El final más feliz
Par Bastonito
Permettez-moi de ne pas raconter ce qui s’est passé hier à Las Ventas ; et consentez que celui qui bafouille ces quelques lignes maladroites après avoir passé la nuit dehors à parler de sentiments et non de faits, considèrerait comme obscène de réduire la prestation de Luis Francisco Esplá à une simple description chronologique des faits.
Laissons les comptes pour ceux qui préfèrent la quantité à la qualité, pour les comptables du toreo, car aujourd’hui nous allons parler de tout un Matador de Toros, en lettres majuscules, qui a fait ses adieux à l’afición de la capitale.
Hier, dans la piste de Madrid, il n’y avait pas simplement 'Beato', de Victoriano del Río – un morceau de toro, de presque cinq ans, 620 kg, et deux poignards, codicioso et pastueño – et Luis Francisco Esplá – un morceau de torero, la cinquantenaire, 62 kgs et deux narines, intelligent comme pas deux.
Il y avait également la mesquinerie envieuse de ceux qui aujourd’hui encore disent « Oui, mais… »
Il y avait dans l’air le souvenir de l’horrible cornada de Céret, il y a deux ans, qui l’avait envoyé dans l’autre monde pour un instant ; le souvenir de la traversée du désert lorsque les organisateurs l’on mis sur la touche pour avoir défendu des compañeros lâches qui l’avaient désigné comme représentant, avant de lui tourner le dos au moment crucial ; le souvenir de la « corrida du siècle », et la faena extraordinaire par naturelles à cette alimaña de Victorino qui avait blessé El Califa ; le jour de la despedida d’un autre grand maestro, Manolo Vázquez ; l’hommage à Joaquín Vidal...
Nous ne savons pas le raconter, ce n’est à la portée de presque personne, et, précisément, la chronique de Joaquín Vidal, le seul qui aujourd’hui nous manque – tu as raison Miguel.
Pour différentes raisons, nous nous retrouvons sans nos maîtres ; et derrière eux, il n’apparaît personne avec la catégorie suffisante pour s’élever à leur hauteur et servir d’exemple aux générations futures.
Hier, 5 juin 2009, une page de l’histoire de la tauromachie a été écrite, elle sera également la dernière de la biographie madrilène d’un torero, Luis Francisco Esplá, qui depuis quelques années n’avait pas donné l’opportunité aux capitalistes de le porter en triomphe des arènes.
Exceptionnellement il l’a consenti ce jour lorsqu’une fille lui a dit : "Anda, papá, déjate, por favor..." et il fut élevé vers les cieux, par son propre fils, Alejandro, entouré d’une multitude d’aficionados plein de ferveur et de toreros quasiment en extase
Alors que la procession traversait la Porte de Madrid, en direction de la rue Alcalá, les aficionados continuaient d’applaudir, les yeux pleins de larmes, ce Monsieur de lumière qu’ils voyaient encore sur les écrans des téléviseurs des coursives.
Ensuite, quelques gin-fizz au Chicote et une tertulia taurina – une vraie, avec les amis – jusqu’à cinq heures et demie du matin.
De tout cela, il nous restera un souvenir impérissable dont nous serons pour toujours reconnaissants à Luis Francisco Esplá et à l’esprit de la plaza de Madrid, qui continue à être la seule et unique capable de produire pareilles sensations, qui, hier, nous ont tous transportés.
Merci, Maestro, Merci, Madrid.
Et la photo est évidemment de Juan Pelegrín.