12 avril 2008

La brillantine et la vaseline... Suite sévillane (III)


Séville, 4 avril 2008, sur la terrasse du Porta Gayola

On vit souvent avec des idées reçues et il convient de régulièrement croiser son maigre savoir face aux cornes implacables de la vérité. Un exemple... Connaissez-vous les arènes de 1ère catégorie d'Espagne ?
Spontanément je donnais Madrid, Séville, Valence, Barcelone, Bilbao, Saragosse, Pamplona pour plazas de première. Je m'interrogeais sur Castellón, Grenade, Cordoue et San Sebastián puis au gré de mes recherches, j'ajoutais Salamanque à ma liste des possibles.
C'est Philippe qui vint au quite en même temps que je trouvais la réponse sur Wikipédia : d'après le décret royal 145/96 sont plazas de première catégorie : Bilbao, San Sebastián, Zaragoza, Barcelona, Madrid, Valencia, Córdoba, Sevilla y... y... Málaga (promis !). Exit Pamplona, Castellón, Granada, Salamanca...

Cette vérification puise sa source et sa nécessité dans une sombre querelle d'aficionados sur la terrasse d'un restaurant de Séville avec une sordide histoire de sous pour toile de fond.

Les conversations d'aficionados ont ceci d'étrange qu'il y est toujours question de chapelles, de points de vue, de mélanges savants de principes et d'émotions et puis de détails. Il y vient souvent un moment où l'on s'échauffe un peu même quand on entend aboutir à une conclusion similaire, ça n'est parfois qu'un détail dans le cheminement. Une semaine à Séville, une semaine à parler toros à en écoeurer les copains, poser mille questions, convoquer les souvenirs, laisser choir la main gauche quand la droite torée a calle abierta. Merveilleux moments ! A quelques jours de la course, on finit par parler de Conde, pas celui de la Maza, ni de la Corte, non, de Javier, tueur gominé et périphérique qui compose la figure des trop nombreux carteles qu'il a le privilège, un rien paradoxal, d'ouvrir pour plus figura que lui.

Comment deux amis et moi avons-nous pu finir par nous châtier le cerveau à ce si petit sujet ? Tout commençait sur un consensus autour d'une métaphore d'une finesse rare ; pour vous mettre sur la voie j'évoquerais la troublante proximité phonétique entre Javier et gravier. Bref, comme pour rendre hommage aux tournures improbables et à la disparition des oxymores, nous déjeunions sur la terrasse de la Porta Gayola où nous nous consternions d'avance de la présence du Malagueño au cartel pour ouvrir la course à Castella et Talavante (Séville, 4 avril 2008).
La seule incertitude qui vint alors troubler notre assurance de voir deux toros gâchés, concernait la sincérité de notre artiste et constitua le corps du débat : que peut-il bien se passer sous ces 100 grammes de Pento quotidiens, juste entre ces oreilles bercées par la voix d'Estrella, quand s'apprête à sortir le noir toro des chiqueros ? Mais surtout, que faut-il souhaiter qu'il puisse s'y passer ? Trouve-t-on dans la tête du comte de Málaga une grosse tartine de bêtise et d'incompétence ou un dur noyau de cynisme dispensant à la crédulité de ceux qui se laissent encore avoir, des espagnolades au tarif du duende ?

Finalement, nous finîmes par débattre du talent légendaire du drôle. Il en faut certes toujours pour s'habiller de lumières, mais peut-on assimiler le supposé don si rare de Conde à un talent à même de mettre d'accord l'escalafón entier quand Halley vient à croiser dans le ciel de la marisma ? Et si tout ceci n'était que fables, mythes, arrangements et marketing ?

Le vent venant de Plaza Nueva avait alors faibli, la présence du vin sur la table s'était raréfiée, Jean tenait un propos étrange qui me fit croire qu'il défendait Conde en admettant que le doute subsistant à toutes nos questions pouvait lui bénéficier. Alors que semblait s'installer une confusion entre nous, Jean s'écria : "Non mais attends, je suis pas en train de le défendre, j'en peux plus de ce mec. Il me doit au moins 2000 euros depuis le temps !"

Quelques jours plus tard, Javier Conde devait à chacun de nous quelques euros de plus et ni Castella ni Talavante n'étaient venus au quite pour rembourser une quelconque partie du billet : le toreo de cape s'est fait la belle avec les oxymores...

Le lendemain de la course, dans la pénombre d'un hôtel au cachet vieillot, nous commentions avec le frère de SyS la prestation de Conde et ses déclarations dans la presse (voir plus bas). Il y a un stade de la consternation au-delà duquel on se détache complètement de celle-ci pour la contempler avec amusement. "Mais il a déjà triomphé quelque part ce gars-là ? Enfin, hormis à Benidorm et Marbella, c'est-à-dire en arène de première ?" La grande question venait d'être posée.

En début de semaine, alors que seule la perspective de revoir des toros courir au campo me permettait de ne pas sombrer dans une profonde dépression, nous fîmes des pieds et des mains avec des copains pour trouver des places pour la fameuse "corrida de gala" que nous organise la Nîmes galactique avec Tomás et qui vous imaginez en ouverture. A la pensée de passer de Conde à Vic en quelques heures, mon coeur s'emplit d'une honte légitime ; c'est alors que je partis en quête de statistiques comme autant de certitudes.
Mundotoro présente l'avantage de donner à ses lecteurs curieux une mine de statistiques depuis 1999, presque une décennie à l'assaut de laquelle je m'attaquais pour enfoncer la porte ouverte de l'insignifiance "condiste".

A tout seigneur, le choix du terrain, enfin je crois : commençons donc par le fief de Málaga : depuis 1999, 7 oreilles coupées à la Malagueta en 18 courses et 42 toros dont une fois 2 oreilles.

Pour le reste des arènes de première catégorie :
1 oreille à Barcelone au soleil du 18 juillet 2004 ;
1 oreille à Saragosse en 2003.

Comme je ne suis pas vache, en élargissant à Grenade, Pamplona, Salamanca et Castellón, j'annonce :
2006 : 1 à Granada ;
2004 : 1 à Salamanca / 1+1 à Castellón ;
2003 : 2 à Salamanca / 1 à Castellón ;
2000 : 2 à Granada et
1999 : 2 +1 à Granada (¡cuuuuumbre!)

"Tu parles d'un scoop !" me rétorqueras-tu, lecteur ! Et combien tu auras raison de stigmatiser mes élucubrations profilées sur le voyage de l'évidence...
Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère, mon voisin de tendido (tribune haute à Nîmes) peut-être : à l'issue de la course du 8 mai, tu sauras que sur les 50 euros déboursés (sans les frais) pour t'asseoir juste avant les amphis, tu en auras versés 16,66 pour voir Conde.

"Tu parles d'un gala..."


Pour info Conde n'a plus toréé depuis le 17 août 2004 à Bilbao où il écouta le silence et la bronca.

On clique sur la coupure bricolée de l'ABC du 5 avril, pa' disfrutar.