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21 septembre 2013

Barrancos


Ma découverte de Barrancos a débuté il y a bien longtemps avec les mots de Pierre Dupuy dans la revue Toros, puis ceux de Jacques Durand dans Libération.

Barrancos est un village improbable du bout du monde du Portugal, là où les Lusitaniens passent les toros au fil de l’épée. 
Barrancos… Un village perdu dans un territoire isolé de tout, tellement isolé qu’il ferait paraître immense ce grand pays pourtant si petit. Un village cerné par le Porço Preto et les oliviers, luxe suprême. Barrancos, dont les deux « r » se roulent à la portugaise, entre la jota espagnole, sèche, et les « r » roulés. Deux « r » qui restent coincés sur le haut de la langue, contre le palais.

Grégoire Fabvre, qui vit chez nous, au pied du pic Saint-Loup, a eu un jour l’idée lumineuse d’aller se perdre à Barrancos, caméra à l’épaule, accompagné d’un preneur de son. De ses voyages il a fait un film, étonnant, émouvant, profond, superbe. Alors Barrancos est devenu autre chose qu’un nom ou un symbole, autre chose que le village de la résistance. Barrancos est devenu une envie de voyage et de territoire vierge, de retour aux sources.

Passara, le film de Grégoire, est distribué par les éditions Atelier Baie. Le contact fut donc facile, les échanges immédiats, et l’envie de partir tourna rapidement à l’obsession. J’avais l’impression de discuter avec un type qui venait de marcher sur Mars, et depuis que j’en suis revenu, j’ai le sentiment d’être allé moi aussi sur cette autre planète. Sensation délicieuse, entêtante et déjà empreinte de nostalgie. Saudade. Ça n’a rien à voir, mais le lendemain, pour mon retour sur terre, Ugo Ceria, un poète italien qui vit à Madrid, m’expliquait qu’il n’existe pas de Pessoa espagnol. Finalement, si, ça a peut-être à voir.

Ma préoccupation principale étant les images, j’ai beaucoup interrogé Grégoire pour savoir comment envisager ces courses de deux toros et comment pouvoir photographier au plus près de l’action. 


« Salut François,
Pour pouvoir accéder à la piste, il y a quatre possibilités, que j’ai expérimentées, aussi galères les unes que les autres :
— La première, très rock’n’roll : avec les jeunes, perché sur les rondins, sous les places assises. À la sortie du toro, on ne voit rien. Il fait cinquante degrés, c’est la panique, impossible de faire des images. En revanche, on est au cœur de l’action, c’est très sympa. Dès que le toro est canalisé, après les banderilles, on peut alors sauter en piste sans problème et même s’asseoir sur le sable pour regarder la faena. C’est une bonne expérience à vivre qui permet de faire de superbes images dans le dernier “tiers”.
— La seconde : derrière les rondins amovibles, entre la sociedade “du haut” et l’église. C’est par là que passe l’arrastre. On est “quiché” debout tout au long de la course et, à moins d’être arrivé très tôt (au moment où ils fixent les rondins pour fermer l’arène) on ne voit rien à part des nuques. Le seul intérêt est de pouvoir accéder à la piste en même temps que l’arrastre.
— La troisième : être dans l’une au l’autre sociedade. Là encore, il ne faut pas espérer voir grand-chose de la course, mais on peut accéder facilement à la dépouille du toro.
— La quatrième : le top ! L’emplacement depuis lequel j’ai filmé les courses présentes dans Passara, derrière le burladero de la banque. C’est l’endroit idéal, mais, pour m’y faire accepter, il m’aura fallu deux ans, quatre voyages à Barrancos, boire un verre avec chaque habitant du village, prouver mon afición, apprendre à parler le dialecte barranquenho, aller à la messe… Je plaisante, mais c’est un peu ça… Tu peux tenter le coup. Pour cela, il faut que tu rencontres Hernani, ou son collègue dont j’ai oublié le nom. Ils travaillent à la banque. C’est en quelque sorte leur place réservée. Hernani est sympa ; il passe ses journées à s’éclipser de son guichet pour aller boire et jouer aux cartes. Il peut être lourdingue, mais je pense qu’il m’aime bien. En lui montrant tes bouquins et en lui parlant de Passara, ça peut le faire. Il supporte le Sporting. De notre côté, sauf retournement de situation, nous ne descendrons pas cette année. On reste en contact. 
À bientôt.
Grégoire. »


28 septembre 2012

Alberto Monteiro


Je suis tombé sur ses photographies en cherchant autre chose. J'ai cru à Séville, à l'Andalousie. Raté, c'est Nazaré, Portugal. Obrigado senhor Monteiro !
Pour se faire une idée plus précise et plus complète de la superbe œuvre d'Alberto Monteiro, c'est par ici.



17 août 2012

« Vaca das Cordas »


L'Espagne et le Portugal recèlent de coins où l'on « joue » avec le toro et/ou les vaches. L'afición y est souvent multiséculaire, extrêmement populaire, simple comme un bonheur d'enfant.

En furetant sur le Net à la recherche d'autre chose, on tombe sur ces photos d'un certain Luis Duarte prises à Ponte de Lima, dans le nord du Portugal.

Un lien (en polonais) donne une vision assez complète de ce travail intitulé « Vaca das Cordas » dans lequel le noir et blanc est superbe.



>>> Luis Duarte : le site | le blog

24 février 2012

Koudelka sur mon frigo


Pour Philippe…

Elle est longtemps restée sur mon frigo. Je l’avais achetée à Lisbonne. J’en avais acheté deux. J’en ai offert une à un ami. En la découvrant, j’avais aimé le pelage du toro. Si l’on peut considérer cette bête comme un taureau de combat. Au dos, il n’y avait rien inscrit de particulier. Je n’en savais pas plus sur l’auteur du cliché. En rentrant, je l’ai accrochée sur mon frigo. Avec d’autres cartes postales reçues de-ci de-là. Mais celle-là je l’aimais bien. Le pelage du toro, le noir et blanc, le Portugal. Je l’aimais bien pour tout ça. Parfois je la regardais sur mon frigo en sirotant le jus d’orange au goulot, en cachette. Parfois, je n’y faisais pas attention. J’ouvrais le frigo, je le fermais, je ne la voyais pas. L’habitude qu’elle soit là, je me dis.

Je l’ai perdue.
Je bois mon jus d’orange et je ne la vois plus. Je regarde la porte de mon nouveau frigo. Je la referme. Il n’y a rien dessus. Je l’ai perdue.
Aujourd’hui, je sais qui a tiré ce cliché. C’est étrange que je découvre son auteur au moment précis où il disparaît de mes habitudes. Ça ne change rien. C’est étrange la vie des fois. C’est tout.
C’est Josef Koudelka qui a pris cette photographie. En 1976. À Nazaré. Au Portugal. Josef Koudelka est un photographe d’origine tchèque. Il n’est pas mort. Kertész était hongrois, il est mort. Je ne crois pas que Kertész ait un jour photographié des toros. Je me trompe peut-être. J’aurais aimé. Josef Koudelka a reçu tous les prix que peut imaginer recevoir un photographe dans sa vie. Mais cela n’a aucune importance. Les prix, les médailles ne servent qu’à flatter, rassurer ou déculpabiliser ceux qui les refilent. C’est abject les prix. Y a les César ce soir. Abject. Josef Koudelka a fait des photographies face auxquelles les mots ne sont que mutisme.
Prague, 1960. Une silhouette « out of focus », un arbre vague à droite. Voyage au bout de la nuit. On dirait qu’il neige.
En 1976 — j’aime bien cette année 1976 —, Josef Koudelka a traversé le Portugal. Il a pris cette photo qui manque sur mon frigo.
C’était donc lui. J’ai découvert que c’était lui par hasard. En regardant un portfolio de Sabine Weiss sur Internet. Par hasard. Je trouve que ça va bien avec la photo le hasard, mais c’est une autre histoire ça. Sur Internet, la photo est intitulée « Josef Koudelka. Portugal, Estremadura. Town of Nazaré, 1976 ». That’s all. Cartier-Bresson laissait des légendes. Pour le contexte. Pour situer. Koudelka n’a laissé que ça. Après tout, ça n’a aucune importance, je ne regarderai plus jamais mon frigo du même œil.


>>> Josef Koudelka chez Magnum Photos.

Photographie Portugal, Estremadura. Town of Nazaré, 1976 © Josef Koudelka/Magnum Photos

18 décembre 2011

Journée taurine Orthez 2012


Novillos de D. Fernando Pereira Palha, mars 2010 © Laurent Larrieu
Au petit jeu des annonces des élevages pour 2012, si le cargo vicois menace dangereusement de s'échouer dans le golfe de Gascogne tandis que le monocoque cérétan maintient le cap toutes voiles dehors, le frêle esquif orthézien, lui, a pris l'audacieuse option de filer vers le sud en longeant les belles et sauvages côtes du Portugal.

Samedi 21 juillet 2012 - 11 h
5 novillos de D. Fernando Pereira Palha - « Quinta das Areias », Vila Franca de Xira (Região de Lisboa, Portugal) - Veragua, Palha Blanco et autres.

Samedi 21 juillet 2012 - 18 h
6 toiros de D. António José da Veiga Teixeira - « Pedrogão », Montemor-o-Novo (Alentejo, Portugal) - Pinto Barreiros et Oliveira Irmãos.

24 mai 2011

O Elefante Branco


Au Portugal, un club anglais, rococo, élitiste et interdit aux femmes. Normal, c’est un club anglais. Portugais mais à l’anglaise. Ce qui ici n’a rien d’étonnant.
Dans des vitrines trônent quelques très grands vintages auxquels pas grand monde ne porte encore attention.
Les fauteuils sont profonds et confortables en diable. C’est juste que l’on n’ose pas s’y affaler.
L’atmosphère du début de soirée est feutrée, les cravates encore ajustées, les saluts courtois et chaleureux, mais encore sur la retenue.
Là, un ministre, plus loin un secrétaire d’état.
Dans une autre pièce, un capitaine d’industrie se la raconte avec un éleveur de taureaux de combat.
Et puis, un marquis, «Le» Marquis. Un personnage jovial, différent, immédiatement accessible et sympathique. Petite moustache à la Hercule Poirot, l’œil malin et humour so british.
Un marquis que l’on s’étonne d’entendre parler portugais et que l’on imaginerait bien plus volontiers avec l’accent d’un lord anglais.
J’ai la sensation d’être dans une bulle anachronique, loin de tout mais protégé de rien.
La soirée est délicieuse. Les esprits s’embrument lentement mais sûrement et avec délice au rythme des verres qui se remplissent et se vident de vins rouges de l’Alentejo.
La nuit avance sans heurts, mais sans répit. Les conversations se font de plus en plus vives, les ministres ne se la racontent plus, les éleveurs non plus, et le marquis semble survoler tout ça.

Cigares... cubains.
Cigares et porto : un monde pour dominer le monde.
Un de nos hôtes me prend par le bras, l’œil malicieux, et m’attire à l’écart.

— Viens, il faut que je te raconte quelque chose.
— Tu vois, mon ami le marquis...
— Ah oui, le marquis. Quel type ce marquis !
— Oui, le marquis, il n’est pas plus marquis que toi ou moi remarque ; mais c’est le marquis. Pour tout le monde ici, c’est le marquis.
— Oui, bien sûr, je comprends.

— Eh bien figure-toi que le marquis il n’a jamais voulu se marier. Il est assez riche pour avoir des domestiques, et ne pas se laisser emmerder à demeure par une légitime. Alors le marquis il ne s’est jamais marié tu vois.
— Oui, effectivement, ça peut se concevoir.
— Et donc le marquis, eh bien forcément, il est devenu le meilleur client de l’Elefante Branco. Car le marquis il adore les femmes tu vois.
— Ah oui, je vois.
— Et le plus amusant avec le marquis, c’est qu’il est tellement sympathique et tellement bon client de l’Elefante Branco, qu’avant de mourir, la tenancière l’a couché sur son testament. De client, il est devenu... patron ! Le marquis a hérité d’un bordel !
Fin de l’anecdote.

La soirée s’est étirée, entre volutes et porto, rires et bonne humeur.
C’était il y a une quinzaine d’années. Je me souviens très précisément de cette soirée — on ne dîne pas tous les jours avec des ministres — et surtout de cette confidence, dont j’ai bien dû douter un instant de la véracité. On ne croise pas non plus tous les jours un marquis légataire d’une maison close.
Il y a quelques semaines de cela, dans cette même ville portugaise, quinze années plus tard, nos pérégrinations nous ont mené devant la façade clignotante et lumineuse de l’Éléphant Blanc ; histoire de nous souvenir qu’un jour un faux marquis a hérité d'un vrai bordel. Enfin je crois.

>>> Vous ne trouverez, hélas, aucune galerie dans aucune rubrique du site www.camposyruedos.com — z'ont pas voulu, sauf celle volée au Iphone...

07 avril 2011

« Ton ami Charles »



Pour un jeune du Ribatejo, le Portugal des sixties était aussi chiche en emplois que celui des années 2000. Originaire du district de Santarém, Carlos Pereira Costa n'avait été retenu ni par l'administration ni par les champs ; le manque de diplôme et l'absence de soutien lui avaient fermé la première, tandis que les seconds n'avaient jamais été envisagé, du fait d'un rhume des foins tenace, et pour tout dire stupide, alors même que son travail le fascinait. La vingtaine, fiancé depuis quelques mois et un bébé bientôt sur les bras, Carlos avait reçu la lettre d'un cousin qui, mis dans la confidence par un oncle ou une tante, lui proposait de le rejoindre dans le centre de la France, à Montluçon.

La manufacture de pneumatiques (et de balles de tennis) embauchait des ouvriers, et Carlos ne tarda pas à rejoindre l'industrieuse et prolétaire sous-préfecture de l'Allier — Moulins misant sur le tertiaire, et Vichy, les pastilles. Traversée par le Cher et gérée par le PC, ce qui n'était pas pour lui déplaire, il y construisit sa maison, s'y fit des amis — des camarades, aussi —, et ses deux filles y trouvèrent chacune un mari. Dunlop payait suffisamment pour envisager un aller et retour par an au pays ; quand le CE et le syndicat, eux, permettaient à moindre frais d'envoyer les enfants en colonie de vacances — à cette époque, conscience de classe, progrès social et solidarité avaient encore un sens.

Pendant plus de trente ans, Carlos sua aux côtés de Pierre à l'assemblage ; autour des machines, ils se tuèrent à la tâche, se donnèrent du courage. A l'usine, au local syndical ou au bistrot, Carlos parlait tant du Ribatejo — le Tage, les chevaux, les paysages et les touros —, qu'une fois à la retraite Pierre n'avait pu faire autrement que s'y rendre avec sa femme. Quelques années auparavant, Carlos — les copains le taquinaient en l'appelant Charles avec une pointe d'accent bourgeois — avait écrit à son « Très cher ami », au 3 rue de la Lombardie, une carte postale de « L'entrée de Taureaux » dans sa très chère ville de Santarém. Pierre la garda précieusement dans son portefeuille, jusqu'à la fin.

Jusqu'à ce que ses fils la remettent à un cartophile de Saint-Pourçain... et qu'un bouquiniste de Lille la revende à un aficionado corrézien.

Image Carte postale (bilhete postal) sans date ni éditeur.

22 octobre 2010

Carlos Cazalis, photographe


Carlos Cazalis est mexicain, et photographe. Nous l’avions très rapidement évoqué il y a quelques semaines. Vous pourrez le découvrir ce week-end dans le supplément du Monde qui présentera son travail sur José Tomás.
Un sujet taurin, dans Le Monde Magazine, et pas pour parler de cornada tragique, ou d’interdiction — enfin on espère —, la chose est assez rare pour être signalée.
Carlos est aficionado, mais il n’est pas photographe taurin. Il est photographe tout court, photographe professionnel, récompensé par de multiples prix pour son travail, dont le World Press Photo Award en 2009.
Allez sur son site, pour fouiner, fouiller et vous y perdre. Vous découvrirez ses séries sur les mégapoles, ses portraits ukrainiens, Haïti... Trop de choses pour tout évoquer ici.
Visitez et vous verrez que son travail sur Tomás n’est qu’une infime partie de sa production photographique. Lorsque nous avons invité Carlos à venir s’exposer sur Campos y Ruedos, nous aurions évidemment pu lui demander de présenter ses clichés sur José Tomás.
Mais en fouinant nous avons découvert une autre série, moins mise en valeur, peut-être plus intime et sans doute plus émouvante, plus étonnante : les forcados d’Évora. Et c’est ce travail-là, absolument superbe, que nous avons eu envie de partager ici.
Après plusieurs années à photographier la tauromachie espagnole, Carlos s'est mis en recherche de quelque chose de plus authentique, de plus proche des formes anciennes des jeux taurins. La nécessité d'un retour aux sources par la recherche de traditions sans doute moins en prise avec la modernité, et donc moins édulcorées, où la peur est plus perceptible. Alors Carlos a pris la route, direction le sud du Portugal, Évora, à la découverte des forcados.

"Ils ont été avec moi extrêmement courtois, hospitaliers. J'ai commencé à photographier un entraînement, avec des vaches, une chose très agréable à voir.
Ma première impression a été de penser qu’ils étaient des brutes épaisses, ce qui les a ensuite beaucoup amusés lorsque je le leur ai avoué.
J'ai rapidement assisté à une cuite terrible qu'ils ont prise tous ensemble. Il y avait là quelques nouveaux qui ont dû improviser un petit théâtre, une sorte de rituel d'entrée dans le groupe.
Aux arènes, ce qui m'a fasciné ça a été de voir leur peur de l'inconnu.
Un matador se confronte lui aussi à de nombreux problèmes, mais, c'est son métier, et il en connaît bien les risques et sait comment les affronter.
Les forcados sont des amateurs. Ils ne reçoivent pas de paye, et ont beaucoup à perdre dans l’histoire. Ceci étant, la passion que tu peux voir dans leur regard est unique et fascinante.
Je suis parvenu à comprendre qu'ils puisent une force terrible dans cette peur collective qu’ils transforment en courage collectif. L'amitié qui les unit est la chose la plus forte que j'ai connue. Il s’agit d’une union des forces, de fraternité, de familles qui se connaissent. Depuis un village natal commun, tout se conjugue en une sorte d’épreuve et de lutte contre le toro. C’est sous-jacent, à tout moment, aux arènes et dans leurs vies de tous les jours.
C'est toujours une grande joie pour moi de faire désormais ce voyage, et me retrouver au milieu d’eux qui me traitent maintenant comme un des leurs.
En réalité, je dis toujours qu'ils sont comme ma famille du Portugal, et grâce à eux j'ai connu des villages, et les coutumes de leur pays que jamais je n'aurai pu vivre de façon aussi intime.
Ils sont dans une certaine mesure une force très importante de la culture portugaise car ce pays est encore terriblement enraciné à sa terre, et je le trouve merveilleusement authentique à l'heure où nous vivons dans un monde tellement matérialiste.
Pour eux, être forcado, c'est beaucoup plus qu'affronter un toro, c'est une façon de vivre, de conjuguer l'amitié, les unions, les familles, et les cuites qu'ils prennent ensemble à la fin de chaque repas, et qui ne font que renforcer leurs liens.
Et ils n'ont pas peur d'assumer leurs défaillances. Dans les repas qui suivent chaque corrida, il n'y a pas de meilleur forcado que celui qui reconnaît publiquement ses erreurs devant les autres, et promet de faire mieux à la prochaine course, pour le bénéfice de tout le groupe.
En Espagne, le matador est un héros solitaire, au Portugal les forcados sont des guerriers qui vivent leurs vies pour la gloire du moment, entourés de leurs meilleurs amis."

Justement Carlos, nous sommes là très loin de ton travail sur José Tomás, héros très solitaire comparé à ces forcados.
Tu le vois comment, lui, par rapport aux autres matadors ?

"Je le vois très différent. Mais ce qui me le fait paraître différent n'est pas nécessairement son toreo, mais peut-être cette disposition à une constante recherche d'une vérité et d'une pureté dans ce qu'il fait. Et je crois que, de ce point de vue, c'est la même chose qui existe chez les forcados, un authentique désir de tout donner pour le toro, ce qui est peut-être la seule façon d'aller au-delà de ce qu'il est, de lui-même.
José Tomás représente pour moi une grande vision du passé, celui d'une éducation perdue dans le monde matérialiste et de consommation dans lequel nous vivons.
Il est une sorte de héros solitaire que nous aimons, que nous envions et qui nous autorise aussi à détester tout ce qu'il représente, mais sans lequel, cependant, nous sentirions nos vies bien vides. Il est notre cœur et notre âme en conflit."

>>> José Tomás, les forcados d’Évora, tout ça sous l’œil, l’objectif et le talent de Carlos Cazalis : 
- pour les photographies de Tomás, rendez-vous sur le site de Carlos rubrique EPHEMERA ;
- pour les forcados d’Évora c’est sur le site de Campos y Ruedos en rubrique PHOTOGRAPHIES ;
- des galeries, ici ou ailleurs, Le Monde Magazine ce week-end, en attendant forcément des livres sur les forcados ou sur José Tomás, tout cela en préparation. Des projets que nous suivrons évidemment de très près.

Hasta muy pronto Carlos.

29 septembre 2010

Le cheval portugais


— Oh ! regarde le beau cheval. Il est beauuuuu !
— Je te l’ai déjà dit et je vais le répéter une dernière fois. Les seuls chevaux pour lesquels il vaut la peine de jeter un regard, ils ont un caparaçon et y’a un gros monsieur planté dessus et ce gros monsieur il a une grande lance en bois avec un bout en fer pour puyasser les toros et il parle avec une grosse voix comme çaaaa.
— Oui je sais tu me l’as déjà dit tout ça. Mais il est beau, non ?
— Il est à poil ton bourrin ! Tout nu, perdu, sans but, sans destin ! On dirait une pub pour un savon sans femme nue dedans. Y’a un manque, un vide. C’est un concept, tu peux pas comprendre, t’es trop petit.

Le problème du Portugal, c’est le cheval. Le problème du cheval portugais, c’est son endurance et le fait qu’il déteste porter le caparaçon. Il fait sa sainte nitouche, il prend des pauses, des airs de rien, secoue le crin pour se remettre la mèche et discute des derniers potins qu’il a entendus chez son maréchal-ferrant. Le cheval portugais regarde la vache de haut et la trouve toute crottée. Il ne souffre pas la boue, ne goûte que de loin le charme campagnard, mais pour lui suranné, du bleu de la placita de tienta et ne daigne même pas faire caca sur le sable blanc sale où la vache épuisée le poursuit.
Le cheval portugais déteste le premier tiers et lit 6toros6. Le soir, avant de se coucher, le cheval portugais se connecte au réseau, discute sur Facebook avec d’autres fans de la frange de travers (c’est la mode) et feuillette l’édito du président de l’OCT pour savoir comment Morante a été Dieu, Ponce une grosse merde et Juan Bautista génial le jour où il devait toréer à Sangüesa.

— Putain, tu comprends maintenant ???

>>> Retrouvez une galerie consacrée à une tienta chez Ribeiro Telles sur le site www.camposyruedos.com, rubrique CAMPOS.

Photographie
Le dernier Ribeiro Telles de la dynastie © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

05 septembre 2010

La grande route... Porto


Après le Campo Charro, Fuentes de Oñoro et sa frontière lunaire, le Portugal, direction Porto, désormais par l’autoroute, mais depuis peu. Avant, c'est-à-dire il y a encore deux ans, c’était la terrible IP5, notoirement meurtrière, cabossée, impraticable juste après la frontière, tourmentée et vicieuse à partir de São Miguel da Guarda.
Et puis il faut bien dire que les Portugais au volant, c’est un monde. Les doubles lignes blanches n'y peuvent rien. Le Portugal, ses incendies et ses fous du volant, son IP5. Voilà pour le côté obscur de la chose.
IP5, prononcer "I Pé Cinco". Itinéraire Principal, direct en enfer.
Mais après l’enfer, au bout de la route, après l’itinéraire principal numéro 5 : Porto, émouvante, intemporelle et entêtante pour qui veut bien se donner la peine de la découvrir, l’apprivoiser, la comprendre pour rapidement en tomber amoureux. Porto... Douro, Vinhos, Noval, Niepoort, Solar, Vila Nova de Gaia, Cais, Eiffel, Siza...
Jacques Maigne, que vous connaissez sans doute pour des écrits plus taurins, a commis il y a trois ans, pour le compte de la revue Géo, un superbe texte sur Porto, tellement juste pour qui connaît la ville. Et Jacques nous fait l’amitié de le partager ici avec nous. Alors profitez bien, Porto...

Le jeu de piste s’ouvre aux abords de la place de la Liberté et de la mairie, à la dérobée des immeubles cossus d’inspiration castillane. Dans le saisissant décor années trente du café Guarany, les indiens amazoniens peints par Graça Morais, artiste renommée, dévisagent des clients solitaires plongés dans la lecture des journaux. Bulle feutrée, luxe discret. A trois rues de là, dans les allées de Bolhão, forum nourricier de la ville haute, les marchandes de fleurs et de coquillages se houspillent à grands gestes. Elles sont les figures respectées de ce beau marché XIX°.

Aux étals de boucherie, on vend jusqu’aux cous et pattes des poulets, mais ce sont les tripes qui sont à l’honneur. Normal, c’est l’un des plats emblématiques de la ville, à l’origine du surnom des habitants, les « tripeiros », les tripiers. Vieille histoire. Epoque des conquêtes ultramarines d’Henri le Navigateur, héros local, où les « portuenses » offraient aux équipages en partance toute la viande disponible et se contentaient des carcasses et des abats.
Ce surnom, ils en sont fiers et les Lisboètes, ces « poètes » du sud qu’on appelle ici « mouros » (maures) ou « alfaçinhas » (petites laitues !), peuvent les railler à loisir. S’en moquent. Porto n’est pas une cité au charme alangui qui, à la manière de Lisbonne, l’éternelle rivale, cultiverait la nostalgie des océans perdus. Les « tripeiros » sont des travailleurs acharnés, des pragmatiques, des gens simples, directs, fidèles en amitié et tout cela leur convient. Et puis, cette saison encore, le FC Porto, ancré dans son stade du Dragon, domine le championnat de foot et tient à distance le Sporting Lisbonne. « Benfica, on n’en parle même pas ! » tranche Nelson, le vieux serveur de la Casa Antunes, rue do Bonjardim. Nelson entame sa trente-septième saison dans ce restaurant familial et Nelson est un artiste, un vrai, un de ces serveurs inspiré ailleurs disparus depuis des lustres.

Il conseille la morue aux oignons ou alors le jarret de porc au four « pour reprendre des forces ». Sa ville à lui, elle est ici, dans cette salle blafarde et chaleureuse où tous les habitués le saluent avec déférence. Porto regorge de ces petits lieux conviviaux et rassurants, ouvertement démodés, où se perpétue en beauté un art de la table ancestral. Roboratif.
La foule déborde des trottoirs, rejoint la rue Santa Catarina, l’axe piétonnier et commerçant, s’engouffre dans les allées d’un centre commercial mille fois vu ailleurs, envahit la terrasse du Majestic, la brasserie chic, et croise sans les voir des mendiants d’un autre âge dont ce vieux violoniste aveugle vissé au beau milieu de la chaussée.

Au delà des murs d’azulejos bleu fané de l’église São Ildefonso, la place da Batalha, pourtant largement remodelée, bascule sans prévenir dans les années cinquante. Les boutiques, la façade flétrie d’un cinéma, les pigeons sur les fils mais aussi l’allure même des passants... tout renvoie à des souvenirs de films anciens. En noir et blanc. Rue Cima da Vila, où des prostituées felliniennes se forcent à sourire à l’entrée de bars rougeoyants, c’est le Barrio Chino barcelonais qui émerge à l’improviste. Un peu plus bas, la peausserie O Crocodilo, elle, résiste contre vents et marées. Tomas de Almeida, le propriétaire, a sauvé à deux reprises son caïman du Brésil de quatre mètres de long suspendu au plafond. En 1990, les agents du fisc ont voulu saisir le monstre naturalisé au nom d’une circulaire européenne sur les espèces protégées. Quelques années plus tard, c’est la société Lacoste qui a exigé en vain un changement de nom et d’enseigne. Anecdote, oui, mais les « tripeiros », doux et discrets par nature, n’ont jamais aimé qu’on leur force la main.

Longtemps fief d’une bourgeoisie commerçante et libérale, métropole industrielle et ouvrière, Porto a toujours résisté, dans son histoire, à toute forme d’oppression (révolution de 1820, lutte contre les Espagnols puis les Français, opposition au régime de Salazar). Sans le crier sur les toits.
Dans la salle des pas perdus de la gare de São Bento, la foule gonfle à nouveau puis se disperse comme nuée d’oiseaux dans les ruelles proches. On se laisse porter par la vague, d’abord hésitant puis vaincu. Sous le charme. L’imposante cathédrale da Sé, la Torre de Clerigos, églises historiques, sont des sémaphores de granit où se glissent à toute heure des femmes pressées et silencieuses. Sur l’esplanade proche de l’université et du palais de justice, des tablées d’étudiants chahutent au café d’Ouro, plus connu sous le nom de Piolho. Foyer intellectuel et havre de toutes les conspirations durant la dictature de Salazar, ce bar historique vient de renouer avec les « tertulias », débats publics et enflammés.

Au fil des ruelles et de rencontres brèves, toujours souriantes, cette ville haletante, à la fois granitique et vaporeuse, distante puis d’un coup familière, reste nimbée d’un voile flou. Est-ce l’effet de la fatigue ? On a peu à peu l’illusion de remonter le temps, de frôler à la toucher la ville d’avant, la ville intacte. Rua das Flores, la déambulation prend des accents irréels.
Derrière la porte de cette boutique d’articles religieux, la vendeuse somnole dans la pénombre parmi des statuettes de vierges et saints aux couleurs criardes. Sur le même trottoir, la librairie Chaminé da Mota est un extravagant cabinet de curiosités, une caverne d’Ali Baba dont les sous-sols recèlent des dizaines de milliers de revues, de gravures, de vieux livres introuvables. Sur la place proche où pavane la statue d’Henri le Navigateur, le palais de la Bourse, lui, en rajoute. Le salon arabe du premier étage, inspiré dit-on des palais nasrides de l’Alhambra de Grenade, c’est l’orient kitchissime. Et, coup de grâce, à une encablure, l’église São Francisco vous saisit dès l’entrée dans son délire de bois dorés qui submerge les piliers, la nef, ruisselle sur les autels, enserre un arbre de Jessé en bois sculpté, gigantesque, vertigineux.
Point d’orgue du baroque portuense, ce décor fou, réalisé en 1753, avait alors nécessité l’usage de 210 kg d’or à 22 carats...

L’église cousue d’or, fermée au culte pour éviter sans doute de choquer les fidèles, est à elle seule parabole. Le baroque et la mouise. On est au cœur de la ville d’origine, au beau milieu des quartiers qui jouxtent les quais du Douro, si touristiques. Andreia Costa, étudiante en architecture, évoque d’une voix frêle le déclin du centre historique et la pauvreté, la survie, la solidarité de tous ces gens modestes, protégés par une loi qui bloque les loyers depuis les années cinquante. Elle décrit leur vie de « naufragés », au beau milieu du périmètre classé depuis 1996 au patrimoine mondial de l’UNESCO, à deux pas des vitrines pimpantes du quai de la Ribeira, là où resplendit le fameux pont métallique Dom Luis Primeiro, joyau de l’école Eiffel. Pour elle, pas de doute : ce « télescopage » est bien à l’origine des « émotions du vieux Porto ».

C’est tout le paradoxe du grand port du nord, son étrangeté, sa poésie aussi. En dix ans, Porto l’industrieuse, la pudique, s’est pourtant métamorphosée. Nouvel aéroport futuriste, métro au design parfait, Casa da Musica tombée du ciel, d’ores et déjà considérée comme une des meilleures salles du monde, promenade maritime totalement rénovée à Foz de Douro... « Ma ville provinciale est devenue européenne » admet Andreia. « Mais ce n’est qu’une apparence » rectifie-t-elle aussitôt.

Porto multiplie les ruptures de rythme, de ton et se révèle pas à pas, au jour le jour, au rythme ralenti des « rabelos », les voiliers qui transportaient jadis les vins de la vallée du Douro. Le jour décline le long du fleuve et le petit tramway à sièges cannés se rapproche de l’embouchure dans des crissements métalliques. A São João da Foz, les ruelles pavées, bordées de petites maisons colorées, perpétuent le charme de l’ancien quartier des pêcheurs. Village replié, silencieux. Rua das Motas, un café minuscule, quelques ateliers d’artisans et une poissonnerie sont au coude à coude, en résistance. Les voisins de la vaste avenue Gomes da Costa, eux, sont calfeutrés dans de somptueuses villas et le musée d’art contemporain du parc Serralves est un éblouissant vaisseau blanc, chef-d’œuvre de l’architecte Álvaro Siza.

Vers Boa Vista, le quartier bourgeois et résidentiel, les signes anciens s’espacent, la ville se normalise, se civilise. Au sommet de la Casa da Musica, gigantesque cube de verre et de béton clair, des hommes d’affaires déjeunent et chuchotent dans le décor épuré du Kool, la table chic et design du moment. Tout au nord, près de Leixões, le port de pêche le plus actif du pays, joggers et promeneurs se croisent dans l’immense Parque da Cidade (50 ha) puis baguenaudent le long de la promenade maritime, totalement redessinée au ras de l’eau pour les piétons.

Ce sont quelques-uns des habits neufs de la ville, quelques signes de la mutation en cours. Mais la grande métropole du nord portugais (270 000 habitants intra-muros, plus de 2 millions dans l’agglomération) est encore entre deux eaux, entre deux âges, à l’image de sa confluence physique entre Douro et Océan. Equilibre fragile. Fuyant. Troublant. On traverse la cité d’aujourd’hui, la cité bouillonnante, en mouvement et c’est la ville ancienne qui ressurgit. S’entête. S’incruste. Imprime sa douce et persistante mélancolie.
Jacques Maigne

La grande route


Il existe une route, entre Salamanca et le Portugal, une route aujourd’hui presque fantôme.
La N620, du temps de sa splendeur, me faisait penser à la rue Estafeta de Pampelune un quatorze juillet, la foule aux balcons en moins.
Un encierro permanent de poids lourds, à double sens, accompagnés dans leur fuite en avant par des centaines de voitures, avec en guise de journal leur seul clignoteur et une paire de freins pour se faire le quite.
Deux voies, pas une de plus, et un bilan à peu près aussi miraculeux que celui de la rue Estafeta de Pampelune un quatorze juillet.
Je n’ai trouvé cette route déserte qu’une seule fois, un premier janvier, aux alentours des dix heures du matin. Trois voitures, une vieille fourgonnette et aucun camion.
Je suppose que la rue Estafeta de Pampelune les 1er-janvier vers les dix heures doit être extrêmement calme elle aussi.
Au bout de la route après Salamanca, à cent dix kilomètres exactement, juste après Ciudad Rodriguo, apparaît sans prévenir Fuentes de Oñoro et sa frontière lunaire.
Supermercados laids et colorés, dernières pompes à essence avant le Portugal plus cher.
A Fuentes de Oñoro, juste avant le poste frontière, un dernier panneau, une direction encore espagnole, une seule, Aldea del Obispo, à droite. On passe devant l’église, blanche, pierres d’angle en granit.
Une autre route, plus étroite encore, mais peu fréquentée celle-là, longe la frontière entre les deux pays. Là-bas, un peu plus loin, vivait Alfonso Navalón. Le portail est aujourd’hui doublement fermé. Une chaîne toute neuve est venue prêter main forte à la vieille.

Il y a quelques années les hommes ont décidé d’en finir avec la route Estafeta du Campo Charro et ses courses de camions. Alors ils en ont construit une autre, très grande, juste à coté de l’ancienne. Deux fois deux voies. Terminés les encierros de camions, les voitures qui doublent avec la peur de l’imprévu qui déboule en face, le miracle permanent. Fin des angoisses et des sueurs froides.
Pour qui a connu et pratiqué l’ancienne route, la nouvelle donne la sensation d’être suspendue au-dessus du pays. Vous y êtes, sans vraiment y être, ou alors un peu comme en avion, ou tout en haut d’un balcon de la rue Estafeta, mais plus en bas en train de courir avec les autres.
Survol d’un paysage désormais lointain même si la signalétique demeure évocatrice : Río Tormes, qui vous amène chez le défunt curé, mais il faudrait faire demi-tour, Vitigudino, La Fuente de San Esteban, Martín de Yeltes, Robliza de Cojos...
Là-bas, juste après le grand virage, on sait qu’on n’est pas loin de chez Sepúlveda et Atanasio, mais on n’y est plus vraiment. Eux non plus d’ailleurs n’y sont plus vraiment. Mais ce n’est pas la faute de la grande route.
La dernière fois, nous sommes sortis à Barbadillo pour faire de l’essence, et sur quelques kilomètres parcourir l’ancienne route désormais apaisée et déserte.
La station-service semble fantôme et le grand panneau qui n’annonce plus rien donne au paysage des allures de fin du monde. Je le cadre. Je le positionne à droite, puis à gauche. Rien ne presse. J’ai tout mon temps. Je pense à Yannick qui me racontait quelques jours plus tôt que souvent Willy Ronis cadrait un paysage, prenait une photo, puis attendait le passage d’une présence humaine pour en refaire une autre, plus aboutie. Démarche impensable ici, au milieu de rien, sur l’ancienne route de Salamanca au Portugal. Et c’est au moment où je pensais à Yannick, à Ronis, et à une improbable présence, que ce vieux est sorti de nulle part, comme recraché par la grande route.

01 mai 2010

6 imponentes toiros


Cette affiche, il vaut mieux l'avoir sous le nez et ne pas être trop pressé car elle en dit long...
Le 2 mai à Vila Franca (de Xira), dans les arènes Palha Blanco (tiens, tiens), dont on célèbre le centenaire en 2010, seront combattus en corrida portugaise 6 imposants toiros de Vale (do) Sorraia* par les cavaliers Paulo J. Santos, João Telles Jr. (le ganadero du jour, Manuel Ribeiro Telles, est, si je ne m'abuse, un de ses oncles) et Salgueiro da Costa. Deux groupes de forcados, l'un de Vila Franca, l'autre d'Alcochete, seront chargés (!) d'immobiliser les 6 bestiaux à la devise bleue et blanche. « Parrainée » par l'Association pour le bien-être infantile à l'occasion de son 35ème anniversaire, cette course constituera la deuxième (grande) corrida de la temporada locale. Et ceux qui possèdent déjà un billet — 10 euros premier prix —, se verront offrir l'entrée pour assister, ce samedi 1er mai à 22 heures, au débarquement public des 6 fauves marqués d'un D et d'un G enlacés surmontés d'une croix — dans le cas contraire, tarif unique de 2 euros.
Au final, cette affiche, dans le style propre aux carteles des corridas portugaises et malgré la quantité d'informations présentes, réussit le tour de force d'être bien fichue et de laisser la part belle au toiro.

* Aux cornes gainées de cuir...

Rappel Retrouvez Une traînée blanche, laissée sur le blog par Laurent, ainsi que sa galerie consacrée aux Vale (do) Sorraia (sur le site à la rubrique CAMPOS), ceux-là mêmes débarqués ce soir.

Image Quoi dire de plus qui n'ait été dit ? © Naturales

13 avril 2010

Le rosier de Maria do Carmo


Quatre hommes plantés devant un rosier. Le soleil cogne fort. Il doit être midi ou une heure. Il ne l’a pas touché. Il l’a regardé en nous disant que c’était lui. Le rosier. Un pied énorme, tordu, comme veiné. On le regarde, on fait comme lui. Un rosier. Avec des épines qui piquent et des feuilles déjà vertes qui laissent à grand-peine percer le soleil qui cogne fort. Il doit être midi ou une heure. Il est attendu. Un baptême dans la famille. Il regarde son rosier. Nous aussi, avant de le quitter. Un rosier. Il ne le touche pas. Il le regarde.
Avant d’allumer le contact, il a rajusté son veston parfaitement repassé. Il s’est signé, une fois au volant. Il a mis son chapeau. Il a démarré.
— C’est une terrible maladie. Terrible. C’est un venin. On ne s’en défait pas.
Il a beaucoup parlé. Il conduit. Il sort le bras gauche pour faire clignotant. Il parle beaucoup. Se souvient. S’émeut. S’arrête. Écoute les toros. Son venin. Sa drogue. Un rail tous les matins. Bientôt 80 ans. Il est attendu. Un baptême dans la famille. Il s’en fout. Il ne le dit pas ainsi mais c’est tout comme.
Un Espagnol lui a proposé de tout lui racheter. Les toros, les vaches, l’herbe, les lézards et le ciel. Il lui a dit qu’il allait mettre des fundas. Que ses toros auraient un grand succès. Il a les boules. Il ne le dit pas ainsi mais c’est tout comme. Des fundas ! Toqué le mec !
Son venin. Sa drogue.
Le rosier. Son trésor. L’autre venin de sa vie. L’autre drogue. L’autre shoot quotidien. Tordu comme son «lion», le semental berrendo en negro. Le rosier. Accroché à la terre autant que lui, autant que ses années passées ici. Areias. Le rosier.
Quatre hommes plantés devant. Il doit être une heure maintenant. Il le regarde. Il ne le touche pas. Le rosier de Maria do Carmo*. Palha ! L’autre venin. Palha. Les toros.
Énorme défonce !

* Le rosier a été planté le jour de la naissance de Maria do Carmo Palha Blanco.

>>> Retrouvez une galerie des novillos de Fernando Palha sur le site, rubrique CAMPOS.

Photographie Fernando de Castro Van Zeller Pereira Palha © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com

07 avril 2010

Une traînée blanche (Vale do Sorraia)


Pour Yannick,

Regarder filer les nuages. Se caler. Un rocher, mouillé de mer. Un bout de jardin. N’entendre que la fuite feutrée de nos pensées rejoindre les nuages. Ils tardent à partir. Ils partent.
Nuages, vent... vide bientôt. Ils t’enlèvent. Le vent a murmuré. Ne reste plus que l’ondoiement délicat de leur langue prise toute entière dans ce murmure qui te porte au départ. Une traînée blanche. Ciel parfait. Tu pars.
Colère. Ténèbres. Noir. 2 heures. Vol. Taxi. Paris. Gris.
Tout va trop vite. Tu es parti. Arrivés. Une traînée blanche. Rien.
L’as-tu senti au moins ?
Quatre traits, quatre angles presque droits. Un bout de terre à taille humaine que quittent les avions, la fureur. Une traînée blanche.
Un village minuscule et blanc et bleu. Direction Pavia. Quatre petits corps nippés de noir blanchissent le linge à la main, au lavoir. 100 km/h. Le temps se compte. Elles passent comme un voile flou dans le verre fumé de la vitre mais elles sont là. Et j’imagine à 100 que dans les appartements Ikea du Bairro Alto de jeunes gars branchent leur mobile à cette heure où s’immaculent les draps de famille et se gèlent le cuir chevelu déjà gras des excès de la nuit. Je me dis à 130 que d’autres partent taffer, vêtus comme à Paris, raide costard et blackberry high tech. Elles frottent parce qu’existent encore entre leurs mains de vieilles les barbiers de Lisbonne qui de derrière leur vitre épaisse observent les errances de tramways jaunes qui grincent au bas de l’Alfama. Elles frottent parce que c’est de leurs mains de vieilles qu’est né ce Portugal où le fado s’écoute en MP3 quand José Saramago conte les vies de Pessoa sur un blog du fin fond des Açores*.
Tu es parti. Enlevé. Une traînée blanche.
Colère. Ténèbres. Noir. 2 heures. Vol. Taxi. Paris. Gris
Les Ribeiro Telles sont le Portugal (aristocrate, convenons-en). Comme les autres ils ont des noms comme un fantasme syntaxique proustien. Celui de la maman toujours devant. Vise un peu : António de Jesus de Castro Palha Ribeiro Telles, fils de David Manuel Godinho Ribeiro Telles et de Dona Maria Isabel de Castro Van-Zeller Ribeiro Telles. Comme les autres ils adorent les toros forts, l’échine en forme de courbe d’évolution de la population africaine.
Manuel Ribeiro Telles conduit un gros 4x4 blanc... ses frères, eux, montent à cheval. Ses frères élèvent des Domecq (sous l’appellation David Ribeiro Telles)... lui fait pousser des bestioles plutôt grises et qui foutent la frousse. Des toros descendus d’on ne sait où comme un ciel de grêle l’été. Des toros rectangles avec des triangles devant. Des cornes qui regardent en arrière et en haut. Vale do Sorraia**. Le Portugal d’avant. Les restes. La fureur. La traînée blanche.
Tu es parti.
Va savoir ce qu’il y a là-dedans. Norberto Pedroso paraît-il. Santa Coloma ? Pinto Barreiros ? Vaz Monteiro ? Albaserrada ? Branco Teixeira ? Palha Blanco ?*** Ça court à droite, ça fuit derrière, ça te tourne autour et ça a l’œil assassin d’un boxeur cubain au premier retentissement de gong. Engageant.
Quand ils se sont posés, au 12ème round peut-être, je me suis dit que ça t’aurait plu. C’était évident. Il faisait beau en plus. Ciel parfait. Pas de traînée blanche. J’ai regardé, promis. Pas de traînée blanche.

>>> Retrouvez les galeries conscrées à l'élevage Vale do Sorraia sur le site, rubrique CAMPOS.

* A lire, la superbe évocation des "vies" de Fernando Pessoa par José Saramago dans "Le Cahier", Le Cherche midi, 2010. Il s’agit d’une compilation de textes écrits par José Saramago sur un blog entre septembre 2008 et mars 2009.
** A propos de Vale do Sorraia, nous vous invitons à visiter la galerie consacrée à cette ganadería par le photographe David Cordero sur son site : David Cordero. De même, l'élevage a son propre blog, c'est par ici : Vale do Sorraia.
*** Nous reviendrons sous peu sur les origines touffues et complexes de l'élevage Vale do Sorraia... A suivre donc.

Photographies Toros de Vale do Sorraia © Laurent Larrieu / Camposyruedos.com

02 avril 2010

Et bientôt là-bas, Murteira Grave


À Yannick... et aux deux companheiros, aussi

Aller, jeudi 11 mars 2010, entre la France et Ciudad Rodrigo.
Km 94.
― Les gars, si vous êtes à court d'idées, on sait jamais, j'ai une carte du Portugal avec des fers.
― ...


Km 237.
― C'est toi Thomas qu'as ma carte avec les fers ?
― Non.
― Tu la veux ?

Km 380.
― Ben s'il peut pas nous recevoir le Comte, on pourra toujours pousser vers l'est...
― ...
― Jusque chez Murteira Grave
(prononcer Mourtchèïra Grav)... vu qu'on sera sur la route...

Km 545.
― Quand on regarde bien, le Portugal c'est vraiment pas large... Tu crois que t'es loin et, en fait, non, t'es tout étonné d'être si près.
― Si près d'où ?
― Heu... de l'océan... de l'océan...


Toujours à l'aller, le vendredi 12, entre Ciudad Rodrigo et Vila Franca de Xira (Portugal).
― Au fait, c'est calé Pinto Barreiros ? Parce que s'il peut pas, on pourrait filer chez Palha... pour ensuite prendre la direction d'Évora... et se rapprocher de l'Espagne...
― ...
― Je dis ça, j'dis rien...


Aux environs de Biscainho.
― Y'a pas d'fundas chez Murteira Grave... qui a tout de même fait lidier plus de trois cents toros à Madrid !...

A « Torrinha », chez Ribeiro Telles, sur une colline surplombant la vallée du Sorraia.
― C'est chouette par ici, mais "là-bas" le printemps est si précoce que les bêtes, caillées et armées comme ça !, nagent dans une mer de luzernes et de boutons d'or, s'abreuvent à l'eau pure d'étangs entourés de vallons couverts de chênes-lièges trois fois centenaire, dans lesquels nichent des oiseaux aux noms aussi exotiques que leurs chants sont magnifiques...
― ...
― Le paradis sur terre quoi, si vous voyez c'que j'veux dire...


A Coruche.
― Vous pouvez regarder la carte, y'a l'autoroute de Zafra à Biarritz... Sans interruption, de bout en bout !
― ...
― Ça nous fera moins long dimanche...
Plus tard dans la soirée.
― Imaginez que des comme le 206 de Veiga Teixeira, y'en a une ribambelle "là-bas" !

Samedi 13, entre Pavia et Infantado.
― Les gars, pas sûr qu'on soit dans la bonne direction...
― Hein !?
― Mais non, j'rigole...

A Porto Alto, avant de reprendre la route pour l'Espagne.
― Là, sur l'affiche, vous avez vu les toros... Huuuuuu !!! Punaise, ce qu'il sont beaux ces murteiras... Pas vrai Laurent qu'ils sont beaux ?
― Tu t'fais du mal Philippe... Allez, viens...
― Ouais, puis de toute façon, si les filles de Joaquim sont aussi sympas que Rita Vaz Monteiro, y'a franchement pas de regrets à avoir.
― ?!?

En plus Un reportage photographique de Francisco Romeiras (lot de la tourada royale d'Évora de juillet 2008) ainsi qu'une vidéo présentant l'encierro 2008 des Penyes en Festes à Vall de Uxó ― ça commence à devenir sérieux à partir de 3:53.

Image Capture d'écran du site Internet (classieux) de la ganadaria.

01 avril 2010

Et bientôt là-bas, le Portugal


C'est quoi ce truc ? Jamais entendu parler.
— Ça vaudrait le coup d'aller y jeter un coup d'oeil, non ? Et puis regarde, là, t'as déjà vu un mélange pareil ?!
— Pas grand monde n'en parle, du campo bravo de là-bas. Mendoça, OK, quelques cicatrices mal refermées autour d'une expérience plus ou moins bien vécue. Le vieux sang des Yonnet. Et puis... rien.
— Ben ouais, et puis le Portugal, ça doit être chouette. Depuis le temps que Bruschet nous en parle. Peut-être qu'on s'pèlera moins qu'en Castille.
— Bon, c'est décidé : l'année prochaine, nous partirons à la découverte du campo portugais !

Laurent
prit finalement les devants, et nous ramena de ses errances lusitaniennes des images magnifiques de sa rencontre magique avec un homme, Fernando Palha, et ses légendaires toros, tatoués du fer éponyme.
Notre attente n'en fut que plus fébrile. Le Portugal, le Portugal, comme une litanie murmurée sans fin et sans répit, un leitmotiv nous accompagnant partout, nous aidant à soutenir notre passion dans un hiver noir, froid et roide.
Me voici enfin à Paris-Orly, le sac en bandoulière et, déjà, des images et des espoirs plein la tête. L'avion décolle, je m'endors aussitôt, pour atterrir bientôt, frais et dispos, prêt à arpenter Lisbonne en attendant de rejoindre les copains.
Le lendemain, errance dans la belle et calme capitale, soleil de printemps, ça monte et ça descend, un tramway passe et fait doucement teinter son ding-ding, clic-clac, la photo d'un passant. C'est bien aussi, l'avant-campo, quand on a l'âme disponible et vagabonde, un peu de temps à perdre, qu'on peut rêvasser dans les rues.
Soudain le téléphone sonne. Retour tout de suite à Paris. Taxi. Aéroport. Avion. Orly (tiens, déjà toi ?). Taxi. VIIIème. Ah, il manque une poutre au plafond de mon bureau. Il pleut. Il fait froid. C'est quand, la séance de rattrapage ? Y'en a pas. Enfin, pas là, pas tout de suite.
Il faudra attendre les images et les récits des copains. Ils ont vu, eux. Ils les ont rencontrés, ces taureaux portugais qui nous faisaient tant rêver. C'est bien. Je les attends. Dans l'arène, peut-être, un jour ? Non, non, je sais, ça n'arrivera pas. En tout cas, sûrement pas.

02 octobre 2009

Toiros (II)


Au fil des diverses lectures dont nous inonde le web en cette fin de temporada 2009, lectures dont les conclusions suscitent, comme souvent et de plus en plus, l’agacement et l’incompréhension, l’envie nous prend de foutre le camp, d’aller voir ailleurs loin des habitudes, ce que le monde des toros propose encore de rêve, de délires ou d’exotisme. Car ce ne sont pas les propos aberrants d’un Juan Pedro Domecq qui prône l’arrêt des piques en public, les bilans de férias établis par de mauvais scribes dont la seule obsession aujourd’hui est de vous prouver par A+B que la seule voie possible pour l’organisation d’une corrida est de plaire au grand public, grand public qui n’aurait comme goût que ce toro dit de « bravoure moderne » - grand public qui aurait seul l’apanage de la raison et du droit étant donné qu’il est le plus grand nombre - ce ne sont donc pas ces sentences coutumières qui vont donner corps à nos envies ou à nos rêves, fussent-ils délirants… et alors ?

Alors, au fil du clavier, il y a ce toro étrange de Ernesto Fernandes Louro de Castro (encaste Atanasio Fernández) à la gueule tranchée de blanc comme un gentil panda. Pelage original, rare ? Peut-être ou tout simplement aussi le résultat d’une maladie… A voir.

Restons au Portugal, c’est déjà l’exotisme, avec ce forcado au béret droit comme un aristocrate rogue, embrassant ce toro cárdeno oscuro dans une symétrie parfaite d’où se dégagent la puissance et la lutte. Quand il a écrit une « Balle perdue », Joseph Kessel ne connaissait peut-être pas les forcados du Portugal mais, c’est certain, il aurait pensé à eux en écrivant ces bouts de fin de vie de types conduits jusqu’à la fin tragique par leur honneur et leur droiture, ces « desesperados » qui semèrent la panique sur les toits de Barcelone en 1934. Il y aurait pensé ! En 1934 d’ailleurs, l’élevage de ce toro au galop, tête basse, existait déjà… il existe encore aujourd’hui et survit du côté de Avis, dans l’Alentejo. C’est un Vaz Monteiro nouvelle mouture puisqu’il se dit que l’antique race portugaise aurait été croisée avec quelque chose qui ressemblerait peut-être à du Saltillo… A voir.

Non loin de chez Vaz Monteiro, toujours dans l’Alentejo, à deux chênes-lièges de l’Espagne, existe une autre ganadaria de touros (ou toiros ?) qui porte un nom de saint : São Martinho. Ce sont juste des toros de combat, des toros pour touradas. Ce sont juste des toros mais dont le sang mêlé titille le curieux. D’après les informations données par le registre des ganaderías portugaises, il y aurait là dedans du « Cabral Ascenção, Santacoloma, Torrestrella e Outros ». Un peu de tout en somme sauf que le « outros » il s’appelle Fernando Palha, l’autre Palha, qui aurait prêté des sementales aux tenanciers de la baraque. Et au regard des photos, on aurait tendance à y croire. Et puis, pour achever, il y a donc Fernando Palha qui regarde toujours sa « chère bonne Lisbonne », sa Lisbonne qui regarde à nouveau ce grand océan Atlantique au milieu duquel sont plantés ces bouts de terre lusitaniens depuis le XV° siècle, les Açores. Là, existent plusieurs ganaderías de bravos surtout destinées aux toros à la corde dont sont friands les autochtones. Eliseu Gomes est un de ces ganaderos, les origines de ses toros sont vagues et on s’en fout, c’est juste beau un toro avec l’océan derrière pour terrain de combat !

Photographies 1/ Toro de Ernesto Castro in http://aficionados-de-aires.blogspot.com/2009/06/ernestro-castro.html ; 2/ Toro de Vaz Monteiro in http://www.solesombra.com/reportagem-fotográfica/salvaterra-31-maio/ ; 3/ Toro de São Martinho in http://www.toureio.com/otouro/touros%20videigueira/index.html.

05 mai 2009

Toiros


Récemment, le photographe espagnol David Cordero proposait sur son site une galerie d’un élevage portugais avec pour seule et unique information son nom : Irmãos Dias. Dans la foulée, Toro, torero y afición mentionnait l’existence de la galerie avec pour seule et unique information : le site de David Cordero... On tourne en rond ! Et toujours pas la moindre allusion quant à l’origine de ce surprenant bétail ; vous restez sur votre faim.

Se cantonner à un seul rappel historique tel que l’UCTL — ici la Associação Portuguesa de Criadores de Toiros de Lide — en distille dans son annuaire ne serait pas très consciencieux... N’étant pas spécialiste (euphémisme) de généalogie taurine, ni même super passionné par elle je dois vous avouer, je vais vous refiler quelques bribes d’informations récoltées à droite et à gauche — quel écheveau ! — et vous vous débrouillerez avec... Inutile de vous dire que le doute est ici plus que jamais permis, comme le conditionnel. Les obsédés de pureté génétique — au campo, vous y croyez, vous, au « pur machin » ou au « pur bidule » ? —, d’exactitude généalogique et/ou de vérité scientifique passeront leur chemin...

On commence par où ? Peut-être par préciser que l’appellation « encaste português », trouvée sur un certain nombre de sites taurins lusitaniens qui se la repassent, n’a pour elle que de tenir en deux mots. Pour le reste... Remarquez que vous risquez de ne pas être beaucoup plus avancés à la fin de ce papier !

Ceci dit, l’annuaire de l’Associação annonce l’élevage Irmãos Dias Norberto Pedroso1, élevage qui aurait été formé à partir de bêtes de Manuel Duarte Oliveira, Condessa da Junqueira et Emílio Infante da Câmara. Jusque-là, c’est très portugais (sans doute des restes de casta Vazqueña, du Parladé, etc.) et... très vague. Il y a une date aussi : 1910.
Norberto de Vasconcellos Mascarenhas Pedroso (Chamusca 1877 – Chamusca 1968) aurait, selon José Manuel de la Cruz Velasco2, construit son élevage à partir de bétail de Doña Casimira Fernández « Viuda de Soler »3 (1902-1920) — soit du Jijón (Marqués de la Conquista) avec adjonction, dans l’ordre, d’un semental Ibarra, de bêtes Campos Varela (Jijón + Vistahermosa), Lizaso (du navarrais) et, pour finir, d’un semental du Conde de la Corte (1920)4 —, du bétail de la « Viuda de Soler », disais-je, associé à du Pinto Barreiros (1925), soit un mélange de Santa Coloma par Félix Suárez, de Gamero Cívico et de Conde de la Corte.
D’ailleurs, ces deux origines, dans le cas par exemple d’une élimination de la première et de son remplacement par la seconde, ne sont pas incompatibles. Bref, vous prenez ce qu’il vous plaît, vous secouez et vous obtenez... des bêtes exotiques à l’allure unique.

Quoi ?, vous leur trouvez un petit air de famille avec les voisins... albaserradas ? Eh bien, dites-le, il n’y a rien d’aberrant à cela... Car à s’attarder sur la fiche de l’élevage voisin de Vale do Sorraia (propriété de la famille Ribeiro Telles) proposée par l’Associação, on y lit certes comme il se doit des origines fort complexes et « mystérieuses » (dont, entre autres, un rafraîchissement avec des bêtes d’Irmãos Dias, tiens, tiens, annoncées Norberto Pedroso sans citer Pinto Barreiros !) mais enrichies, toujours d’après José Manuel de la Cruz Velasco, d’un apport ultérieur d’« albaserradas y santacolomas ». D’albaserradas ? Notez bien que "Las Tiesas" n’est pas très éloignée du Portugal...
Attendez encore un peu, j’ai oublié de vous conter une chose : José Manuel de la Cruz Velasco écrit dans son article que Vale do Sorraia est « de procedencia Pinto Barreiros y Norberto Pedroso (procedencia de Vda. de Soler y Pinto Barreiros, con posterior adición de albaserradas y santacolomas). » ! Si la parenthèse est correctement refermée, je ne vous dis pas l’angoisse. Et à défaut de pouvoir poser la question à feu Norberto, on tâchera tout de même, à l’occasion, de demander des précisions à De la Cruz Velasco... ou au ganadero.

1 On en trouverait des traces chez Fernando Palha... Selon Pierre Dupuy, cette origine aurait disparu — ça démarre bien ! In Joël Bartolotti & Pierre Dupuy, TOROS, Regards sur la tauromachie, La Renaissance du Livre, 1999, pp. 98-99.
2 José Manuel de la Cruz Velasco, « Empeño ganadero », El Aficionado n°25, Avril 2007, pp. 19-25.
3 Tableau tiré du blog Casta Jijona.
4 Bernard Carrère, Les Élevages de taureaux de combat, Origine et évolution, Éditions Jean Lacoste, 2001.

En plus Élevage Irmãos Dias (Benavente) > Diaporama Aficionados da Moita Élevage Vale do Sorraia (Coruche) > Blog de Manuel Ribeiro Telles Bastos animé par João Costa Pereira.

Images Un irmãos dias un poil basto... Capture d’écran du site de © David Cordero Un fin et précieux toiro de Vale do Sorraia par João Costa Pereira © Tauromania Malgré le goût douteux de l'affiche, je ne résiste pas au plaisir de vous présenter les six vaz monteiros qui seront combattus le 10 mai prochain à Salvaterra de Magos. Vous aurez peut-être un peu de mal à retrouver chez certains les lignes de leurs grands frères cérétans lidiés en 2005 ; il paraîtrait qu'un semental encasté Saltillo...

13 janvier 2009

Un album avec des vaches et des toros


Comment que ça se fabrique un post ? Vous vous demandez comment qu’on fabrique un post ? Boh, ça ressemble à une recette de cuisine...

Marché pour un nombre inconnu de personnes
- Une image (photo, peinture, dessin...) que vous jugerez à votre goût sans vous souciez de celui des autres ; un post part souvent d’une image (merci 'JotaC') que l’on souhaite partager ;
- Un titre (ne pas craindre la platitude) ;
- Quelques mots ;
- Un ordinateur (ça peut servir) ;
- Un blog avec un nom d’utilisateur et un mot de passe ;
- Un poil de pratique (au début c’est galère) ;
- Une grosse louche de temps (plus ou moins compliqué à trouver) ;
- Une pincée de sel.

RéalisationOuvrir une page Word, prendre les ingrédients ci-dessus, les mettre en forme à sa convenance et relire. Accéder au blog, se connecter grâce à vos nom d’utilisateur et mot de passe, ouvrir la fenêtre nouveau message et y opérer un copier-coller. Remettre en forme (thermostat 7) et ajouter l’image sans oublier le sel. Cliquer sur publier le message puis sur afficher le blog. Relire encore et, dans le quart d’heure qui suit, apporter d’éventuelles corrections en utilisant l’icône modifier le message ; c’est non seulement autorisé mais largement recommandé — ne pas oublier que le monde entier est susceptible de vous lire !

Pour déguster l’album photo consacré à Fernando Palha : voir par là.

Image Un Fernando Palha © Il n'y aurait pas une signature de trop ? Cela dit, le premier qui donne le nom de l’auteur de cette photographie gagne... toute notre estime ! Un indice tout de même : depuis quelques années déjà, l'ADAC héberge plusieurs diaporamas de ce photographe sur son site...