Il se trouve que là, tout de suite, l'envie de baisser les bras m'a traversé la caboche. Comme une énorme envie de m'en foutre, comme une envie pressante de dire : "Eh bé, tè... qu'ils se démerdent !"
L'exaspération vient quand l'espérance est vaine. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est tout le monde. Et il s'avère que moi, vous, nous, tout le monde donc, on s'exaspère de la malhonnêteté populiste ambiante à tous les étages. Celle qui s'est soudainement émue du sort des putes, celle qui n'en peut plus de tant d'immigrés dans son champ de vision, celle qui gerbe sur les pauvres, celle qui flatte les salauds de ce monde, avant de leur envoyer ses zingues supersoniques dans les gencives, celle qui mitone des lois pour débarrasser la société gentille des tarés qu'elle a elle-même engendrés, celle qui... bref, la liste est longue et indécente comme le chiffre du chèque de fin de mois d'un patron du CAC40.
Et vous, et moi, et nous, on subit tout ça, tous les jours, attérrés, consternés, exaspérés... avec nos petits moyens, nos petits quotidiens, "notre petite auto et notre petit chapeau", sans faire de bruit, bien droits, bien obéissants, bien mignons... Viendra le jour où l'on nous suppliera d'élire celui qui aura le devoir de nous guider, nous les simples mortels, à travers les ténèbres pendant 5 ans ou plus si affinités, et là encore, vous verrez que si vous me choisissez, votre vie sera enfin belle, et que si vous votez pour moi, vous serez enfin riches, enfin beaux, et enfin intelligents... ! La suite, vous la connaissez, en tous cas, vous pouvez commencer à la craindre...
Je suis fatigué des discours de ces insupportables trouducs qui s'offusquent du sort du malheureux lybien en arrosant le jambon-purée de bobonne au Château-Pétrus parce que y a plus que ça dans la cave. Epuisé des carambars molassons à gauche et des clowns pathétiques à droite qui ne cessent de nous dire que c'est comme ça, la vie, la vraie, et pas autrement, tout en citant Voltaire sans trop comprendre qu'ils l'insultent à trop se risquer à lui rendre hommage.
Moi, j'ai vraiment commencé à chanter le blues quand, par dessus le marché, mon affection pour les toros s'est vue elle aussi prendre un sérieux coup de parpin démago dans le dentier, en parfaite osmose avec la satire socialement mondiale, ou mondialement sociale, qui nous accable outrageusement depuis le début des années 2000, depuis deux atterrissages ratés sur des tours US trop hautaines. Ainsi, comme vous, je me désole de l'image de ces inébranlables branleurs du Moun brandissant "benoîtement" des portraits de guerriers oubliés, parce que la "bien-pensance" locale avait préféré le baroque outrancier d'un professionel gominé incarné par la silhouette glamour d'une blonde cavalière, au désir de ce péquenaud de contribuable. Avouez que pareille garantie à la tête d'une telle entreprise, ça a quand même une autre gueule qu'un troupeau de jeunes cons en havaïanas, non ?
Comme vous, j'enrage de constater que le mundillo ne bougera pas un poil de cul et se complaira à mariner dans ce cloaque merdeux jusqu'à ce que mort s'ensuive, pendant que les incontournables du ruedo, au QI plus tendre que celui d'une pelle, s'obstinent à ne pas voir qu'il est grand temps de freiner velu sur leurs revenus galactiques et ne jurent que par le Parladé bubble-gum pour tourner en rond dans leurs muletas légères.
Comme vous, je me dis qu'il y a des coups de pieds au cul qui se perdent quand j'entends par ici que "les encastes disparaissent", que je lis par là-bas que "les toros ne les supportent plus", et que le fruit de la réflexion sur ce pathétique boxon ce résume à la conception d'une pique "frenchy" new génération, bonne à masser les dos et décoincer les nerfs (happy end comprise...) de ces tristes bestiaux plus marioles à l'heure de la gamelle qu'au moment de bastonner le peto... poil au dos.
Comme vous, je déplore l'air con qu'on leur inflige avec ces infâmes fundas, et ne sais toujours pas bien à qui profite le crime... Pourtant j'ai quelques hypothèses.
Comme vous, je sature de cette tauromachie nouvelle que l'on s'évertue à rendre "incontournable" pour la survie de je ne sais quoi, de ce marketing visqueux dont les oracles-gourous et autres chasseurs-aficionados se font les colporteurs quotidiens à coups d'éditos prévenants, d'opus splendides sur papier glacé et de récits envolés contant les batailles européennes et hauts faits d'armes contre l'ennemi de toujours, l'anti. Ces mêmes gens qui sifflaient dru quand le ciel était bleu, quand on chantait tous en choeur dans les ruedos gascons ensoleillés, allaient nous montrer qu'ils en avaient, eux, du savoir et de tout le reste, parce qu'incontestablement, eux, ils avaient les épaules et ils allaient la sauver, eux, la fiesta brava. Et même qu'il valait mieux pas y toucher !... Fallait les entendre et les voir brandir haut les badges.
Ces jours-ci, je me marre "jaune citron" de voir fleurir leur acné d'éloges "bisounours" à la gloire du génie visionnaire et incompris de l'infortuné Juan Pedro, et n'attends pas autre chose de leur part que des requiems dégoulinants et faussement pleurnichards préparant l'éventualité imminente d'un : Ci-gît la ganadería du brave Curé de Valverde... qu'elle repose en paix, ou encore : Nous n'oublierons jamais les patas blancas de Barcial, paix à leur âme, ou là-bas : Les toros de Guardiola ont livré leur dernier combat, ils peuvent enfin se reposer... Enfin bon, soyez sûrs que l'opus machin, toujours en vente, vous contera de jolies histoires d'autrefois, d'incroyables souvenirs de mayorales comme on n'en fait plus, avec de belles photos et des interviews exclusives de vieux maestros parkinsonisés !...
Car, point de doute, c'est bien en ces termes et en ce sens-là que tous les OCT de la planète travaillent à redonner un sens "noblasss" à notre passion chérie, en signant de glorieux traités européens pour préserver la tauromachie, LEUR tauromachie, la "moderne", la desgarbadesque qui pique fraîchement et indulte noblement pour mieux enterrer le grand Brave, rêche et rustique, qui ne va bien ni aux poignets trops savoureux ni aux publics festifs de dimanches triomphants. Bref, dans ce joyeux bordel, quid des notions fondamentales de Combat, de Lidia, de Caste et, vous allez rire, de Toro ? Belle foutaise, en fait, je vous le dis...
Ainsi, comme vous, je n'espère plus rien ni de nos incontournables cireurs de pompes, ni de cette afición "Madrange" ni de ce mundillo canaille, encore moins des OCT, tous trop décevants ; et pour parer à la morosité ambiante, je ne saurais donc trop vous conseiller de vous "Stéphane Hessel-iser", de vous indigner contre cette "génération Desgarbado" absolument triomphaliste, quitte à bouffer du foin et la ficelle autour, sans n'attendre rien de personne, surtout de ceux qui ont le pif dedans, qui signent des traités pour sauver un bras gauche endolori, et posent un pansement poli sur le droit qui est gangréné. Fini de bramer passivement, voici venu le temps de l'indignation, de l'auto-gestion, de la prise en main, de vous-mêmes par vous-mêmes, qui consiste à dire MERDE haut et fort. Ne vous résignez plus, et riez aux tarins de ceux qui ont usé et abusé de leur temps de parole. Comme toujours, le destin de l'Afición est entre les mains des seuls aficionados, et si vous êtes de ceux-là, décidez de faire la tauromachie de demain à votre image, en refusant ouvertement que l'on vous serve la soupe. Car Vous, consommateurs, clients, payeurs, amateurs, possédez le pouvoir de dire NON, le pouvoir de ne pas aller aux arènes, et donc de ne pas consommer bêtement, sans réflexion, sans parti pris ni convictions fortes. Parce qu'ici et ailleurs, les pages d'écritures ne suffisent plus, les souffles s'épuisent, les troupes se lassent, et pour autant, les choses ne peuvent pas évoluer que dans un sens. Sans cuica ni caxixi, offrons-nous une révolte silencieuse, en nous pointant simplement au rendez-vous en aficionados responsables, et offrons-nous nos propres alternatives, car à tout mal, répond un remède, comme toutes les Barcelone du monde ont leur Céret, comme tous les Casas/Sara du monde ont leur Escalier 6, comme tous les 'Desgarbado' du monde ont leur 'Camarito', comme tous les opus du monde ont leur terredetoros.com. Refusez, contestez, exprimez-vous, vous trouverez 35 tonnes de raisons de vous indigner, mais enfin, une bonne fois pour toutes, mettez le foutoir dans les tendidos. Après, seulement après, vous pourrez dire que vous avez quand même essayé de changer les choses.
A Stéphane Hessel, sa vie, son oeuvre et son déjà culte "Indignez-vous !".