
- ¡¡¡Picalo!!!
Il a crié à chaque fois, à chaque rencontre mais rien n’y fit. 'Farolero' jamais ne s’employa sous le châtiment et de vraie pique il n'en reçut pour ainsi dire pas. Placido Sandoval a reçu le prix au meilleur picador à l'issue de cette corrida. Soit, mais il est difficile de vouloir redorer un tercio déliquescent en primant un professionnel qui par six fois plaça la pyramide bien en arrière de l'endroit voulu (tiers arrière du morrillo) et qui, au lieu de piquer, s'ingénia à doser les puyazos. De toute façon, les compañeros de Sandoval furent majoritairement à l'unisson de ces pratiques devenues des habitudes (piques traseras, caídas, carioquées...). Il n'y a guère que le toro de Fuente Ymbro qui profita à peu près correctement de deux premières piques bien situées (picador : Manuel Molina de la cuadrilla de Serafín Marín) à la base du morrillo. Rome ne s'est pas faite en un jour disaient les anciens...
C'est justement ce Fuente Ymbro, 'Lanudo', negro de 606 kgs, qui pouvait seul se prévaloir de recevoir ce jour un quelconque prix. Des six toros envoyés dans la capitale aragonaise, lui seul a démontré les qualités exigées actuellement chez un taureau de combat. Pour autant, il ne s'agissait pas non plus d'un grand brave au cheval car il ne poussa fixement, tête basse et avec une certaine durée que lors du second puyazo. Mais 'Lanudo' possédait ce qui fait aujourd'hui le renom des toros de Ricardo Gallardo : mobilité, fixité, promptitude dans la réponse aux cites et ce soupçon de piquant qui interdit de les qualifier de "collaborateurs". Selon tous ces critères, c'est ce toro qui émergea de la moyenne et le jury de ne pas le voir... C'est ainsi. Peut-être que l'accident de fin de faena subi par Serafín Marín coûta cher à ce bon toro de Fuente Ymbro. L'émotion et l'inquiétude vive ne font pas souvent bon ménage avec l'analyse et l'esprit de justice.
En observant la Marquesa rouler une pelle à la Virgen del Pilar, sur le trottoir de la calle Ramón Pignatelli, je repensais aux lunettes si noires de son fils et aux yeux si obscurs du superbe toro de Cuadri. C'était le tío de la course, compliqué, poderoso. Un regard de requin en chasse, sans expression, sombre, profond, inquiétant... Un taureau de combat et d'effroi. Il en faut aussi de ceux-là pour se souvenir que derrière les lumières de l'or se planquent souvent les noirs de l'angoisse.
Dans son inachèvement, cette corrida concours de ganaderías aura au moins permis de voir un public se lever d'émotion lors d'un tercio de piques que les organisateurs ont voulu cajoler et magnifier, et ce, avec l'assentiment des matadors qui, sauf l'agaçant Jesús Millán, ont accepté de jouer le jeu. C'est assez rare pour être noté.
Le chemin est long... Samedi à Saragosse, nous avons presque pu imaginer la ligne de départ...

>>> Retrouvez la galerie de cette corrida sur le site : www.camposyruedos.com.
Photographies 'Farolero', toro de Tomás Prieto de la Cal (Veragua) & 'Lanudo', toro de Fuente Ymbro (Domecq-Jandilla).