Cherchez, cherchez toujours, vous ne trouverez pas. C'est lui, l'élu, le NUMBER ONE. Alors oui, Torrealta hahaha, Ventorrillo hohoho, je vous répondrai que si vous avez vu la même chose que moi, vous ne pouvez continuer de vous voiler la face et chercher des prétextes pour illustrer votre mauvaise foi. N'empêche qu'à l'heure où je vous parle, le romarin se cueille dans la Sierra de Guadarrama, Séville est une banlieue madrilène et Julián López "El Juli" est le meilleur torero, même à la télé. Point barre.
Après pareille démo, je mets mes ripes à couper que même l'ami Thuriès ne trouverait pas lui-même dans son effrayant capharnaüm de
ganaderías en tout genre, une seule bête à cornes potentiellement foutue de faire douter Juli, même pas du côté de Guendulain. C'est une évidence.
Ce branleur est un monstre de technique, un mammouth de
poder, un Sigmund Freud des
toros.
Avec lui, l'héritage de Belmonte en prend un coup, c'est sûr, et peut-être aussi l'Histoire du toreo des années 2000, car jusque-là, la corrida plongeait irrémédiablement dans une spirale résignée de l'Esthétique sans fond ni contenu, juste l'épiderme, le superflu. Juli n'aura certes jamais les poignets du Cid de Bilbao, ou l'andalouse torería de Morante, sûrement pas le déhanché de Manzanita, de moins en moins le tour de taille d'Aparicio, mais puréeeeee, quelle leçon de toreo, de Lidia et de Maîtrise de tous les paramètres !
Même Zurcidor n'aurait pas parié un kopeck qu'il aurait toutes ces passes au fond du bide ! Et puis, pas pour rire, les passes !
Qu'on se le dise, Juli descend de la branche Gallito, même si le système et l'époque en ont fait un petit con incorrigible, exigeant des faveurs, refusant les emmerdes. C'est vrai. Une tête à claques que j'aurais moi-même aimé baffer, parfois. Seulement voilà, définitivement le Juli détient un feu rouge d'avance sur les autres : il pue l'Afición a los toros, et possède un mental de warrior.
Il sait tout des toros et sait tout leur faire. Un dollar sur la table, qu'il leur susurre des mots sucrés aux oreilles. Deux dollars que les toros en redemandent.
Pourquoi faut-il alors se réjouir que Juli prenne en main les commandes du bateau ? Simplement parce que Juli prouve tous les jours que son bagage technique n'a rien d'anecdotique et que grâce à lui, il surclassera sans pitié le premier morpion au poignet velouté venu, renvoyant enfin la notion seule d'Esthétique sur la banquette arrière du camion. "Esthétique" dont beaucoup ont longtemps cru qu'elle était l'essence même de la corrida post-belmontienne. "Esthétique" dont toutes les figuras actuelles sont bien sûr garantes, chacune dans un style qui lui est propre. Sauf que Juli possède en plus l'arme ultime : la conscience de son pouvoir.
Et vues ses dernières prestations, il en a encore sous la pédale, le bonhomme !
Les sceptico-sceptiques me diront bien que pour l'instant, il ne s'est agi majoritairement que de "douceurs" vistahermoseñas. Vrai de vrai. Parfois même outrageusement amoindries... pour sûr ! Le Juli profite du système, c'est indéniable, et des faveurs que lui accorde son statut de figura, incontestablement. Mais ce drôle-là ne craint rien ni personne, et les quelques rares "actuaciones" face aux Victorino, aux La Quinta (...) me font croire que, fort d'une technique qu'on n'avait pas encore complètement mesurée (et pourtant, on le savait fort), en plus d'un savoir insondable, il aurait en plus les capacités mentales que seul l'orgueil torero peut stimuler, pour s'enfermer dans un ruedo poussiéreux avec les monstres les plus retors de la mythologie torista, si cela s'avérait nécessaire. Une carte que le madrilène garde dans sa poche arrière, et qu'il sortira le moment venu, quand il le jugera opportun.
Il suffirait alors qu'un ou deux présomptueux décident de talonner le "fenómeno" en s'arrimant à d'autres arguments que la suavité du geste, pour que de vieilles résurgences de saine rivalité que l'on nomme ici "competencia", nous reviennent à l'esprit comme un lointain souvenir d'un temps qu'on nommait "l'âge d'Or de la tauromachie".
Et quand la competencia est là, tout peut arriver, y compris les choses les plus folles, les plus inespérées, les défis les plus osés, les duels les plus inattendus, qui pourraient même aller jusqu'à un changement de terrain et de registre que beaucoup d'entre nous espèrent depuis très... trop longtemps, car si le duende, le ligazón, le temple et autres redondos inversés ne suffisaient pas à assoir la suprématie du Juli, nul doute qu'il y aurait encore la possibilité de voir ce que les tempéraments les plus rustiques de la généalogie brava ont dans les tripes. Car Juli, c'est certain, saurait de quoi leur parler, lui. Et de cela, plus personne ne peut en douter.
Si Julián López décide d'allumer le feu, il faudra être fort, TRES fort, pour lui coller aux basques, et peut-être alors se préparer à tous les sacrifices, voire toutes les folies, de la part de ses compañeros... y compris les plus "toristes" !
Ne vous prendriez-vous pas à rêver qu'un José Tomás décide soudainement de contrarier la fatalité ?...