"Hros. de D. MIGUEL ZABALLOS CASADO"
« Il était vraiment temps de partir... Déjà Miguel nous attendait... À Salamanque Paco s’en retournait... Buena gente... ». C’est sur cette note que nous nous étions quittés au terme de notre Voyage au bout de l’afición (II). Et en effet, Paco s’en était allé retrouver les siens à Salamanca tandis que Miguel, lui, les y avait laissés pour rejoindre en bordure d’autoroute trois Français qui tardaient à arriver mais pour lesquels il n’allait pas être très compliqué d’excuser leur retard... une fois évoqué le nom de Paco Galache. Une heure plus tôt, celui-ci avait lâché un « buena gente » tout sourire à l’évocation de Miguel Zaballos, qui rendit la pareille quand nous lui expliquâmes que Paco avait absolument tenu à nous payer un coup à Villavieja de Yeltes.
Avant d’en arriver à ces mots, nous avions garé notre auto sur le parking d’un resto échoué au beau milieu du Campo Charro. Trois Dalton en quête du quatrième pénétrèrent dans ce lieu empli du « brouhaha rocailleux qui enfume de voix ce bar d’un coin d’Espagne »1. Dans l’inénarrable famille Dalton, je ne savais pas encore très bien qui j’étais, même si ma modeste taille me désignait logiquement comme l’affreux Joe — quant à prétendre que Miguel serait Averell, eh bien... je n’oserais pas m’y risquer vu qu’il est à peu près aussi imposant que les chênes de son pays ! Le fils de « Miguel l’Ancien » salua Jack et William comme de vieux amis puis baissa la tête pour s’assurer que Joe ne stressait pas trop. Mais Joe allait très bien jusqu’à ce que ses deux « frangins » décidassent de s’absenter du saloon le temps d’un coup de fil, et qu’il se retouvât seul à trinquer avec « Miguel le Jeune ».
Un échange de sourires polis, un regard vers l’extérieur afin de provoquer, sait-on jamais, le retour d’un des deux fuyards — personne en vue évidemment —, une longue gorgée — toujours personne —, puis une autre... pour finalement en arriver à ouvrir la bouche et dire un truc dans la langue de Penélope Cruz (!) : « Miguel, l’année dernière j’étais à « Cérrette » et à moi votre course elle m’a beaucoup plu. Pour l’aficionado elle était très intéressante, agressive, avec beaucoup de présence, beaucoup de mobilité. » Joe semblait satisfait de sa sortie, mais le ganadero aurait visiblement préféré une autre entrée en matière... Je venais de rouvrir une plaie mal cicatrisée et Miguel avait une dent (de lait) contre les Cérétans... Que ces derniers ne lui aient pas racheté un lot, il l’acceptait. En revanche, qu’ils n’aient pas pris la peine de le contacter, ne serait-ce que pour le saluer, c’était manifestement plus difficile à avaler — on pouvait lire tout cela derrière son sourire.
On a bien mangé. On a bien bu. On a bien rigolé. On était bien.
Le lendemain, nous avons fait gaffe de nous pointer à l’heure, consacrant le temps du trajet à nous réchauffer et à scruter les caprices d’un ciel menaçant. Tôt le matin dans un froid glacial, Miguel, très frais et dispo, nous fit monter dans son Land Rover au confort plus que spartiate pour un circuit campero. 1ère étape : ses précieuses vaches aux têtes aussi longues et étroites que leurs cornes — il s’arrêta longuement pour voir comment se portait la plus vieille. La 2ème : ses derniers et historiques clairacs dont il lui faudra se séparer, non sans avoir respecter fidèlement « le pacte »1 — il leva sa main plusieurs fois en la laissant retomber sur le volant comme s’il voulait dire quelque chose qui ne pouvait sortir. La 3ème : ses novillos saltillos au poil lustré et à la présentation d’ensemble remarquable — il sembla désolé de devoir en garder certains, si beaux, un an de plus. Et enfin, la 4ème et dernière : ses sementales querelleurs assez finauds tout de même pour ficher la paix à leur vieux compagnon en fin de vie, à la vue duquel Miguel eut bien de la peine à ravaler son émotion... Miguel est un grand sensible. Pour un ganadero, c’est pas bon...
Six mois plus tard, tout occupé à cuver lamentablement les Hierba et autres Baccardi-Limón de la nuit, entre les coups d’œil amusés de Miguel et les taquineries des amis, entre les fréquentes phases de sommeil profond et celles, exceptionnelles et fugaces, de veille, je ne pus demander à notre hôte si le vieux semental faisait toujours partie de ce monde. D’un autre côté me direz-vous, et après « l’épisode cérétan » du printemps dernier, c’était préférable — se fâcher avec un monstre de bonhomie tel que Miguel constituerait non seulement une grossière faute de goût mais la preuve irréfutable de votre bêtise. La prochaine fois, les gars, vous vous débrouillez pour passer coûte que coûte par Cabeza de Diego Gómez. Je ne veux rien savoir ! j’ai quelque chose pour lui... Et une question aussi : « Les banderilles noires du 22 octobre 2007 à Madrid, étaient-elles ou non justifiées ? »2 Pif ! Paf ! Poum !... « EscouZe-moi Migouel, Ze blaguais... »3
1 Voyage au bout de l’afición (VI) par Laurent.
2 Zaballos à Madrid... par le même.
3 Z par JotaC.
En plus
— Les traditionnelles galeries (camada + vaches) du site (où vous retrouverez celle sur les derniers clairacs) et fiche élevage de Terre de toros.
— Campos y Ruedos gratifiant même Miguel Zaballos d’un libellé. Quand on aime... Et puis comme vous l’a conseillé Thomas (voir post ci-dessous), si vous passez dans le coin, ne ratez pas l’occasion d’aller rendre visite aux rares saltillos...
— Un entretien (en espagnol) avec le ganadero proposé par le Centro Etnográfico del Toro de Lidia de Salamanque.
Images Chez Miguel Zaballos © Campos y Ruedos