30 août 2008

"Amigo, mon colt a deux mots à te dire" / Bilbao 2008


Ça ne sentait pas très bon cette fin d'Aste Nagusia sèche comme un cactus dans les rocheuses. On pouvait craindre pour ce final bilbaíno, quand bien même les gris Victorino avaient prévenu qu'ils débouleraient en ville pour ficeler la fête et semer la terreur. Mais c'était sans compter sur le géant petit homme de Fuenlabrada aux éperons dorés, Ferrera le lanceur de couteaux et Diego le Riojano, qui selon la rumeur, aurait épargné le cuir d'un de ces coyotes-là, l'an passé, dans un Etat voisin. Mais bon... y'avait un mais.
Je mettais un peu le plus célèbre des gangs cárdenos veletos en berne cette année, depuis que j'avais vu ce toro bouffer la muleta comme un pied tendre enfile les scotchs, dans le ruedo vicois, sans avoir auparavant accepté le moindre bourre-pif, celui qu'on réserve aux vrais terreurs de l'Ouest. Déception...
A l'heure où je digérais la somptueuse chuleta de buey de la Ercilla sur les tendidos de Vista Alegre, je constatais que les balcons étaient vides et les rues de Vista Alegre, calmes. Trop. L’afición bilbaína avait fermé les volets. Concluez-en ce que vous voudrez... On dit que « Juli le Kid » n'aurait pas fait mieux quelques jours auparavant, lors d'un duel toutefois prometteur... Peut-être que Bilbao n'est plus le Fort Alamo de l'afición de verdad dans laquelle on se réfugiait parfois pour se protéger d'une attaque apache, se rassurer d'une temporada médiocre ou se rappeler de quel bois était fait un tío. En attendant, ça sentait la poudre et le sapin, par ici...
Débarqué en ville, il y eut de tout dans ce lot, mais des tontons, des durs à cuire, des hils de pute, des salauds et des roublards, il y en eut six. Tous difficiles jusqu'aux sabots, âpres et malicieux jusqu'a la pointe du poil ; il aura fallu à nos trois compères quitter les charentaises chauffées par maman, et opter pour la tiague et le Stetson, mieux taillés pour ce genre d'explications. Douze rencontres seulement pour un lot globalement faiblot mais qui suait la caste ; on aurait aimé que la cavalerie intervienne plus judicieusement. Ainsi « Fundi » (Ahhhh ! « Fundi », ce cher « Fundi » !) déploya-t-il son attirail de Winchesters et Smith&Wesson, pour camper comme bon lui semblait dans le champ de vision du tout premier coyote, le pitón en bandoulière dès les premiers remates au planche. Celui-ci serrait rapidement sur l'homme, toujours prompt à vous raser de près, et plus si affinité. Il avait compris, le type, qu'il se tramait quelque chose de malveillant derrière le drap rouge. Mais quoi ? Il eût fallu pour lui ne pas tomber sur le gringo de Fuenlabrada au quart de siècle d'alternative poussiéreuse pour le deviner, peut-être. José allait le chercher au fin fond du saloon, lui faisait payer l'addition des consos après lui avoir présenté le pianiste et finissait la visite guidée par le bureau du sheriff en le bouclant loin là-bas dans sa cellule, autant de fois qu'il le fallait pour faire rendre ses colts ; pas décidé, on envoya l'impertinent à la potence, et une lame entière placée libéra les esprits et les âmes de la population. Vista Alegre City pouvait respirer enfin.
Son second était un chef de bande, un de ceux à qui il ne faut pas tourner le dos, sans quoi c'est l'assurance d'un aller simple au paradis, mais à sa décharge, il avait la charge franche et la loyauté d'un bandit d'honneur ; c'est juste qu'il fallait pas se manquer et à aucun moment lui laisser entrevoir une issue glorieuse. Encasté et débordant de force, la gueule en bas mais qui fait pas de cadeau. Un de ceux a qui on ne cède rien, quoi, sinon c'est la correction, le scalp à coup sûr. Par deux fois il bouscula les montures. On peut même dire qu'il y laissa la tête, mais à ce stade de la bagarre, la manière ne pouvait faire de lui un brave. « Fundi », sur la colline, observait le déroulement des opérations et laissa ses compañeros s'occuper de décocher quelques flèches sur l'adversaire. Pas commun ; la foule s'en inquiétait. Mais il devait déjà se douter qu'il lui faudrait toutes ses munitions pour venir à bout du « manteau de cuir gris ». Et ça n'a pas manqué. Talons dans le sable, l'oeil froid et déterminé, il écrasait son puro à ses pieds et allait à la rencontre de l'intrus en lui expliquant d'abord gentiment qu'ici, la loi, c'est lui qui la fait, et lui montrant le règlement. Le chef de bande rigola et expédia lourdement notre héros au sol. Pas grave. A bafouer la loi, on agace le Sheriff Fundi et c'était pas ce qu'il y avait de mieux à faire. Des coups de flingue en veux-tu en voilà, sur la droite puis la gauche, « Fundi » emmenait le duelliste cárdeno à se dévoiler et l'obligeait aux coudées franches. Planqué derrière un tonneau, un abreuvoir ou la fenêtre du bordel, il pouvait surgir à chaque instant. Jamais lui tourner le dos, c'était la règle. Sheriff Fundi tournait surtout sur lui-même et parait délicieusement chaque attaque, le poignet ferme et le compas grand ouvert. Si ça partait de travers, c'était fini, mais y'avait pas le choix, il fallait corriger l'indésirable fauteur de troubles et lui faire quitter la ville rapidement, pour que l'ordre et le calme reviennent. Ça dézinguait à tout va, chacun vidait son barillet sur l'autre, mais c'était sans compter sur l'expérience des duels sanglants et l'habileté à gérer ces rendez-vous délicats du « Fundi » qui expédia finalement l'inconscient d'un terrible coup de lame sioux qu'un vieux peau-rouge lui avait donné autrefois et qu'il cachait toujours au revers de son poncho. Le grand chef gris aurait dû le savoir et ne pas sous-estimer le Sheriff Fundi. Trop tard, José accrochait définitivement l'étoile à sa veste. La loi , c'était « Fundi » et il était temps pour tous de le savoir.
Ferrera, le lanceur de couteau, insaisissable et bondissant trublion, eut fort à faire lors de ses duels à lui. On a craint beaucoup pour lui, face à son premier. Une épouvantable terreur qui ne voulait rien entendre, jouant du rasoir en vous écrasant le pied au passage, le salaud parfait. A grands coups de torchons désespérés, on parvient à tout. Et là, on eut au moins à estimer sa bonne composition. En tous cas, c'est sûr, y'avait bagarre. Il s'arrima fortement quand surgit le second, un jumeau revanchard du précédent, et joua copieusement du harpon, con poder et détermination. Il n'en fallait pas moins pour en venir à bout. En faisant rouler les éperons dans le sable, il engageait la bête sur deux séries templées et ne lâchait plus le lasso, sans quoi, le revers eût été fatal. Ferrera le savait. Ce genre de lascar-là, on ne discute pas avec eux, on dégaine. Point barre. Quelques coups de lames plus tard, s'en était fini, mais il avait fallu suer. Sans doute les deux plus durs à cuire de chez dur à cuire. Restait alors au jeune Diego à prouver à ses compañeros que lui aussi allait faire entendre la loi aux deux gâchettes qu'il se réservait. Les rumeurs les plus encourageantes fusaient à son sujet, et l'on clamait les exploits du jeune gringo partout dans la ville. Il nous restait à voir ce qu'il avait vraiment dans le ventre, le gamin. Et si son premier, le plus valeureux de la bande, voulut en découdre rapidement, imaginant peut-être que le duel ne s'engagerait pas, c'était sans compter sur la vaillance du prétendant riojano, qui, souvent à cours de force et d'épaules, retenait audacieusement les charges, les coups de feu et de rasoirs en serrant les dents, mais sans jamais céder, et en détournant les coups, les pieds à plat et le poignet autoritaire. Fallait s'être levé tôt pour faire plier la jeune gâchette. Mais il lui fallait surtout tenir son rang, et une réputation à honorer. Des muletazos imparfaits mais toujours dominateurs, muy poderoso, même si son adversaire prit souvent le dessus. Une entière placée dans les épaules et la messe était dite. On commençait à croire que cela était bien arrivé. Diego Urdiales dit « le Riojano », avait peut-être bien dégommé tous ses adversaires comme la légende le raconte. Les forces laissées dans le premier duel le privèrent sans doute d'une authentique consécration dans tout l'Ouest sauvage, mais faut dire que son second n'était pas un caïd au grand coeur, juste un poseur de bombes sur voies ferrées, un second couteau et pas un maître à penser, un de ceux qui agissent par derrière quand ça commence à sentir le cramé. Abattu en plein cœur et de sang froid, sans la moindre pitié pour les salopards de sa trempe. Cette fois, c’était sûr, il ne se relèverait pas. On embarqua les six corps dans le petit cimetière hors de la ville, et l'on n'entendit plus jamais parler de la terrible bande des cárdenos veletos de Bilbao 2008. La ville était calme, et la population respirait enfin, débarrassée de ces solides gaillards qui en avaient fait plus que baver à nos trois héros, reprenant leur route respective, ou presque, puisque personne ne vit Sheriff Fundi quitter Vista Alegre City. Il était sans doute déjà loin quand ses compañeros d'un jour le cherchaient pour partager la récompense. Les héros n'aiment pas les honneurs, et « Fundi » avait sans doute déjà l'esprit en d'autres contrées, conscient que ces six-là n'étaient qu'un détail dans la longue liste des sentiers de la Gloire. Nul ne sait ce qu'il devint. Certains racontent qu'il a fini aux côtés de ses amis indiens, aurait combattu Custler en personne et aurait à l'occasion scalpé plus de cent visages pâles à lui seul. La légende était en marche, et elle ne s'arrêterait pas là.
El Batacazo

29 août 2008

Carcassonne, la cité aux deux visages (II) : côté face


J’attendais les Miura sans illusions, mais plutôt avec curiosité. L’après-midi était belle et les arènes remplies aux trois quarts. Malgré le vent, les conditions semblaient bonnes, les anti-taurins ayant même eu le bon goût de pas manifester ce dimanche, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

Et ces Miura ressemblèrent à des Miura. Très typés, haut et longs bien sûr, la silhouette fine et la palette chromatique de la casa : un sardo, des negros, un castaño et un cárdeno. Bonne présentation d’ensemble donc, malgré quelques armures tordues et les cornes abîmées du premier. Lorsque je vis entrer en piste le premier novillo de Miura, je me sentis heureux. Heureux d’être là, au soleil, entouré d’amis et de contempler ce bicho andalou si atypique. Je me disais : « un Miura reste un Miura, y'a pas à dire ! »

Pour la suite, je serai moins complaisant. Entendons-nous bien : le lot fut correct, et de loin. Mais pour mon goût personnel, il a manqué cruellement de puissance et de force ; principalement de poder au cheval, où les novillos se laissèrent piquer sans grande bravoure, poussant correctement mais sans grand intérêt pour la chose. Dix piques prises tête haute quoique fixe dans le peto.

La grosse mauvaise surprise de la tarde allait venir de la lidia. Comme on pouvait s’y attendre, les hommes furent absents dans les deux premiers tiers, mais le palco les conforta aussi dans l’exécution approximative de leur tâche, en consentant à trois monopiques. Si la lidia reprit des couleurs au troisième novillo, nous le devons à Marco Leal. Oui, vous avez bien lu, c’est bien à lui que nous le devons. Le garçon fut excellent dans sa conception du premier tiers, plaçant parfaitement son opposant par deux fois face au cheval, à la distance adéquate. Fait honorable, d’autant plus qu’il fut à contre-courant de ses collègues. Bravo garçon !

Nos Miura développèrent après le cheval une belle noblesse. Importante mais délicate à lire. Les distances différaient grandement d’un novillo à l’autre, le quatrième partant de très loin, tandis que le deuxième préférait le corps à corps. Allègres, ils chargèrent volontiers les leurres, mais pour qui savait y faire. A mi-hauteur tous rechignaient à allonger la charge mais, tête basse, leur noblesse explosait. Malheureusement la faiblesse de certains rendait la tâche encore plus ardue.

Pour finir sortit un bon novillo. Pas le plus beau mais le meilleur. Ce cárdeno, bizco, démontra d’emblée son agilité et sa belle charge. Chargeant très bien le cheval à la première rencontre, tête à mi-hauteur et en mettant les reins, il rechargea avec hargne deux autres fois le piquero, sans que personne puisse intervenir. La seconde pique fut un peu moins poussée, saccadée même, mais très honorable. Aux banderilles, le novillo fit admirer sa charge et sa force de patte, sans toutefois poursuivre l’homme. Il eut le mauvais goût de meugler et d’ouvrir la bouche mais sa caste était correcte, moins importante que sa noblesse pour sûr, mais honnête. Ce qui nous permit au final de voir un novillo très intéressant, mais de là à lui accorder la vuelta al ruedo, il y a un monde. Par là, nous attaquons le second visage de cette féria de Carcassonne, le côté face. Face, car outre la vuelta du novillo, il y eut aussi deux oreilles pour Marco Leal. Deux oreilles après une faena décentrée et très brouillonne et deux oreilles qui viennent après une épée très laide, portée en avant de la croix. Foudroyante. Tu m’étonnes ! De plus la pétition est montée du ruedo. Normal me direz-vous. Mais non, ce n’est pas l’émotion qui a fait monter la pétition, mais la cuadrilla sans honneur du jeune français. Paquito Leal, jouant des bras à outrance. L’homme sait y faire et le public carcassonnais s’auto-persuada d’avoir assisté à un grand moment avec de surcroît une pétition de rabo ! Rien de moins !

La Méditerranée était arrivée aux pieds de la cité. Ou plutôt l’océan, car si aujourd’hui la monopique était présente et le triomphalisme s’était invité au dernier novillo, il y eut ce jour des novillos en piste. Il serait maladroit de l’oublier. Sans manquer de rappeler la journée de la veille, celle des Zaballos, irréprochable. Il faut donc plutôt parler de marée. Des marées irrégulières, avec un grand flux, porteur de grandes valeurs et un petit reflux, certes mineur, mais déplaisant. Ce dernier courant est passé inaperçu pour la plupart, mais il m’a gâché quelque peu la fête. J’avais d’ailleurs un peu honte, déçu au milieu de tant de joie. Mais c’était ainsi, il ne fallait pas me le cacher. Au fond, ce qui me décevait, c’était sûrement qu’en quelques secondes, pour vouloir allez trop vite et trop tirer sur le paraître, la rigueur et les longs mois de travaux entrepris étaient maladroitement égratignés. Quelle était gauche cette image d’un organisateur poussant le mayoral de Miura en piste pour le faire saluer. Il ne comprenait guère, perdu aux yeux de tous dans une piste qui paraissait tout à coup immense. Il errait, n’osant pas avancer vers le centre, préférant plutôt l’abri des planches. Ces quelques secondes lui parurent interminables. Plus longue que l’hiver andalou. Pour sûr.

Carcassonne venait de nous montrer ses deux visages. Son côté pile mais aussi son côté face. Cette arène se cherche et c’est bien compréhensible, mais attention au reflux, il pourrait lui porter préjudice. Le hasard est encore présent ici, entre pile ou face la pièce tourne. Le côté pile a la tendance favorable, mais attention de ne pas se voiler la face.

Retrouvez la galerie dans la rubrique RUEDOS...

28 août 2008

Carcassonne, la cité aux deux visages (I) : côté pile


Le menu était copieux ; je le savais depuis l’hiver dernier et je m’y étais préparé. C’est ainsi que, sagement, j’avais décidé de sauter l’entrée pour me consacrer au plat de résistance ; l’attaquer avec une faim intacte, pour en profiter un maximum.
Pour être franc, j’avais quelques craintes sur ce met délicat, si souvent annoncé à grande réclame. Car le plus souvent, ces menus-là vous ouvrent l’appétit mais vous laissent sur votre faim. Les ingrédients portent de belles étiquettes mais sont des fonds de paniers, servis avec une présentation bâclée, plus qu’approximative, et, de surcroît, l’amalgame des subsistances ne fonctionne pas. Et au final, le mécontentement qualitatif, enflé par la déception, débouche sur un sentiment très désagréable. Je m’étais fait bien souvent avoir par ce genre d’annonces, avec une naïveté coupable. Le risque était là, mais l’envie de croire aux écriteaux ne pesa pas dans ma décision d’aller à Carcassonne, même si elle restait dans un petit coin de ma tête.

Et bien m’en prit.

Il n’y eut cette fois-là, et le cas est trop rare pour ne pas être souligné, point de mensonges. Le spectacle était en tout point conforme à l’étiquette et de surcroît organisé sans faille. Les novillos de Zaballos ressemblaient bien à ces Saltillo charros si particuliers, et leur sélection ne laissaient planer aucun doute : il s’agissait bien du premier choix. A la sélection de la matière première s’ajoutait le décor, soigné dans ses moindres détails. Arrastre impeccable, mais aussi torilero con trapío et même un camion citerne en charge d’arrosage décoré con mucho gusto.

La présentation, certes, mais aussi le contenu. Une présidence de bon aloi, accordant un juste équilibre entre le goût festif du spectateur occasionnel et la rigueur froide de certains aficionados. Les règles furent respectées, et le spectacle y gagna en sérieux et la plaza en crédibilité. Il n’y eut ce jour aucune monopique. Pas plus que de vuelta al ruedo volée. Aucun triomphe donc sur le papier comme sur le terrain, car de triomphes, il n’y en eut point. Pourquoi aurait-il fallu en créer ? Le triomphe en tauromachie est difficile, l’adéquation qui y mène peu probable amenant par là même son caractère rare. Mais sans triomphe il y a aussi tauromachie et pas forcément médiocre. Le bon n’est pas forcément beau. Il peut l’être, mais il ne l’est pas forcément. Le spectateur doit le comprendre pour apprécier ce qu’il voit et ne pas attendre la déclaration officielle pour s’enthousiasmer. Une novillada sans triomphe n’est pas forcément une mauvaise novillada et la déception ne doit pas être causée par l’absence de triomphe.

En ce sens, cette novillada de samedi fut une grande réussite, car elle permit aux novillos de dévoiler leurs qualités comme leurs défauts ; elle permit aussi aux novilleros de donner le meilleur d’eux-mêmes. Même si leurs qualités respectives ne suffirent pas pour parvenir au triomphe, les spectateurs purent assister à un spectacle authentique qui respecte le sens commun de la tauromachie. Pour avoir permis cette réalisation, la placita audoise a acquis l’estime des aficionados.
Pour revenir au spectacle à proprement parler, les novillos de Miguel Zaballos m’ont déçu. Une déception principalement due à leur manque de « chispa », du moins en ce qui concerne la moitié du lot. La caste était là, tous gardant la bouche close et ne refusant jamais la bagarre. Mais cette caste ne les poussa pas assez vers l’avant. Cette déconvenue trouve aussi sa source dans le manque de force des trois premiers exemplaires, l’excès de châtiment, comme le faisait remarquer l’éleveur, n’expliquant pas tout. Seul le quatrième novillo eut cette caste-là, le poussant à marcher en permanence sur le novillero, son instinct offensif demandant encore et encore au novillero qui, hélas, ne pouvait plus. Il y eut aussi de la mansedumbre, mais pas de manso ! La chose peut paraître surprenante, je vous l’accorde. Si les novillos de Zaballos ont facilement adopté une attitude défensive, lançant de sérieux uppercuts de la corne dans les étriers des piqueros, ils conservèrent aussi, tous, une fijeza sans faille. Aucun n’a fui l’affrontement et dans les leurres, que ce soit les capotes ou les muletas, tous mirent la tête basse sans décocher de coup de corne. La noblesse était bien là, mais l’intelligence aussi. Une caractéristique coutumière de l’encaste Saltillo et qui au vu des lidias réalisées ne favorisa pas le développement de leur disposition offensive. Comme me le fit très justement remarquer un ami, ils eurent droit à deux faenas : l’une de capote et l’autre de muleta.
Ainsi fut ce premier acte carcassonnais, le bon côté, le côté pile.

27 août 2008

Z


Sont-ce des zébus tout droits venus de Zanzibar ?
Demande un zigoto aux élastiques zygomatiques à un autre zigomar.
Des zébus oui… mais de Tanzanie, répond taquin le zoophile.
Cessez de faire les zouaves ! rétorque un connaisseur, ce sont des Saltillo astifinos zonant dans les pacages de Salamanque, Cabeza de Diego Gómez.
Sous le vif zéphyr carcassonnais, un public attentif et clairsemé zieute les Zaballos de Miguel. Des novillos azabache, noirs comme du Zan.
Zappons les deux premiers faibles et mal piqués. Zigouillés.
Les 3, 4 et 5 feront zigzaguer les cuadrillas semant la zizanie parmi des troupes de zazous incompétentes et dépassées, multipliant les capotazos dans un frénétique zapateo désordonné.
Le dernier, negro zaíno, zoomorphologiquement disproportionné, se dégonflera tel un zeppelin dézingué par trois puyazos appuyés.

Synthèse.
Les picadors : zic et zac ! 17 coups de sagaies trop zélées, abusent des saignées.
Les novilleros : Jesús de Natalia, David Valiente, Juan Antonio Siro, des Zidane du muletazo ? Balèzes au bajonazo, pas des Zorros.
Les gradins : taiseux. BZzzzzzzz ! Entendez-vous les mouches tsé-tsé.
Épilogue zootechnique au coin du zinc où quelques zèbres déshydratés sirotent une Suze en gazouillant leur zététique.
Qu'es aquò ? dit l’autochtone, des toros tout en armure, sans gaz ni kérosène… Bizarre ! Vous avez dit ?
Et Miguel que dit-il ?
Zaballos , zen.

Visualisez les zooms hétérozygotes de Yannick et François dans la rubrique RUEDOS.

26 août 2008

RIP


La fin du mois d’août annonce septembre, ses ultimes férias, ses ultimes paseos, ses ultimes… C’est vraiment pas terrible ça pour un début de post. Pour un peu on se croirait au Midi Libre. C’était simplement pour dire à ceux qui se rendront à Arles pour la Féria du Riz, ou pour toute autre occasion, que les RIP ne seront pas mortes, seront toujours là, et qu'ils pourront en profiter. Et pour ceux qui ne sont vraiment aficionados qu’aux toros et exclusivement aux toros, les RIP ce sont les Rencontres Internationales de la Photographie. Ça se passe à Arles et c’est un truc mondialement connu, et même reconnu, dont je ne vais pas, aujourd’hui, vous retracer l’histoire mais dont vous auriez tort de ne pas profiter si l’occasion se présente.
Les RIP proposent une soixantaine d’expos. Un pass pour la totalité de celles-ci vous reviendra à 26 euros et même 21 si vous êtes un des heureux adhérents de la Fnac ou si vous bénéficiez d’un quelconque tarif préférentiel. Ça commence déjà bien je trouve. 26 euros pour 60 expos…
Pour la première fois, la majorité des expositions sont concentrées en périphérie immédiate de la ville, dans les anciens ateliers de la SNCF. Nous en avons donc terminé d’arpenter les ruelles arlésiennes, notre guide à la main, à la recherche d’une salle d’exposition improbable, ou du grenier à sel, que je ne retrouvais jamais d’une année sur l’autre. Ça avait aussi son charme. Mais la concentration des expos en un lieu principal a aussi ses avantages dont celui de vous économiser des heures et des kilomètres de marche.

Il reste bien quelques expositions en ville mais la majorité de celles que j’ai pu voir sont sans grand intérêt (un cauchemar même celles de l’espace Van Gogh…) Vous pourrez prendre, sans attendre la direction des ateliers.
Evidemment, les amateurs de fashion pourront toujours commencer par se délecter des robes coutures de Christian Lacroix proposées au musée Réattu. Des robes haute couture dans le cadre des RIP c’est presque autant hors sujet que du jazz sur CyR… Oui, sauf que Christian Lacroix est cette année le commissaire invité des Rencontres. Donc ça n’est pas si hors sujet que ça. Quoique…
Comme à mon habitude, j’exagère. Il y a en ville une expo absolument incontournable, à l’église des prêcheurs : des photographies de Peter Lindbergh réalisées sur la plage de Beauduc, en noir et blanc, et tirées en très grand format. « Peter Lindbergh a investi depuis sept ans la plage de Beauduc, en Camargue, pour photographier des bad boys et des filles maquillées qui laissent un indéniable trouble au visiteur. »
Et pour le coup, ce sont un peu plus que des photos de mode, ça va bien au-delà, d’où l’intérêt de la chose. Il y a évidemment Beauduc, l’immensité de Beauduc, cette lumière, le côté sauvage ; tout cela parfaitement rapporté dans ces grands formats qui eux-mêmes trouvent parfaitement leur place dans le cadre impressionnant de cette église dont l’aspect à la fois délabré et sauvage n’est pas lui-même sans rappeler justement… Beauduc. Yeeees…

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire les soixante expos de la sorte, simplement notez en passant les extraordinaires portraits de Pierre Gonnord, un français qui vit à Madrid. Ou encore, la puissance des images de Paolo Pellegrin. Ce Pellegrin-là n’a rien à voir avec notre Juan. Celui-là est italien, membre de l’agence Magnun et à ce titre, présent partout là où ça chauffe…
A l’opposé, j’ai beaucoup aimé les autoportraits introspectifs de Jamie Isaia, l’Albanie du Grec John Demos, l’Italie de Mimmo Jodice, ou les wagons du métro de New York d’Ethan Levitas, sans oublier les époustouflantes natures mortes de Guido Mocafico.
Je ne vais pas non plus vous dresser une liste, simplement vous engager à aller flâner, profiter et vous laissez entraîner dans ces ateliers, là où vous porteront vos pas, vos envies et votre regard. Et n’ayez pas peur, c’est fléché !

Message perso pour Yaya
Les trois clichés qui illustrent ce post ont été pris au 17 mm... On peut évidemment cliquer sur les photos.

25 août 2008

Prendre un toro par la main


T'as voulu voir Vierzon et on a vu Vierzon
T'as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul
T'as voulu voir Honfleur et on a vu Honfleur
J'ai voulu voir Tomás et on a vu Ponce... Comme toujours !

La vie d'un coche de cuadrilla doit ressembler à celle d'une Merco de chanteur de province en tournée... Je n'avais pas pris Brel pour animer la route des vacances taurines, j'avais à peine moins taurin : Leo Cohen et Bob Dylan entre autres, mais "Vesoul" avec son accordéon ironique aurait pu faire l'affaire.

J'y suis allé crescendo : San Sebastián pour Tomás puis 3 jours à Cenicientos et enfin 3 jours à Bilbao pour finir en apothéose avec les figuras face aux La Quinta. Sur le papier, ça avait une bonne gueule.
Je reviendrai sur (et probablement à) Cenicientos un de ces jours. J'en arrive directement au mâchefer photogénique de Vista Alegre : mardi 19 août, Ponce ne remplaçait personne et alternait avec Juli et Manzanares face à l'un des élevages en vogue : El Ventorrillo. Le toro de Bilbao c'est quelque chose : ça n'est pas pour rien que l'on se presse au bord du Nervión pour voir les vedettes du moment face à des toros de respect, faut dire que ce n'est pas tous les jours le cas ! Nous y voici.

Passons sur la première partie de la course dont je retiendrai l'empaque classieux de Manzanares "inventant" (selon l'expression consacrée) son premier adversaire, dont l'aspect récalcitrant et contrariant s'incarnait surtout dans sa charge courte. Les instruments basques de Vista Alegre venaient de jouer "Bring Back My Bonnie to Me" lors du tercio de banderilles du 3, comme en hommage à la cuadrilla du Cid qui salua deux fois la veille. Rien donc... (3 piques, 3 picotazos).

Sort le 4, 'Histrión' (n°6 - 561 kg - né en septembre 2003), d'un point de vue patronymique, ça commençait mal. Pas si mal que ça, il faut en convenir car du bois il y en avait : des flèches à faire pâlir d'envie les cathédrales des plaines de Picardie (des pointes au milieu de rien) : veleto tendance cornivuelto, astifino pour sûr. Un trapío tout à fait acceptable, en rapport avec la réputation du lieu. Benjamin me souffla "y'a du bois ! c'est le bois qui cache la forêt !" (s'il ne lisait CyR, je me la serais attribuée, celle-là). En effet, de présence en piste, nada : l'ingénieux capote du Maître de Chiva le reçut avec toute la douceur et le sucre d'un accueil oriental. L'animal n'était pas une bédigue, ça n'était pas un foudre de guerre non plus, qu'on se le dise. Un "pavo" : du plumage sans ramage, faible des antérieures, fiereza nada, de caste "moderne", à la sauvagerie de soie dont on fait des pacheminas. Il prit une première pique de jolie manière et une seconde par politesse comme qui se ressert quand, invité, on craint d'offenser la maîtresse de maison même si le rôti est cramé.

Ponce vit tout de suite le miel qu'il pourrait tirer du sucre qu'il venait d'investir et "brinda" à tous. Le maestro du Levant leva donc sa muleta, tendit la main à son opposant et lui sussurra doucement : "Allez, viens ! je vais te montrer un truc, on va faire des jolies choses toi et moi !"

Prendre un toro par la main
Pour l'emmener vers demain
Pour lui donner confiance en son pas

Ponce étala alors toute la magie de sa main, de son poignet, de sa science et décupla les capacités de son opposant (?) plus sûrement qu'un médecin d'équipe cycliste espagnole. Sans ces avis vulgaires de règlement de caserne, 'Histrión' serait certainement encore en train de prendre des pases de pecho au sommet du Tourmalet ou de l'Aubisque. A côté de pareil déploiement de douceur et de persuasion, d'invention - puisque c'est le terme "ad hoc" - le Manzanita du troisième Ventorrillo prenait des airs d'honnête praticien de tours de passe-passe, de rebouteux médiéval vendant des amulettes à côté d'un centre de cancérologie à Villejuif (je parle ici de savoir-faire, pas de torería, notez bien).

Le baume Ponce fit à nouveau merveille, le secret déposé dans les oreilles de 'Histrión' produisait son effet : en bon psychologue Ponce savait que l'histrionisme se caractérise par une soif inextinguible d'attention excessive. En d'autres mains, 'Histrión' n'aurait pas eu le moindre écho public et serait passé de vie à trépas sans son quart d'heure de gloire Wahrolien : seul, il n'en possédait pas les moyens.

Enrique poursuivait son travail de réhabilitation, mieux qu'un centre de rééducation pour handicapés, plus magique que Lourdes, il jouait les Soubirou et tirait des muletazos suaves, utilisant à des fins d'infirmier l'abanico entier des recours de torero : fuera de cacho, pico, toreo en ligne droite de la main gauche, les gradins de Biscaye bruissaient du miracle ambiant : "Lève-toi et marche !" semblait-il ordonner à 'Histrión', à qui il dessinait une voie ferrée dans un terrain réduit. "Lève-toi et marche !", Vista Alegre était rebaptisée Gare St Lazare.

Le miracle jaillissait par tous les pores de la peau de 'Histrión', devenait torrent, inondait le Nervión, colorait l'austère Bilbao : les frigides dégoulinaient, le port industrieux se rêvait plage, station balnéaire, Costa del Sol : Enrique ratifiait le changement de statut par une suerte rare : présentant son postérieur à 'Histrión', il ployait un genou comme pour un doblón, puis changeait de genou sous le regard médusé de l'assistance : le roi dandinait du croupion sous le mufle immobile de surprise de 'Histrión' le dindon (pavo) et finissait par donner des doblones en redondos. N'allez pas croire à quelconque farce ! Bilbao était rendue, debout, Vista Alegre était le nid d'oiseau pékinois en pleine cérémonie d'ouverture, un feu d'artifices ! Bilbao était Benidorm !

Mais les quarts d'heure de gloire ne doivent pas dépasser 15 minutes et personne n'avait pensé à arrêter l'horloge : le tic-tac du pendule "culero" de Ponce était bel et bien une métaphore du temps qui passait. Enrique se profila, mis en joue son 'Histrión' énamouré et basculant les cornes gigantesques plaça un estoconazo en toda ley qui fit rouler le partenaire sur le sable gris multicolore. 'Histrión' mourut l'oeil humide de reconnaissance, pas même contrarié par le premier avis qui sonnait en sourdine dans la clameur basque. Enrique recueillit alors les deux oreilles dans lesquelles il avait murmuré de belles paroles à 'Histrión'. Une fois encore... il gardait son secret pour lui.

Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons,
Et flatté ce qui nous rebute ;
Contristé, servile bourreau,
Le faible qu’à tort on méprise ;
Salué l’énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière.

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
(...)
Bu sans soif et mangé sans faim !…
— Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres
!

Citations un rien adaptées de "Vesoul" (Jacques Brel) et de "Prendre un enfant par la main" (Yves Duteil).
Morceaux choisis et fidèles de "L'examen de minuit" de Charles Baudelaire.

Recherche et développement


C’est le genre d’expérience qui convient à une demi-arène de pueblo, qui plus est française. Si ça loupe, peu de monde aura l’idée saugrenue d’en causer.
Le 24 août 2008, la placita landaise de Saint-Sever a fait mieux que le CTV quelques mois auparavant. Eux, pôvres petits Vicois, avaient seulement testé la puya de tienta à la quatrième rencontre (en corrida concours). C’était tellement ridicule comme expérience qu’ils n’avaient même pas osé la rendre publique avant et pendant la course. Le courage… Sur le coup, face à tant d’audace dans le désir de moderniser la corrida, certains avaient ressenti force tressaillements là où ça fait du bien, comme emportés par promesses abyssales de l’avancée scientifique.
Le 24 août 2008, la placita landaise de Saint-Sever a fait mieux que la plaza de Beaucaire. Ceux de Beaucaire, eux, n’avaient rien trouvé de mieux pour se la péter dans le monde taurin que d’expérimenter la puya andalouse en France. Expérience grandiose s’il en fut, si géniale même qu’elle ne fut menée que sur deux toros de Victorino Martín Andrés. Mais là aussi, et malgré les vrais résultats des effets de ces piques, la demi-molle n’était pas loin pour ces certains en quête de sensations à peu de frais. Une demi-molle oui, de celle qu’on aimerait bien voir s’épanouir franchement en rêvant à mieux, à pire, à plus…
Le 24 août 2008, Saint-Sever est devenue l’immense érection de la section Recherche et développement de la tauromachie actuelle. Et les certains de Vic et de Beaucaire n’étaient même pas là !

Hier à Saint-Sever, on a été au bout de la démarche visant à tuer le tercio de piques… On a piqué sans picador ! Les organisateurs ont attendu le dernier novillo de Fuente Ymbro pour tester l’idée folle. Un cheval, un toro y nada más. Le toro a poussé, le cheval s’est bien déplacé et les gens ont applaudi. A la seconde rencontre, les penseurs sans fin de l’avenir de la corrida ont pris le parti de tester une autre nouveauté qui pourrait faire des petits dans les années à venir. On a monté un picador sur le canasson mais au lieu de lui donner une pique normale, on lui a refilé une puya encapuchonnée, comme au campo les cornes des novillos combattus. Fallait l’avoir l’idée… Mieux que la risible puya andalouse, mieux que tout ce que les certains avaient imaginé pour dénaturer le tercio de piques. La pique sous cellophane ! Avouons tout de même que le concept n’est pas encore adaptable à la réalité mais l’idée est là, convenons-en !
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons qu’en vérité, il ne s’agissait pas du tout d’expériences fabuleuses destinées à faire rêver certains mais tout simplement d’accidents de lidia dus à une catastrophique cuadrilla aux ordres d’une certain Román Pérez. Là, malheureusement, il y a bien longtemps que le secteur Recherche et développement de la tauromachie actuelle ne peut plus rien…

Retrouvez la galerie de la bonne novillada de Fuente Ymbro dans la rubrique RUEDOS...

Photographies Le 6° Ymbro à la pique © Camposyruedos

23 août 2008

La corrida sans / Bilbao 2008


Rien d’extraordinaire sous les fines gouttes de pluie bilbaínas. Un lot de toros de Torrealta (le second était un remplaçant de Javier Pérez Tabernero donc Atanasio) insipide, sans trapío, sans force en général, avec des problèmes moteurs pour certains, sans réelle bravoure… Un lot sans. Et des matadors au diapason de ces sans…

Une corrida sans, sans rien à écrire finalement. Alors, point.

>>> Retrouvez sur le site dans la rubrique RUEDOS la galerie de cette corrida.

Photographie Manzanares entrando a matar © Camposyruedos

Eloge du flou


Il en a souffert pourtant. "Photo floue" qu’ils l’ont surnommé. Vous imaginez ? Un photographe se faire surnommer "Photo floue". Non, vous n’imaginez certainement pas. Et quand je dis flou, c’était du flou de chez flou. Une révolution notez bien. Le sujet (toro et torero) flou et l’arrière-plan (le public) net. Une révolution je vous dis. Ça aurait pu marcher remarquez, être considéré comme une démarche, une évolution, une révolution même, ou encore l’aboutissement de quelque chose, un concept. Mais non, au bout du compte rien de tout ça. Car nous savions bien, que nous n’étions là que face à une des perversions actuelles de la nouvelle photographie numérique, d'une certaine photographie numérique, non maîtrisée. Ne généralisons pas. Entre temps "Photo floue" a remédié à ses lacunes, à ses errements et à ses flous pas artistiques. Une révision du caillou, directement chez Nikon, complétée par l’achat instantané, imprévisible et compulsif d’un D300. Et hop, oublié "Photo floue". Sauf que, vous le savez, les choses ne sont jamais aussi simples, ni définitives.
Tenez, prenez par exemple cet extrait d’article signé Alain Rémond pour l'hebdomadaire Marianne. C’était à l’occasion du salon de la photo. Lisez plutôt : « Afin de pourfendre les photos floues, les boîtiers sont truffés de capteurs gyroscopiques qui détectent les tremblements, stabilisent les optiques et corrigent les tressaillements du photographe. De plus, la sensibilité toujours croissante des capteurs de lumière (3200 ISO aujourd'hui) contribue aussi à réduire la durée de la prise de vue (vitesse d'obturation) et donc les risques de flou. Et ça, visiblement, c'est un progrès. Vous voulez que je vous dise ? Je suis consterné. Grâce aux progrès du progrès, il va devenir impossible de faire des photos floues. Or, le flou, c'est ce qu'il y a de mieux dans la photo. Le flou, c'est la vie. Le flou, c'est le mouvement. Le flou, c'est la poésie. Tout le monde fait des photos nettes. Des photos impeccables, bien dégagées sur les oreilles. Mais où est le mystère, dans une photo nette ? Hein, où ? Alors que le flou, c'est la porte ouverte à l'imagination, au rêve, au fantasme. Le flou, c'est fou ! Il faut le clamer haut et fort : c'est une déplorable habitude que de balancer à la poubelle les photos floues. »
Oui, certes, à condition de le maîtriser un minimum le flou, de savoir où, quand et comment on veut l’utiliser… Mais c’est effrayant ça de se dire qu’à l’avenir les nouvelles technologies nous interdiront le flou, le bougé. Le photographe n’aura donc même plus la possibilité, en conscience, de rater ses photos. Terrifiant.

21 août 2008

Béziers 2008


Comme promis par Yannick Olivier, vous pouvez consulter les galeries de la novillada de Margé et de la miurada de Béziers dans la rubrique RUEDOS...

Bonne visite.

Photographie Un Miura à Béziers, août 2008 © Camposyruedos

20 août 2008

Un peu de bleu...


Finalement, ils ont dû se lasser de regarder les bleus de l'eau et ceux du ciel, chaque jour, depuis si longtemps. Ensemble, comme plantés sur ce petit muret plus recouvert de vieilles herbes qu’eux, ils ont préféré regarder pousser leurs rangs de choux. De toute façon, elle ne bougera pas l'eau d'en bas et le ciel d'en haut non plus d’ailleurs. Alors, ils peuvent bien regarder pousser leurs choux ou se fatiguer leurs pieds tortueux, ce n’est pas ça qui énervera les vaches rouges (et quelques noires) dans le pré à côté. Même elles, elles n’en ont cure qu’en dessous ça soit bleu, que ça sente presque le chlore tellement il crache le bleu d'en bas.
Oh, c’est pas qu’elles soient les mères de cornus très célèbres ou que leur sang soit de la couleur d’en bas, non, c’est pas ça du tout même. Elles sont annoncées navarraises, à moitié peut-être, au tiers éventuellement mais on s’en fout aux quatre quarts. Elles sont là, leur maigre derrière en sourire à la mer, uniques, une vingtaine à mettre des couleurs dans un paradis oculaire. Vous en avez déjà vu beaucoup des vaches braves sur un balcon au-dessus de l’Atlantique ? Le fer est une sorte de F et ça se nomme le Marqués de Saka-Toros de Lastur. Il paraît que c’est vieux comme le XX° siècle et que c’est connu dans la région pour leurs participations aux sokamuturrak locales. Il paraît… Ce qui est sûr, c’est que les patrons sont sympas au possible et proposent des petits "menus del día" dans les anciennes étables de l'élevage. Rustique, aux alentours de 10 euros... Alors, pour ceux qui se rendent à Bilbao pour l'Aste Nagusia 2008, souvenez-vous que sur la route, à la sortie Itziar, il existe un petit "resto" dans une grande maison basque protégée par une vingtaine de vaches braves qui sourient à l'Atlantique, en bas... Unique !
Et puis, la côte basque espagnole est là, belle et torturée évidemment, elle crie fort à Mundaka pour nous rappeller que "nous sommes tous des surfeurs" !

Retrouvez les photographies de la ganadería Marqués de Saka-Toros de Lastur dans la rubrique CAMPOS.

Photographies Ganadería avec vue sur la mer, chez le Marqués de Saka-Toros de Lastur, Itziar, Euskadi © Camposyruedos

Sólo para "Sol y Moscas"

Il faut cliquer pour voir la photo en plus grand.

Pour toi Sol y Moscas... Un blog pour le moins étonnant, parfois dérangeant, mais toujours passionnant.

Image Alberto Lamelas à Beaucaire, en juillet 2008 @ Camposyruedos

La miurada de Béziers


Après les Miura de Bayonne croqués par Laurent et en attendant leurs petits frères de Carcassonne, vous pourrez découvrir dans quelques jours la galerie de la miurada de Béziers. Une course bien dans la tradition de l'élevage et de la place biterroise, c'est-à-dire à des années lumière de la présentation et du comportement des autres bêtes combattues dans cette dernière. En effet, en dépit d'une orientation de l'organisation très clairement dirigée vers le toreo moderne et ses inévitables corrolaires (le toro sans force, sans race, monté sur rail et monopiqué), les pensionnaires de Zahariche continuent de communier avec le public héraultais, bon an mal an, qui se voit ainsi gratifié de lots plus que respectables et le plus souvent choisis dans le haut du panier de l'éleveur.

Même si l'on a pu retrouver en piste les fondamentaux de la devise, y compris dans sa diversité, avec une alternance d'exemplaires nobles et de toracos bourrés de genio et de sentido, la corrida est restée en-dessous de ce que l'on a pu voir à l'occasion de précédents millésimes ou ailleurs cette année même. Ceci étant, pas une seconde d'ennui, et même, au contraire, des moments de franc enthousiasme, avec notamment la leçon de lidia dispensée par un "Fundi" en majesté, au sommet de son art et de sa technique ; il ne reste plus qu'à souhaiter qu'il aura réussi à convaincre cette partie du public n'ayant rien compris à la préparation de son second exemplaire, préférant sans doute les pitreries de Juan José Padilla ; lequel, après quelques gestes de bon toreo, rares chez lui, a préféré finir par amuser la galerie, avec un succès que l'on ne peut qualifier que d'affligeant. Quant à Javier Valverde, même si l'inévitable comparaison avec son aîné est à son désavantage, il a su se montrer classique et méritoire, bon tueur à son premier.

Vous découvrirez également dans les prochains jours quelques photographies de la novillada de Robert Margé, sortie comme souvent noble (voire très noble) et suffisamment mobile pour offrir un spectacle intéressant, mais avec aussi ce manque cruel de fond et de piquant constaté ailleurs ces derniers temps. La monopique a régné en maître toute la matinée, nous interdisant de juger véritablement de la bravoure des novillos. Tout cela ne serait pas bien grave si la course n'avait pas reçu un satisfecit qui encouragera sans doute le ganadero à poursuivre dans la voie de la recherche de la douceur au détriment de la caste. Quant aux piétons, je ne retiendrai que la prestation de Miguel Ángel Delgado, à revoir.

En ce qui concerne les autres courses, je ne m'infligerai pas d'en écrire quoi que ce soit, qui en tout état de cause n'intéresserait pas nos lecteurs. Contentons-nous donc d'indiquer que la faena d'infirmier de Ponce et les beaux gestes de Manzanares furent un régal pour le photographe, mais laissèrent l'aficionado de marbre...

Image El Fundi après sa démonstration de talent et de technique au public biterrois, dont une partie venait de le conspuer pour des raisons demeurant obscures © Camposyruedos

19 août 2008

Carcassone 2008


- Tu fais quoi ce week-end ?
- Je ne sais pas, j’hésite. Peut-être que j’irai à Bilbao et toi ?
- Non, moi je pars à Carcassone voir les Zaballos !
- Ah !

Dans l’intonation, j’ai tout de suite compris la surprise. Il faut dire que la féria de Carcassonne n’est pas encore dans toutes les têtes. C’est une féria qui se cherche, tâtonne et n’a pas encore sa clientèle figée. Pourtant, la programmation 2008 aurait dû marquer les esprits avec en tête d’affiche les novillos de Miguel Zaballos.
Après l’excellente novillada de Céret de Toros 2007, où les pupilles de l’ami Miguel avaient régalé les aficionados par leur caste. Il y eut ce jour-là des braves et aussi des mansos mais, pour tous, une grande race poussée par une mobilité sans faille qui répandit l’émotion dans toute la placita Catalane. En fin de saison, ces impressions furent confirmées à Madrid, rien de moins. En conséquence, les Zaballos débarqués hier soir au pied de la cité se font attendre avec impatience. Vivement samedi !
Puis, comme si ce beau plat de résistance ne suffisait pas, les organisateurs ont ajouté au menu une petite friandise en amenant des novillos de Miura. Un élevage que nous n’avons pas souvent l’occasion d’étalonner dans ce type de spectacle.
Si l’argument Zaballos ne suffisait pas à inciter les aficionados à essayer la place audoise, le complément Miura devrait finir par les décider.

Toutefois, si la programmation est belle, le plus dur reste à faire pour les organisateurs : convaincre. Afin que le public ne se contente pas de venir aujourd’hui mais qu’il revienne demain. L’enjeu est de fidéliser une clientèle, comme ont su le faire Vic, Céret ou encore Parentis. Mais pour cela, le déroulement du spectacle doit être sans faille ou du moins refléter l’affiche. L’identité définie doit se vérifier dans le ruedo.
Sinon, ce serait un échec cuisant et la garantie d’un non retour de la plupart. Je ne parle pas de la qualité du spectacle, qui dépend de tellement de paramètres et est incertaine par définition. Non, j’entends les fondamentaux de la corrida, qui vus de l’organisation, tiennent en la motivation des acteurs à faire honorer les canons de la tauromachie. De tout faire pour que le novillo soit respecté, voire mis en valeur s’il le mérite. Carcassonne ne doit pas tomber comme Hagetmau avec les Coquilla dans le piège de la monopique. Elle doit imposer sa vision pour réussir complètement son pari et se faire ainsi une place dans le calendrier taurin français. Un pari certes difficile mais ô combien passionnant.
Suerte donc à Carca Toros.

J’allais oublier, la féria commence vendredi soir avec l’élevage de Rollanejo, origine Aldeanueva. Mais bon c’est déjà moins intéressant et en plus il y a des bourrins. Boh ! Il en faut pour tout les goûts !

18 août 2008

L'apartado à Bilbao, quelques repères


Du 17 au 24 août, huit corridas de toros — et autant d’apartados — sont au programme des Corridas Generales de Bilbao dans le cadre de sa Semana Grande (Aste Nagusia en basque).
Les lignes qui suivent sont particulièrement destinées à celles et ceux qui n’ont jamais assisté à un apartado à Vista Alegre et qui souhaiteraient s’y rendre.
Les plus curieux-ses et/ou les plus motivé-e-s consulteront les
trois posts écrits l'an dernier : L’apartado à Bilbao (I), L’apartado à Bilbao (II) et L’apartado à Bilbao (III & fin).


Sur le parvis face à la "grande porte" — au-dessus de laquelle vous lirez "Plaza de Toros de Vista Alegre / Año 1962" —, vous rejoindrez sur votre droite les aficionados déjà en faction devant la taquilla de l’apartado, elle-même située à l’extrême gauche de l’alignement de guichets (voir image L’apartado à Bilbao (I)). La pancarte "Apartado", elle, ne sera accrochée que bien plus tard, peu avant 10h30, heure d’ouverture de la vente des places de corridas.

9h40-10h > 11h. L’attente...
- Le store bleu protègera d’éventuelles intempéries seulement les cinq, six ou sept personnes arrivées avant vous. Vous tâcherez donc de loger un parapluie dans votre sac — le vêtement "imperméable" s’avérant vite sinon inopérant disons inconfortable lorsqu’il faut patienter près d’une heure et quart sous une pluie parfois battante. En Biscaye, la météo change vite !
- Bien vous placer, dès votre arrivée, dans le couloir formé par les barrières tubulaires vertes vous évitera quelques menues tracasseries lors de l’ouverture de la taquilla ;
- Si une envie pressante venait à vous comprimer la vessie, vous tiendrez bon en pensant aux toilettes impeccables qui vous attendent sous les tendidos, à droite dès la "grande porte" franchie.
11h > 11h05. Ouverture de la taquilla. En 2007, le prix d’entrée était de 5 €. Votre billet en poche, si "la grande porte" en bois est fermée... Poussez-la !
11h05 > 11h15. Vous prendrez le temps de flâner, sans trop tarder quand même, dans le petit musée que constitue le hall de la puerta grande de Bilbao. De là, vous accéderez au callejón le plus naturellement du monde et vous viserez le toril. Libres d’aller où bon vous semble, vous pourrez fouler l’étonnant ruedo gris souris ou vous reposer dans un des sièges bleu délavé qui habillent confortablement les lieux. Non, non, vous ferez cela à un autre moment...
● 11h15 > 11h30. À droite de la porte du toril, il s’en trouve une petite bien curieuse, vraiment pas haute, vraiment pas large. Vous la passerez et arpenterez au frais un étroit couloir ainsi conçu qu'il permet de voir clairement, sur votre gauche, celui que fouleront les toros en provenance de leurs chiqueros... Au bout, un patio nimbé d’une lumière presque surnaturelle et sobrement fleuri vous accueillera. Hop ! hop ! vous gravirez quelques marches, obéirez à la flèche "Apartado" puis vous tournerez à droite, franchirez une arcade et vous vous rallierez, au pied d’un escalier et devant LA porte, aux quelques visiteurs déjà présents. Ce sera de nouveau l’attente, dans un silence relatif — les discussions reprenant — et dans une obscurité incomplète — la lumière naturelle de la fosse toute proche léchant les visages.

11h30 > 11h50. Vous rentrerez avec des fourmis dans les jambes mais vous n’oublierez pas pour autant de vous munir de la fiche présentant l’identité des toros et des sobreros du jour. À cet instant, vous pourrez vous rendre derrière la fosse afin de jeter un œil aux lots de toros présents dans les corrals. Cela dit, sachez qu’il vous sera également possible de le faire un petit quart d'heure durant après l’enchiqueramiento de la course.
Vous vous installerez où vous voudrez, sauf sur le côté du carré "Junta Administrativa / Autoridades" réservé aux officiels. Accueillant les aficionados et décorés d’azulejos, les trois autres côtés1 sont équipés d’adorables petits gradins en bois peints en rouge (voir image L’apartado à Bilbao (II)). Les pieds posés sur la première planche — celle du bas —, vous vous assiérez naturellement sur la deuxième — celle du milieu — mais, attention ! celle-ci ne correspond nullement au premier rang ! En effet, vous risqueriez fort de voir des personnes venir sans crier gare se poster debout devant vous, les pieds entre la première planche et le muret, les coudes appuyés sur le rebord de la fosse ! Soyons clairs, les gradins offrent quatre rangs de spectateurs et aucune place assise vu l'affluence. Les planches et a fortiori le sol ne sont pas prévus pour les fesses mais pour les pieds.
11h50 > 12h. Ça remuera certainement derrière, sur les côtés, en face et au-dessus. En-dessous, sous l’autorité du président Matías González, le sorteo aura à peine commencé. Si comme moi vous ne lui trouvez guère d’intérêt, vous vous surprendrez sans doute à rêvasser — un coup de pompe ? — et à passer en revue quelques-uns des nombreux azulejos célébrant les élevages ayant obtenu le prix au lot le plus complet des Corridas Generales depuis près d’un demi siècle...

Aux alentours de 12h, ce sera l’effervescence autour de la fosse et vous penserez impérativement à fermer votre portable. Non sans gravité, Matías González prendra le micro — dont le son métallique insolite participe grandement au charme terrible de cette cérémonie — en même temps que la parole : « Agun deneri. Buenos días a todos. Vamos a proceder al apartado y enchiqueramiento de la corrida que va a celebrarse esta tarde en Vista Alegre. Los toros pertenecen a la ganadería de ¿?, propriedad de ¿? que se encuentra con nosotros, y le damos la bienvenida. Serán lidiados por los siguientes matadores de toros : X, Y y Z »2.
Interviendront alors un membre de la Junta puis un aficionado, chargés respectivement de vous faire patienter encore quelques instants et de présenter l’élevage du jour. Drriiing !!! Aussi désuète que le microphone, l’inimitable sonnerie vous dressera les poils des bras et annoncera l’ouverture imminente des portes... Place aux toros... Que chacun gagne sans encombre son chiquero. Bon apartado. (cf. L’apartado à Bilbao (III & fin))

1 Pour une première fois, préférer à mon avis le côté du carré situé à la droite des officiels — ceux-ci étant à votre gauche —, car il rend visible les trois ouvertures par lesquelles les toros seront successivement menés... Se placer à la gauche des officiels vous permettra certes plus sûrement de capter le regard des bêtes qui, lorsqu’elles viennent de pénétrer et d’être emprisonnées dans la fosse, se retournent instinctivement vers la porte refermée ; mais il devient dès lors problématique et peu judicieux de prendre en photo les toros, particulièrement stressés et tous sens en éveil.
2 Discours rituel — seuls les noms propres changent — piqué dans Petit guide du pèlerin de l’apartado à Bilbao, de Thierry Vignal, TOROS n° ? — désolé mais je n’ai qu’une photocopie à ma disposition.

Images C’est une Marijaia* playmobil® sur fond de Teatro Arriaga qui annoncera les festivités 2008. De 0 a 100 años © José Antonio Arrieta Ça vaut le coup de faire le tour ; ici le potager... © Campos y Ruedos Un La Quinta dans la fosse en 2007 © Campos y Ruedos
* Icône locale des fêtes.

17 août 2008

Cenicientos : mythe ou réalité ?

Comme l’année dernière, les toros d’Alcurrucén ouvrent Cenicientos 2008. Comme l’année dernière, les toros de José Escolar Gil clôtureront la féria. En attendant le reportage de CyR, chronique oubliée de la féria 2007.

Attention toroQu’est ce qu’on fait là ! Au milieu de nulle part, en pleine pampa, au bout du bout des virages de la Sierra de Gredos, entre Madrid, Ávila et Tolède, le triangle des Bermudes de la Tauromachie, la vallée du Río Tiétar. Le pays des chimères, du "torogarrou" terrorisant les novilleros et hantant les nuits des matadors les plus confirmés. Affabulations fantasmagoriques d’aficionados en mal de légende.
Le programme de la féria 2007, une fois encore, est alléchant.
Hier, c’était le jour des Alcurrucén, nous n’y étions pas. Ricardo, raconte-nous.
Trop de toro, pas de torero. Habituelle litanie. Présentation excepti
onnelle, digne d’une grande arène. Eugenio de Mora, Javier Valverde et Serafín Marín optent pour une élégante stratégie : le pilonnage intensif. 25 missiles plus tard, l’objectif est atteint, l’adversaire réduit à néant. À vaincre sans péril… on évite bien des dangers. Contrat suivant !

Toro de Prieto de la CalQu’est ce qu’on fait là, le 15 août !
On vient contempler les derniers vestiges des prestigieux Veragua, l’antique beauté des Prieto de la Cal aux robes surannées. 'Marismeño' et 'Vinatero', jaboneros astifinos échappés d’une toile de Goya, irréels comme des spectres, cisaillés et achevés sans égards. Les toreros, insensibles, ne goûtent guère cette esthétique.
C’est toujours le même refrain dans ce pueblo, trop de toro...
Les Prieto ont fléchi avant ou après la quinzaine de piques assassines, dispensées sans mise en suerte, méchantes à l’excès. Toreros et cuadrillas rudement éprouvés ne feront preuve d’aucune mansuétude.
El Renco abdique et abrège instantanément. Méprisant et provocateur, il veut dédier au public 'Pajarraco' dont la corne s’est brisée. Il invective les spectateurs, simule, termine par une indigne estocade. Infect ! Bronca et broncasse. Inexcusable, malgré les bourrasques.
"Qu’est-ce que l’honneur ?
Un mot.
Qu’y a-t-il dans ce mot honneur ?
Qu’est-ce que cet honneur ?
Du vent "
William Shakespeare
Jesús Millán : Insipide. Un léger effort au début.
Álvaro Ortega : Intégralement dépassé.
Les gens d’ici vous l’assènent comme une fatalité, trop de toro, pas de torero.

Toro de Arauz de RoblesQu’est ce qu’on fait encore là !
Jeudi 16 août, on devait rester à Tolède. C’est toujours le même refrain. Marre des manœuvres de la cavalerie. Marre des fantassins bigarrés, contemplant le massacre, planqués derrière les barricades.
Sonnez clarines ! C’est un vent de révolte qui gronde.
Quatre Araúz de Robles et deux El Pizarral, rien de révolutionnaire !
Synthétisons : bonne présentation, trois toros invalides, 'Lobazo', superbe Araúz (cárdeno clarísimo, botinero, astifinísimo), éphémère comme les autres. Copieuse ration de piques à l’emporte-pièce. Les ordres sont clairs : il faut que ça saigne ! Le cavalier est le roi de l’arène. Échec et mat.
Luis Vilches use et abuse du pico. Décomposé.
Fernando Cruz : ah bon, il était là ! Déception.
Andrés Palacios porte un bien joli costume.
Les cuadrillas au diapason de la médiocrité : nullissimes.
Désespérant et soporifique ! Qu’est ce qu’on fait là, en plein mois d’août, dans le vent maintenant froid, à supporter stoïquement le pire.

Toro de Adolfo MartínVendredi 17 août, on est toujours là, pour les Adolfo. On aime les Albaserrada comme des proches. On ne dit pas les Martín. On dit les Victorino, les Adolfo. « ¡Sí Señor! » Ce sont de vieux complices, presque des intimes. Demain ce sera le tour des Escolar. On ne dit pas les José, mais on le pense…
Pour les Adolfo, même le vent retient son souffle.
Au menu, comme à l’accoutumée, des bichos de cinq ans. D’évidence il ne s’agit pas d’un premier choix. À défaut de grande cuisine, nous nous contenterions d’un bon plat, moins subtil, plus roboratif. Mais le service laisse à désirer : présentation irrégulière, quelques demi-portions, un soupçon de cornes vilainement astigordas. Le festin manque de consistance et de saveur. Rien d’indigeste, on reste sur notre faim.
11 piques seulement. Le second toro de José Ignacio Ramos reçoit l’unique puya réglementaire de la féria. Le diestro de Burgos, particulièrement professionnel, laisse curieusement échapper 'Curioso', certainement le plus intéressant, un adversaire qui humilie, tout en restant avisé. Ramos approximatif à gauche, butte sur son point fort, l’épée. Dommage.
Fernando Robleño compose avec deux antagonistes à la faiblesse latente. Appliquées, ses naturelles manquent de profondeur, ses derechazos de liant. Rarement dans le sitio, sa muleta profite du passage. Il sauve les apparences et coupe la première oreille (généreuse) malgré une lame quelconque.
Iván Fandiño, égocentrique gominé, surpris en flagrant délit de narcissisme, dessinant de merveilleuses passes… de salon. En cas de danger, inutile de compter sur lui ! Convaincant dans l’estocade.
Les Adolfo dont nous attendions tant, ont déçu. Les toreros que nous n’attendions plus, sont de retour. Moins de toro, plus de torero ? Et demain ? T’emballes pas, ici quand il y a des toros… On peut rêver, ¡coño!

Toro de EscolarSamedi 18 août. Dernier jour. On est là, tenaces et obstinés, avec Télé Madrid. Gros plan sur les Escolar : des cornes et du trapío, costauds mais sans surcharge, prometteurs. On y croit, on est là pour y croire.
Du toril surgit alors 'Cuidadoso'. Un cite et il se plante comme un dard au burladero, poursuit tout ce qui bouge avant d’être durement harponné à trois reprises. Aux banderilles, El Fundi contraint à la vigilance, ajuste, sans possible relâchement. À la muleta, de brusques coups de cornes rendent la lidia périlleuse. Sec à droite, le combat devient aride à gauche. Secoué dès la première naturelle, le matador change de main et ne tarde pas à conclure. C’est tonique comme entame !
'Señorón II' ne se singularise pas, écorche les planches, se jette sur les leurres, le mufle au ras du sol, accuse le coup après un terrible puyazo, bascule cul par-dessus tête et revient au cheval. Panique à bord, l’équipage cherche son capitaine. Sergio Martínez débordé devient la risée de l’assistance. Le toro est applaudi à l’arrastre. Ça tangue !
'Meloso I' suit avec un identique enthousiasme, fendille sa corne gauche lors d’un remate, s’enveloppe vivement dans les véroniques pieds joints de Sergio Aguilar, encaisse deux épouvantables piques, longtemps repoussées sans céder malgré le manége de cariocas, raccompagne les banderilleros, désarme le peón de brega, bouscule El Fundi venu à la rescousse. Sergio Aguilar, jambe fléchie, gagne los medios en quatre passes, coupe net l’élan de l’animal d’un ferme trincherazo. Le toro hésite, se rebiffe. Le torero insiste, laisse du temps et donne de la distance, accepte un combat décousu, enchaîne les passes une à une, perd un pas, se replace et sans rompre, impose ses naturelles. Une série, deux séries, douces et soyeuses, main basse. Un somptueux derechazo agrémenté de quelques manoletinas. Un pinchazo, une belle épée et un descabello. 'Meloso I' meurt au centre, bouche fermée. Acclamations ! Sergio Aguilar, volontaire et émouvant. Oreille. Ça remue !
'Catalán I' percute violemment les burladeros, fouille sur les côtés, cherche derrière, galope sans cesse, accourt aux capes. Le picador lui réserve le sort coutumier, deux piques dures, sans retenue, fermant la sortie. Le toro charge vaillamment sans reculer. Constamment sollicité, El Fundi redouble d’efforts pour rassurer les cuadrillas en déroute. Il livre un excellent tercio de banderilles, poursuit par une série de trincheras jusqu’au centre et allonge sur la droite. Une, deux, trois séries… Superbe ! 'Catalán I', inlassable, bouche cousue, maintient le rythme cadencé d’un danseur de sardanes. Les naturelles sont moins fluides mais plus méritoires. Pour finir en maestro, quelques trincheritas ornementales finement ciselées, un pinchazo instantanément repris et estoconazo. Énorme ovation ! Deux oreilles pour l’un, vuelta posthume pour l’autre.
On est venu pour ça, comme chaque fois… Et puis ça arrive… Epoustouflant !
'Campanillero' reçoit un accueil contrasté, ardant dans l’assistance, sans écho au callejón. Cornes, allure et prestance. Beau de beau ! Sergio Martínez déserte, abandonnant ses troupes en plein naufrage. Trop de toro pour ce torero à la dérive, asphyxié. El Fundi, omniprésent, assume l’intégralité de la brega. Un zélé picador, arc-bouté sur sa perche, vacille au milieu de l’arène, indemne grâce au quite opportun de Sergio Aguilar. SOS et sauve-qui-peut aux banderilles. Faena ? Pâle comme une figure du Greco, Sergio Martínez, disparaît dans sa blanche serviette. Bronca. Magistrale vuelta pour 'Campanillero'. Du tonnerre !
'Campanito II', le dernier, un moral sans faille, le plus noble, le plus faible aussi. Sergio Aguilar insiste pour que les piques soient brèves. El Fundi ajoute un quite sobre, par véroniques. Simple et concis. L’animal se requinque aux banderilles. Aussitôt les peones se recroquevillent. Le jeune torero, au centre, engage sereinement la faena, tout en finesse. Des naturelles senties, comme des caresses. Un final enchanteur composé de suaves trincheritas et de délicats doblones. Frissons garantis. Un pinchazo, une entière et les gradins exultent. Deux oreilles, vuelta pour 'Campanito II'.

Sergio AguilarEl Fundi, Sergio Aguilar, le mayoral et l’éleveur portés en triomphe.
C’est fini. On est là, benoîts, heureux comme des papes.
On est là avec les gens d’ici, los Coruchos, simples et accueillants, fiers de partager leur nouvelle plaza.
On est là, comme chaque fois, comme toujours, comme partout, à espérer l’improbable alchimie : un toro, un vrai, et un torero.
L’un face à l’autre…

Suerte para Cenicientos 2008
Jeudi 14 août /// Toros de Alcurrucén /// Luis Miguel Encabo, Fernando Cruz et Joselillo.
Vendredi 15 août /// Toros de Osborne /// Luis Vilches, El Gino et Serranito.
Samedi 16 août /// Toros de Corbacho Grande /// Domingo López-Chaves, Iván Garcia et J. M. Lázaro.
Dimanche 17 août (course télévisée sur TeleMadrid) /// Toros de José Escolar Gil /// Rafaelillo, Fernando Robleño et Sergio Aguilar.

Pour en savoir + et voir les photos des toros : cliquer ici.

16 août 2008

Petites dacquoiseries entre amis (II)

Daxdonald's


D’après Robert, le dico, le masochisme serait un "comportement qui trouve du plaisir à souffrir, qui recherche la douleur et l’humiliation". Se rendre, conscient à l’avance de ce qu’écrit Robert, aux arènes de Dax pour assister à une corrida relève pour une grande part d’un masochisme schizophrène pour qui aime les toros et leur combat. Cela n’arrive qu’une fois par an me direz-vous, parce qu’un ami a un billet sur les bras au dernier moment, parce qu’après tout, parce que ce sont des Santa Coloma (Hoyo de la Gitana), parce qu’il y a des potes à retrouver à la buvette avant la course. C’est la partie plaisir de la définition. Assis parmi les autres, c’est la partie "souffrir, douleur et humiliation" qui reprend le dessus dans un dominio continu de deux heures 15 soit 135 minutes ou si vous préférez 8100 secondes.

- Bonjour, je voudrai un menu maxi BigMac avec grandes frites.
- Et la boisson ?
- Un grand Coca-Cola, s’il vous plaît.
- Je vous mets des sauces ?
- Oui bien-sûr, une barbecue et du ketchup.
- Merci, ça fera 7 euros
- Merci, au revoir, à bientôt.

Avez-vous remarqué qu’il n’y a quasiment jamais d’entrée dans ces menus de la bouffe rapide ? C’est ainsi, c’est le concept d’ailleurs, le fast-food. S’envoyer rapidement un morceau de viande hachée calé entre deux ronds de pain indigeste et mixé aux bulles d’une boisson noirâtre ultradécapante. Se donner vite l’impression d’être repu. Aller à l’essentiel, pas d’entrée, pas d’inutile, se remplir, directement au gras !
- Il était bien ce toro, il avait des passes. On devrait lui donner une vuelta.
Monsieur est repu. Il a eu son BigMac avec plus de sauce que prévu et il a même trouvé, pour une fois, que le fromage orange qui sèche si vite sur les bords du steak coulant avait un goût. Et c’est vrai qu’El Fundi a peint une très belle et très esthétique faena face à son second Hoyo de la Gitana, 'Medialuna II'. Un toro bravito en deux piques poussées avec fixité (mal piqué – dans l’épaule), de belles charges allègres au banderilles (bien moyennes) et qui se révèle doux et soso lors de la faena qui permet au maestro en pleine bourre de prouver à tous qu’il sait, lui aussi, dessiner de belles courbes bien lentes sur le sable dacquois couleur hamburger. Fundi a fait du Ponce, il a réussi à garder son toro debout tout au long de la faena. Un boulot d’infirmier en quelque sorte que d’autres auraient bâclé et qui n’était pas gagné d’avance tant l’animal a montré des signes de faiblesse après les deux premiers tiers.
Et le toro suivant, aussi, a eu des passes et Monsieur, juste devant, partout autour, avec Madame aussi qui rit aux anges, a demandé encore une vuelta al ruedo. 'Distinguido' est plus costaud que son prédécesseur mais construit de la même manière. Dès la sortie du toril, donc naturellement, la tête est positionnée sous la ligne du cul, bien basse. Machine à charger comme ils aiment tous ! Toro por abajo, toro fast-food ! Rafaelillo l’a bien compris et peint lui aussi sa faena, moins précise, moins stylée que celle du chef de lidia. Il se régale, sourit, prend de bien laides poses, enfonce une énorme épée et ramasse deux oreilles. Les pointes de ketchup sur les habits sauce barbecue remuent de joie comme un sac de vers de terre avant la partie de pêche.
Julien Lescarret a compris et se lance à l’assaut de 'Caracol II', 5 ans tout pile.
L’envie ne fait pas tout malheureusement. Elle n’empêche pas le pasito atrás, les embrouilles de muleta lors des changements de main et surtout, elle n’annihile pas la précipitation. Un recibir raté, une oreille, Lescarret sortira en marchant.
Voilà, le hamburger est digéré, Monsieur devant et autour est repu, Madame qui rit aux anges aussi… Dans deux heures ils auront faim et pèteront comme un Gargantua en bas-âge. Ce sera classe au Club taurin des "culs-serrés".
C’est ça le McDo, pas d’entrée, pas d’inutile, direct au gras. C’est ça Dax, pas d’entrée, pas d’inutile, direct aux passes. Le tercio de piques n’intéresse personne ici, mais alors personne. Des mises en suerte nulles de la part de tous les toreros (aucune distance, placement de travers), des picadors applaudis (oui !) pour avoir lacéré l’épaule d’un toro, un autre à peine hué alors qu’il venait d’ouvrir le flanc gauche du bicho (le 3) d’une affreuse estafilade et des piques utilisées évidemment à l’envers par des picadors sans vergogne. Seules comptent les passes et la toréabilité. Quel mot odieux ! La bravoure, la fixité, la caste n’ont aucune importance. Le toro doit être maniable ! A tel point qu’ici plus qu’ailleurs on réduit les entrées au maximum avec la complaisance indigne d’une présidence aux ordres. Rafaelillo demande un changement de tiers après une première pique correcte… accepté. Deux minutes plus tard, il réitère sa demande pour écourter un tercio de banderilles trop long à son goût… demande acceptée. Au dernier, le picador place une affreuse pique dans le bas de l’épaule gauche du toro qu’il a le bon goût d’ôter tout de suite. Le toro sort du caparaçon et Lescarret demande le changement de tiers… accepté. Un toro non piqué ! Deux minutes plus tard, il réitère sa demande pour écourter un tercio de banderilles trop long à son goût… demande acceptée. A Dax, les deux premiers tiers sont des entrées McDo, sans utilité, sans importance, sans réalité.

Derrière les petits drapeaux que les enfants agitent, le repas s’achève. Le BigMac dans les tripes, les trois frites qui restent sont molles et la paille au fond du grand verre de plastique renvoie des sons gastriques… Le Coca est fini. Il ne reste à venir que le meilleur moment, le somment de la bouffe rapide et prête à consommée… Le rot ! Par pudeur et politesse, on essaye de le cacher, de faire ça très discrètement, on ferme la bouche et on souffle les mauvaises odeurs par le nez… Oui, vous avez tous fait ça, ne mentez pas. Il est des civilisations dans lesquelles le rot final est marque de gratitude et d’appréciation de la cuisine à l’égard des hôtes. A la fin d’un McDo, le rot est bien plus l’appel à l’aide d’un estomac en souffrance qu’une marque de politesse. Hier, à Dax, le rot n’a pas manqué, vous pensez. Il a eu lieu au sortir de la course, quand Fundi et Rafaelillo étaient déjà jonchés sur de larges épaules. Le rot, ça a été de monter sur d’autres larges épaules le mayoral de la ganadería de Hoyo de la Gitana. Un rot impoli, déplacé et sans éducation. Un rot qui annonce l’haleine fétide d’une tauromachie malade du prêt à bouffer.

15 août 2008

Petites dacquoiseries entre amis


Notre ami et compère Batacazo propose à tous les lecteurs de participer au Grand jeu de la feria de Dax 2008... Rien à gagner évidemment!
Enjoy...