Les membres de Carcassonne Toros fêtent leur alguazil, Christian Baile, qui frôla la mort, littéralement étripé par un novillo de Miura le dimanche 23 août 2009. A cette occasion, ils lui remettent la peau de la bête qui a bien failli lui ôter la vie.
J’en profite pour étrenner un vieil appareil argentique, manuel, mécanique. Une sorte de retour vers le futur, une immersion dans le monde d’hier.
Je suis accroupi. Dans mon viseur j’ai la peau grise du Miura, largement étalée. On distingue clairement le fer. Au milieu de la peau, quelques trous, le travail du picador.
En haut du cadre, dans le tiers gauche, Marc Teulié, président du club, et Christian Baile.
Nous sommes dans une ruelle très animée, à l’ombre, la lumière est parfaite pour un joli noir et blanc. 36 pauses au compteur, comme au bon vieux temps. 400 asa, j’ouvre à 5.6 et je suis au 5OOème...
Dans mon viseur, la peau grise, le fer de Miura et, en haut, Marc Teulié et Christian Baile. J'ai tout mon temps pour cadrer.
Le président Teulié prend la parole visiblement ému.
— Christian...
A ce stade il faut imaginer une voix qui porte et un accent carcassonnais très prononcé. Les « r » roulent, roulent. Je reprends.
— Christian, nous nous souvenons tous de cette sale bête qui a voulu de tuer. Tu t’en es sorti. Alors aujourd’hui nous sommes très heureux de t’offrir sa peau. Et désormais, le matin, quand tu te réveilleras, c’est TOI qui lui marcheras dessus !
Clic, clac, je déclenche, fais avancer mon film, sensations vite retrouvées. Je double, je triple les clichés.
Ces instants ont quelque chose d’irréel, inattendu et hors du temps. Je me dis que ça va bien pour de l’argentique.
Quelques semaines plus tard, développement. Cuve, chambre noire, révélateur, fixateur, rinçage.
Film vierge, non exposé, pas une photo. Le type qui m'a cédé la vieille machine à faire des photographies a juste mal accroché le film.
Resteront le souvenir de ce moment et la rage d’avoir déclenché pour rien. Ce n’est pas donné à tout le monde de retourner dans le futur.
NDLR Forcément, la photographie montre une vieille machine, argentique et mécanique.