Sur un site consacré en partie à la photographie taurine, comment ne pas évoquer la vie et l'oeuvre de Francisco Cano, doyen de cet art ? Surnommé "Canito", ses clichés sont des témoignages inestimables sur la corrida des années 1940 à nos jours. Une ethnographie du monde des toros.
En parcourant d'anciennes revues espagnoles, j'ai retrouvé une longue interview du maître dans laquelle il conte sa vie et évoque sa passion, les toros, et peut-être surtout, les toreros qu'il côtoya et dont il fit partie un court instant.
Fils de Vicente Cano "Rejillas", novillero sans gloire, Paco Cano donna ses premières passes à 13 ans, à un novillo échappé de l'abattoir. "Quand ils l'attrapèrent et le ramenèrent à l'abattoir, ils décidèrent de le toréer. [...] Mon père se mit devant et puis finalement, je lui ai donné quelques passes avec un sac. Je me suis senti plus apaisé que jamais, une sensation que je n'ai pas éprouvé depuis". Sobresaliente à Alicante, puis matador alternant avec un certain Faraón dans les pueblos de la région, c'est la guerre (civile 1936-1939) qui interrompit sa carrière. " Durant le conflit, j'ai eu deux contrats. D'abord une novillada à Orihuela organisée par la F.A.I. et puis une autre à Alicante, celle-ci montée par le Parti Communiste. Je me souviens que j'étais à la maison et qu'arriva une camionette de miliciens qui demandaient après moi. Ma mère s'inquiéta beaucoup mais quand j'entendis qu'ils voulaient m'engager, je sortis et je leur dis qu'il n'y avait aucun problème. Dans cette novillada, j'ai reçu une cornada dans les testicules et quand j'ai pu à nouveau marcher, je me suis rendu à Madrid, accueilli chez un ami, Gonzalo Guerra Banderas".
Après la guerre, il effectua une trentaine de contrats mais sa carrière végétait. Et la photo ? Quand est-elle apparue ?
"Tout commença avec Gonzalo qui faisait des photos couleurs ; il était chimiste, passionné par la photographie. A nous deux, nous achetâmes deux tubes de métal sur lesquels nous installèrent un objectif. [...] Ceux qui me voyaient riaient. Mais un jour à Madrid, lors d'une tarde où débuta Alejandro Montani "El Sol del Perú", je fis un reportage intéressant que mon ami Miguelillo montra au torero à qui mes photos plurent et qui me passa une belle commande. Cela m'ouvrit les yeux et je poursuivis sur cette voie. J'ai acheté un Leica (et un téléobjectif de 13,5) que je conserve toujours. [...] C'est avec lui que je fis le reportage de Linares"...
Aplausos, n° 496, 30 mars 1987.