01 juin 2010

Et maintenant on fait quoi ?


Vic – Madrid, six toros que je multiplie par huit courses en huit jours me donnent quarante-huit auxquels j’ajoute trois sobreros, auxquels j’enlève six Adolfo Martín auxquels je rajoute six Marquis de Domecq, ôtés deux Palha et quelques Javier Pérez Tabernero que je remplace aussi , sans compter la novillada de Moreno de Silva vue à la télé me font un total approximatif de cinquante et quelques toros pour la modique somme de : 118 euros + 45,50 euros font 163,50 euros.
Ajoutez à cela 140 euros pour dormir à Vic + les gobelets consignés que j’ai perdus et les sandwichs de bal musette à 3 euros pour 100 grammes de pain mou garni d’une lichette de ventrèche et sachant que le péage, l’avion, le métro, le carburant, les churros, on m’en fait pas cadeau ; et que les chroniques de Joaquín Vidal m’ont coûté 15 euros, et que la chambre de bonne dans un hostal de Madrid coûte 45 euros ; il ne me restait pas grand-chose pour la partie culturelle et gastronomique du voyage. Et comme le vol EZY 7858 au départ de Toulouse avait 4h30 de retard j’ai mâché pour 3,20 euros de chewing-gums de 15h à 19h30, car dès que l’on franchit la salle d’embarquement le moindre chicklet à la menthe affecte lourdement le budget taurin. Pour quel bénéfice ?

Il n’ y a pas de « bénéfices » sonnants et trébuchants pour l’aficionado pèlerin. Sauf que pendant une semaine j’ai oublié le 7/10 de France Inter, Bernard Guetta et sa chronique, le Golfe du Mexique et la British Petroleum’s fuite, la notation de Standard & Poor’s, et que j’ai troqué la crise occidentale pour la crise taurine.

Alberto Aguilar, Luis Bolívar, Robleño, deux banderilleros, un Tabernero, quelques Moreno de Silva, un plat d’asperges au fromage, les toiles de Sorolla , les « jambes de Pénélope » et surtout quelques trognes amicales me consolent encore.

Le public vicois 2010, abruti de chaleur s’est laissé anesthésier dès le premier jour et a paru tout accepter : vueltas idiotes de toros ordinaires, cornes escobillées et présentations vulgaires. Le match opposant Palha - Victorino commencé en 2009 est une vilaine idée avant le coup de sifflet d’envoi et après le coup de sifflet final. Zéro partout. J’ai déjà dit. A Madrid le public gronde, les tensions sont palpables, le service d’ordre intervient dans les gradins mais c’est le même sentiment d’impuissance qui prévaut du Gers à la Castille ou d’Athènes à Dublin.
Attendre, comme le fait le Fundi, vouloir sans pouvoir encore, s’accrocher sans sourire, espérer. Seuls les Chinois se marrent, ils ont un long passé et un peu d’avenir... Pour le moment...
Nous avons besoin de moins de corridas et de plus de campo, moins d’avions et plus de ventrèche, moins de chewing-gums à la menthe et plus de Joaquín Vidal. Colmatons nos fuites. Comment résister sans gueuler ? Comment poursuivre avec dignité ?
Mercredi : la Beneficencia, le Roi et la télé, je mets une cravate.
Mario Tisné

Photographie
« Les Jambes de Pénélope » par Marc Gérise, le 30/05/2010 au CaixaForum de Madrid.