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30 octobre 2011

11/11/11


Saint-Sever, le lundi 1er janvier 2011 au soir.

Il est tôt, pourtant la nuit est déjà là. Une brume mélancolique bien caractéristique de cette période de l’année s'est emparée de la cité. Le silence renforce encore cette impression étrange des soirs bien particuliers où la chaleur humaine se mélange à la fatigue, donnant un sentiment de joie dans une ambiance triste qui s'allie à la fraîcheur hivernale. Les branches s’agitent sous la petite bise et un corbeau s'envole, sans troubler toutefois la résonance du silence qui règne autour du cloître des Jacobins. Soudain, à quelques pas, un bruit rompt ce vide étourdissant. Le bruit devient pluriel, des sons qui à leur tour deviennent des mots. Des mots pour des phrases, des idées, un événement, un rêve.
« Eh, Jojo ! T'as vu on est le 01/01/2011. Ça fait beaucoup de 0 et de de 1 !
― Depuis quand tu t'y connais, toi, en informatique ? Tu "beugues" ?
― Je ne suis peut-être pas informaticien, mais on est le 01/01/2011 et, en 2011, notre jour c'est le 11/11/2011. 11/11/11 ! C’est quand même pas tous les jours. Faudrait faire quelque chose. Moi, c'est c'que j'dis ! »

Jojo et Beber sont là, dans le vide landais à palabrer. D’ailleurs, Jojo et Beber ils sont toujours là, même quand ils ne sont pas là. Ils sont membres de la Peña Jeune Aficion, Jojo et Beber. Les plus vieux, ou peut-être bien les plus jeunes, qu'importe. En tout cas, ils ont de l'afición et sont de Saint-Sever. Et si Jojo et Beber lancent des paroles en l'air, leurs mots ne s’envolent pas pour autant. Ils retombent.
Jojo, il aime le fino et a l'habitude de le siroter avec Beber, le soir, dans leur bonne petite ville de Saint-Sever. C'est leur petit moment à eux, le sirotage, et à chaque fois le sirop est accompagné de toro. Il y a d'abord cet Osborne noir gravé sur leur verre. Mais le Juan PedrO, chez Beber et Jojo, ça s'arrête là. À eux, leur truc, c'est plutôt l'irréel, ce qui n'existe pas. Enfin, ce qui n'existe pas chez les autres, mais qui existe chez eux et pas seulement dans leurs têtes.

Jojo et Beber ils ont des rêves, trop de rêves ; c’est ça en fait leur problème à Jojo et Beber, c’est qu’ils ont trop de rêves et n’ont qu’une peur : ne pas pouvoir tous les réaliser. Alors ils sirotent. Mais plus ils sirotent et plus ils ont de rêves. Foutu esprit ! En plus, siroter ils adorent ça, faut bien l’avouer. Alors que d’autres feraient tout pour avoir des idées, comme organiser des colloques, des réunions de travail ou des séminaires, payer des penseurs : rien ne prend ni ne pousse. Alors que, chez Jojo et Beber, à la moindre gorgée tout prend. Foutu sirop ! Jojo et Beber ils les donneraient bien leurs idées car ils n’en tirent aucune gloire, c’est juste qu’ils en ont trop. Mais leurs idées à eux, ça ne les fait pas rêver les autres, ceux qui sirotent jamais parce que ça leur ôte les idées qu’ils n’ont pas. Vous avouerez qu’il est bizarre ce sirop.

« 11/11/11 tout de même !
― Il faut faire quelque chose, quelque chose de...
― 11 novillos !
― Chiche !
― Oui, mais 11 novillos de 11 élevages différents !
― 11 novillos, 11 élevages et 11 encastes. 11/11/11 !
― Et pas de Juan PedrO !
― Tope là ! »
Jojo et Beber ils balancent pas des paroles en l’air. Leurs rêves ils les réalisent. Ils sont comme ça Jojo et Beber.
Texte de Thomas Thuriès

Liens Le programme de la semaine taurino-culturelle de Saint-Sever sur le site de la Peña Jeune Aficion & la présentation des élevages de la Fête des encastes du 11/11/11 par Thomas Thuriès.

Images Affiche de la journée des encastes © Mathieu Sodore & photographie d'un exemplaire de l'élevage Valrubio (Vega-Villar) qui sera tienté le matin © Peña Jeune Aficion

13 octobre 2009

À Saint-Sever, en novembre


Le programme est long ! Il est même écrit en tout petit sur leur site mais y'a soirée relâche le jeudi 12 novembre. Ça va causer de toros parce que ça s'appelle la Semaine taurino-culturelle (la 25e paraît-il) mais la culture taurine a bon dos quand il ne s'agit ni plus ni moins que de rassembler des copains vieux de toujours autour d'une glutte (ne t'énerve pas Ciego, je sais que vous boirez aussi du vin...) d'arrière saison. Alors les conférences, les rastros taurins et autres vernissages, ce n'est pas à nous que vous la ferez les gars !
En lisant les toutes petites lettres, on découvre qu'il y aura une soirée débat avec Juan Sánchez-Fabrés, María Jesús Gualda (El Añadío) et Mariano Cifuentes, débat évidemment tourné autour de l'encaste Coquilla. Ce sera d'ailleurs une novillada non piquée de Mariano Cifuentes qui sera lidiée le mercredi 11 novembre à 16 heures aux arènes de Morlanne.
En s'approchant encore des petites lettres, ils vont se faire du cinéma avec le film La main bleue de Floreal Peleato qui, dixit le synopsis, "décrit le processus créatif chez Mathieu Sodore lors de la réalisation d’une série de grands formats inspirés par certains chants flamencos". Et c'est justement une oeuvre de Mathieu Sodore qu'on a volontairement emprunté sur le blog du Ciego... On salue les deux et les autres !

Ça se passera à Saint-Sever du 5 au 14 novembre 2009, organisé par la Peña Jeune Aficion avec la présence des habituels buveurs de gluttes d'arrière-saison... À la vôtre !

30 juillet 2009

On remplacera toujours le progrès


Aujourd’hui Philippe nous a trouvé la formule ""L'humain a besoin de temps"... Le reste ne devrait pas tarder à sortir..."
Je trouve ça très… Juste très. C’est juste que le reste, même si ça tourne bien souvent autour de pas grand-chose de très reluisant, eh bien c’est le reste…

Sinon ne manquez pas d’aller faire un tour chez le ciego, par là. Il y parle d’Orthez, de cigares, de la folle blanche de Martine Lafitte que nous avons partagée et de rencontres. Là, sur la photo, un trio assez improbable : Jaydie, de Manhattan-lès-Avignon, Ludo 'le Ciego' et Mathieu Sodore, le peintre français, de Lisbonne. ¡Hay arte! s’exclame Yaya.

Ce fut sympa, très sympa. Rencontrer le "Hautbois mélancolique" (qui connaît même les cavistes intimistes montpelliérains), Bernard Grandchamp, Isa du Moun, et tous les autres. Comme le dit si joliment le Ciego « le bonheur sur les visages c'est celui de pouvoir enfin parler en vrai à des types dont d'habitude tu lis les humeurs de clavier. On remplacera toujours le progrès. »

Et enfin, sur la rubrique RUEDOS du site la galerie consacrée à la corrida d’Orthez.

Orthez 2009

10 janvier 2008

Et une nouvelle année de "Nouvelle Tauromachie", une !


En des temps où il faisait encore beau et chaud, après la lecture de l’ouvrage Afición je trouvai "El Tío Pepe" (1911-1992) un peu paternaliste, sûr de lui-même, parfois vieux jeu et un poil égocentrique quand il répond aux questions que lui pose... Jean-Pierre Darracq ! Rien que de très humain en somme. Quoi qu’il en soit, et ce n’est pas moi qui vous l’apprendrai, il possédait une culture tauromachique immense et savait sacrément bien la mettre au service de sa vision d'une Fiesta authentique, intègre et juste.
Au cours d’une nouvelle et récente plongée dans sa Genèse de la corrida moderne1, le "rabat-joie" que je suis a recueilli dans son filet ce passage où le "Tío Pepe" décrit2, en 1990, ce qu’est à ses yeux la Nouvelle Tauromachie. Et tauromachiquement parlant, 1990 c’est comme qui dirait aujourd’hui, demain, après-demain... :

« La période de laxisme qui allait déboucher de nos jours sur la Nouvelle Tauromachie* a commencé dans les années trente lorsque mes aînés ont eu la faiblesse de tolérer que les peones accueillent de moins en moins souvent le toro tout neuf au moyen de largas rectilignes à une main pour user de capotazos à deux mains sous l’œil indifférent ou complice de leurs matadors. Certes, les cris de protestation résonnaient-ils sur les tendidos, mais insuffisants. Dans les comptes rendus de corridas (et surtout dans Le Toril) les critiques de l’époque s’indignaient de cette pratique nouvelle, mais elle ne cessa de gagner du terrain. [...]
Donc, dans ces années d’avant-guerre, les matadors, par une sorte de lâche complaisance, semblent faire cause commune avec leurs subalternes en fermant les yeux sur les abus dont ces derniers se rendent coupables, le principal étant le toreo de cape à deux mains, dur, sec, meurtrier. Ce que nous appelons recortes. Cet abandon tacite d’autorité du matador sur son personnel trouvait sa compensation dans l’amoindrissement des forces du toro. Et comme nul, à aucun moment, n’entreprit de remettre les choses à leur place, plus jamais désormais on ne verra un matador renvoyer au burladero l’exécuteur des basses œuvres. [...]
Alors, qu’est-ce donc que la Nouvelle Tauromachie ? C’est un concept nouveau résultant de la connivence entre le matador et sa cuadrilla, concourant pratiquement à la suppression de la lidia*, devenue inutile grâce à l’interaction des peones, du picador et du matador, en présence d’un animal dont la bravoure originelle a subi des correctifs*. Dès son entrée en piste la bête est prise en charge par un peón, ou deux (merci pour les coups dans les planches), férocement "récortée", puis par le matador en cinq, six véroniques-torsion, plus une ou deux demi-véroniques (recortes). Le picador entre en scène ; des regards et des signes discrets* sont échangés ; curieusement la pique tombe très en arrière du morrillo, complétée par une bonne carioca ou par l’appui du cheval contre les planches assortis de pompage. Dur pour le bestiau, et, meilleur il est, plus c’est dur. Qui voit-on au quite ? Le matador, dont c’est le tour ? Pensez donc : un peón. Soucieux de sa dignité, le matador ne travaille pas : il regarde. Si le toro lui parait bon, il condescendra peut-être à nous servir trois véroniques ou les trois chicuelinas de routine. Et sinon, rien. Aux peones les basses besognes et la préparation en vue du deuxième tercio. Long ; trop long ; les coups de cape s’additionnent. Si vous avez compté depuis l’entrée du toro jusqu’à la première passe de muleta vous ne devriez pas être très loin de la quarantaine de capotazos. Vous voyez bien ! Plus la pique. Pour un toro moyen, commercial et soso, tout ça tient lieu de lidia. Un brindis et il ne reste plus à Manzanares qu’à s’étirer (joliment d’ailleurs) au long des séries profilées, compas ouvert mais pieds parallèles, de derechazos et de naturelles-bidon. Quand tout se passe bien, c’est vrai que c’est très agréable à voir. Le public est ravi ; les oreilles tombent. (Oui, mais l’estocade... Quoi, l’estocade ?... [...]) L’espèce des "gourmands d’oreilles" existe bel et bien comme produit d’une tauromachie devenue moins dramatique, précisément la Nouvelle Tauromachie. Elle a sécrété ses adeptes qui vont à la plaza comme vers un magasin. Donnant, donnant. Des oreilles contre mon fric. Le toro, l’éducation taurine, j’en ai rien à foutre ! [...]
La Nouvelle Tauromachie [...] est une violation permanente des règles et principes sur lesquels s’est fondée la Fiesta Brava depuis deux siècles, elle est porteuse d’illusions mais elle mène au désespoir [...] ces petits jeunes à qui on a inculqué une seule idée : baisser la main et templar [...] »

1 Jean-Pierre Darracq "El Tío Pepe", Genèse de la corrida moderne, Editions Cairn, Pau, 2000, pp. 91-96.
2 En des termes pas toujours amènes, car, malgré son éducation et ses quasi 80 printemps, Jean-Pierre Darracq pouvait être dur voire impitoyable. Et encore, j’ai coupé...
* Note CyR : en italique dans le texte.

Image Un toro con toda la barba pas franchement en phase avec le sujet, mais qu’importe. Illustrations de Genèse de la corrida moderne © Mathieu Sodore

11 novembre 2006

Les yeux sombres du toreo


Aujourd'hui prend fin la Semaine taurino-culturelle de Saint-Sever (Landes). Sympathique manifestation qui jongle entre les conférences, la pratique et l'art. Le toro est au centre, omniprésent, en chair, en cornes et en peinture. L'affiche de l'année est signée Mathieu Sodore (ci-dessus). Elle et d'autres oeuvres de l'artiste sont exposées dans le charmant cloître des Jacobins de la cité du Cap de Gascogne. N'hésitez pas à vous rendre à une exposition de ce peintre car ses portraits en noir et blanc des vieux maestros de la tauromachie (El Gallo par exemple) ou d'un monstre du cante comme Camarón sont remarquables de tragédie et de profondeur. La surprise fut excellente. À noter aussi, lors de cette exposition, les oeuvres, reconnaissables, de Jacques Bacarisse et celles, moins connues mais pleines d'expression et de force, de Michel Echevarria, peintre local puisque installé à Seignosse sur la côte landaise. Félicitons l'heureuse initiative de la Peña Jeune Afición de Saint-Sever de se démener de la sorte pour offrir, chaque année, cette manisfestation aux aficionados, et aux autres évidemment...