31 décembre 2008

"Bonne année mon cul"


Et oui, encore une fois "Bonne année mon cul" pour ce uno de enero de 2009 et encore une fois la Chica Yeye parce qu'on aime ça...

"Il était temps que janvier fît place à février. Janvier est de très loin le plus saumâtre, le plus grumeleux, le moins pétillant de l'année. Les plus sous-doués d'entre vous auront remarqué que janvier débute le premier. Je veux dire que ce n'est pas moi qui ai commencé. Et qu'est-ce que le premier janvier, sinon le jour honni entre tous où des brassées d'imbéciles joviaux se jettent sur leur téléphone pour vous rappeler l'inexorable progression de votre compte à rebours avant le départ vers le Père-Lachaise... Dieu Merci, cet hiver, afin de m'épargner au maximum les assauts grotesques de ces enthousiasmes hypocrites, j'ai modifié légèrement le message de mon répondeur téléphonique. Au lieu de « Bonjour à tous », j'ai mis « Bonne année mon cul ». C'est net, c'est sobre, et ça vole suffisamment bas pour que les grossiers trouvent ça vulgaire. Plus encore que les quarante-cinq précédents mois de janvier que j'ai eu le malheur de traverser par la faute de ma mère, celui-ci est à marquer d'une pierre noire. Je n'en retiens pour ma part que les glauques et mornes soubresauts de l'actualité dont il fut parsemé. C'est un avocat très mûr qui tombe, sa veuve qui descend de son petit cheval pour monter sur ses grands chevaux. La gauche est dans un cul-de-sac. Mme Villemin est dans l'impasse, tandis que, de bitume en bitume, les graphologues de l'affaire qui ne dessoûlent plus continuent à jouer à Pince-mi et Grégory sont dans un bateau. Côté bouillon de culture, Francis Huster attrape le Cid avec Jean Marais. Au Progrès de Lyon, le spécialiste des chiens écrasés et le responsable des chats noyés, apprenant qu'Hersant rachète le journal, se dominent pour ne pas faire grève. Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort. Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante. L'Espagne - fallait-il qu'elle fût myope - reconnait Israël. Le 19, on croit apercevoir mère Teresa chez Régine : c'était Bardot sous sa mantille en peau de phoque... Le 23, il fait 9° à Massy-Palaiseau. On n'avait pas vu ça, un 23 janvier, depuis 1936. Et je pose la question : qu'est-ce que ça peut foutre ? Le 26, sur TF1, le roi des Enfoirés dégouline de charité chrétienne dans une entreprise de restauration cardiaque pour nouveaux pauvres : heureusement, j'ai mon Alka-Seltzer. Le 27, l'un des trois légionnaires assassins du Paris-Vintimille essaie timidement de se suicider dans sa cellule. Ses jours ne sont pas en danger. Je n'en dirais pas autant de ses nuits. Le 29, feu d'artifice tragique à Cap-Kennedy. Bilan : 380 tonnes d'hydrogène et d'oxygène liquides bêtement gachées. Et le soir du 31, comme tous les soirs, Joëlle Kauffmann embrasse ses deux garçons. Et elle entre dans sa chambre. Elle est toute seule. Elle ne dort pas très bien. Enfin voici février. Sec comme un coup de trique et glacé comme un marron. Avec son Mardi gras qui nous court sur la crêpe. C'est le mois de saint Blaise, qui rit dans son ascèse, et de sainte Véronique, qui pleure dans les tuniques. C'est aussi le temps du carême, où les maigres chrétiens d'Ethiopie peuvent enfin jeûner la tête haute pour la seule gloire de Dieu. Les statistiques sont irréfutables : c'est en février que les hommes s'entre-tuent le moins dans le monde ; moins de tueries guerrières, moins de rixes crapuleuses, moins d'agressions nocturnes dans les rues sombres du XVIII°, où l'insécurité est telle habituellement que les Arabes n'osent même plus sortir le soir. Jusqu'au nombre des cambriolages qui diminue de 6% en février. Et tout ça, pourquoi ? Après les enquêtes scientifiques les plus poussées, les sociologues sont parvenus à cette incroyable conclusion : si les hommes font moins de conneries en février, c'est parce qu'ils n'ont que 28 jours. Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée politique, ça m'étonnerait qu'il passe l'hiver."
Pierre Desproges, février 1986.

28 décembre 2008

Goya en Aragón


Il semblerait que la formule soit en vogue : présenter les tableaux d’un très grand peintre, trouver le thème prétexte à rassembler et confronter plein d’œuvres de plein de (très) grands peintres de plein d’époques (et de styles différents) pour assurer... le plein d’entrées ?

Ici, à Saragosse, le très grand peintre c’est Francisco de Goya y Lucientes (Fuendetodos 1746 – Bordeaux 1828), le thème c’est « le monde moderne », et les grands peintres convoqués pour l’occasion (principalement du 20ème siècle) sont entre autres : Eugène Delacroix, Édouard Manet, Paul Klee, André Masson, Alberto Giacometti, Anselm Kiefer ou... Pablo Picasso.
Justement, là-bas, à Paris, le très grand peintre c’est Picasso, le thème c’est « les maîtres », et les grands peintres convoqués pour l’occasion (principalement du 19ème siècle) sont : Nicolas Poussin, J. A. Dominique Ingres, les « inséparables » Eugène Delacroix et Édouard Manet, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh ou... Francisco de Goya (tiens, tiens), entre autres.

Alors voilà, si d’ici le 8 mars prochain vous deviez passer par Saragosse, tâchez donc de prendre le temps de visiter Goya y el mundo moderno, « exposition événement » riche de 345 pièces (!), organisée dans le cadre du programme Goya 2008 et voulue par le Gobierno de Aragón comme préfiguration officieuse d’un improbable Espacio Goya — celui-là véritable arlésienne de la vie culturelle locale —, maintes fois évoqué depuis près de 10 ans, sur le point d’aboutir récemment puis repoussé. Définitivement enterré ?

Bon, en admettant que votre route vous conduise à l’ombre d’« El Pilar » sur les rives de l’Èbre, poussez voir une quarantaine de kilomètres au sud jusqu’au village natal de Goya ; vous pourrez y admirer les gravures du maître, et notamment sa série La Tauromaquia. Avouez que le détour en vaut la chandelle ! Fuendetodos le pueblo qui, soit dit en passant, paraît beaucoup mieux parti que Saragosse la capitale pour faire sortir de terre dans l’année qui vient son bel et fol projet de « Nuevo Museo Goya ». À suivre...

Goya y el mundo moderno au Museo de Zaragoza, du 18 décembre 2008 au 8 mars 2009.

En plus Et en guise de rappel, Saragosse accueille actuellement, et ce jusqu’au 8 février 2009, une rétrospective Juan Barjola. Une raison supplémentaire pour franchir les Pyrénées...

Image non visible dans les lieux cités dans ce post... Sur l’étonnant site La Tribune de l’Art, Michel de Piles écrivait le 8 février 2007 : « Un mois et demi après l’acquisition du Taureau papillon (voir brève du 8/12/2006), le Musée du Prado a obtenu un autre dessin de Goya à la vente de Sotheby’s New York du 24 janvier dernier pour 1.048.000 dollars (819 000 €). » Francisco de Goya y Lucientes / Jeune femme arrangeant sa coiffure près d’un lit (recto) & Femme balayant dans une auberge (verso), vers 1796 / Pinceau, lavis d’encre de chine et lavis de gris – 17,2 x 10,1 cm / Madrid, Museo Nacional del Prado. Photo © Sotheby’s New York

24 décembre 2008

De la part de toute l'équipe !



Dessin © El Batacazo

Céret de toros 2009


Les élevages qui fouleront le ruedo cérétan en 2009 sont connus.

Deux corridas : Assunção Coimbra et Hijos de Celestino Cuadri Vides & une novillada de Sánchez-Fabrés.

La photo ci-contre, prise par Laurent Larrieu, nous montre un novillo d'origine Coquilla qui pourrait bien se retrouver à Céret en juillet prochain...

23 décembre 2008

Lettre au Père Noël


Spécial NoëlCher Père Noël,

Cette année je croive que j’ai été un peu plus sage.
Dans l’école taurine de Palavas-lès-Dax ousque je redouble, j’ai pas eu les 3 avis comme l’an dernier. Faut dire que mon padré y m’a dit que si je faisais le couillon, y me couperait les deux oreilles et même davantage, et que ça lui donnerait l’accompagnement dans la paëlla.
La vache ! Comme je me suis fais assaisonner ! Y m’a dit que pour moi ça soyerait les prémices du riz, ça m’a calmé ! J’ai pas tout compris, mais la vie de ma mère, ça m’a calmé !
Et puis y’a le maestro, y rigole pas lui ! Y veut le total respect, sinon…
Toní, mon grand frère, y l’appelle pas "Maestro", y dit "Descabello". Descabello, tu le sens pas venir et paf ! Une talochasse, et si tu bouges y t’achève. Toní, tu peux y faire confiance, vu comment qui s’est déjà fait tuer. Le padré y lui a promis la paëlla mais y’a rien à faire. Toní, c’est un trémendiste.
Toní y dit que Descabello, c’était sa spécialité de torère, le descabello. Même qu’une fois il en a mis 33, comme chez le docteur, 33. Y te l’a soigné le toro ! Depuis les grands y l’appelle "El Médico" en rigolant mais nous, non ! Nous, on a le respect, sinon…
L’autre jour, le Maestro y m’a dit : "Bien, petit, si tu continues, cette année je t’indulte."
J’étais fiérasse et j’ai fait la vuelta.

Tu vois que je te mens pas Pére Noël, même je te fais la confidence que pendant la vuelta, Domecquito, le chouchou, il a traité ma madré et avec Momojito, vu qu’il lui avait mal parlé aussi, on te lui a collé une de ces pignoles que même le burladère il a tremblé. Momojito c’est un vrai peón de confiance, y vient toujours au quite. Le Maestro, il a rien vu, il était sorti prendre son médicament. Il en prend beaucoup pour pas péter les plombs mais vu que ce jour-là, y avait aussi l’apéro de fin d’année, ça a disjoncté.
Le maestro a voulu faire carretón à la place de Domecquito. Au début y criait fort en disant que c’était un Miura et que si on était des torérasses avec ce qui fallait ousqu’il fallait, c’était le moment et que celui qu’en avait, s’avance.
Kévinito y s’est mis à pleurer et Dylanito à rire mais Toní, lui, il a voulu faire une porta gayola pour épater Pamela. Toní y dit toujours : "C’est ma bonne amie, d’abord pasqu’elle est bonne et puis c’est mon amie." Et il lui fait un smack. C’est dégeulasse ! Nous, Pamela, on l’appelle Pomelos, pasqu’elle t’a une de ces paires…
Donc Toní y s’est mis à genoux, face au toril. Le maestro s’est élancé comme un cinqueño enragé, avec même de la fumée qui lui sortait des naseaux et les yeux tout rouges, comme en vrai. Toní, il a lancé sa cape et elle est restée accrochée à une corne. Y voyait plus rien le Maestro avec le capote dessus et il arrivait plus à s’arrêter non plus. Il a foncé jusqu’au patio et nous, on a juste entendu le bruit quand y s’est mangé le mur.
Y s’en sont vu de toutes les couleurs les pompiers pour le décoller du carretón. Le maestro, il arrêtait pas de répéter : "Me llamo 'Islero', me llamo 'Islero', me llamo 'Islero'…"

Special NoëlTu sais, Père Noël, ceusses qui disent que t’existes pas, c’est rien que des menteurs et je t’écrive ma lettre comme chaque année.
Mon padré y dit : "C'est le moment de demander des cadeaux, entre les indultos et tous ces changements dans les arènes, on peut y croire au Pére Noël !"
Moi ce que j’aimerais c’est que le maestro y se récupère vite de sa cornade et que tu nous remplaces notre carretón et aussi un capote neuf pour Toní pasque l’autre il en reste que des franges.
Si tu peux, pour mon ami Momojito, un costume de torère vert menthe, ça lui va bien et pour moi un bon apoderado qui me fera devenir un Torèrasse !
Et pour mon padre un abono pour Vic, Céret, Parentis… et Orthez.

Je te fais un fort abrazo pasque demain c’est ta grande faena.
¡Cruzate! Je suis sûr que tu vas sortir a hombros.
¡Suerte! Pére Noël.

Pepito

Dans la série Les enfants sont merveilleux, retrouvez le 1er épisode : La rentrée à l'école taurine de Palavas-lès-Dax, par JotaC. En novembre, un autre courrier de Pepito : Pourquoi ça bouge ? par Laurent Larrieu.

22 décembre 2008

Orthez, 26 juillet 2009… Santa Coloma


C’est forcément moins médiatique, moins commenté, et moins observé que les bouleversements montois ou dacquois. Cela n’en est pas pour autant inintéressant. Ça l’est sans doute même bien plus pour les aficionados. Voici une plaza qui a profité d’un changement de municipalité pour changer également de politique taurine et oser proposer ce que les poids lourds de l'organisation préfèrent laisser dans les recoins du campo. En 2009, les aficionados a los toros vont devoir rajouter un lieu et une date sur leur agenda : Orthez, 26 juillet, pour une journée qui verra courir deux élevages santacolomeños, celui de Ángel Nieves le matin pour quatre novillos et celui d’Adolfo Rodríguez Montesinos l’après midi, pour une corrida de toros.

A Camposyruedos nous nous réjouissons évidemment de cette annonce. Car le mérite de la commission taurine d’Orthez en annonçant ces fers est double.
D’une part, elle semble vouloir s’inscrire désormais dans le sillage des arènes françaises, petites ou grandes, mais aux personnalités affirmées, qui font que des encastes menacés trouvent chez nous des soutiens et une raison de plus pour maintenir le patrimoine génétique dont ils sont détenteurs.

D’autre part, et ce n’est pas la moins remarquable des raisons, elle ose proposer des fers qui n’ont jamais été présentés en France*, des fers qui sont entre les mains de ganaderos au début de leur trajectoire et dont on ne peut qu’espérer que cette mise en lumière puisse les conforter un peu plus dans leurs choix. Car ces fers, pour être récents, n’en sont pas moins le fruit de démarches raisonnées et réfléchies, à la recherche de la caste.
Croisons les doigts pour que cette première soit couronnée de tout le succès que méritent ceux qui l’on imaginée et portée.

Inutile de vous dire que nous aurons l’occasion d’y revenir et forcément d’y aller.

* A l'exception d'un exemplaire de Nieves, je pense, pour la concours de Vic en 2007. Sur la photographie l’éleveur Adolfo Rodríguez Montesinos.

21 décembre 2008

Le dicO (VI)


Désolé les gars, mais en ma qualité d’attaché de presse provisoire du Père Noël, je n’ai pas eu le temps de vous trier quelques définitions du dictionnaire humoristique de la fraude taurine. Oui, je suis à la bourre.
Mais je pense à vous ! Alors, histoire de ne pas vous laisser tomber en cette veille d’agapes, que je vous souhaite raffinées, j’ai ouvert Le Petit Robert de la langue française, au hasard. C’est ce que je ferai désormais lorsque le temps me manquera. Non mais !

Donc, au hasard...
Raclure : n.f. (1732, de racler). Parcelle enlevée de la surface d’un corps en le raclant. Fig. Déchet.

Cela n’a rien à voir, mais le terme suivant est...
Racolage : n.m. (1747, de racoler) 1° ancien : racoler des soldats. 2° Mod. : action d’une prostituée qui racole. V. Retape.

Comme nous sommes curieux, nous nous dirigeons donc vers...
Retape qui nous dit : n.f. (1795 [dans l’intention de voler], de retaper, 1830) Pop. Action de guetter et d’accoster le client. V. Racolage. Au fig. faire une propagande, une réclame excessive, sans retenue.

La photo n’a rien à voir. C’est juste un immense clin d’œil à ma copine Pepina. Pepina, je t’embrasse très fort.

20 décembre 2008

J-123


Heureusement que pour nous Noël est très proche. Sans cela je n’aurai pas manqué de jeter un œil sur mon calendrier pour vérifier que nous n’étions pas un premier avril, ou le jour des Saints innocents.

Séville, 23 avril 2009, corrida de Victorino Martín, mano a mano El Cid et Morante de la Puebla. ¡Vaya cartelazo! Un truc de ouf comme disent les jeuns… Ça tombe bien remarquez ; ça nous fait un beau rêve de Noël.

Ce jour, samedi 20 décembre 2009, et sauf erreur de ma part, nous sommes donc à J-123… du jour J.

19 décembre 2008

Camposyflamenco


Le traditionnel festival Flamenco de Nîmes se déroulera du 15 au 25 janvier. Après la Casa Patas, et avant d’y retourner, Camposyruedos peut d’ores et déjà vous annoncer que nous sommes autorisés à photographier deux soirées nîmoises.

Vous devriez donc retrouver dans nos galeries, dès le mois de janvier, Diego Carrasco, Antonio Rey, Alfredo Lagos, Alicia Gil et quelques autres.

The On-line Picasso Project


Il était une fois un dénommé Enrique Mallen, natif de Séville (1958) et professeur d’études hispaniques à la Sam Houston State University au Texas. Un beau jour de 1997, il entreprit rien de moins que de créer une base de données sur Internet (ah ! Internet...), un véritable catalogue raisonné — exhaustif de préférence car notre homme, docteur de son état, n’est visiblement pas du genre à faire les choses à moitié — de l’œuvre foisonnante de son célèbre compatriote andalou : Pablo Ruiz Picasso. Né à Málaga en 1881 quand meurt Billy the Kid (!), décédé à Mougins la même année que deux illustres Pablo, Casals et Neruda (1973), Picasso, par sa précocité (8 ans), sa longévité (92 ans) et sa fièvre créatrice, ne lui a pas simplifié la tâche...

Si Enrique Mallen ne fait pas les choses à moitié, nous non plus... C’est ainsi que, pour vous, los de Campos y Ruedos (merci les gars !) se sont appliqués à compter tout ce que l’incroyable On-line Picasso Project renferme — toutes nos excuses si vous veniez à constater d’éventuels oublis —, à savoir, dans le désordre : 16 050 peintures, dessins, sculptures, céramiques et autres lithographies, 9 832 entrées biographiques — la bio est impressionnante, malheureusement disponible qu’en anglais comme l’ensemble de ce qui est écrit sur le site — avec commentaires et œuvres proposés en liens, et cetera, et cetera, et cetera.

Vous l’aurez compris, ce site est une mine sans fond creusée d’une multitude de galeries, et même si vous commencez à ne vous mettre qu’en quête de cornes, de taureaux ou de picadors*, vous n’êtes pas prêts d’en remonter...

L’actualité Picasso à Paris (ah ! Paris...), outre « l’expo événement » Picasso et les maîtres aux Galeries nationales du Grand Palais, c’est aussi Picasso/Delacroix au Louvre. Pour les deux, fermeture des portes le 02.02.2009.

* Alors âgé de 8 ans, le petit Pablo, sans nul doute fasciné par la figure du picador, peint cette épatante huile sur toile... Je peux, à mon niveau, confirmer la forte fascination qu’inspirent aux enfants les picadors et la suerte de picar... Ne serait-ce pas cette âme et cette sensibilité (cette « cruauté » ?) toutes enfantines que « l’aficionado moderne », manifestement bien en peine d’apprécier cette phase du combat, aurait perdues ?

Image Une selle Saltillo, un guidon Albaserrada... Pablo Picasso / Tête de taureau, printemps 1942 / Selle en cuir & guidon en métal, 33,5 (h) x 43,5 (l) x 19 cm (p) © Musée National Picasso Paris

18 décembre 2008

Liste de diffusion


Nous rappellons à tous nos lecteurs que vous pouvez vous inscrire à la liste de diffusion de Camposyruedos afin de recevoir (plus ou moins régulièrement...) les nouveautés parues sur le site et sur le blog.

Il vous suffit d'écrire à cette adresse que vous retrouverez également sur la portada du site : cliquez ici. Inscrivez-vous qu'ils disaient, inscrivez-vous...

17 décembre 2008

Voyage au bout de l'afición (VII)


"Hros. de D. MIGUEL ZABALLOS CASADO"

« Il était vraiment temps de partir... Déjà Miguel nous attendait... À Salamanque Paco s’en retournait... Buena gente... ». C’est sur cette note que nous nous étions quittés au terme de notre Voyage au bout de l’afición (II). Et en effet, Paco s’en était allé retrouver les siens à Salamanca tandis que Miguel, lui, les y avait laissés pour rejoindre en bordure d’autoroute trois Français qui tardaient à arriver mais pour lesquels il n’allait pas être très compliqué d’excuser leur retard... une fois évoqué le nom de Paco Galache. Une heure plus tôt, celui-ci avait lâché un « buena gente » tout sourire à l’évocation de Miguel Zaballos, qui rendit la pareille quand nous lui expliquâmes que Paco avait absolument tenu à nous payer un coup à Villavieja de Yeltes.

Avant d’en arriver à ces mots, nous avions garé notre auto sur le parking d’un resto échoué au beau milieu du Campo Charro. Trois Dalton en quête du quatrième pénétrèrent dans ce lieu empli du « brouhaha rocailleux qui enfume de voix ce bar d’un coin d’Espagne »1. Dans l’inénarrable famille Dalton, je ne savais pas encore très bien qui j’étais, même si ma modeste taille me désignait logiquement comme l’affreux Joe — quant à prétendre que Miguel serait Averell, eh bien... je n’oserais pas m’y risquer vu qu’il est à peu près aussi imposant que les chênes de son pays ! Le fils de « Miguel l’Ancien » salua Jack et William comme de vieux amis puis baissa la tête pour s’assurer que Joe ne stressait pas trop. Mais Joe allait très bien jusqu’à ce que ses deux « frangins » décidassent de s’absenter du saloon le temps d’un coup de fil, et qu’il se retouvât seul à trinquer avec « Miguel le Jeune ».

Un échange de sourires polis, un regard vers l’extérieur afin de provoquer, sait-on jamais, le retour d’un des deux fuyards — personne en vue évidemment —, une longue gorgée — toujours personne —, puis une autre... pour finalement en arriver à ouvrir la bouche et dire un truc dans la langue de Penélope Cruz (!) : « Miguel, l’année dernière j’étais à « Cérrette » et à moi votre course elle m’a beaucoup plu. Pour l’aficionado elle était très intéressante, agressive, avec beaucoup de présence, beaucoup de mobilité. » Joe semblait satisfait de sa sortie, mais le ganadero aurait visiblement préféré une autre entrée en matière... Je venais de rouvrir une plaie mal cicatrisée et Miguel avait une dent (de lait) contre les Cérétans... Que ces derniers ne lui aient pas racheté un lot, il l’acceptait. En revanche, qu’ils n’aient pas pris la peine de le contacter, ne serait-ce que pour le saluer, c’était manifestement plus difficile à avaler — on pouvait lire tout cela derrière son sourire.

On a bien mangé. On a bien bu. On a bien rigolé. On était bien.

Le lendemain, nous avons fait gaffe de nous pointer à l’heure, consacrant le temps du trajet à nous réchauffer et à scruter les caprices d’un ciel menaçant. Tôt le matin dans un froid glacial, Miguel, très frais et dispo, nous fit monter dans son Land Rover au confort plus que spartiate pour un circuit campero. 1ère étape : ses précieuses vaches aux têtes aussi longues et étroites que leurs cornes — il s’arrêta longuement pour voir comment se portait la plus vieille. La 2ème : ses derniers et historiques clairacs dont il lui faudra se séparer, non sans avoir respecter fidèlement « le pacte »1 — il leva sa main plusieurs fois en la laissant retomber sur le volant comme s’il voulait dire quelque chose qui ne pouvait sortir. La 3ème : ses novillos saltillos au poil lustré et à la présentation d’ensemble remarquable — il sembla désolé de devoir en garder certains, si beaux, un an de plus. Et enfin, la 4ème et dernière : ses sementales querelleurs assez finauds tout de même pour ficher la paix à leur vieux compagnon en fin de vie, à la vue duquel Miguel eut bien de la peine à ravaler son émotion... Miguel est un grand sensible. Pour un ganadero, c’est pas bon...

Six mois plus tard, tout occupé à cuver lamentablement les Hierba et autres Baccardi-Limón de la nuit, entre les coups d’œil amusés de Miguel et les taquineries des amis, entre les fréquentes phases de sommeil profond et celles, exceptionnelles et fugaces, de veille, je ne pus demander à notre hôte si le vieux semental faisait toujours partie de ce monde. D’un autre côté me direz-vous, et après « l’épisode cérétan » du printemps dernier, c’était préférable — se fâcher avec un monstre de bonhomie tel que Miguel constituerait non seulement une grossière faute de goût mais la preuve irréfutable de votre bêtise. La prochaine fois, les gars, vous vous débrouillez pour passer coûte que coûte par Cabeza de Diego Gómez. Je ne veux rien savoir ! j’ai quelque chose pour lui... Et une question aussi : « Les banderilles noires du 22 octobre 2007 à Madrid, étaient-elles ou non justifiées ? »2 Pif ! Paf ! Poum !... « EscouZe-moi Migouel, Ze blaguais... »3

1 Voyage au bout de l’afición (VI) par Laurent.
2 Zaballos à Madrid... par le même.
3 Z par JotaC.

En plus
— Les traditionnelles galeries (camada + vaches) du site (où vous retrouverez celle sur les derniers clairacs) et fiche élevage de Terre de toros.
Campos y Ruedos gratifiant même Miguel Zaballos d’un libellé. Quand on aime... Et puis comme vous l’a conseillé Thomas (voir post ci-dessous), si vous passez dans le coin, ne ratez pas l’occasion d’aller rendre visite aux rares saltillos...
— Un entretien (en espagnol) avec le ganadero proposé par le Centro Etnográfico del Toro de Lidia de Salamanque.

Images Chez Miguel Zaballos © Campos y Ruedos

15 décembre 2008

Analyse - Photographie des encastes modernes


Dans la première partie, une vue large nous a permis de vérifier que la caste Vistahermosa est la seule des six castes fondamentales à persister (99,4 %) et de constater au sein de celle-ci l’ultradomination de l’encaste Parladé (80 %*). Affinons à présent l’analyse au niveau des encastes modernes.

Les chiffres révèlent que les 8 274 toros lidiés au cours des cinq dernières années dans les arènes de première catégorie appartiennent à vingt-trois encastes distincts.

En reprenant le schéma défini au chapitre I, la distribution des encastes est la suivante :

· Parladé (80 %*) : neuf encastes
· Vistahermos influence parladeña (13 %*) : six encastes
· Autres (7 %) : huit encastes

En se livrant à une réflexion triviale de proportionnalité, on s’aperçoit que la rame Parladé, forte de son importance numérique, et bien qu’elle soit répartie en neuf encastes, est très peu diversifiée. Une répartition plus équilibrée devrait en effet, en théorie, lui donner deux fois plus de composantes.

En comparaison, le Vistahermosa à influence parladeña est correctement proportionné tandis que les autres encastes sont extrêmement diversifiés, comme on peut s’y attendre pour une catégorie « Autres ».

Nous retiendrons donc de cette ébauche l’image d’une rame Parladé taillée en portions larges, contrastant avec le reste des encastes, qui s’apparente à l’empilement de couches extra-fines.

Poursuivons pour affiner la représentation des portions : les encastes.

A supposer que le monde de l’élevage brave soit idéalement diversifié, chaque encaste devrait représenter 4 % de l’ensemble. Pure utopie, je vous l’accorde, mais ce chiffre a le mérite de donner une référence.

Comme vous le savez tous, la cabaña brava actuelle est très peu diversifiée et les chiffres le prouvent : concrètement seulement six encastes (sur vingt-trois) dépassent cette valeur étalon. L’image actuelle en terme d’encaste est donc la suivante :


  • Domecq : 43,5 %
  • Domecq-Núñez : 11 %
  • Atanasio : 10 %
  • Núñez : 8 %
  • Santa Coloma : 5 %
  • Albaserrada : 4,5 %

Les chiffres ci-dessus se passent de tout commentaire. Ces six encastes représentent à eux seuls plus de 80 % des toros lidiés. Et nous parlons ici d’encastes, soit une dissection assez fine. Où sont donc passés les fameux Murube, les réputés Vega-Villar dont raffolaient les figuras il n’y a pas si longtemps, ou encore les Contreras, Villamarta, Pedrajas, Gamero Cívico, Conde de la Corte et Saltillo ? Tous ces illustres élevages, que leur réussite a élevés au statut d’encaste, sont aujourd’hui passés aux oubliettes.

Outre le fait de réduire la variété du génome ganadero, cette répartition des six encastes majeurs donne comme unique bénéficiaire l’encaste Domecq, les autres se contentant de limiter les dégâts.

Bien que démontrant sans ambiguïté la réduction génétique du toro brave actuel, les chiffres présentés ci-dessus minorent pourtant l’importance du fléau. Je m’explique. J’ai choisi ici de distinguer les encastes Domecq et Domecq-Núñez, ce dernier étant issu, comme son nom l’indique, d’un mélange des encastes Domecq et Núñez. C’est ainsi que, au sein de cette seconde catégorie, nous retrouvons les Torrestrella, Torrealta, Santiago Domecq, Cebada Gago et autres. Des élevages dans lesquels l’encaste Núñez, bien qu’authentifiée, s’avère dans les faits d’une influence négligeable, à l’exception de Cebada Gago. Ce qui explique qu’ils soient communément classés sous la simple étiquette « Domecq ».

De même, l’encaste Domecq pur est une notion critiquable. En y regardant de plus près (une analyse génétique nous le confirmerait sans doute), bien peu nombreux sont les élevages qui n’ont pas introduit, à un moment ou à un autre de leur histoire, d’autres bêtes de la branche Parladé. L’exemple le plus évident est celui de l’élevage du Marquis de Domecq, lequel réunit les encastes Domecq, Conde de la Corte et Núñez.

Une déclinaison d’autant plus délicate que dans certains cas les variantes de la gamme Domecq-Núñez s’opèrent au sein d’un même fer, comme par exemple celui de Núñez del Cuvillo. Alors, suivant les familles, on se situe dans les différentes configurations : Domecq ou Domecq-Núñez.

En somme, il est aujourd’hui délicat de distinguer le bétail de ces deux encastes. Si bien qu’il ne serait pas faux, et qu’il serait même sans doute pertinent de constater l’existence d’un encaste, qui serait en réalité très Domecq et un peu Núñez, et que l’on nommerait Domecq par simple souci de simplicité.

Cet encaste rassemblerait alors 54,5 % des toros lidiés ! Il n’est nul besoin de s’étaler sur la notion de diversité, si ce n’est pour dire qu’aujourd’hui la diversité se trouve au sein de cet encaste quasi unique.

Nous pouvons désormais revenir sur l’image de la rame Parladé ébauchée plus haut, afin de l’affiner davantage. Sa structure n’est pas constituée de portions larges, mais d’une immense tranche (Domecq), de deux parts « normales » (Atanasio Fernández et Núñez), complétées de parts minimes que constituent les six autres encastes Parladé existants (Gamero Cívico, Pedrajas, Conde de la Corte, Villamarta et les divers croisements de sangs parladeños).

L’image de la cabaña brava actuelle est donc la suivante :

Dans un souci de synthèse et de simplicité, j’ai choisi de ne pas détailler les strates minces : les encastes mineurs. Ils peuvent être répartis en trois groupes :

  • Groupe 1, une phase difficile (2,5 % > représentativité > 1% ; sept encastes) :
    Il s’agit de ceux qui subsistent tant bien que mal. Ces encastes ont une représentativité réelle mais n’ont pas les faveurs du monde taurin actuel. Cependant bien que rares, on les trouve. Voici la liste, par ordre d’importance : Domecq-Contreras ; Murube ; divers croisements Parladé ; Gamero Cívico ; Pedrajas ; Miura ; Villamarta.

  • Groupe 2, phase critique (1 % > représentativité > 0,5 % ; six encastes) :
    Il n’est plus ici question de crise, mais de survie. Leur représentativité est si faible que leur disparition est un risque plus que probable. Cependant l’éventualité de jours meilleurs reste encore possible. On retrouve ici, toujours dans un ordre décroissant : Cuadri ; Urcola ; Vázquez ; Conde de la Corte ; Vega-Villar ; Gamero Cívico-Saltillo.

  • Groupe 3, phase terminale (0,5 % > représentativité : quatre encastes) :
    Ce n’est plus ici une crainte mais une certitude, il n’est question ici que de temps. Si vous en avez l’occasion ne la ratez pas, car il se pourrait bien qu’elle ne se reproduise pas, tellement la fin est proche. Sont concernés : Contreras ; Saltillo ; Pablo Romero ; Hidalgo Barquero.

Avant de conclure, il me semble intéressant de s’arrêter un instant sur la notion de risque de disparition des encastes. Actuellement, ils sont nombreux à n’être représentés que par quelques élevages, parfois une mince poignée ou même une unique ganadería, donnant lieu à ce concept et à cette réalité étrange d’« encaste-élevage ». L’analyse simplement quantitative masque parfois le risque de disparition, avec des encastes fortement représentés en nombre de toros lidiés mais composés de peu d’élevages. Le faible nombre de fers issus d’un même encaste, en dépit d’un nombre parfois important d’exemplaires combattus, représente un risque d’extinction bien réel et pourtant sous-estimé.

Un ratio, rapprochant la représentativité des encastes à leur dispersion en nombre d’élevages, permet de quantifier le risque. Littéralement, ce ratio manifeste le risque de disparition de ce que nous voyons aujourd’hui.

Voici la liste par ordre hiérarchique :
Albaserrada (1.43) / Miura (1.4) / Cuadri (1) / Partido de Resina (1) / Contreras-Domecq (0.6)

Ainsi, plus que Partido de Resina, Cuadri ou Miura, qui sont pourtant des « élevage-encaste », l’encaste le plus menacé dans le sens « ne plus voir ce que nous voyons » est l’encaste Albaserrada. En effet, poussé par le succès de Victorino Martín, il est l’un des encastes actuels majeurs, mais doté de seulement trois « représentants » : Victorino Martín, Adolfo Martín et Escolar Gil, soit un taux de risque extrêmement important.

En conclusion, des castes fondamentales ne subsiste que le tronc Vistahermosa. De celui-ci, ne reste pratiquement plus que les Parladé, et des Parladé, les Domecq. Avec le temps, la variété génétique initiale de la cabaña brava a été purement et simplement décimée. Mais la vie étant faite de cycles perpétuels, cette diversité se retrouve à présent dans les composantes du Domecq. Une diversité qui pourrait s’accentuer au fil du temps, à mesure de la multiplication des élevages issus de ce sang. Une note d’espoir certes, mais qui ne compense pas la perte engendrée, et qui ne console en rien du fait de ne pas avoir su préserver la diversité génétique des temps passés.

Aujourd’hui nous comptons vingt-trois encastes, dont près de la moitié sont sérieusement menacés. A n’en pas douter, certains vont disparaître et d’autres naîtront pour les remplacer. Mais si nous pouvions soigner tous les encastes encore présents aujourd’hui pour les préserver tout en se félicitant des naissances à venir, bien nous en soit rendu.

* Erratum Une petite erreur de chiffre s’était glissée dans notre premier chapitre ; c’est pourquoi vous trouverez une légère différence de pourcentage dans la répartition Parladé / Vistahermosa parladeño, qui passe de 83 %/11 % à 80 %/13 %. Ce qui, vous en conviendrez, ne change pas grand-chose.

Nota sur la classification des encastes
La répartition des élevages suivant les encastes et le rassemblement des encastes par rame est un exercice délicat et par définition erroné. Aucune des classifications ne pouvant prétendre à l’exactitude, je me suis attaché, plus qu’au détail technique, à conserver une perception globale cohérente. Ainsi, pour l’encaste Pinto Barreiros, j’ai choisi de négliger l’apport Santa Coloma pour le classer dans la rame Parladé. L’image des toros de cet encaste me semble conforme à la branche Parladé, le sang santacolomeño m’apparaissant aujourd’hui complètement absorbé. De même, la caste Urcola n’est pas classée dans les Vistahermosa à influence parladeña, bien que des apports d’étalons Conde de la Corte (Parladé) fussent opérés.

Photo Toro de caste Urcola de Paco Galache @ Camposyruedos

14 décembre 2008

Digression sur la pique en arrière


Tout a commencé par un détour du côté du forum La Bronca sur lequel le pertinent bob El Nuevo, suite à un passage par le non moins pertinent « OBNI »1 Sol y Moscas, pose à ses collègues bronquistes et pas tristes une devinette agrémentée d’un sondage... Bzzz ! je file illico au pays du soleil et des mouches, je trouve la réponse (Ruiz Miguel) mais je reste collé au papier : Puyazo trasero. Plus exactement à cette image graphiquement magnifique et ainsi légendée : « En lisant les textes de Torear sur la suerte de varas, m’est venu à l’esprit cette acte de protestation d’un graffiteur madrilène contre la systématisation de la pique en arrière. »

La pique en arrière, le puyazo trasero, accepterait au moins deux sens — je n’en vois guère d’autres. Le premier renvoie à un type de pique, au même titre que la pique dans la croix, la pique tombée, la pique dans l’épaule, la pique en arrière et tombée ou la pique dans le morrillo. Le second englobe toutes les piques qui ne sont pas portées là où elles devraient l’être, à savoir dans le morrillo. Ce post n’ayant nullement l’intention d’inventorier tous les types de pique précédemment cités et leurs effets, nous nous contenterons de la première acception enrichie de sa cousine éloignée (du morrillo bien sûr) : la pique dans la croix.

Et pourquoi donc s’intéresser uniquement à la pique dans la croix et à la pique en arrière ? Pour la simple et bonne raison que deux vétérinaires espagnols, Luis F. Barona Hernández et Antonio E. Cuesta López, ont montré et pu vérifier, lors d’une étude biométrique très fouillée réalisée à partir de données collectées en 1996 et 19972, que ces piques se disputaient haut la main les deux premières marches du podium...

Toutes les citations qui vont suivre sont tirées de cette étude dont les résultats et les conclusions furent publiés dans leur remarquable livre
Suerte de vara édité en 1999 par la Diputación de Valencia.

Les piques dans la croix et les piques en arrière représenteraient à elles deux entre 70 et plus de 80 % des piques recensées ! Avant de mieux les définir afin de mieux les identifier, parlons chiffres... Des chiffres suffisamment éloquents pour que l’on y regarde d’un peu plus près et qui, malgré le temps qui passe, sont à n’en pas douter toujours et malheureusement d’actualité...

Environ 70 % des premières piques se partagent entre celles dans la croix (37 %) et celles en arrière (33 %), contre 74 % env. pour les secondes (41 % dans la croix et 33 % en arrière) et près de 82 % pour les (rares) troisièmes (43 % dans la croix et 39 % en arrière). À titre de comparaison, sur l’ensemble de la période étudiée, pour chacun des types de pique, en s’intéressant aux deux piques obligatoires et à l’incertaine troisième, les auteurs communiquent les pourcentages suivants :
- Dans le morrillo : 6,3 % environ ;
- Dans la croix : 40,4 % ;
- Tombée : 11,2 % ;
- Dans l’épaule : 7,1 % et
- En arrière : 34,8 %.

Pour information, ils nous rappellent également que la profondeur des lésions, provoquées entre autres par l’action conjointe du picador et de sa pique (dont la partie pénétrante « pyramide + cordes » mesure 8,7 cm environ), de la poussée du toro tout en tenant compte « de l’élasticité des tissus et de la contraction des muscles au moment de la rencontre »3, oscille en moyenne entre 24,7 cm pour la pique dans la croix et 25,9 cm pour la pique tombée (24,8 cm de moyenne pour l’ensemble des types de pique), soit quasiment trois fois la partie pénétrante de la pique !

Cela étant dit, revenons à nos deux piques motivant ce post — qui s’annonce finalement bien plus long que prévu...
« Pique dans la croix : ce type de pique est localisé à la réunion de la ligne du dos et de l’aire imaginaire qui unit les extrémités thoraciques (lieu indiqué pour l’estocade) dénommée région de la croix. Les muscles les plus importants de la tête ne s’y trouvent pas, au contraire de la musculature du dos et des membres antérieurs ou thoraciques. [...] Actuellement, ce type de pique est malheureusement le plus fréquent. [...] Une pique dans la croix ne parvient pas à « canaliser » les charges ni le coup de corne du toro en vue des étapes successives du combat ; en revanche, des claudications peuvent survenir [et], même si la zone atteinte ne constitue pas une région vitale pour le toro, nous considérons qu’elle l’est pour le bon développement de sa locomotion tout au long de la lidia.
Pique en arrière : ce sont les piques situées dans la région du dos. Leur action est néfaste, car elles lésionnent seulement les muscles se rattachant au rachis et peuvent même, plus en profondeur, endommager les côtes. La pique en arrière est inadéquate pour le toro : elle ne régularise pas son coup de corne ni n’affaiblit sa poussée tandis qu’elle rend difficile sa locomotion. De même, la force de la corne développée dans la poussée restant confinée dans le caparaçon et le cheval, son effet est irrégulier et incertain.

Après quoi je vous livre l’épilogue de leur étude.

Conclusions :
1/ Les piques les plus adéquates, sur les plans anatomique et fonctionnel, sont celles placées dans le morrillo4. L’étude montre que ce type de pique est la moins fréquente (6,3 %).
2/ Les piques qui détériorent le plus la locomotion, par ordre d’importance, sont : celles portées dans l’épaule, celles tombées et celles dans la croix.
3/ Les piques en arrière (Note CyR : ici synonymes de piques dans le dos) portent préjudice aux conditions physiques de l’animal avec pour conséquences l’évidente douleur de la région dorso-lombaire et la diminution de l’allant du toro.
4/ Il conviendrait de déterminer législativement que la zone correcte de l’implantation de la pique est le morrillo.
5/ Nous interprétons que l’abus constaté durant l’exécution de la suerte de vara doit être considéré comme une fraude du picador et du matador ; du premier pour l’exécuter et du second pour le permettre, voire pour le solliciter, l’exiger, et ce toujours, clairement, au détriment du toro et de sa lidia.
6/ Nous considérons que l’actuelle portion pénétrante de la pique doit être diminuée afin que les lésions produites, qui, comme nous l’avons vérifié, atteignent dans de nombreux cas une longueur trois fois supérieure à sa taille, fussent beaucoup moins nuisibles tout en permettant un meilleur dosage de la pique. » Luis F. Barona Hernández & Antonio E. Cuesta López

Pour paraphraser Sol y Moscas, « en lisant l’étude de Barona Hernández et de Cuesta López sur la suerte de vara, m’est venu à l’esprit que le tercio de varas était un système imbriqué dans un autre système, la corrida, elle-même système dépendant d’un autre... » Et la tête a commencé à me tourner ; je suis parti au lit avec une de ces gueules de bois, je ne vous raconte pas. Agir sur la seule composante toro ne suffit pas. Agir sur le règlement et lui seul ne suffit pas. Agir exclusivement sur le dessin de la pique ne suffit pas. Agir en brandissant la sanction ne suffit pas. Agir en agitant la carotte de l’intéressement non plus. Agir sur, et cetera.

Régénérer le premier tiers ? Je ne peux m’empêcher de penser à la fumisterie intellectuelle des gesticulations récentes et actuelles autour de la pique andalouse entretenue par certains ; tout comme je ne peux m’empêcher d’avoir en tête la belle utopie (sans lendemain ?) du Décalogue5 portée par d’autres. Il sort un animal sans race et vous assistez à un ersatz de tercio de varas — ou le premier tiers devenu un « mal nécessaire ». Au contraire, déboule du toril le toro-toro et tout est bon pour dézinguer l’ennemi d’une Fiesta qu’ils ne veulent pas voir. Dans ces deux cas extrêmes, les mêmes piques absurdes car inefficaces et déloyales ; au mieux, l’animal sans race résistera après la première pique tandis que le toro-toro le fera en sortant de la troisième ou de la quatrième... Est-ce suffisant pour tolérer, fermer les yeux sur le dessin inique de la pique, ses emplacements inconséquents et son « maniement suspect » quand on lit que les vétérinaires ont, par exemple, relevé jusqu’à 5 trajectoires différentes pour une même pique !?

Les piques en arrière — ici toutes celles n’atteignant pas le morrillo — ont de beaux jours devant elles, a fortiori si la pique andalouse venait à s’installer durablement dans le paysage taurin en ayant été « vendue » comme... moins destructrice ! Il y avait des piques en arrière avant, il y en a aujourd’hui et il y en aura demain, quel que soit le bétail proposé, qu’il fusse de Zalduendo ou de Dolores Aguirre. Question de « bon sens », sans doute, pour les matadors qui ont vite compris qu’avec la pique en arrière (et longue parce que carioquée), ils allaient sacrément augmenter leurs chances de pouvoir mettre en place leurs faenas chorégraphiées qui plaisent tant aux publics... Question de « survie », sans doute, pour les picadors qui ont vite compris qu’avec la pique en arrière (et longue parce que carioquée), ils allaient sacrément augmenter leurs chances de ne pas mordre la poussière a las seis de la tarde... Et puis entre nous, franchement, si les piques en arrière étaient si nocives pour des toros que nous verrions dès lors tomber comme des mouches à longueur de corridas, cela ferait un bail qu’une frange d’aficionados — pas aussi restreinte que nous pourrions l’imaginer car non exclusivement composée de « prototauromaches » goyesques — aurait mis le feu aux arènes, non ? Piouuu ! on se calme...

Quand, en compagnie de Solysombra, l’éleveur Hubert Yonnet se remémore avec émotion le souvenir de son 'Montenegro' et des six (ou 7) piques qu’il reçut en précisant, en martelant que dis-je, qu’il s’agissait de « six vraies piques... fortes » ; à quel genre de piques croyez-vous qu’il fait allusion ? À moins d’un incroyable mirage taurin (ou miracle saint-severin), vraisemblablement aux piques « absurdes car inefficaces et déloyales » évoquées plus haut, mais qui n’empêchèrent pas ‘Montenegro’, parce que novillo puissant, brave et encasté, de ferrailler sous le fer en se grandissant. « Se grandir sous le fer » suppose bien évidemment plusieurs rencontres (3, 4, ... 7 ?), en commençant par une indispensable brève première se poursuivant par une seconde guère plus longue, toutes dépourvues, cela va sans dire, de la lamentable carioca. Du coup, les piques seraient toujours en partie absurdes car inefficaces, mais elles auraient perdu une grosse part de leur caractère déloyal...

Et si c’était cela dans le fond et au-delà de tout le reste — agressivité du bétail et emplacement du fer compris — la véritable plaie du premier tiers : la systématisation de la carioca ? Une carioca — née avec l’apparition de ce fichu peto6, faut-il le rappeler — sous laquelle on endort à peu de frais l’animal sans race, mais grâce à laquelle on s’acharne à prolonger la rencontre en emprisonnant honteusement l’impétueux toro-toro pourtant porteur de si belles émotions, de si justes et retentissants succès qui font l’histoire du toreo...

Voilà pourquoi, personnellement — et histoire d’aller au bout de leur propre logique, aussi paradoxale que navrante quand on y réfléchit —, je ne verrais pas d’un mauvais œil des courses de toros dans lesquelles officieraient certes les mêmes acteurs qu’aujourd’hui, mais à la différence près que les matadors se chargeraient des réceptions, des mises en suerte, des quites, de la mise à mort — si le toro n’a pas été tué avant — et C’EST TOUT ! Basta la faena de muleta ! puisque ces piques absurdes ne peuvent s’entendre ni se justifier que sans elle, étant donné qu’elles n’ont strictement aucune vocation à y amener la bête dans de bonnes conditions7.

Vous verrez, on ne pinaillerait plus sur le tercio de varas, nos pauvres têtes s’en trouvant soulagées. Et vu les redoutables clients que « les picadors ces héros » se coltineraient, les piques tomberaient là où elles tomberaient, de cariocas il n’y aurait car... Bim-bada-boum ! BATACAZO ! Croyez-moi si vous voulez mais à ce stade de l’évolution du combat, on ne chercherait plus à traquer la part d’absurdité du système, la question de l’efficacité demeurerait sans réponse du fait même de son incongruité ; quant à la loyauté, l’invoquer, pour qualifier ce rite païen à l’esthétique puissante et sauvage élevé à la gloire de l’homme et du toro-toro, serait pur non sens... À mon avis...

1 Un « Objet Blogosphérique Non Identifié », oui, ça existe !
2 En 1996 : 13 corridas à Séville, 8 à Madrid et 6 à Cordoue (162 toros). En 1997 : 11 corridas à Séville et 8 à Cordoue (115 toros). 2 personnes mobilisées pour chacune des courses : une dans le callejón (localisation de la pique et effets immédiats), une autre dans le desolladero (localisation et profondeur des lésions en cm à l’aide d’un « T » métallique gradué de 0 à... 30 cm !). Photographies, prises de notes, mesures, etc.
3 Marc Roumengou dans À propos de piques et de butoirs (04.07.2008).
4 Voir le libellé Morrillo dans la liste à gauche.
5 Decálogo de la suerte de varas.
6 Que l’on se rassure, l’abolition du caparaçon n’est pas à l’ordre du jour... Excusez ma naïveté, mais en quoi le caparaçon devrait « nécessairement » induire, pêle-mêle, des chevaux massifs, la carioca, des picadors qui pompent, vrillent, rectifient, attendent que le toro vienne se fracasser sur leur mur au lieu de lui présenter de ¾ face le poitrail du cheval en tentant de piquer avant contact ?
7 On concèdera aux inconditionnels, et ce dans un élan de grande générosité, que le morceau de flanelle puisse, à la rigueur, servir à une paire de doblones suivie d’une série de trois ou quatre valeureuses naturelles paraphées de leur pecho dominateur au centre du ruedo, voire même d’un improbable abaniqueo muy torero préparant l’ultime clou de la course : donner la sortie au toro au moment de lui porter le glaive.

Images Montage ou pas ? « Acte » anti-taurin ou faut-il croire Solymoscas ?... © Sol y Moscas Une pique dans la croix une pique en arrière — appréciez l’allure générale du cavalier et de sa monture — à deux rasos « saboteurs » de la Fiesta, Parentis 2008 Un batacazo — une sorte d’« attentat » pour le mundillo — perpétré à Pâques 2008 par un miura arlésien et « terroriste » © Camposyruedos

Le dicO (V)


Nous, ADAC,
Non contents d’entendre chaque année sur les tendidos biterrois le désormais célèbre « si t’es pas content, vas à Céret », non contents d’être contraints d’organiser une féria durant les sanfermines de Pamplona [NDLR : franchement, c’est vrai, quelle idée ???], non contents de ce temps de merdasse en juillet 2008, nous nous voyons aujourd’hui dans l'obligation de devoir redéfinir et réaffirmer nos origines mêmes de Cérétans.
Vous comprendrez que cette démarche, forcée par des événements extérieurs à notre bon vouloir ne va pas casser trois pattes à un canard mais il en va de la santé psychique de notre standardiste.
En effet, et ce depuis quelques semaines, nombre d’aficionados nous téléphonent pour savoir si nous ne connaîtrions pas des éleveurs de palmipèdes engraissés ou des producteurs de gnole distillée dans le but coupable d’égayer un tant soit peu leur venue en juillet (comme si les toros ne suffisaient pas !). Notre standardiste, qui n’est plus une oie blanche, en a le bec cloué à seulement quelques jours du lancement du marathon du gras de Noël qui ne devrait pas arranger son foie, d’autant plus qu’un rhume n’est pas à exclure par le froid de canard qui s’annonce. Céret n’est pas dans le Gers !
C’est écrit sur toutes les cartes Michelin et c’est inscrit dans la l’oie.
A tous ceux qui avaient l’intention de nous joindre, nous n’avons que ces mots à répondre :
1. Oui, vous pourrez acheter des places de corrida pour la féria 2009 mais laissez-nous d’abord acheter les toros.
2. Le syndicat d’initiative de Céret est à un autre numéro.
3. Les seuls canards que nous élevons ici, on les boit au bar des arènes et la seule canardière que nous connaissons, on y a mis dedans l’an dernier les Prieto de la Cal et tout le monde nous a volé dans les plumes.
Le seul chai de la zone est « Chez Forquet's » et autant vous prévenir que les musiciens ont intérêt à ne pas y sortir de canard.
Ainsi, nous considérons que ce n’est pas parce que Céret a toujours refusé le « pas de l’oie » du mundillo qu’il convient de nous canarder dans une terre septentrionale qui nous gave à plus soif de suffixes en "-ac".

Bon allez, je vous laisse avec les Andalous.

ADORNO. Todo lo que sirve de decoración en la fiesta (desde el desplante hasta los veterinarios).
Tout ce qui sert de décoration dans la fiesta, depuis le desplante jusqu’aux vétérinaires.

AFAROLADO. Puede llamarse así al toreo vertical, por la semejanza entre las posturas que éste requiere y esos prácticos postes del mobiliario urbano que sirven para iluminar las calles.
On peut nommer ainsi le toreo vertical pour la similitude entre les positions que celui-ci requiert et ces poteaux très pratiques du mobilier urbain qui servent à illuminer nos rues.

EDAD DE ORO: La de Joselito y Belmonte. Podemos referirnos a la de hoy como Edad de la Chatarra.
Celle de Joselito et Belmonte. L’époque actuelle peut être désignées comme l’âge de la ferraille.

ENSABANADO. Res que, tras haber sido convenientemente adormecida con somníferos, sale al ruedo hasta con la ropa de cama. (Véase acostarse).
Animal qui après avoir été convenablement endormi par des somnifères sort en piste en chemise de nuit.

ESCÁNDALO PÚBLICO. Altercado que sólo tiene eco en la presidencia cuando se trata de conceder orejas. Para devolver toros al corral, por ruidosa que sea la bronca, nunca es suficiente para apremiar a los del palco.
Bronca qui est prise en considération par la présidence uniquement lorsqu’il s’agit de concéder des oreilles. Pour renvoyer les toros aux corrales, pour aussi bruyante qu’elle soit, elle n’est jamais suffisante pour convaincre les occupants du palco.

INDULTO. Acto de perdonar la vida al toro, cuya decisión es del presidente y que responde a las presiones hechas desde el callejón por taurinos y demás compinches del ganadero, demanda que se extiende a los tendidos hasta alcanzar el paroxismo, si no el escándalo público, ya que está en juego tener algo que contar de la corrida, aunque haya resultado insoportable.
Grâce du toro dont la décision incombe au président et qui répond aux pressions exercées depuis le callejón par les taurins et quelques acolytes de l’éleveur. La pétition peut s’étendre jusqu’aux tendidos pour y atteindre son paroxysme voire provoquer des troubles de l’ordre public, car se trouve alors en jeu le fait d’avoir à raconter quelque chose d’une corrida qui a été profondément ennuyeuse.

INVÁLIDO. Toro que puede ser devuelto al corral (si suenan los tres avisos, evidentemente).
Toro qui peut être renvoyé aux corrales si, évidemment, les trois avis sont sonnés.

13 décembre 2008

Des nouvelles d'Azpeitia...


Après celles de Séville, voici donc des nouvelles du pueblo vasco d'Azpeitia qui annonce les élevages prévus lors de la prochaine Feria de San Ignacio. Azpeitia n'est ni Madrid, ni Bilbao et encore moins Nîmes ou Dax vous l'imaginez bien, mais cette féria propose chaque année un réel intérêt ganadero et parfois des combinaisons hommes/toros audacieuses et novatrices. Et puis, il y a tout simplement le plaisir de venir se perdre dans ce coin charmant de Pays basque isolé des autoroutes du tourisme. Pour 2009, ce sont les ganaderías de Palha, La Dehesilla et Gavira qui sont retenues. Nous noterons l'absence des Santa Coloma "dulces" de Ana Romero qui avaient pourtant apporté ces trois dernières années un réel intérêt en piste. C'est ainsi, les Ana Romero vont retrouver leur Sud. Pour le reste, la féria 2009 est très teintée "Domecq & co". En effet, si La Dehesilla (venant de José Luis Pereda) est le prototype même d'élevage de toros post-moderne issu du désormais classique mélange Domecq/Núñez, Gavira présente une histoire plus variée certes mais qui, depuis le milieu des années 1980, est clairement axée sur la descendance de vaches et de reproducteurs venant de Salvador Domecq (et "Casa de los Toreros"). Souhaitons seulement que les Gavira continuent de faire lidier leurs bêtes à cinq ans comme avait le goût de le faire Antonio Gavira de son vivant. C'est du moins ce qu'il déclarait dans la revue Aplausos quelques mois avant son décès accidentel en février 2005. Quant aux toros de M. Folque de Mendoça, ces Palha honnis par les vierges effarouchées de callejones estivaux, ils portent en eux depuis quelques années le sang Baltasar Ibán (donc très fortement Domecq), Torrealta et un peut-être encore un vieux fond Pinto Barreiros et Tulio. Pour autant, ils sont la preuve qu'il est possible de faire des choses très intéressantes avec un sang (celui de Domecq) dont la connotation est si dégradée dans l'esprit de ceux qui aiment la diversité des comportements du toro. Ne jetons pas la pierre aux organisateurs d'Azpeitia avant de connaître les résultats de cette San Ignacio 2009 et ne soyons pas oiseaux de mauvais augure mais constatons seulement, avec un zeste de mélancolie, que chez eux aussi le filet du monde souvent très fade des Domecq est en train de s'abattre.

Photographie
Arrastre de 'Rabosillo', grand toro de Palha lidié à Azpeitia en 2007 © Camposyruedos

12 décembre 2008

You don't really care for music, do you ?


To Vanessa, my sister of mercy
and to Pepina, "wounded in the line of duty"

"You know I used to think I was some kind of Gipsy boy..."
Apres toutes ces années, est-il bien raisonnable de reformer une cuadrilla et repartir vagabonder sur les routes ? La question a dû se poser dans le cadre de la douce tyrannie familiale. Il faut bien convenir que les années ont laissé leur empreinte parcheminant le visage du maître et parsemant ses articulations de douleurs et de grincements du pire effet, surtout quand il s'agit d'entamer de rodillas... L'icône bénéficie pour compenser les outrages du temps d'une certaine bienveillance du public, mais qu'est-ce-que ce maigre capital en cas de fracaso ? Et les temps sont chaotiques pour les capitaux.
¡Vaya apoderado! !Me lo ha roba'o todo! Confier ses intérêts à une femme, voilà une drôle d'idée, aussi !, a ricané le mundillo. Les procès traînent et les pesetas se font attendre. Il est un âge où l'attente ne va pas sans le risque de verser dans l'éternité.
Alors contre l'avis de beaucoup, le vieux maestro a rappelé Rosco, son peón de confiance et l'a chargé de constituer une cuadrilla qui tienne la route. Et ce fut reparti. A travers les places d'importance, aux Amériques, en ce joli théâtre romain en France et en des enceintes plus modernes, ailleurs. Le recours physique n'est plus ce qu'il était, mais 40 ans d'ancienneté et un "métier" sans faille font le reste. Le Maestro retraverse tous ces lieux qui ne l'ont plus vu depuis 15 ans et parfois beaucoup plus. Il effectue chaque paseo couvert, l'allure est impeccable.

"And here's a man still working, for your smile"
Tout ceci sonne un peu pathétique, surtout que le bonhomme traîne une réputation de tristoune depuis longtemps. A voir son sourire, il semble que ce dernier avatar d'une vie rarement tranquille ne laisse pas d'aiguillonner son solide sens de l'humour. "Maestro, vous avez beau nous dire que vous revenez parce que vous êtes fauché, ça n'a pas l'air de vous déplaire, au contraire !" Les esprits chagrins (les rares qui seraient passés par l'Everest de la taquilla) en sont quittes pour bouffer leur montera, à 70 ans plus que tapés le vieux vous "lèverait" toutes les filles de l'assistance : de la barrera aux andanadas. Et facile en plus. Il y a pas mal de choses qui ne s'inventent pas : le duende, la torería... alors la grâce, tu imagines !!!

"That was New York, we were running for the money and the flesh"
Dans la maison de García Lorca à Fuente Vaqueros, une photo de Leonard Cohen est affichée parmi quelques autres. Il a adapté en 1988 "Pequeño Vals Vienes", extrait de "El poeta en Nueva York". Cela a donné "Take This Walz" et c'est exquis. Ça l'était déja 20 ans plus tôt dans toute l'horreur des claviers et saxophones des années 80.
Le poète à New York a fréquenté la bohème des années 60-70 au Chelsea Hotel, à défaut (peut-être) de Brigitte Bardot et de Nico, il a couché avec Janis Joplin ("givin' me head on the unmade bed, while the limousines wait in the street") qui, elle, cherchait plutôt à se taper Kris Kristofferson. Un processus d'éliminations successives grâce auquel la plupart des choses finissent par se produire. Le terme de poète ne lui va guère... On a gonflé ce mot de trop de boursouflure académique pour que cela convienne à son humilité triomphante. Et puis l'emphase avec laquelle on le prononce doit le faire ricaner. La poésie est un bon moyen pour séduire les filles, c'est déja beaucoup ! 50 ans que Cohen survit et revient de tout : de la drogue, de la dépression, du zen, de cette joie qui finit toujours par surgir par nos failles à travers les brouillards de médocs et d'alcool.

"Suzanne takes you down to her place by the river
(...) and she gets you on her wavelengths
and she lets the river answer..."

Dès les premières notes, Cohen aussi vous emmène sur sa "longueur d'onde" pour ne vous relâcher que bien des jours plus tard. C'est une question de sitio parfait, ce n'est pas un hasard si Cohen est l'auteur de "Master Song" - la chanson du Maître. Revenons aux toros, sa muleta serait moins puissante que caressante, mais vous transporte au gré de son rythme. Subjugué, vous êtes dans son temps, vous êtes dans son temple.

"It's time we begin to laugh and cry
and cry and laugh about it all again"
3 heures durant, le vieux maestro visite les querencias périlleuses de souvenirs et les abîmes vertigineux que creusent en lui la religion, la grâce, les femmes, les échecs, l'amour et ses chaînes. "His Golden Voice" est profonde et juste, tour à tour psalmodiante, chaude et enjôleuse, la posture superbe. Depuis juillet, la cuadrilla a épuré sa musique des adornos superflus. 12 cordes ou mandoline, Javier Mas fait monter "Who By Fire" au Créateur par la ligne directe et insuffle au "Partisan" le souffle particulier de l'héroïsme dicté par les circonstances. La guitare de Cohen égrenne ce temps de la fatalité : l'engagement à l'épreuve de la mort, la violence du destin, la survie et la folie nécessaire de l'espoir plutôt que l'exaltation. Grave sans solennité, si le répertoire harmonique est corto, il est incroyablement dense et précis.
"Famous Blue Raincoat" est revenue en grâce avec l'automne. Morceau plein de chaleur intérieure pour les frimas, teinté de nostalgie et de résignation, il y est question d'amours triangulaires, de jalousie et d'impuissance mais aussi d'innocence du désir et de pardon.

"I told you when I came I was a Stranger..."
Longtemps après que les roadies ont plié les tapis et remisé instruments et amplis, l'atmosphère du concert continue de vous illuminer, doucement, des jours durant. Master Cohen a salué et remercié, couvre-chef en main. Il vous a glissé quelques conseils pour ces temps qui courent, temps de chaos.

Ses textes sont libres de droits pour séduire les filles.

Pequeño Vals Vienes de Garcia Lorca, par ici...

Des nouvelles de Séville


La voilà sortie, toute fraiche, la nouvelle affiche de la saison 2009. Je ne sais pas trop quoi en penser, moi, à vrai dire. Il est sûr qu'après Tintin à la Maestranza, et cet abominable taureau transpersé sur fond jaunasse, on souffle un peu, il y a du progrès. Mais le plus important, me direz-
vous, ce n'est pas le cartel lui-même, mais plutôt ce qu'il annonce. Mundochoto nous informe que la principale nouveauté de l'organisation sévillane (qui en est cruellement avare) résidera dans la présence des élevages de Jandilla et El Pilar, que l'on n'avait pas vus depuis belle lurette sur les bords du Guadalquivir, ainsi que dans la présentation de Fuente Ymbro en corrida de toros, ce qui est tout de suite plus réjouissant (tout en demeurant circonspect dans l'attente de connaître l'identité de ceux que l'on verra devant eux).
Exit Cuadri et Cebada Gago (un peu de repos ne leur fera pas de mal), à l'inverse de Zalduendo, Palha, Victorino Martín, Torrealta, El Ventorrillo, Parladé, Alcurrucén, Gerardo Ortega, Puerto de San Lorenzo, Juan Pedro Domecq, Torrestrella, Miura et Daniel Ruiz (ce dernier n'ayant pu faire lidier son lot - oh ! mince quelle frustration !). La présence de Samuel Flores, Conde de la Maza et Peñajara est quant à elle encore incertaine - les reconocimientos au campo, désormais traditionnels, ne font que débuter. Il est amusant de noter que l'ineffable Canorea tire plus facilement les leçons de la baja dans laquelle semblent avoir sombré Cuadri et Cebada Gago que de celle qui affecte tout autant l'élevage du Jean-Pierre d'outre-monts (dont le jambon est paraît-il autrement bon), lequel a tout de même réussi le tour de force de faire sortir de sa torpeur, et par voix de communiqué officiel siouplé, l'union des abonnés de Séville, pourtant pas très pénibles, en comparaison notamment de leurs homologues madrilènes.
Rien de très neuf, donc, sous le soleil d'Andalousie. Mais Séville est une tricheuse, car elle réussit toujours, bon an mal an, à nous retenir dans ses rets, à petits coups de verre de vin blanc amer, de tortilla "al wiki", de ganaderías, là, juste à côté, de copains et de vols de martinets.

11 décembre 2008

Les épicuriens


J'ai des amis "épicuriens". Les "épicuriens" sont des gens formidables. Je les admire. Ils voient l'opulence dans de toutes petites choses, et font "gras" de presque rien, parce que les "épicuriens" sont comme ça, ils se régalent de peu. Ils font d'un triste bout de pain, un véritable festin de noces, et ne voient que le bon et le bien, quand bien même le commun des mortels n'y percevrait aucun attrait. Leur quête : profiter des choses et les voir savoureuses quelle que soit la situation donnée. Ils arrivent à se contenter de tout, à faire de la chose la plus banale, la plus insignifiante, un ravissement, un souffle d'air frais, un feu d'artifice, un éden, un don du ciel !
Et moi, pauvre de moi, je les admire d'autant plus que je me désole d'être aussi bassement "rabelaisien", surtout en début de mois, ça va de soi...
Etre "épicurien", c'est voir beaucoup dans peu pour n'avoir qu'à s'en délecter, vous l'avez compris. La recherche perpétuelle du plaisir dans tout, voire rien. Magnifique logique que celle d'Epicure, qui n'est pas sans rappeler la béatitude de l'imbécile heureuse qu'est la poule devant le couteau qu'elle vient de trouver. Mais ça, c'est le point de vue du pur produit capitaliste que je suis, car quand j'ai peu, je veux plus. Honte à moi, mais je m'y fais...
Mes amis "épicuriens", donc, connaissent l'immense joie d'aimer les toros tellement, que je crois moi-même les aimer peu. Ils les aiment et les aiment tant et tant qu'ils ne savent plus comment les aimer moins. Au point qu'ils en ont perdu tout soupçon de réalisme. Tout bêtement...
Adieu donc lucidité, bye-bye cohérence, tchao raison gardée, see you later sagesse! Le train est lancé et ils ne savent même plus comment l'arrêter, et d'ailleurs ne cherchent même plus à l'arrêter car, en bons "épicuriens", ils se laissent promener, ce qui les ravit, puisque c'est des "épicuriens" et qu'ils se réjouissent de jouir !!!
A l'heure qu'il est, vous êtes en train de comprendre que vous avez aussi pas mal d'amis de ce genre dans votre entourage, n'est ce pas ?
Les miens, puisque chacun a les siens et qu'il est ici question des miens, se sont dernièrement obstinés à saluer le meilleur lot de leur féria. Tradition oblige, il n'y avait donc aucune raison qu'ils ne se réunissent pas cette année encore pour célébrer l'illustre occasion. Sauf que voilà, le meilleur lot au milieu de pas grand-chose, voire presque rien, ça n'a plus de sens. Mais, me direz-vous, on peut toujours récompenser le moins pire des lots, voire le moins mauvais, ou encore le plus moins pire des moins mauvais... C'est ainsi que mes amis "épicuriens" se sont souvenus qu'ils l'étaient, et quand bien même leur innocente désinvolture les pousse effrontément à remettre un prix au meilleur lot de toros quand leur féria s'enorgueillit de son "torérisme" fleuri, eh bien ils arrivent sans vergogne à être unanimes quant à la suprématie avérée d'un lot de toros qui aurait surpassé tous les autres, semble-t-il, et de loin sinon, ça n'aurait pas de sens !
Ce qu'avaient oublié mes amis "épicuriens" dans l'infinie béatitude de leur satisfaction "à tous prix", c'est le brin de lucidité et l'étincelle de clairvoyance qui aurait dû les pousser à repasser plus ardemment les plis de la Dignité.
En effet, leur obstination bornée à ne voir que le bon côté des choses même dans la médiocrité et sans doute aussi, car il faut bien l'avouer, l'absence de repère dans une tauromachie moderne si souvent galvaudée et usurpée, au toreo festif et à l'absence totale de respect envers l'être Toro, barrait leur regard au point qu'ils ne voyaient même pas que ces bichos n'acceptaient qu'un symbolique châtiment lors de ce maudit premier tiers, et qu'il manquait donc une chose essentielle à ces taureaux dits "de combat", leur Bravoure, mais pis encore, que face à ces bestioles qui ne furent pas "mauvaises" pour autant, ce jour-là, il y eut un MAJESTUEUX LIDIADOR tel qu'on ne le vit jamais. Seul, beau, étincellant, immense stratège, redoutable chef de guerre au temple volé a "lo de La Puebla del Río". La grande lidia d'un combattant parmi les fauves. Le toreo à son paroxysme, le Torero à son apogée.
Mais que voulez-vous ? Seuls les couillons s'entêtent à vouloir saluer les gros balourds vaillantassses mais gauches, qui tournèrent inlassablement autour du David Michel-Angelesque, cet après-midi-là, pour se convaincre d'un je-ne-sais-quoi, un "torisme" inavoué, un "torérisme" pas assumé. Un peu les deux, sans doute. En tous cas, à vouloir se délecter absolument de presque rien, mes amis "épicuriens" passaient outrageusement à côté du seul ouvrage à couronner ce jour-là, celui du torero, qui donna une Lidia exemplaire. Il eut é si simple alors de détourner la traditionnelle nomination d'une ganadería pour ajuster le prix aux épaules du VRAI triomphateur, telle que la logique l'entendait, mais en vain...
La négation de la deuxième pique, le mépris de la Bravoure dont la noblesse découle (et SURTOUT pas l'inverse), résultent forcément de cette habitude de ne plus lidier les toros et de ne vouloir que les toréer joliment. N'en doutons pas, nous sommes dans l'ère du "Paraître", du "Sensationnel", du "Spectaculaire" et pire, du "Triomphe coûte que coûte". Par là, j'entends également que les ganaderos n'ont alors plus à se donner le mal nécessaire pour élever des toros bravos, mais poussent désormais dans le sens de la notion de Collaboration Triomphaliste plus prompte à ravir les innocents ou ceux qui se contentent de peu, souvent en parallèle avec leur manque cruel de connaissance en la matière. "C'est beau, et c'est très bien ainsi", pensent-ils. Leur opinion n'a plus qu'à devenir certitude. Dans la brèche, s'engouffrent évidemment les toreros complaisants qui n'estiment plus la nécessité de comprendre leurs adversaires quitte à en devenir les "faire-valoir" pour donner aux plazas leur rôle originel de laboratoire à bravoure. L'élégance, la suavité d'un poignet et la morgue ténébreuse font aujourd'hui la destinée d'un torero. Mais sans Bravoure, à quoi bon persister à tuer des toros ? Ainsi, plutôt que de récompenser des animaux pas braves, c'est a dire, faire passer des vessies pour des lanternes auprès des masses faiblement instruites qui, du coup, se persuadent qu'un toro sans bravoure reste un toro remarquable, et qui parviennent finalement à se passer de la Bravoure pour assister à un spectacle de qualité, il eut été tellement plus opportun de souligner la Lidia incontestable donnée, ce jour-là, à ces bichos telle une leçon à des écoliers, si tant est que l'on daigne encore aborder la notion de Lidia dans les écoles qui nous concernent immédiatement.
En résumé, remettre ce prix à un lot aussi peu complet et négliger le travail de Lidia qui leur a été donné est une erreur d'Afición conséquente, et l'on s'inquiètera de ce nivellement par le bas de notre Fiesta bien-aimée, et de son impact sur les foules consommatrices peu instruites.
Ainsi seront fêtés 6 vaillants pas braves mais qui l'étaient peut-être plus que leurs congénères, ainsi ne sera pas honoré le seul à le mériter pourtant, qui passera son chemin en des cathédrales plus enclines à percevoir son homélie, et ainsi font et vont les "épicuriens"... toujours heureux avec rien, ou pas grand-chose, ou si peu, pourvu qu'ils aient l'ivresse, la leur.

Adieu Bravoure, Adieu Lidia... Vous alliez si bien ensemble, mais vous n'inspirez plus personne, pas même mes amis "épicuriens". Soupir...

El Batacazo

Illustration
El Batacazo (huile sur toile, 3 500 000 euros... Bientôt Noël, pensez-y !)