02 août 2010

Crève salope !



Oui, je sais, je n'aurais pas dû y aller...


L’été en Espagne. La mer. Le soleil. L’être humain est trop nombreux ! Mets tes tongs, renfile ton short fluo que tu portais hier, digère les churros de 11 heures trente et suinte l’huile des frites achetées à la va-vite au "bar à tapas" du bas de la tour dans laquelle tu oublies un peu ton quotidien de merde ou pas. Les vacances. La mer. Le soleil. L’être humain est trop nombreux. Y’a corrida aujourd’hui. Un truc typiquement d’ici, pas d’ailleurs, pas de chez toi. Des animaux féroces et méchants avec des cornes et des grosses couillasses qui pendent entre les pattes arrières et qui sont combattus par des mecs avec des couillasses aussi, que toi t’as pas, qui bombent par devant ; des gonzes à part qui bouffent pas de churros à 11 heures trente sous le soleil. L’humanité est injuste. Salope !

Tu te tires de là fissa fissa parce que ça va bouchonner pour rentrer à la tour. Les six bestioles sont mortes et peut-être dans deux jours tu les boufferas en daube, après la San Miguel, avant les frites, avant la plage où t’attendent rôtis et vautrés dans leurs huiles des millions d’autres humains trop nombreux. Vie de merde ! Salope ! Tu hais la daube. Ils s’appelaient Marca les bestioles. José Luis Marca. Ils tenaient pas debout. Ils tenaient pas assis. Ils tenaient pas couchés. Tu lui mettrais bien un churro dans le pif au José Luis. Tu savais pas toi que José Luis fabriquait ça ! Tu savais même pas que ça existait... ça ! Si tu le croises le José Luis, tu lui diras de penser à autre chose. Les churros se vendent bien, les frites aussi. La corrida, non ! Celle-là en tout cas, celle de José Luis Marca, non ! Tu te dis que t’y reviendras pas. Tu sais ce que c’est pourtant les bestioles. Ça réagit pas toujours comme on attend. Mais là, c’est plus des animaux. Stop. Les toros sont trop nombreux ou alors pas assez, les vrais s’entend. Au début t’étais content. Ils ont lu un papier écrit par les matadors de toute l’Espagne ancestrale de sa mère à la grand-mère. Un papelard qui disait qu’il fallait défendre la corrida parce qu’en Catalogne, c’était fini, que c’était pas bien et "¡Viva España!" et "¡Viva la Fiesta!" Et t’as crié "¡Viva!" Et t’étais content, comme les autres parce que toi qui y pompais rien, tu te disais que la corrida fallait la défendre par ce que y’en a qu’ici. En Espagne. Pas ailleurs, pas chez toi !

Mais t’y repartiras pas. T’as compris l’embrouille, la grosse ficelle, aussi épaisse et large que Mercedes la voisine gueularde qui usine de 8 heures à minuit au Coca et aux Lay's. T’y repartiras pas les voir les matadors. Veulent survivre ? Qu’ils se battent contre des toros. "¡Marca fuera!" comme ils disent. Elle peut crever leur corrida ! Salope ! Elle a le goût de frites froides. Elle renifle le churro de 15 heures. Elle empeste la San Miguel de fond de chiottes. Crève, salope !


Photographies Toros (quoique le terme ne soit pas bien choisi) de José Luis Marca sortis en piste (nous n'osons pas écrire lidiés) à Santander lors de la catastrophique corrida de la Beneficencia du 1er août 2010 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com