26 juin 2010

Germán Gervás


Les novillos vont d’un enclos à l’autre, poussés par un vacher à cheval. Ils fuient, ne s’arrêtent pas, daignent à peine nous jeter un regard. Ils fuient, comme la plupart des toros braves lorsqu’on vient les déranger dans leur quotidien.
Pas chez tout le monde. Chez Cuadri, par exemple, ils ont l’habitude d’être conduits par les vaqueros pour venir saluer les visiteurs d’un jour. On pourrait presque penser qu’ils sont apprivoisés. Sauf lorsqu’il leur prend, sans prévenir, de se mettre une rouste mémorable, là, à quelques mètres, juste sous vos yeux.
Chez Pablo Romero, je me souviens d’un jour, gris et venté, de toros très nerveux, agressifs. Des toros ne fuyant pas, ne s’approchant pas, des toros juste tanqués, immobiles mais furieux, arc-boutés de rage, prêts à bondir. Un mystère effrayant, insondable et inoubliable.
Cela dépend donc des élevages, et peut-être aussi de l’humeur du jour, du temps et des amours, ou plutôt de leur manque. Allez savoir.
Chez Germán Gervás, ce jour-là, ils voulaient juste qu’on leur foute la paix.
On peut les comprendre notez bien. On peut comprendre que, dans ce paysage grandiose et apaisant de la Sierra Morena, sur les hauteurs d’Andújar, ils aient mieux à faire que de venir poser pour des photographes français.
Chez Germán Gervás, la couleur est annoncée dès le départ. Ici, on fait du toro pour le torero, du toro pour toréer a gusto. On s’affiche en Santa Coloma mais on travaille sans aucune ambigüité pour la torería. Ça a le mérite de la clarté et de la franchise. Pas de faux-semblants, pas de faux discours comme dans trop d’endroits. On s’étonne tout de même que Javier Conde soit parmi ceux qui viennent régulièrement tienter ici.
Javier Conde et du Santa Coloma, même en tienta, ça fait doucement sourire. Santa Coloma ne serait donc pas forcément synonyme de bagarres et de complications.
Ça vous étonne ? Oui ? Ah, ça vous étonne. Eh bien si cela vous étonne c’est que vous devez être relativement jeune en afición. Car chez Santa Coloma c’est comme partout, il y a du dur et du moins dur voire du mou, enfin, du malléable.
Prenez par exemple le cas d’Ana Romero.
Utiliser ce nom dans la programmation d’une féria pour justifier de la présence d’un élevage torista est tout simplement un foutage de gueule total.
Attention ! Que les dents qui commencent à grincer se détendent immédiatement. Je n’ai pas dit qu’Ana Romero c’était mal ! Je dis simplement que se servir du nom d’Ana Romero dans la programmation d’une féria en l’annonçant comme "la" course dure du cycle est une escroquerie intellectuelle pure et simple.
Pourquoi ? Eh bien car Ana Romero n’est pas du tout un élevage... effrayant ! Chez les élevages d’origine Santa Coloma, Ana Romero fait partie de ceux acceptés par les vedettes car sélectionnés dans une certaine optique.
C’était le cas jusqu’à il y a peu, très peu. C’était à Arles, en 1997, un cartel de vedettes : César Rincón, Joselito et José Tomás... La commission taurine refusa à Hubert Yonnet le lot d’origine Domecq initialement prévu pour manque de présentation. Un événement en France lorsqu’on y songe aujourd’hui. Et que croyez-vous que lesdites vedettes acceptèrent d’affronter à la place des Domecq : des Ana Romero.
Les taurins reprochent souvent aux aficionados d’avoir des idées trop arrêtées, de vouloir absolument enfermer les choses dans des cases trop étroites. Vous constaterez dans ce cas que ce sont en fait quelques professionnels taurins qui créent eux-mêmes ces cases pour entretenir ou tenter d’entretenir les idées préconçues qui au bout du compte les arrangent, eux...
Donc, oui, Santa Coloma n’est pas forcément synonyme de piquant ou d’âpreté.
Germán Gervás en est une illustration actuelle et assumée.

>>> Vous en trouverez une petite galerie à la rubrique CAMPOS du site www.camposyruedos.com.