04 juin 2010

JC : « On m'aurait menti ? »


Le pauvre JC n'en est toujours pas revenu. Quand on lui a parlé de Madrid, il a tiqué. Quitter Málaga et monter à la capitale c'est sympa pour faire les boutiques, assister à un spectacle flamenco, sortir en boîte ou participer à une séance photos, mais pour y combattre deux toros, pfff... On lui a dit qu'il serait entouré de Juan Mora et de Curro Díaz*... mais que les plus belles Madrilènes n'auraient d'yeux que pour lui — rassuré, JC s'est fendu d'un sourire ultra bright. Quand, avec insistance, on lui a annoncé qu'il allait avoir affaire à des Domecq, il s'est tout de même méfié — pourquoi diable ont-ils pris la peine de le préciser puisque JC n'a jamais accepté autre chose que des Domecq ? Le matin de l'apartado, il était bien trop occupé par ailleurs pour en être. Lorsqu'il a retrouvé sa cuadrilla au restaurant de l'hôtel, JC a ressenti comme un malaise — pourquoi diable ont-ils baissé les yeux ? Il est parti illico aux toilettes se mirer dans la glace pour constater que, oui sa gomina était impeccable, que, non ses sourcils n'étaient pas en bataille — bataille ? En revanche, il avait bien une crotte de nez qui pendouillait, ce qui a fini de le rassurer sur la vraie raison de l'accueil réservé, au propre comme au figuré. JC s'est signé. De retour à table, se voyant probablement déjà, une rose aux lèvres, sur les épaules d'un gars baraqué en train d'envoyer des baisers aux groupies en délire, il n'a pas remarqué l'interruption soudaine de la conversation... Dans le calme d'une douce et radieuse après-midi de printemps, JC s'est vêtu de noir et d'argent — tout en sobriété, le JC — et s'est longuement entretenu au téléphone avec sa muse, son étoile, la si bien nommée Estrella.

A las siete de la tarde, il n'a pas bien vu Mora, celui-ci caché par son opposant la plupart du temps, et a demandé le nom du sien, le prochain. « 'Colombino' » lui a répondu son péon de confiance à qui il aurait glissé un « très mignon » — tout en sensibilité, le JC. L'homme au panneau, dans son affreux costume, s'est avancé et a tourné, tourné et JC avait la tête qui commençait gravement à l'imiter, l'homme au panneau. JC avait chaud, affreusement chaud. JC s'est signé. « 'Colombino', de Vellosino, n° 14, 11/04, 593 kilos » affichait le panneau. 'Colombino' de Vellosino, il savait déjà ; du numéro, il s'en fichait — et puis 14 n'est pas 13. Il a calculé, recalculé et calculé encore : 5 ans et demi ! « On ne devrait pas avoir le droit », a-t-il pensé tout bas... Colorado ojo de perdiz ne précisait le panneau, pas plus que bociblanco : 'Colombino' était un pavo et JC a eu chaud, affreusement chaud. Le Domecq parlait moldave, norvégien, turc, hindi et même mongol et JC n'a rien compris — l'essentiel étant pour lui, comme toujours, de finir debout sous la bronca et non au sol les bras en croix.

A las ocho y media de la tarde, il n'a pas bien vu Díaz et Mora, ceux-là cachés par leurs ennemis aussi grands qu'ils sont petits, et a demandé le nom du sien, le prochain. « 'Guasón' » lui a répondu son peón de moins en moins de confiance à qui il aurait lancé un « je l'sens pas » plein de méfiance — tout en lucidité, le JC. L'homme au panneau, dans son affreux costume d'oiseau de mauvais augure, s'est avancé et a tourné, tourné et JC a commencé à avoir de la température. JC avait froid, terriblement froid. JC s'est signé. « 'Guasón', de Vellosino, n° 10, 08/04, 610 kilos » informait le panneau. 'Guasón' de Vellosino, il savait déjà ; du numéro, il s'en fichait — et puis 10 n'est pas 13. Il a calculé, recalculé et calculé encore : 5 ans et 9 mois ! « Ils veulent ma peau », a-t-il grommelé tout bas... Negro ne précisait le panneau, pas plus qu'astifino : 'Guasón' était con toda la barba et JC a eu froid, terriblement froid. Le Domecq a dégommé Pepillo Hijo à la pique ; il parlait tchèque, pachto, tadjik et hindi, lui aussi, et JC n'a rien compris — palmas nourries pour l'inusable 'Guasón' et almohadillas en pluie pour l'inénarrable Andalou. A las nueve y cuarto de la tarde, le beau brun ténébreux cherchait du regard son apoderado qui avait quitté les lieux depuis belle lurette...

* Il semblerait que l'Artiste ait particulièrement souffert de la comparaison avec ces deux matadors pétris de torería, eux.

Images 'Colombino' & 'Guasón' : deux des six Domecq de Vellosino (quel lot !). Y'a Domecq et Domecq... © Juan 'Manon' Pelegrín