06 mai 2009

Morante, El Cid et Victorino sont dans un bateau...


C'est vrai qu'ils sont loin les antiques Albaserrada des héritiers d'Escudero Calvo, les éléphantesques cárdenos du Père Martín qui ont fait frémir nos darons et nous, on a plus que quelques VHS d'une lointaine corrida de juin 82 vendues sous le manteau pour les pleurer. On ne sait que trop bien la page d'histoire que les Victorino noircirent à coups de pitones veletos, de mufles dans le sable ou dans la gueule, des coups de pute et de pattes de droite et de gauche... Rendez-vous compte, ce type a fait 50 ans de révolution au coeur d'institutions si bien établies, allant même jusqu'à fouler de son godillot de bouseux mal embouché les écritures divines du Saint des Saints madrilène, avec un bestiau à lui, un dénommé 'Belador'. Bref, le sorcier de Galapagar a écrit une des plus belles pages de l'Afición a los Toros de ce siècle de la tauromachie contemporaine, mais voilà qu'en l'an 2000, Victorino n'est plus aussi terrifiant, plus aussi rèche, plus aussi âpre, plus aussi craint, ou ne semble plus l'être, du moins, c’est ce qui se dit... Paraît que le fiston a de plus nobles ambitions pour ses pupilles. Business, air du temps et crise en fond d'écran ? Perhaps... Enfin bref, QUE NON ! Je ne suis pas en train de prononcer l'éloge funèbre du paleto, et même je ne m'en fais pas vraiment pour le vieux grigou dégarni, bien trop malin pour se laisser couler comme un Koursk résigné au fond d’une mer gelée. Mais force est de constater que les solides bravas de Victorino qu'a pu se péguer Andrés Vázquez quelques fois sous le règne asphalté de la Renault12, le col épais, la gueule en haut, la corne effleurant le cul des Dieux de l'Olympe, le regard du légionnaire en mission, qui pète dans les petos, et pétarade sur l'espada dans la plaza espantée PIF ! PAF !, est à classer dans l'album des photos « noir et blanc », à côté de pépé quand il était un jeune mâle fringant et de mémé quand le vent soulevait sa jupe un peu légère et la faisait partir en éclat.

On le sait. Ça fait plus de 10 ans que c'est comme ça. Les archéologues vous diraient plus, peut-être.. Alors donc, n'attendez pas de moi que je vous dise que ce lot sévillan sortit enthousiasmant. Il est même sorti ô combien faiblasssse, du genio jusque sous les sabots, moins brave qu'un quinziste et puis voilà. Décasté ? Non, je ne crois pas... "Le manso absolu n'existe pas"... Juste des petites anecdotes qui me le font penser, même si... alors, non, pas décasté. Mais bon, finalement non, pas bon non plus, pas un pet, même.
Seulement voilà, quelque chose m'empêche de dormir serein, quelque chose d'autre que le prix que j'ai mis pour acheter ma place à ces crevards de revendeurs. Quelque chose qui me pousse à croire que, quand les bravos sont rudes comme un tampon "épaule opposée" de Sonny B. Williamson, chiants comme un roman de Marguerite Duras, et ne veulent rien savoir des moeurs de bonne conduite de la mère Rothschild, le moyen le plus évident de les faire apparaître au client, c'est de les dévoiler... et on dévoile un toro, bon ou pas, par la lidia. Point barre.

Ainsi donc, si Victorino tombe à l'eau, qui reste-t-il ?...

Il ya des toros que je ne me verrai pas considérer par-dessus la jambe, mais les Victorino, je ne me permettrais même pas d'y songer ; et ce quelque chose qui me chagrine, c'est le lidiador qui ne s'est pas réveillé ce jour, ou qu'on n'a pas invité à la noce... Peut-être que finalement, cette alimaña cárdena sévillane dont j'ai tant entendu souffler, aurait pu être une course solide et rugueuse, quitte à être défectueuse, mais j'aurais tant voulu qu'on me le prouve autrement qu'avec le toreo le plus fleuri d'Andalousie. En cette tarde bénie, peut-être trop de figuras au mètre carré, la douce clarinette d'un côté, le langoureux violon de l'autre, et au milieu, les fracassantes percussions ! Des promesses et des rêves, y'en avait pour tous les goûts, trop sans doute, puisque finalement on ne sut jamais vraiment qui jouait la partoche... Mélodie foirée, opéra foireux. D'où ce petit goût d'eau salée, qui ne passe pas....

Alors voilà, je te pardonne, Señor Cid, d'être au fond du sac, ces derniers temps. Je te pardonne, joli Morante, d'être torero des toreros, la caboche pleine de merde spirituelle, et puis je te pardonne, vieux singe de Victorino, de succomber à tous les charmes de ton siècle... Quant à toi, piquero de malheur avec tes varas carambars, je n'ai même plus la force de te reprocher quoi que ce soit, tant tu es loin de maîtriser quelque chose, dans toute cette histoire... Mais comment peux-tu être aussi con, public sévillan, et mépriser tant le toro-toro autrefois bon, aujourd'hui "has been", pour deux noms sentant bon le romarin et trois muletazos à peine effleurés de l'esprit pour lesquels tu aurais vendu le corps de tes femmes... Je t'en veux de ta connerie de ce jour, de tes braillements d'enfant gâté, de ce rendez-vous improbable et manqué qui ne devait pas avoir lieu, et je t'en veux, public de partout, de ne plus vouloir prendre la mesure de ces bestiaux sans classe qui se seraient bien passés de toute cette faiblesse, cette mansedumbre, qui les accablent lamentablement, et qui auraient certainement aimé mourir en fiers et beaux combattants, plutôt qu'en bedigues insupportables, mais ce n'était pas écrit dans les gènes de ces sept-là, ni dans leur tronche, ni dans leurs couilles. Pourtant ils la méritaient aussi, leur putain de lidia qu'on ne leur donnât jamais. Mais ce n’était pas à l’ordre du jour, on s’est trompé de casting et en plus, on le savait tous…

Mauvais endroit au mauvais moment… Concluons-en que le mélange des genres ne va plus bien aux Toros, et que trop de grands noms dans aussi peu d’espace, cela a peut-être cassé l’ambiance.

>>> Retrouvez, sur le site rubrique RUEDOS, la galerie de la corrida de Victorino Martín à Séville.

Dessin © Jérôme 'El Batacazo' Pradet