
Vous pouvez retrouver dans la rubrique CAMPOS une galerie des toros d'Hubert Yonnet.
Photographie Un sardo d'Hubert Yonnet © JotaC / Camposyruedos
LA LIDIA, lunes 5 de mayo de 1884
LA VOCACIÓN
Nuestro cromo de hoy es una nota cómico-taurina, debida al chispeante lápiz de Perea. La larva del matador de toros está representada en un desarrapado mocete, que con estoque de palo y muleta que ha servido antes para aljofifar las narices, cita con ahinco al manso buey de carreta que tiene delante. ¿Va á recibir? ¿Va á aguantar? ¡Nadie lo sabe!...
Otro mocete contempla azorado al espada y se prepara al quite, mientras un público liliputiense, desde los sacos que descansan en la carreta, asiste ai espectáculo, entre barreras.
¡Cuántos toreros, que hoy lo son, en toda la extensión de la palabra, recordarán al ver este episodio de pura fantasía, alguna escena real de su niñez!
LA VOCATION
Notre chromo du jour est empreinte d'une note comico-taurine due à l'étincelant coup de crayon de Perea. Une larve de matador représentée par un marmot débraillé, tente d'estoquer à l'aide d'un bâton et d'une muleta qui servait de mouchoir, un paisible bœuf d'attelage en se plaçant obstinément devant lui pour le citer. Va-t-il contenir la charge ? Va-t-il résister ? Nul ne le sait !
Un autre gamin contemple la scène et seconde le spadassin, prêt à effectuer le quite salvateur, pendant qu'un public de lilliputiens, assis sur des sacs chargés dans la charrette, assiste au spectacle accroché aux barreaux.
Combien de toreros, qui le sont aujourd'hui dans toute l'acception du terme, retrouveront dans cet épisode purement imaginaire une scène réelle de leur enfance !
Pourquoi font-ils tout ça ? Pour la gloire et l’argent ?
« Tout petit, je voulais être célèbre et je ne faisais rien pour. À l’école, je m’avérais très vite un élève inexistant. Par goût. J’ai toujours été persuadé — je le suis encore — que les diplômes sont faits pour les gens qui n’ont pas de talent. Malheureusement, il ne suffit pas de ne pas avoir de diplômes pour avoir du talent.
[…] Il se dessine de façon tangible, dans votre génération qui monte, mon camarade, une espèce d’ambition glacée d’arriver par le fric et un mépris cynique de tous les idéaux assez peu compatible avec l’idée qu’on se fait de la jeunesse éternelle génératrice de fougues irréfléchies et de colères gratuites. »
Pierre Desproges, Chroniques de la haine ordinaire, Éditions du Seuil, 2008.
Pourquoi veulent-ils devenir toreros tous ces jeunes à la tauromachie stéréotypée, formatée et sans âme ? Par vocation ?
En forme de comédie aigre-douce, de farce à l'italienne (hilarante mais glauque), la Plaza la plus importante du Monde, celle de Las Ventas, fut le théâtre d'une feria surprenante en ce chaud week-end d'automne. Un genre de corrida-bouffe pour beignets, enveloppée de gros noeuds roses. Broadway sur Alcalá. Samedi, les Núñez del Cuvillo, anovillados, sont livrés sans mauvaises intentions apparentes, les deux "artistes" du cartel ont le génie d'en voir suffisamment pour finir sous une tendre bronca : je te siffle pour la forme, "Va je ne te hais point." Pour les détails Apariciens et Morantistas, Las Ventas eut les yeux de Chimène et la mansuétude de Raimu pour Ginette Leclerc.
Ginette Leclerc...
Moins salopes, plus ingénues : "Ah ouais elle est trop belle celle-là !" s'exclamait un groupe de jeunes filles ce soir au Zenith dans un enthousiasme sincère et juvénile aux premiers accords de quelques chansons de Pete Doherty. La lycéenne était de sortie, la moiteur de saison.
"Trroooop bien !" : 2 "r" et 4 "o", pas moins. Allez savoir pourquoi, j'imaginais les mêmes ou leurs cousines à Madrid, égrenant passes après passes le rosaire du répertoire Castellien, samedi soir. J'ai décidément l'esprit tordu.
Madrid s'offrait un été indien, le 3è Núñez del Cuvillo une alegría dans la charge, Castella sa science de la rentabilisation, à faire pâlir un fonds de pension, et un résumé extensif de sa tauromachie technique et assurée : débuts par cambio dans le dos, naturelles templées, muleta intacte, verticalité décroisée sur deux séries de la gauche. Puis chariot de remates entre les cornes dès la 4e série en guise de sucre. Tourbillons de pendules à complication (ou l'inverse), redondos inversés ajustés à faire se pâmer Nîmes et délirer Arles, estocade efficace dans le rincón. Exit Chimène, la retenue toute castillane, à bas les mantilles, Las Ventas sentait la pisse au sens groupie du terme2. Deux oreilles tombent du palco, on demande un rappel pour le toro gentil. Tout était offert : la tauromachie moderne, la noblesse en sirop de maïs, la foule en délire, le deuxième trophée, là même où l'on consentait encore à les compter. En marketing, ça se dit BOGOF (Buy one get one free), deux pour le prix d'une, offre spéciale.
De Lima, on m'avait donc directement expédié à Madrid-plage, ces Péruviens sont forts comme des Pékinois ! Ahuri et jet-laggé, j'étais le père de famille largué face à la grande qui sort du concert en transes. "Mais tu peux pas comprendre !"
Chienne de vie, je n'ai même pas 30 ans.
1 Dead Flowers - The Rolling Stones
2 A ne pas confondre avec le sens Jean-Pierre Marielle du mot : "Aaaah, toi tu sens la pisse, pas l'eau bénite !" (in les Galettes de Pont-Aven - Dialogue allongé avec Andréa Ferréol).