02 avril 2008

La suerte de varas


Pendant qu’ici la belle et folle unité des aficionados militants en lutte contre le péril anti-taurin devenait réalité, à quelques toros con edad, trapío, poder y casta près, ceux-là soucieux de garder leur distance avec cet OCT en toc, commettant par la même un crime de lèse-majesté (hé ! hé !) ; là-bas, de l’autre côté des Pyrénées, une grosse poignée d’intéressants trop sérieux qui n’intéressent qu’eux se proposait, vous allez rire, de rénover voire de régénérer la suerte de varas ! Comme s’ils n’avaient rien de mieux à faire... Comme si rendre toute sa vérité à la Fiesta était un moyen pertinent de la tenir éloignée des griffes des méchants antis... Franchement, c’est à se demander où ils vont chercher des trucs pareils !
Bref, regroupé sous la bannière encombrante du Manifeste des aficionados pour une Fiesta intègre, authentique et juste, ce collectif d’aficionados, dont le baptème fut célébré il y a un peu moins d’un an (cf. Manifeste d’aficionados par Yannick), ressemble à s’y méprendre à un Observatoire des Combines Taurines (OCT)... Choisir une date (ou un élevage, ou un encaste), parcourir 8 ou 800 kilomètres, payer sa place, assister à la course, donner de la voix (ou pas), griffonner des notes (ou pas), prendre des photos (ou pas), puis rendre compte et, au besoin, dénoncer ou se féliciter, mais c’est plus rare. Et, et... Et la petite communauté entend aussi produire des textes et faire des propositions et organiser des rencontres et communiquer, principalement via son blog, ce qu’il en sortira. Ce drôle d’OCT a décidément de la suite dans les idées... Ou comment être, non seulement nécessaire mais "utile". On verra bien...

Les 26 et 27 avril, à Saragosse1, auront lieu les 2° Rencontres des Aficionados autour d’un thème passionnant et chéri s’il en est : la suerte de varas. À cette occasion, le collectif a souhaité développer le second point de son manifeste, qui proclame : « Nous exprimons également la nécessité de déclarer comme élément fondamental de la Tauromachie, le toro de combat dans sa pleine intégrité et diversité. De même, nous revendiquons la nécessité d'une régénération du spectacle taurin, en particulier de la suerte des piques en tant que mesure de la bravoure du toro. »2. Bien, on ne pourra pas, reconnaissez-le avec moi, leur reprocher de manquer d’ambition et de ne pas servir noblement et durablement (le terme a la cote, profitons-en) la cause taurine ! Comme objectif affiché, ça nous va plutôt pas mal à Campos y Ruedos, nous qui sommes des gars hyper responsables et sensibles à ce que notre génération lèguera à ses rejetons...
C’est ainsi qu’au nom de la rédaction, j’ai fort démocratiquement décidé, tout seul dans mon coin et comme un grand, d’assurer la toute première traduction en français du petit 2 du Manifeste consacré à la régénération de la suerte de varas ! Oh, en y regardant de plus près, vous relèverez probablement quelques fantaisies, approximations, libertés et autres perles, vous verrez aussi des mots non traduits (pas envie), et vous constaterez que nous (comprendre "je") n’avons pas souhaité faire de commentaires sur le texte avant la tenue du mini-colloque sus-cité, le considérant comme un indispensable préalable, une sorte de camp de base hivernal, pas très avancé et déjà bien fragile, dressé au pied d’une face nord redoutable dont le sommet — là-haut, tout là-haut, dans les nuages — n’en finit plus de s’enrhumer tant la tempête fait rage...


« LA SUERTE DE VARAS EST LA CLEF DE VOÛTE DE LA LIDIA

-Annexe 1 du Manifeste des aficionados pour une Fiesta intègre, authentique et juste-

Le secont point de notre Manifeste pour une Fiesta intègre, authentique et juste revendique « la nécessité d'une régénération du spectacle taurin, en particulier de la suerte des piques en tant que mesure de la bravoure du toro. »3 Nous croyons que cette suerte, réalisée selon les canons, est fondamentale pour le déroulement de la lidia, puisqu’elle permet d’évaluer les aptitudes du toro et de régler sa charge, en plus d’être un des moments les plus émouvants, beaux et spectaculaires de son combat. Mais telle qu’elle est réalisée actuellement, la suerte de varas a dégénéré en une véritable absurdité dans laquelle la négligence des professionnels et la violation du règlement, avec le consentement de l’autorité publique, sont devenues une triste routine. Et davantage que pour régler le port de tête du toro, la suerte de varas sert à détruire les rares toros puissants qui sortent dans l’arène, ou n’est qu’un simulacre dans le cas, désormais habituel, où la majorité des toros est dépourvue de force.
C’est pour cela que nous voulons développer le second point de notre Manifeste, établir certaines mesures qui peuvent aider à la régénération de cette suerte fondamentale, avec l’objectif qu’elle recouvre le rôle principal qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

DÉCALOGUE POUR LA RÉGÉNÉRATION DE LA SUERTE DE VARAS

- La suerte de varas est la clef de voûte de la lidia. Elle a deux missions ; d’une part, valoriser la bravoure, la combativité, la puissance et la force du toro qui, pour cela, devra aller au cheval trois fois, au moins ; et d’autre part, régler son port de tête en vue de la suite du combat.
- La suerte de varas doit être réalisée selon les canons. En plaçant le toro devant son picador4, qui doit présenter la poitrine du cheval et provoquer la charge du toro. Le picador doit pointer la vara devant lui et piquer dans le morrillo du toro avant que celui-ci n’atteigne le caparaçon du cheval. Tandis que le toro pousse, le picador doit se défendre en portant tout son poids sur la pique, comme s’il se laissait tomber sur elle, en dégageant son corps de la monture sans rectifier ni faire tourner le fer de la pique dans la blessure, et en dosant le châtiment. En aucun cas le picador ne doit fermer la sortie au toro, sauf dans les cas de mansedumbre évidente, en ayant recours à la "carioca".
- L’importance du tercio de piques nécessite, pour une exécution correcte, des chevaux dressés et d’un poids proportionné. L’équipement destiné à les protéger doit être élaboré, de préférence, avec des matériaux flexibles et légers. Dans n’importe quel cas, il ne doit pas blinder le cheval et s’apparenter à un mur contre lequel le toro s’écrase. Les chevaux doivent avoir un œil découvert pour pouvoir s’orienter dans l’arène.
- L’importance de ce premier tiers pour le déroulement ultérieur de la lidia implique que les matadors, les subalternes et les picadors, chacun dans la mesure de leurs responsabilités, soient à leur place, réalisent la suerte correctement, loyalement, en plaçant le toro comme il faut, en le piquant avec mesure et en l’écartant du cheval au moment approprié.
- Ne primer aucune faena si le toro n’a pas reçu, dans les règles, deux piques au moins.
- Ne primer aucun toro, que ce soit dans l’arène ou avec un prix, s’il n’a pas reçu plus de deux piques au cours de son combat.
- Ne primer aucune course dans son ensemble si trois toros, au moins, n’ont pas reçu plus de deux piques.
- Conscients que l’habileté et la précision, en plus du savoir et de l’engagement, sont nécessaires pour réaliser correctement la suerte de varas : ne primer aucun picador échouant lors de la première rencontre avec son toro ; ni ceux logeant la pique en dehors du morrillo, et ce malgré une très bonne réalisation de la suerte ; ni ceux faisant tourner le fer de la pique dans la blessure ; ni ceux exécutant la "carioca" sans nécessité.
- Exiger que les responsables du bon déroulement de la course, que sont les présidents, les délégués, les alguazils et les vétérinaires, accomplissent leurs obligations en ne déléguant pas leurs pouvoirs aux professionnels taurins. Ils doivent agir avec la rigueur nécessaire afin que le règlement soit respecté et que la lidia se déroule avec ordre, en particulier lors de la suerte de varas.
10° - Dénoncer, au travers des médias que nous avons à notre disposition : les picadors qui ne respectent pas les règles régissant le premier tiers du combat ; les matadors sous les ordres desquels ils agissent et qui sont, en définitive, les véritables responsables ; et les autorités qui, négligeant les droits et les devoirs de leur fonction, ne corrigent, n’interrompent, ni ne sanctionnent les infractions commises. »

Cette traduction peut et doit être bien évidemment améliorée ; vos remarques sont les bienvenues...


1 Ce n’est sans doute pas un hasard si ces Rencontres coïncident avec la programmation, le samedi 26, d’une corrida concours (toros de Concha y Sierra, Palha, Prieto de la Cal, Cuadri, Adolfo Martín et Fuente Ymbro), et le lendemain, d’une novillada de Prieto de la Cal.
2 Traduction FSTF.
3 J’ai évidemment repris la traduction de la fédé ; c’était toujours ça de moins à faire.
4 Entendons-nous bien, et ce afin de désamorcer un éventuel "rectificatif", et considérons que ce picador n’est pas celui "qui garde la porte", mais l’autre, celui "qui regarde la porte" ! Nuance.

Image Et pourtant, le texte ci-dessus nous invite à « ne primer aucun picador logeant la pique en dehors du morrillo »... Dessin de José María Cruz Ruiz, vétérinaire © Blog del Manifiesto où figure le texte en espagnol.