01 décembre 2005

Trapío (VIII)

Lorsqu’il s’agit d’aller vers la facilité et de gagner quatre sous à risques minorés, il se trouve toujours des taurins et des plumes serviles pour s’en prendre à l’aficionado, ce cochon de payant seul responsable des maux qui accablent la fiesta.
Si les toros sont décastés et tombent, n’en doutez pas, c’est à l’afición qu’on le doit et plus particulièrement à celle qui s’attache encore à ce détail désuet et sans importance qu’est l’aspect extérieur du toro de combat : le trapío. Voyons ! la seule chose qui compte, c’est qu’un animal plus ou moins moribond ait la faiblesse de supporter un quart d’heure d’une centaine de passes. Réduisons donc ce tercio de piques barbare et qui n’intéresse que les attardés. Humanisons la fiesta comme ils disent... Si les toros tombent, c’est qu’à la demande des aficionados on les produit trop gros, hors du type, trop armés et surtout trop âgés. C’est à l’âge de trois ans qu’il faudrait les lidier en corrida, comme au bon vieux temps de l’après guerre. Le spectacle en serait plus brillant et tout le monde s’y retrouverait. Halte à l’imposture !
Regardez attentivement ce cliché pris à Madrid à la Venta del Batán. Il s’agit d’un superbe exemplaire de Dolores Aguirre, pur Parladé via Atanasio. Il a été lidié à Las Ventas il y a moins d’un lustre. Le trouvez-vous trop gros ? Trop gras ?
Peu importe son poids, vif ou en canal, car le trapío c’est ça. Rien à voir avec les blocs de saindoux et les éléphants en peluche produits en série par des éleveurs peu scrupuleux qui déshonorent la profession ! Regardez bien ce seigneur, son oeil vif, son port de tête altier, son morrillo enflé et son armure intacte. Vous chercherez vainement à y déceler le moindre atome de graisse. Alors, laissons donc les éléphants à l’Afrique ou à Annibal le carthaginois et conservons sur la rétine les formes splendides et idéales de ce pupille de Doña Dolores, la banquière de Bilbao dont la finca est en Andalousie et le coeur à Madrid. La grande dame pourrait rouler en Rolls, mais elle a coutume de rentrer de la plaza en métro. Nous l’y avons rencontrée.

Texte de Joël Bartolotti tiré de l'ouvrage TOROS - Regards sur la tauromachie, Editions La Renaissance du Livre.