16 avril 2008

"De mantequilla..."


"Ni una..." L'exploit, l'espoir, le campo en su ley ! Il y avait cette crainte tue d'en trouver partout, l'angoisse d'une chappe de plomb résinée qui s'abattrait sans nuance sur un des plus beaux paysages taurins d'Espagne. Il y a des fundas au Campo Charro, mais seulement dans les grandes écuries, en particulier chez les frères Fraile, exception faite de Juan Luis. Il y a eu des fundas chez Francisco Galache Cobaleda. Aujourd'hui, elles ne sont qu'un mauvais souvenir pour le ganadero qui mène séparément deux encastes : Vega-Villar par Encinas et Urcola. Deux encastes qui se vendent mal, deux encastes que les matadors évitent de croiser sur leur chemin de gloire ou d'anonymat. C'est ainsi, le campo regorge d'histoires d'élevages et d'encastes qui agonisent et meurent étouffés par le mépris et l'ostracisme d'un monde taurin tout entier tourné vers l'idéal du "risque zéro", ridicule porte d'entrée pour la corrida du zéro total. Francisco Galache Cobaleda a tenté l'expérience des fundas parce que ses toros ont tendance à se mettre des peignées et à s'abîmer au campo. Pendant une année, il a recouvert les cornes de ses animaux de saca de cette résine qui "jaunie dans l'attente" et un jour, il a enlevé les fundas. Il n'a pas recommencé cette année. C'est le premier qui l'avoue. En ôtant les fundas des toros d'encaste Urcola, il s'est rendu compte que celles-ci avaient rendu la corne beaucoup plus poreuse et plus molle. "Como mantequilla" nous a-t-il avoué. C'est le premier qui nous le dit. Selon ses explications, les toros d'Urcola ont des cornes beaucoup plus grossières que ceux de Vega-Villar. A regarder de près, il est certain que les pitones Urcola sont assez gros à la base et évoulent vers des types astinegros qui manquent parfois de finesse à leur extrémité. La corne du Vega-Villar est plus fine, moins grossière et tire beaucoup plus vers l'astiblanco et l'astifino. Et si l'on voulait chipoter encore, il faudrait relever qu'il existe, au sein de l'encaste Urcola, des différences entre les negros et les colorados qui, eux, présentent des cornes plus fines. Toujours est-il que Francisco Galache a fait le constat que les fundas abîmaient l'intégrité et la dureté des cornes des Urcola. Il semblerait donc que certains sangs réagissent très mal à la pose de ces fundas (ça rassure de savoir qu'il existe encore des encastes divers et variés mais ça inquiète pour l'avenir de ceux qui réagiront mal à la pose de ces fundas...), ce qui n'est pas surprenant tant le taureau de combat est et doit être synonyme de diversité. Afin d'en savoir plus sur le sujet, nous avons joint le vétérinaire et éleveur Adolfo Rodríguez Montesinos. Celui-ci a tout d'abord confirmé ce que nous écrivions il y a quelques semaines concernant la vraie utilité des fundas : elles ne servent qu'à éviter à un éleveur de perdre trop de toros lors de peleas au campo. C'est tout, c'est leur fin principale. Il nous a ensuite éclairés sur l'état des pitones au moment de l'enlèvement de la funda. Selon lui, une fois la capote enlevée, la corne présente une structure molle assez proche de l'état d'un ongle qui aurait passé quelques jours sous un pansement. Il lui manque de la rigidité, de la dureté. Seulement, a-t-il ajouté, au contact de l'oxygène, la rigidité reviendrait très rapidement (24heures) et la corne reprendrait son aspect et sa structure normale.

Cela va dans le sens du constat de Francisco Galache Cobaleda même si l'éleveur a constaté que la fragilité dûe aux fundas était constatable, et constatée par lui, sur un plus long terme; les toros s'abîmant plus facilement les pitones en tapant contre les burladeros. Dans l'idéal, il serait passionnant que des vétérinaires aficionados se penchent sur une étude sérieuse et affinée des effets des fundas en fonction des encastes des toros de lidia. Dans l'idéal aussi, un idéal aficionado évidemment, il serait extraordinaire que tous les ganaderos se mettent à concevoir l'élevage de toros comme le fait Miguel Zaballos qui, sur le sujet des protections des cornes, reconnait l'utilité pour le ganadero (éviter les cornadas lors des peleas) mais se refuse à les utiliser car, affirme-t-il, les peleas de campo font que le taureau de combat est un taureau de combat ; elles sont, déclare-t-il, "un mal nécessaire".

Photographies Toro de Francisco Galache Cobaleda d'encaste Urcola & toros de Francisco Galache Cobaleda (gauche : Urcola/droite : Vega-Villar) © Camposyruedos