Ce sera la Saga de l'été. Une saga avec son lot de trahisons, d'histoires secrètes, d'Histoire tout court, d'amour et d'illusions, de sang et de morts, une saga où sentremêlent les passions mais dans laquelle, finalement, trône le toro. Sortez les mouchoirs, préparez glaces et autres douceurs, en route...
1982-Madrid-1er juin, la nuit est tombée.
Chemise ouverte, dents en or qui brillent, Victorino Martín Andrés chevauche la fortune. Ses toros – qu’il élève encore avec son frère Adolfo Martín Andrés – ont maintenant un prénom. En combattant bravement, 'Pobretón', 'Playero', 'Mosquetero', 'Director', 'Gastoso' et 'Carcelero' sont devenus légende.
Fin août 1982-Aplausos n° 256*, Victorino Martín marche à nouveau sur terre, lourdement.
Au terme de sa reseña de la course de Victorino Martín lidiée à Bilbao, Salvador Pascual rajoute ces quelques lignes, l’air de ne pas y toucher : "Dans la nuit, il se murmurait à Bilbao que le second et même le quatrième Victorino portaient le fer de El Tomillar et qu’on avait mis celui de Victorino dessus". Victorino, maintenant, nage en aux troubles. A sa décharge, soulignons que le chroniqueur d’Aplausos n’est pas un inconditionnel du paleto et qu’en cela, il respecte à la lettre l’esprit partisan voire partial de la revista valencienne qui n’a alors d’yeux que pour Pablo Romero et Miura.
Soudain touchée par les lumières d’un journalisme vertueux, Aplausos s’engage alors dans une investigation au long cours qui dure jusqu’au début de l’année 1983 et dans laquelle elle réussit à entraîner jusqu’au Ministère de l’intérieur espagnol. L’affaire d’ailleurs n’est pas mince car il s’agit de prouver rien moins que monsieur Victorino Martín Andrés a fait lidier sous son nom des toros faussement marqués de la A coronada. Sacrilège, malheur… Shame on you Victorin ! Il en va [selon Aplausos] de la réputation de tous les ganaderos qui risquent de se voir éclaboussés par les magouilles frauduleuses de ce paysan de Galapagar ; surtout évidemment Pablo Romero et Eduardo Miura, vierges incandescentes qui jamais n’ont ouvert leurs cuisses fermes aux tentations tranchantes d’un barbier mal embouché. Donc, entre photographies éloquentes, analyses supra pertinentes et questionnements ontologiques, la revue annonce chaque semaine un nouveau cas de "faux victorino". Ici à Valladolid, là à Dax et Bilbao – et même peut-être à Madrid mais l’attaque pour le coup est moins assurée. Re-marquage au fer**, mise en évidence – à la loupe – de señales qui ne sont pas ceux de Victorino, analyse de la morphologie a-victorinnienne de certains exemplaires, tout y passe dans une furie hebdomadaire aux relents d’hallali.
Aujourd’hui, alors que l’afición a encore en tête l’affaire Victorino de 1990 (année au cours de laquelle il fit lidier toute sa camada en France), il semblerait que le temps ait fait son œuvre en ce qui concerne l’affaire de 1982. Ainsi, la ganadería de "El Tomillar" a retrouvé une place de choix dans les limbes moites de l’oubli et il est devenu complexe de reconstituer le puzzle de l’histoire mouvementée de cet élevage.
A suivre...
* Revue Aplausos, n° 256, 23 août 1983.
** Une affaire semblable avait défrayé la chronique en 1976 à Dax où un toro de Bohórquez aurait été re-marqué pour prétendre à l'âge légal. Vous pouvez trouver les détails de cette affaire dans l'ouvrage de Marc Roumengou, Fraudes sur les taureaux de combat, 1977, édité par l'auteur.
30 juin 2009
"C'est peut-être les chiens..." (I)
Libellés :
1982,
El Tomillar,
Laurent Larrieu,
Revue Aplausos,
Victorino Martín