J’attendais les Miura sans illusions, mais plutôt avec curiosité. L’après-midi était belle et les arènes remplies aux trois quarts. Malgré le vent, les conditions semblaient bonnes, les anti-taurins ayant même eu le bon goût de pas manifester ce dimanche, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.
Et ces Miura ressemblèrent à des Miura. Très typés, haut et longs bien sûr, la silhouette fine et la palette chromatique de la casa : un sardo, des negros, un castaño et un cárdeno. Bonne présentation d’ensemble donc, malgré quelques armures tordues et les cornes abîmées du premier. Lorsque je vis entrer en piste le premier novillo de Miura, je me sentis heureux. Heureux d’être là, au soleil, entouré d’amis et de contempler ce bicho andalou si atypique. Je me disais : « un Miura reste un Miura, y'a pas à dire ! »
Pour la suite, je serai moins complaisant. Entendons-nous bien : le lot fut correct, et de loin. Mais pour mon goût personnel, il a manqué cruellement de puissance et de force ; principalement de poder au cheval, où les novillos se laissèrent piquer sans grande bravoure, poussant correctement mais sans grand intérêt pour la chose. Dix piques prises tête haute quoique fixe dans le peto.
La grosse mauvaise surprise de la tarde allait venir de la lidia. Comme on pouvait s’y attendre, les hommes furent absents dans les deux premiers tiers, mais le palco les conforta aussi dans l’exécution approximative de leur tâche, en consentant à trois monopiques. Si la lidia reprit des couleurs au troisième novillo, nous le devons à Marco Leal. Oui, vous avez bien lu, c’est bien à lui que nous le devons. Le garçon fut excellent dans sa conception du premier tiers, plaçant parfaitement son opposant par deux fois face au cheval, à la distance adéquate. Fait honorable, d’autant plus qu’il fut à contre-courant de ses collègues. Bravo garçon !
Nos Miura développèrent après le cheval une belle noblesse. Importante mais délicate à lire. Les distances différaient grandement d’un novillo à l’autre, le quatrième partant de très loin, tandis que le deuxième préférait le corps à corps. Allègres, ils chargèrent volontiers les leurres, mais pour qui savait y faire. A mi-hauteur tous rechignaient à allonger la charge mais, tête basse, leur noblesse explosait. Malheureusement la faiblesse de certains rendait la tâche encore plus ardue.
Pour finir sortit un bon novillo. Pas le plus beau mais le meilleur. Ce cárdeno, bizco, démontra d’emblée son agilité et sa belle charge. Chargeant très bien le cheval à la première rencontre, tête à mi-hauteur et en mettant les reins, il rechargea avec hargne deux autres fois le piquero, sans que personne puisse intervenir. La seconde pique fut un peu moins poussée, saccadée même, mais très honorable. Aux banderilles, le novillo fit admirer sa charge et sa force de patte, sans toutefois poursuivre l’homme. Il eut le mauvais goût de meugler et d’ouvrir la bouche mais sa caste était correcte, moins importante que sa noblesse pour sûr, mais honnête. Ce qui nous permit au final de voir un novillo très intéressant, mais de là à lui accorder la vuelta al ruedo, il y a un monde. Par là, nous attaquons le second visage de cette féria de Carcassonne, le côté face. Face, car outre la vuelta du novillo, il y eut aussi deux oreilles pour Marco Leal. Deux oreilles après une faena décentrée et très brouillonne et deux oreilles qui viennent après une épée très laide, portée en avant de la croix. Foudroyante. Tu m’étonnes ! De plus la pétition est montée du ruedo. Normal me direz-vous. Mais non, ce n’est pas l’émotion qui a fait monter la pétition, mais la cuadrilla sans honneur du jeune français. Paquito Leal, jouant des bras à outrance. L’homme sait y faire et le public carcassonnais s’auto-persuada d’avoir assisté à un grand moment avec de surcroît une pétition de rabo ! Rien de moins !
La Méditerranée était arrivée aux pieds de la cité. Ou plutôt l’océan, car si aujourd’hui la monopique était présente et le triomphalisme s’était invité au dernier novillo, il y eut ce jour des novillos en piste. Il serait maladroit de l’oublier. Sans manquer de rappeler la journée de la veille, celle des Zaballos, irréprochable. Il faut donc plutôt parler de marée. Des marées irrégulières, avec un grand flux, porteur de grandes valeurs et un petit reflux, certes mineur, mais déplaisant. Ce dernier courant est passé inaperçu pour la plupart, mais il m’a gâché quelque peu la fête. J’avais d’ailleurs un peu honte, déçu au milieu de tant de joie. Mais c’était ainsi, il ne fallait pas me le cacher. Au fond, ce qui me décevait, c’était sûrement qu’en quelques secondes, pour vouloir allez trop vite et trop tirer sur le paraître, la rigueur et les longs mois de travaux entrepris étaient maladroitement égratignés. Quelle était gauche cette image d’un organisateur poussant le mayoral de Miura en piste pour le faire saluer. Il ne comprenait guère, perdu aux yeux de tous dans une piste qui paraissait tout à coup immense. Il errait, n’osant pas avancer vers le centre, préférant plutôt l’abri des planches. Ces quelques secondes lui parurent interminables. Plus longue que l’hiver andalou. Pour sûr.
Carcassonne venait de nous montrer ses deux visages. Son côté pile mais aussi son côté face. Cette arène se cherche et c’est bien compréhensible, mais attention au reflux, il pourrait lui porter préjudice. Le hasard est encore présent ici, entre pile ou face la pièce tourne. Le côté pile a la tendance favorable, mais attention de ne pas se voiler la face.
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