... vu par Javier Arroyo. C'était hier. Galerie à venir.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré
J'imagine aussi qu'arrivant harassé et forcément déçu d'être enfin parvenu à ce bout du monde, Valparaiso devient théâtre du "Port" du "Spleen de Paris"...
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.
Mais foin de Baudelaire qui ne croisa qu'en océans Atlantique et Indien ou du Cuba de Heredia, Valparaiso est en fait la ville de Pablo Neruda et n'a pas dû accueillir de corrida depuis quelques lustres. Cependant, la ville célèbre les "toros" jusqu'au 3 mars au moyen d'une curieuse ellipse...
En 1960, la maison d'éditions "Le Vent d'Arles" publia le fruit d'une rencontre qu'elle avait intiée entre Picasso et le poète chilien Pablo Neruda autour du thème du toro. Comme une évidence, la série de 15 estampes, accompagnée d'un long poème de Neruda, sortit sous le titre de Toros. 500 + 20 exemplaires de ce recueil furent dispersés et, aujourd'hui, je dois avouer avoir toute les peines du monde à trouver une transcription des vers de Neruda en version originale. Je ne suis parvenu qu'à trouver la traduction en français par Jean Marcenac qui faisait aussi partie de l'ouvrage.
La Fondation Neruda et la Fondation Itaù, par l'intermédiaire de Manuel Basoalto, entreprirent de retrouver un exemplaire du recueil et après de longues recherches (4 ans !) en Europe, finirent par trouver le graal à... Santiago du Chili chez un collectionneur. Les différents articles trouvés sur le Net ne tarissent pas d'éloges sur la qualité du travail de reproduction, utilisant les mêmes techniques et les mêmes matériaux (coton importé d'Europe) que pour la première édition de 1960. Une exposition vient compléter ce travail minutieux et offrir au public chilien ces lithographies taurines... et la planète taurine s'élargit un peu l'espace de quelques jours.
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes aux bords mystérieux du monde
occidental - Heredia
Et le "Vent d'Arles" vers le Chili !
Hasta el 2 de Marzo, de martes a domingo de 10:30 a 18:50 horas
Centro Cultural La Sebastiana
Ferrari, 692
Valparaiso
La traduction du poème par Jean Marcenac + photos des lithographies. Article sur l'exposition par la Fondation Neruda & la photo de Valparaiso est tirée du blog de mon excellent ami Vincent Mouren.
Il a goûté de tout mais du bout des papilles, seulement, comme de loin.
-"Allez-y, resservez-vous" lui a-t-on dit, voyant qu'il apréciait ce qui s'offrait sur cette table de plaisirs simples plantée à deux pas de l'embarcadero. Il nous a confié être diabétique, qu'il devait faire attention même s'il adorait ce que nous avions apporté. Il aimait, il ne pouvait pas.
Clin d'oeil ou masochisme, Javier Gallego García élève des toros sucre de canne. Et l'Afición, diabétique à ses heures, en use avec parcimonie, du bout des papilles, seulement, comme de loin. Ça colle le diabète ces vieux machins de Veragua et les taurinos, après la chuleta d'un kilomètre "que viene con patatas" et le Bacardi-Limón, n'ont pas besoin de ça, en plus.
Juan Pedro Domecq de Villavicencio, délicatement, très délicatement, en déposa de fines gouttelettes dans son café La Corte puis détourna le ruisseau loin de lui comme effrayé d'une peste assassine pour un sang "bleu" aujourd'hui vendu "sin azúcar". Putain d'aspartame !
Le papy de Javier Gallego, Enrique García González, aimait le sucre et méprisait ses artères. Un suicidé au long cours pour ainsi dire. Quoique, acheter du Veragua de José Enrique Calderón via le Duc de Gandía y Osuna en 1951 n'avait pas un caractère aussi désespéré qu'il n'y paraît actuellement. Les toros jaboneros, petit-fillots de ceux de la lignée des Cristobal Colón, étaient encore des friandises pour certaines figuras qui s'en remuaient les globules rouges de devoir affronter ce sucre en cannes.
Javier Gallego, sérieux provocateur, a tout gardé du papy, instinct de survie et surtout d'afición. Il en faut un montón par litre de sang pour tenter de conserver en pureza le bétail de la casa. A croire qu'en lui se joue un combat gigantesque entre afición et glucose pour sauver ses toros sucre de canne. Tant qu'il sera en vie, eux seront là et le campo de Colmenar Viejo abritera de ses rocailles rondes et grises les cousins des musculeux Prieto. Javier Gallego était sûr de lui, aussi sûr qu'il savait qu'il ne reprendrait pas de rillettes. Nous l'avons cru, ses enfants également semblaient le croire...
En quittant l'anodin chemin de terre qui mène à la finca, on prend à gauche vers Soto del Real. Immédiatement sur la droite surgissent, peut-être du passé, les formes lourdes et anguleuses de chars d'assaut de l'armée espagnole. Ils sont exposés là, dans ce cimetière de ferraille bruyante, et, autour, pousse la vie d'une laide urbanización dans laquelle même des murs coulent les larmes de la monotonie d'une époque. Dans le creux des collines, deux traits noirs se débattent dans les volutes rosées d'un ciel urbain... Madrid est là, après, déjà ici.
Mais tant qu'il sera en vie, eux seront là, aussi... Il nous l'a dit.
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