13 mai 2009

Dans la tête d'Hervé Galtier


Dans le magma des gens que nous rencontrons et côtoyons, il est tentant de répertorier, catégoriser, classer, définir, résumer, archiver les caractères des uns et des autres à gros traits et peu de frais : chieuse, gentil mais un peu lourd, intello, obsédé, pédant, adorable, cool, j'en passe et des plus vagues... Dans un grand Tetris du préjugé, des rapports sociaux et de l'étiquette dans tous les sens du terme, on s'arrange sans trop de contorsions à faire rentrer X et Y dans des cases et chacun s'arrange pour jouer peu ou prou son rôle : X est vraiment chic, Y est un con. Et le monde tourne rond...
Restent les réfractaires : flagrants ou non. Réfractaires face auxquels on a pas envie de passer son chemin et dont on est curieux... les insondables et les difformes qui dépassent des dossiers, un "Freaks Barnum" dans le confort duveteux du comportement classifié.

Février 2009, Villejuif : Agujetas gonfle son torse formidable, torture pêle-mêle l'air, sa poitrine, ses cordes vocales, éreinte ses muscles et lessive son public : c'est une évidence, là-dedans il se passe quelque chose qui me dépasse.
Il se passe aussi quelque chose dans la tête d'Hervé Galtier, c'est une certitude. Et une énigme. J'irais bien y faire un tour un jour et vous raconter le voyage (pour Agujetas, la visite de ses tripes et de son coeur tient de l'aller sans retour). Hervé Galtier est un réfractaire moins flagrant de prime abord, mais pas forcément moins flamenco. Quelques faits :

Hervé Galtier a commencé en capea avec Nimeño, Bonijol et des vaches de race indéfinie. L'un est devenu Nimeño, l'autre novillero et Hervé a fait des études. S'en est-il jamais remis ? Les vaches sont restées et continuent à "cadrer-déborder" les prácticos qu'Hervé emmène faire leurs premières armes. D'EPS, de judo et de toreo, Hervé Galtier est professeur.

Prof, Il en a la dégaine, engoncé dans son bonnet et sa parka, bloc-notes et stylo à la main, distillant ses instructions du bord de la placita. Se croiser, toquer, se placer, "Quite ! — A gauche ! — Dépègue-toi !" Le vade-mecum du práctico inlassablement répété au catéchumène en train de perdre papiers, repères, foi et latin en piste. Du Catéchisme à la Liturgie, Hervé nous explique pourquoi et comment. Il prêche pour sa paroisse à travers les rencontres taurines des alentours, où les clubs taurins font couler le jaune quand il n'est pas temps de répandre le sang. Hervé Galtier est prosélyte.

La légende familiale veut qu'il aille courir le 25 décembre, comme la plupart des autres jours, pour être prêt. Il suit Alain Bonijol dans ses pérégrinations équino-taurines et dans sa tête on perçoit que l'écorce froide contient une matière en fusion pleine de cornes et de bruits de sabots. Il est difficile de parler de corridas avec lui. Non pas comme avec un torero en quête de "bonito", mais parce que les toros constituent une question personnelle. Quelque chose entre eux et lui. Hervé Galtier est aficionado.

Quand Hervé parle à ses pratiquants, il est question de sérieux, de dignité, d'attitude. Quelque chose de torería, dans et en dehors de la placita. Pas de paillettes ni de dorures. Nombreux sont les éleveurs qui lui font confiance pour tienter leurs vaches après des années de pratique appliquée et exigente. Il a tué le premier de ses 120 toros ou novillos il y a 26 ans. Dimanche à Franquevaux, en traje de campo, il en passera 6 au fil de l'épée. Qu'il le veuille ou non, Hervé Galtier est torero.

>>> Plus de détails sur le solo de Franquevaux ce dimanche 17 mai, par ici & par là.