le mardi. »
Trente-huit euros un gradin supérieur ombre pour voir monsieur El Juli et ses consœurs faire mumuse avec des Jandilla choisis par eux, voilà peut-être un début de réponse. L’argument financier de celui qui paye n’est pas seul en cause et ne doit pas l’être. Il se fait chier ton public monsieur Pène devant El Juli ou Perera et leurs jandillasses resucés. Il s’emmerde ! Il se cure le nez ! Il mate la bourgeoise décolletée ! Il boit des bières ! Il pense à l’apéro ! Le public est con, faut s’y faire. C’est comme ça, c’est l’effet du groupe, l’instinct grégaire. Pour autant, il débourse quelques économies pour assister à une représentation sans filet, unique, dramatique et belle. Il est prêt à accepter les loupés, les jours sans, mais il ne supporte plus qu’on se foute de lui ou qu’on le moque, à l'instar de ces journalistes taurins accrédités qui ne comprennent pas ses réactions contre le grand El Juli et qui le trouvent injuste. Proposons donc à ces personnes qui sévissent dans la presse quotidienne régionale, dans la presse spécialisée et sur Internet de fermer leur gueule, de ranger leurs stylos, leurs appareils photos, leurs caméras et de se casser. Un jour, l’un d’eux m’a glissé, mais il avait bu, « qu’il fallait virer un certain président d’une commission taurine locale parce qu’il exagérait », et j’ai pensé en le regardant baver ses mots que c’était lui qui ferait mieux de dégager, car c’était un mec comme lui qui, avec ses écrits et son regard d’en bas, faisait beaucoup plus de mal à la corrida.

« Pourquoi ne pas généraliser la rentrée d'un seul picador, comme cela fut le cas uniquement face aux toros d'Escolar Gil ?
C'est une réflexion que l'on va avoir avec les autres membres de la commission. Nous avions tenu à le faire dimanche pour que le toro, s'il était mis en suerte au centre, ne soit pas distrait par le picador de réserve, placé devant le toril. »
Et pourquoi ce genre d’initiative heureuse ne s’appliquerait-elle qu’à des courses comme celle d’Escolar Gil ? Pourquoi la commission taurine de Dax n’a-t-elle pas voulu faire briller au cheval toutes ses courses ?

J’ai le net sentiment que la réflexion ne doit pas être menée autour des figuras, mais bien autour du toro. Que l’on soit à Dax ou ailleurs

21 août 2012

Vingt et une piques… en Andalousie


Arènes blanches ultrabright, soleil de plomb, ciel au-delà du bleu et des toros sur le sable. Andalousie !

Oui, Andalousie… Oui mais vingt et une piques, oui mais une corrida concours de ganaderías… en Andalousie, eh oui !

¡Enhorabuena!

C'est notre ami Fabrice Torrito qui le raconte sur son blog. Courez-y !

17 août 2012

Collioure 2012 ou quand le « Trophée de l'anchois »… choit !


Sortie de ‘Capitan’ — Collioure, 16 août 2011 — Montage photo JotaC

Hier, 16 août, le cœur serré, droit dans ses vigatanes tressées, une pensée émue étreignait soudain l'aficionat d'aqui : « Mais qui est le triomphateur de la féria de Collioure 2012 ? »
Le soir venu, comme à l'accoutumée, les festivités s’achèvent en apothéose par le superbe spectacle pyrotechnique, qui embrase entièrement la voute céleste de la Méditerranée catalane.
— Oh ! la belle bleue !
Des milliers de bouquets virevoltent dans les airs, des myriades de paillettes fluorescentes, des ribambelles de feux follets multicolores retombent en gerbes frémissantes dans l'eau tiède de la somptueuse baie, bercée par un doux ressac à l'accent merveilleusement rocailleux et subtilement anisé. 
— Oh ! qu'elle est jolie la carte postale !

Habituellement, avant que n'éclate cette pétillante soirée, se déroulait la traditionnelle novillada des fêtes — jusqu'à l'année dernière du moins. En 2011, le dernier novillo s'appelait ‘Capitan’. Il est entré en piste dans les arènes « fixatives » de Collioure pour y être combattu et mis à mort par Emilio Huertas.
— Oh ! que c'est vilain du sang sur la carte postale !
‘Capitan’, un novillo particulièrement bien présenté, astifino et « encasté », a posé de nombreuses difficultés au jeune matador. Un novillo fier et hautain, dur au mal, comme ses frères. Un tío de l'élevage des Héritiers de Christophe Yonnet… C'était le dernier. Le der des ders !

Une fois la fameuse novillada défaite, tout s'accélère. Une fois l'encombrante placita métallique déboulonnée, tout s'aménage, tout change. Le quartier change. Le monde change.

Trois cent soixante-cinq jours plus tard, quelques vagues à l'âme se sont brisés sur les jetées du port et beaucoup d'asphalte s'est répandu sur le sable de la piste. Trois cent soixante-cinq jours plus tard, tout change. Emilio Huertas, lui-même, change… d'apoderado. Trois cent soixante-cinq jours plus tard, pour ne rien oublier de la grandeur de son passé taurin, en lieu et plaza de toros d'une novillada la féria de Collioure 2012 s'est offert une course de rue toujours aussi colorée, mais hémoglobinement édulcorée et politiquement corrigée… Pathétique !
— Oh ! que c'est joli… un enterrement de première classe !
Trois cent soixante-cinq jours plus tard, tous ceux qui ont trouvé une place près de la gare, à l'emplacement des anciennes arènes, sont les triomphateurs de la féria de Collioure 2012. Certes, ils n'ont pas remporté l'obsolète « Trophée de l'anchois » déchu. Tout s'aménage, tout change. Mais résolument transportés dans l'univers symbolique du XXIe siècle, ils ont reçu la consécration… Le prix du parcmètre. Olé !

 Les arènes portatives et fixes de la gare — Collioure, 7 mars 2012 — JotaC

Pour mémoire, cette photo a été prise le 7 mars 2012. Le soir même, le conseil municipal entérinait la démolition des arènes. Deux mois plus tard, il n'en restait plus rien. « Visca la Catalunya taurina ! » qu'ils disaient.

Il n'y a plus que Millas et Céret…

À pile ou face


Ángel Otero Céret, 15 juillet 2012 — Florent Lucas

Je me promène parmi les chevaux de pique lorsque le fourgon gris aux vitres teintées fait son apparition dans l'arrière-cour des arènes de Céret. Soudain, c'est l’effervescence, et la meute des photographes et d'admirateurs s'avance à la rencontre du torero. Fernando Robleño descend du véhicule. Il ne pourra pas faire plus de dix mètres. On somme au torero et à la cuadrilla de poser pour la postérité, ici même, dans ce terrain vague sans âme, bien rangés en rang d'oignions. A-t-on peur qu'il ne s'en aille en courant ? N'y a-t-il pas meilleur endroit pour faire poser les braves ? Je m'approche du groupe de cyclopes, me cale sur un côté et décide de ne pas faire la photo qu'une bonne vingtaine de personnes va répéter à satiété. Une brochette de toreros dans un terrain vague, la classe.

J'abandonne la scène et me réfugie à l'ombre du patio de cuadrillas. Ici, je compte bien figer le portrait de Robleño. Au moins un, pour capter son regard bleu azur, y déceler la peur, la détermination, ou tout autre sentiment différent d'un sourire forcé devant une troupe de paparazzi. Au moins, je tenterai ma chance. Ángel Otero, le banderillero d'Emilio Huertas, engagé pour ce « seul contre six », me rejoint. Le savoir à mes côtés me fait plaisir. Je le connais, le salue, rien de plus ; il n'est pas nécessaire d'en faire davantage dans ces moments-là. Je préfère le laisser à ses pensées, à ses étirements et, tel un lion en cage, à ses va-et-vient dans le tunnel. D'autres banderilleros arrivent et, peu à peu, l'étroit patio de cuadrillas se remplit. Je cherche une place et commence à être mal à l'aise, à ne pas savoir où me mettre. Je songe même à abandonner l'idée du portrait au moment où Ángel me tape sur l'épaule :
— Flo, t'as une pièce ?
Je reste interloqué, Ángel ayant plutôt l'habitude de me demander une cigarette, une dernière petite blonde avant d'entamer le paseíllo. Je lui demande étonné :
— Une pièce de combien ?
— De cinq cents euros !
— Quoi ?
— Une pièce quoi ! Peu importe le montant du moment qu'il y a une pile et une face.
Je fouille dans ma poche et extirpe péniblement une pièce de vingt centimes.
— Tiens !
— Non, garde-la.
Ángel se retourne vers Jesús Romero, un autre banderillero, et, d'un hochement de tête, lui fait signe de choisir le premier. Ce sera pile pour Jesús et face pour Ángel.
— Vas-y, Flo, lance la pièce.
Je ne connais pas l'enjeu, mais je lance la pièce au milieu du patio de cuadrillas. Si j'étais réalisateur de cinéma, je vous raconterais que cette pièce s'est envolée, que sa parabole m'a semblé interminable, que je l'ai vue tourner sur elle-même au ralenti, que Jesús et Ángel ne l'ont pas quittée des yeux, qu'ils paraissaient prier au fond d'eux-mêmes pour gagner le tirage au sort… Eh bien non. Rien de tout cela. Je me suis contenté de ne pas l'envoyer trop haut, de me concentrer pour la rattraper et, surtout, de ne pas la laisser tomber par terre. Cela aurait fait tache, et Dieu sait quel signe du destin ces deux-là y auraient vu.

Ça y est, je tiens la pièce dans mon poing fermé. Voilà le moment de la retourner pour découvrir qui a gagné le tirage au sort. Je souhaite que ce soit Ángel, car je soupçonne que le jeu doit en valoir la chandelle. Je plaque la pièce sur le dos de ma main gauche et je relève doucement la droite. Les deux banderilleros ont les yeux rivés sur mes mains afin de prévenir tout litige. Merde, c'est pile. Je confirme l'évidence à haute voix. Jesús n'hésite pas une seconde : « Le deuxième ! »

Ángel, lui, ne dit rien, pas nerveux pour un sou et bon perdant. Il se retourne, regarde maintenant le ruedo cérétan. Je ne demande pas mon reste, je fais deux pas en arrière. Plaqué contre le mur, je commence à gamberger sur le pourquoi de la chose. Je rage un peu d'avoir été parti prenante de ce petit jeu qui avait tout l'air d´être sérieux — putain ! ça me chiffonne pour Ángel. Et si je proposais une revanche ? Je suis con ou quoi ? J'en suis à ces réflexions, seul dans mon monde mais désormais entouré par toute la cuadrilla et la petite horde des photographes, lorsque je sens une main se poser sur mon épaule.
— Flo, t'as une clope ?
Je respire, me détends — ça doit se voir —, et lâche dans un souffle :
— Carrément !
Je tends à Ángel le paquet entier accompagné de tout le contenu de ma poche.

Fernando Robleño est dans le tunnel. Je fais ma photo, la photo que je voulais, et me sauve. Quand Ángel salue l'ovation du public après avoir posé les banderilles au deuxième toro, je suis aux anges. Je dois avouer que je n'ai pas fait attention à la prestation de Jesús au cinquième, qui s'avéra le plus dangereux de la course. Coup du sort…

Trois semaines plus tard, je retrouve Ángel à Soustons. La question me brûle les lèvres, et je finis par lui demander l'enjeu de ce tirage au sort. Dans un sourire, il me dit qu'ils ont joué la brega de ‘Caralegre’ et d'‘Artillero’, deuxième et cinquième toros, qui revenait à Jesús ou Ángel.
— Le deuxième, ‘Caralegre’, était cinqueño. Tu comprends, aucun de nous deux n'avait envie de lui poser les banderilles.

Je lui ai fait promettre de ne plus me mêler à leurs petites affaires.