29 mai 2009

Il faut sauver le pottok


Ils ont tout essayé. Le pâté, les rillettes, le boudin, la saucisse sèche, le rôti, le jambon et même l’axoa. Ils ont tout essayé mais rien n’y fait. Le pottok se refuse aux plaisirs du palais. Trop sec, trop dur, difficile à mâcher, fibreux à souhait, le pottok est immangeable, même en soupe. Ca pourrait faire rire mais il en va de sa survie, rien moins que cela. Ce petit cheval fort comme un première ligne tongien écoute encore, la nuit venue, les rires malfaisants de sorcières en bringue au tréfonds des grottes de Zugarramurdi ou de Sare. Le pottok est encore là mais il ne sert plus à rien aujourd’hui. Et qu’y a-t-il de plus sordide en 2009 que de n’avoir aucune utilité ?
Alors, au regard du succès du sauvetage de la crevette espagnole initié par José Tomás et dans un souci écologique et civique en phase avec notre belle époque de grands sentiments barbapapa, l'équipe de Camposyruedos a décidé de se porter au secours du pottok basque et de lui donner la place qu’il mérite dans ce monde cruel. Ainsi, nous proposons à toutes les instances taurines officielles qui ont un certain pouvoir – en espérant que cela existe – de promouvoir auprès des empresas et des plazas l’utilisation du pottok comme cheval de picador. Sus au percheron, on veut des pottoks ! Et toc.
Le pottok serait idéal à plus d’un titre.
Son utilisation permettrait tout d’abord de baisser considérablement la taille et le poids du cheval puisque le pottok (en exagérant un peu) est au percheron ce que le chihuahua est au labrador. De ce fait, les piqueros retrouveraient cette prestance sombre et massive qui impressionnait jadis les aficionados. Avez-vous remarqué qu’il y a eu ces dernières années un amaigrissement notoire de la gent piquera ? Tout fout le camp. Sur un pottok, le picador redeviendrait un varilarguero gros et inquiétant.
De même, cela obligerait les cuadras de caballos à repenser à la baisse la taille et le poids du peto et cela irait bien-sûr dans le sens de toutes les préconisations actuelles concernant la refondation unanimement demandée du tercio de piques.
Enfin, le caractère particulier du pottok donnerait l’occasion de voir toréer des chevaux à visage découvert, sans cet odieux ruban rouge en traves de la tronche. En effet, le pottok n’a pas peur. Le pottok est fort, le pottok est fier, le pottok n’a pas mal. Le pottok est Basque, ne l’oublions pas. Il pousse en mêlée, il tire à la corde, il mange des piments crus et il a de la corne sous les sabots à force de renvoyer la pilota contre le fronton du village rouge et vert. Le pottok est un combattant au poitrail large et solide. Le pottok a fait sienne cette maxime essentielle du cinéma français : "un coup de boule, ça part de là [du buste]". Au printemps venu, quand chantent pintades et hirondelles, le pottok s’émeut en dévorant des yeux sa "pottokette" qu’il ne goûte qu’un instant seulement car même pour ce genre de commerce le pottok est solitaire, oserions-nous écrire autonome.
Mais le pottok est en danger de mort et sa place face au toro le sauverait d’un chaos annoncé.
Bien sûr, nous avons conscience que cette mesure radicale ne sera pas facilement admise par le syndicat des picadors sveltesse 0%. "Don’t worry" comme le disait un jour un pottok bravissime à un ours pyrénéen du côté d’Iparla, nous avons la solution.
Pour compenser perte de hauteur et de poids, munissons les piqueros d’une puya… mexicaine. Que les instances taurines officielles cessent sur le champ de lire ou d’écouter les thèses tarabiscotées de chargés de communication [de grandes plazas françaises entre autres] à la gomme et qu’elles ouvrent les yeux – on se demande parfois si ce ne sont pas elles qui jouent le rôle de percheron. Que la puya andalouse reste à Séville où, c’est une évidence, tous les aficionados présents auront remarqué un profond changement dans le tercio de piques depuis 2006. Ah, vous n’aviez pas remarqué de différence vous ? Mais c’est pourtant ce qui était prévu par ces mêmes chargés de communication à la gomme. Se seraient-ils trompés dans leurs élucubrations quotidiennes ?
Bref, des piques mexicaines et sans cordelettes et un bon pottok ! Ainsi, le tercio de piques sera mieux dans ses basques et les picadors redeviendront gros.
C’est avec espoir que nous proposerons donc ces idées aux instances taurines officielles. Nous nous permettons pour conclure d’y ajouter cette dernière réflexion.
S’ingénier à refonder ou repenser le tercio de piques n’est pas en soi une mauvaise préoccupation mais la lidia d’un toro, c’est trois tercios. Pourquoi donc ne pas prendre le problème à l’envers et réfléchir à une pure et simple réduction de ce troisième tiers interminable ? 20 passes 30 au plus, 5 minutes maximum ! Et si un toro montre des signes évidents de faiblesse au sortir des piques contre les pottoks, puntilla en piste sur le champ et au suivant ! La corrida dure 2 heures, au-delà, c’est l’apéro qui trinque.