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12 août 2013

Fools Gold


À Rebecca, qui me fit découvrir les Stone Roses entre autres merveilles.


Hier soir, chez Sissi, Zocato nous demandait de trouver un titre pour sa chronique (que nous n’avions pas lue), « accrocheur mais pas putassier ». Avis de sécheresse dans l’assistance… « L’entre-deux guerres », nous glisse-t-il, finalement. Les titres en langue étrangère étant proscrits dans la PQR1, jouissons ensemble (« Come Together » ?) de la liberté octroyée par le blog pour citer non pas les Beatles, mais les Stone Roses, étoile filante mancunienne des 90’s, faisant aujourd’hui encore danser les jeunes Anglaises.

I’m standing alone
I’m watching you all
I’m seeing you sinking
Fools gold
De l’échantillon d’or noir envoyé par Dolores, il coula de tout : une présentation desigual, du faible (1er), du manso (2e), du franchement « décasté » (4e), du brave et brusque (3e), du brave et bon (5e), du bizarre compliqué au comportement tourbillonnant (6e). Une course très diverse de comportement, assez légère, pas très jolie, mansa dans l’ensemble, mais intéressante si l’on considère le temps passé à en débattre. Le troisième accula la cavalerie aux planches (un cheval « normal » aurait certainement fini dans les andanadas), le cinquième sembla se démoraliser dans le peto du bunker à pattes envoyé par la cuadra Heyral.

I Wanna Be Adored. L’or des fous, ce sont ces paillettes jetées au visage d’une arène trop heureuse de se laisser berner. Escribano, trop blond pour être torero et sourire trop éclatant pour être honnête. Certes, je caricature. El de Gerena est en pleine période de séduction pour faire fructifier les contrats signés sur la course de Miura de Séville, en avril, et donne tout ce qu’il a : sa facilité, son sourire, une porta gaiola à chaque toro, de la variété dans son répertoire et certainement son bras aux vieilles dames, s’appliquant à briller en toutes circonstances, alternant parfois le meilleur (galleo par chicuelinas marchées, gaoneras serrées, mises en suerte faciles, faculté à baisser la main, estocade) et le pire répertoire pueblerino (banderilles à cornes passées, cites fuera de cacho en déchargeant la suerte, manoletinas de profil en regardant les tendidos). Escribano fait preuve d’une générosité de démuni pour qui veut l’accepter, s’inquiétant peu des chemins empruntés pour les triomphes.

Le cinquième Aguirre est le plus civilisé du lot, brave et fixe, sans la brutalité du troisième, l’autre brave du lot. Il vient de loin, autorise un cambio en début de faena et suit le leurre dans lequel il finit par être étouffé par un Escribano décroisé, la jambe contraire systématiquement en arrière, ayant tendance à toréer de façon codillera. Le sourire comble les manques, le public s’en contente. On change l’épée et verrouille les faveurs du public avec quelques manoletinas infâmes que le toro finit par châtier par une cogida sans dégât, mais qui fait monter la sauce. Bonne épée dans la foulée, deux oreilles pour l’enthousiasme, la faim, la parade nuptiale, la constance dans la séduction, et tant pis pour le manque de respect au toro. L’arène de Lachepaillet n’y a vu que du feu, s’est amouraché un soir d’été d’un torero, comme on choppait un vulgaire lad en baggy sous le coup d’un cacheton d’ecstasy une nuit à l’Haçienda de Manchester. Pire, ce faisant, elle l’a encouragé dans ses travers. Muy mal.

Je me tiens là, debout et seul
Je vous regarde tous
Je vous vois en train de couler
L’or des fous
« The Hardest Thing in the World ». Certainement le titre ad hoc pour un Castaño lessivé, semblant s’apercevoir course après course que les petits détails et la mise en forme soignée ne remplacent pas le fond. Malchance crasse de tomber sur le faible (1er) et la mule (4e) du lot. Ce dernier, sans un atome de caste, s’étourdit à occuper la fin de son existence dans une fuite perpétuelle de la mort et du combat, faisant suer son matador sang et eau, subissant des entrées a matar le cul aux planches et, enfin, une boucherie gore au descabello.

Don’t waste your words I don’t need
Anything from you
I don’t care where you’ve been or
What you plan to do
Si le troisième, brave, entrait vite et violemment dans la muleta d’Aguilar, qui coupa une oreille pour une prestation digne, mais, surtout — une fois n’est pas coutume —, pour un estoconazo, le sixième aurait pu hurler ce couplet de « I Am a Resurrection » (« Ne gâche pas tes mots, je n’ai besoin de rien / De ta part / Je me fous d’où tu as été ou / De ce que tu as l’intention de faire ») en plein milieu de faena… Sorti abanto, le toro se fixa, en dépit d’une lidia approximative, et encaissa quelques séries au centre avant de tout envoyer balader pour filer aux tablas. Aguilar, qui peinait à lier les passes jusque-là (placement déficient ?), fut tout surpris de donner une série pleine d’aguante et liée au fil des planches, avant que le toro ne se lasse définitivement. Naufrage à l’épée face à un toro rendu à la mansedumbre.

Atmosphère délicieuse, retrouvailles toujours émouvantes incitant à la clémence aux arènes et à la célébration de l’amitié autour de divers alcools.

1 Presse quotidienne régionale.


>>> Retrouvez, sous la rubrique « Ruedos » du site, une galerie consacrée à la corrida de Dolores Aguirre Ybarra de Bayonne.

03 février 2012

Photographie sans paroles (LXXXII)


Un Miura à la pique à Bilbao en 2011 © Laurent Larrieu / www.camposyruedos.com

14 septembre 2010

Ici, à Sangüesa


Sangüesa (Navarra), dimanche 12 septembre 2010.
6 toros de Dolores Aguirre Ybarra pour Rafaelillo, Salvador Cortés et Javier Benjumea.

Dolores Aguirre Ybarra n'était pas présente à Sangüesa. A sa place, venu de l'ouest, le vent a bousculé la Navarre d'une rage continue qui coulait aussi dans les veines noires du dernier toro de la dueña massacré en ces lieux. C'était le plus beau toro de la corrida mais en cela, il n'eut aucun mérite, tant l'encierro envoyé dans cette plaza bonne enfant et festive était hétérogène et pour tout dire laid. Ne rendons donc pas hommage au terciado et anovillado troisième, encore moins au berrendo mosqueado, lui aussi anovillado, qui permit à Salvador Cortés, grâce à une noblesse con-con, de multiplier les passes sans jamais toréer pour autant. Oublions également "porcinet" sorti en pole position, nourri à l'huile, à la San Miguel et à la graisse d'oie*. D'aucuns s'émurent de l'armure bizca, acapachada et tout simplement fort tordue du chorreado combattu en deuxième position, mais peu s'agacèrent de la corne gauche explosée depuis le matin au moins (visible dans les corrales de la plaza après l'encierro). Ce toro avait du trapío et Sangüesa n'est à la fin qu'une arène de troisième catégorie. Pamplona, c'est cinquante bornes à l'ouest ! Faire lidier des toros anovillados, blessés (le berrendo mosqueado était lacéré de coups), physiquement inaptes (le troisième) ou suspects d'armures est intolérable dans toute plaza mais il ne nous paraît pas hors de propos de faire combattre dans une plaza de dernière catégorie un toro bien fait, cuajado, enmorrillado, arrivé à "l'âge de raison", très Atanasio mais qui présente une armure quelque peu biscornue.
Seuls le 4 et le 6 se sauvèrent donc du naufrage de la présentation.
Dolores Aguirre Ybarra élève des toros étranges. Vint un temps où les critiques taurins en arrivèrent à inventer une expression prompte à qualifier avec une certaine finesse d’analyse le comportement de toros mansos mais qui combattaient pourtant avec fougue. Ainsi naquirent les "mansos con casta". Longtemps, et toujours d’ailleurs, les toros d’Aguirre (et plus largement ceux de l’encaste Atanasio Fernández) ont incarné ce qualificatif car s’ils montraient un vrai dédain à l’égard du cheval (fuyant le peto, sautant loin hors de la cible, ruant...), ils demeuraient de grands combattants rudes et exigeants lors des tiers suivants, démontrant parfois même de belles qualités de noblesse. A Sangüesa, ce 12 septembre, les Aguirre (ceux qui étaient présentés correctement comme de vrais taureaux de combat) furent des "mansos con bravura", des oxymores gonflés à la rage.
'Burgalito' donc. Sixième. Un beau taureau de combat qui va sur ses 6 ans. Noir de l’œil au toupillon de la queue. Inquiétant. Une sortie de manso, au pas, rechignant à s’élancer dans la cape fragile du jeune Benjumea (beaucoup trop vert pour ce genre d’adversaire). Sonnent les clarines. Entrent les puyas. 'Burgalito' plonge tête baissée et queue dressée vers le ciel dans le peto mais au contact du fer dans ses chairs, il bondit comme un diable et laisse la pièce montée partiellement assise dans son dos. Un manso donc. 'Burgalito' a vu l’autre cheval près du toril et n’a pas l’air d’apprécier, en bon manso qu’il est, que cet intrus prenne le soleil à cet endroit. Plongée dantesque dans le matelas, queue dressée vers le ciel, reins calés, pattes d’acier. 'Burgalito' se met à pousser, droit devant, droit dedans ; 10, 12 mètres à remuer l’intrus. Batacazo d’école ! Le cheval est couché, le piquero a fui, 'Burgalito' est devenu fou. La rage sombre en action. Il saute sur le canasson, le cherche de la corne, voit le monosabio, bondit vers lui. Un quite, 'Burgalito' est au centre. Maintenant, 'Burgalito' est prêt à combattre. Vraiment ! Le piquero le cite loin de sa querencia et 'Burgalito' plonge une nouvelle fois, queue dressée vers le ciel, tête basse, pattes d’acier. Cette fois, il ne fuit pas. Au contraire, il pousse, s’arcboute, gonfle les muscles, arrache le sable qui pourrait être pierre et trimballe le tout sur quelques mètres pour le foutre en l’air, le tout. Enorme pique durant laquelle, évidemment, bien-sûr évidemment, le picador se régale de massacrer l’échine de ce manso devenu, un instant, superbe brave.
Durant le tercio de banderilles, il était clair que 'Burgalito' aurait dû prendre au moins une autre pique. Il était redevenu un manso con casta, plongeant sur tout ce qui bougeait, dangereux en diable, inquiétant et mystérieux, solide comme un chêne centenaire.
Il y a chez ces toros étranges les derniers restes d’une tauromachie sauvage sans formatage ni esthétisme. Plus personne ne goûte ces animaux car ils foutent la trouille. Et personne ne veut plus avoir peur aux arènes.

Ici, à Sangüesa, ici où la très jeune présidente de la course a fait jouer la musique à chaque toro, ici où Rafaelillo est venu comme un enfant mal éduqué faire assassiner deux adversaires, ici (comme ailleurs) où les piqueros sont aux ordres (car les ordres venaient clairement de Rafaelillo, Salvador Cortés et du jeune Benjumea) et détruisent toute velléité de combat quand elle se présente, ici où les toreros actuels ont fait une nouvelle fois la démonstration qu’ils sont parfaitement incapables de lidier des toros dignes de ce nom (il existait autrefois des passes de recours pour les toros compliqués), ici, à Sangüesa, j’ai eu peur. Ici, à Sangüesa, m’a été confirmée l’idée que le toro n’est que mystère.

* Dolores Aguirre Ybarra n'élève pas que des toros. En effet, environ 2 000 oies estampillées "Ocas de Tolosa" gambadent quelque part à côté des fauves dans la "Dehesa de Frías" à Constantina. Elles sont bio les oies d'Aguirre !

>>> Retrouvez sur www.camposyruedos.com, rubrique RUEDOS, une galerie de la corrida de Dolores Aguirre Ybarra combattue à Sangüesa.

Photographies 'Burgalito' à sa sortie et sous le fer © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

25 avril 2010

Un anachronisme bienvenu


Saint-Martin-de-Crau, panique en piste, Prieto de la Cal, imposant, manso, puissant, sentido, peur, émotion, capes au sol, prendre l’olive, désarmés, banderilles, cogida, la vergüenza d'Alberto Aguilar, piques, pas assez, retors, anachronique, panique en piste, violent, arrimón, se justifier, avisé, se la jouer, re-cogida, l’immense vergüenza d’Aguilar, peur, angoisse, grandeur de la Fiesta, sang, tus cojones Alberto, un toraco, un diable, souvenirs, Valle del terror, justification de la Fiesta, inespéré, rare, poder, l’honneur d’Aguilar, arrastre, palmas y pitos au toro, plus de palmas, pas de vuelta au torero (?), enhorabuena, incompréhension, justification. El toreo es grandeza.

11 septembre 2007

Piquer un manso


J’ai été un peu surpris à l’énoncé du résultat des prix de la concours d’Arles, tous non attribués, de constater qu'il n'avait pas été désigné de meilleur picador. C’est logiquement et sèchement évident, mais un peu court. En effet, le public d’Arles est de plus en plus incompétent et à un degré difficilement imaginable il y a encore peu. Et ce ne sont pas les âneries de la presse quotidienne qui risquent de tirer le niveau vers le haut. Remarquez, je n’ai pas lu ladite presse durant cette féria du Riz mais je doute qu’ils se soient réellement améliorés depuis Pâques. Les étagères sont de moins en moins garnies et beaucoup d'aficionados, ici comme ailleurs, désertent les tendidos. Ils sont de moins en moins nombreux et de moins en moins bruyants. Restent donc quelques chalands et les gogos du coin, qui doivent assister à trois corridas par an et pensent tout connaître par le seul fait d’habiter ici, ou par l’opération du Saint Esprit. Résultat des courses, il sort un toro manso, compliqué à lidier et dangereux de Miguel Zaballos, Fritero le pique comme on doit piquer les mansos et se fait conspuer par une bonne partie du public. C’est évidemment inadmissible mais le constater ne nous avance guère. Ce n’est pas un drame, mais à titre éducatif j’aurai donné un prix à Fritero, moi. C’est anecdotique j’en conviens…

08 septembre 2007

Aficionados au bord de la crise de nerfs (mansedumbre)

Laurent et moi avons ici manifesté notre humeur récemment à l'occasion des textes que nous avons consacré respectivement à la Féria de Béziers et à la corrida de Dolores Aguirre à Calahorra, pour regretter le sort que l'on semble désormais réserver aux mansos dans nos ruedos.
Cela m'a permis de me remémorer un article de Pierre Dupuy, que je ne peux que citer ci-dessous car il n'y a rien à ajouter :
"Sortons de l'oubli, dans lequel nos ganaderos les ont plongés, les "anciens mansos". Ils sont en voie de disparition. A tel point que lorsque, par hasard rarissime, il en sort un, le public est à ce point désorienté qu'il s'empresse de réclamer son remplacement... pour le plus grand plaisir du torero, car le véritable manso, ce n'est pas de la tarte à lidier ! Ca gicle à l'improviste, ça charge ce que ça veut et pas toujours le provocateur le plus proche, ça se colle les fesses aux planches et ça attend qu'on vienne le chercher dans son terrain, là où il a les plus grandes chances d'atteindre son but. D'abord réprobateur pour cette couardise dangereuse, l'aficionado - nous nous comprenons - sent son intérêt s'allumer car c'est à un spectacle pratiquement disparu qu'il s'apprête à assister, celui de la lidia. C'est alors que les autres se mettent à hurler : "Sortez-le" ou "Matalo", ce à quoi présidence et maestro accèdent le plus souvent, l'un ou l'autre."

A Calahorra, les aficionados présents n'eurent même pas l'opportunité d'assister au tercio de varas, puisque le toro fut changé avant l'entrée en piste des picadors (conformément au règlement, que décidément on ne suit à la lettre que pour le pire). A Béziers au contraire, ce toro du Puerto de San Lorenzo put exprimer sa violence et son poder - à défaut de bravoure - face au cheval, obtenant même un spectaculaire batacazo. Il fit régner, pendant les quelques minutes de vie publique que public et présidence complice voulurent bien lui laisser vivre, une panique en piste dont Domingo López Cháves, matador de turno, se désintéressa totalement. Avec une mise en scène grand-gignolesque dont il a décidément le secret, Juan José Padilla le fit rentrer vivant aux corrales, au grand désarroi des quelques aficionados présents. Un tel toro, certes pas du gateau, n'eut même pas mérité les veuves, à mon humble avis ; il eut au contraire mérité une lidia digne de ce nom, dont López Cháves eut été incapable ce jour (à en juger par ses prestations à son premier toro et à son second bis), ce qui peut arriver, et dont le public se fout royalement, ce qui est déjà plus grave.
Qu'un public sans critères réclame à cor et à cri le changement d'un toro parfaitement valide au prétexte - fallacieux et incertain, car comment savoir ? - qu'il ne permettra pas au torero de lui péguer cent passes n'étonne plus grand monde, mais que la présidence, telle une chambre d'enregistrement, accepte de donner suite aux demandes les plus farfelues, est franchement scandaleux. Je ne m'émeus plus depuis longtemps du caractère fantaisiste de l'attribution des trophées (c'est à chaque place qu'il appartient de déterminer la catégorie à laquelle elle souhaite appartenir), mais ce type de décision entraîne une frustration insupportable dans la mesure où il est si rare déjà de pouvoir assister au specacle de la lidia, pourtant consubstantiel à la corrida.

Photo Toro n° 16, 590 kg, de la ganadería de Puerto de San Lorenzo, le 14 août 2007 à Béziers.