06 novembre 2005

Etre à poils, ou pas


Sans doute avez-vous vu comme moi, à l’approche de Noël, de spectaculaires affiches montrant des escarpins piétinant de gentils animaux à fourrure qui se tordent de douleur, leur sang giclant presque jusqu’à nos yeux censés être horrifiés ! Le slogan dit : « La fourrure, signe extérieur de cruauté ». Je suis particulièrement à l’aise pour dénoncer ce procédé culpabilisant car personne, dans ma famille ou celle de ma compagne, n’en porte. En tous cas je suis quelqu’un de très cruel, je le reconnais. Je suis tout entier constitué de signes intérieurs et extérieurs de cruauté et de cynisme ! Jugez plutôt : dés le printemps venu, je cours traquer la truite, dés les beaux jours de l’été je persécute les dorades et court les corridas, l’automne venu les bécasses n’ont qu’à bien se tenir, et tout l’hiver, je m’impatiente de recommencer tandis qu’à longueur d’années, je m’efforce de subsister en achetant des morceaux de cadavres d’animaux dûment cuisinés. A Noël je ne déteste pas enfourner un chapon et déguster le résultat de la torture hépatique imposé au bien nommé canard muet qui sinon s’en plaindrait. Je ne cracherai pas non plus, je le confesse, sur la langouste ébouillantée vivante. Qu’un moustique me conteste mon espace aérien, et paf ! je le tue sans remords. Que des pucerons envahissent mes fruitiers, et Zou ! Je pulvérise à tout va ! J’éternue dans mon lit ? Pschiiitt ! je "bombe" les acariens ! Qu’une bactérie m’approche, qu’un microbe m’atteigne ou qu’un virus m’investisse et je les zippe aux antibiotiques ! Non mais ! Je consomme aussi des plantes qui ont été vivantes dans une célèbre vallée de Cuba et partent en fumée pour mon plus grand plaisir. Le plaisir, je le reconnais aussi volontiers, est la notion pécheresse qui me fait accomplir tout cela car j’en ai un besoin moins urgent que l’inuit qui doit s’engoncer dans une peau d’ours et manger de la graisse de phoque pour ne pas mourir congelé. A lui, il serait encore plus périlleux d’essayer d’expliquer qu’il présente des signes extérieurs de cruauté, sous peine qu’il en vienne à présenter des signaux posthumes de vie bâclée...
Mais vous, messieurs-dames qui êtes à l’origine de cette campagne, qui avez sûrement à juste titre pour certains animaux dont la survie est menacée (quoique je fasse confiance à l’homme pour élever ce qui lui rapporte…) renoncé à porter de la fourrure et tiré un trait sur l’alimentation carnée, oui, vous, n’avez-vous jamais utilisé un canapé, une selle, une sangle, une valise, un porte-monnaie, un sac, une sacoche, un cartable, un blouson de peau ? Jamais donné un coup de tête à un authentique ballon de foot ? Ne vous êtes-vous jamais disputé avec quinze autres petits camarades, l’ovale aléatoire ? N’avez-vous jamais retenu votre pantalon par une ceinture ? Fait relier un beau livre ? Ne vous êtes-vous jamais fait fouetter par madame au cours d’une séance sado-maso ? (dans votre beau slip en cuir clouté…) Non ? Bravo ! En toute conscience vous n’aurez pas cautionné un tel carnage. Bravo de vous être toujours chaussé de caoutchouc, de toile et de cordes, de bottes de pluie (mais au fait, et l’Hévéa il n’est pas saigné peut-être ?) et d’espadrilles, car, bien sûr, des chaussures en ces peaux de bêtes aux pieds que l’on dénomme ‘’cuir’’, même dépourvues de leurs poils vous auraient irrémédiablement condamnés à la cruauté que vous dénoncez ! Pauvres anti-corridas qui ne savent même pas qu’ils portent de la peau de taureau aux pieds… ! Va-nu-pieds ! To be à poils or not à poils, that is the hypocrisie…
Elpipodelamarisma