16 novembre 2008

Tour de force


Brive # Samedi 15 novembre 2008 # Stadium Amédée-Domenech # CA Brive Corrèze Limousin — AS Montferrand Clermont Auvergne # Nuit & frais # 17h54...

Il reste donc 6 minutes à jouer dans ce combat rapproché et tendu à l’extrême, ce derby exotique de l’ovalie hexagonale qui a débuté avec une partie de manivelles à l’ancienne, et qui s’est poursuivi dans la rudesse et le fair-play comme il sied au jeu de rugby quand il est pratiqué « dans l’esprit ».

15-16, avantage ASM en terre corrézienne dans l’antre des rugbymens de la cité gaillarde. Le « facteur »1 aficionado bon teint basco-landais M. Darrière a (encore) vu quelque chose, et ordonne une mêlée fermée avec (encore) introduction pour Clermont (ou Montferrand, c’est du pareil au même). Les sympathiques supporters « jaune et bleu », en bas à gauche de la « grande tribune », sont chauds bouillants et font sincèrement plaisir à voir : grimés, ils chantent, frappent sur des tambours, soufflent dans des trompettes, certains dansent — notamment un truculent et artisanal bibendum Michelin — quand d’autres rigolent. Nous, forcément, on fait un peu la tronche, d’autant plus que M. Darrière ne tend jamais le bras du côté où il faudrait, évidemment. Donc, introduction ASM sur la ligne des 40... Sur SA propre ligne des 40 et ça change tout ! Ben ouais, « ON » est chez eux (chez nous), MAIS ils ont l’introduction et le pack auvergnat, traditionnellement compliqué à bouger, c’est du lourd sur la bascule, jugez plutôt : 120 kg, 100, 113, 110, 117, 100, 109 et 100. Cent huit kilos et quelques grammes de moyenne, ça peut calmer certaines ardeurs, contrarier certains plans de bataille... Alors de trois choses l’une, soit ils se dégonflent ou s’endorment (ça ne s’est jamais vu), soit leur demi introduit le ballon dans les mauvais pieds (ça ne s’est jamais vu non plus), soit le « 8 » briviste rafle la gonfle sur introduction adverse (ça ne s’est pas encore produit en 74 minutes de jeu).

« Aaallleeez Brriiiveee !!! » qu’on gueule. « Puti ! Que c’est long ! Il attend un fax de Daxcle ou quoi ??? » qu’on rouspète...

Quinze mille paires d’yeux sont rivées sur ce bout de terrain — 12 mètres carrés environ —, les projecteurs semblent d’ailleurs n’éclairer que ces 12 mètres carrés-là, la ville s’est arrêtée, les oiseaux ont cessé de voler, les caméras du monde entier sont, c’est certain, braquées sur cette drôle de structure humaine polychrome et cosmopolite à trente-deux pattes cramponnées et 16 cœurs gros comme ça... WOOUUFF !!! Les deux packs sont désormais liés par leurs solides premières lignes ; la structure craque, tangue, fume, ondule — le ballon vient enfin de quitter les mains du 9 —, se déplace légèrement d’un côté et pivote à peine plus sensiblement de l’autre. Mille cinq cents « Jaunards » poussent avec leurs « gros de devant » et 13 500 « Cabistes » font de même avec les leurs... Le paquet d’avants « noir et blanc » — Capdevielle, Djoudi, Khinchagishvili, Short, Van Zyl, Vosloo, Popham & Claassen2 — fournit alors un effort titanesque à en déplacer une montagne ; et justement, voilà t’y pas que le volcan d’Auvergne gronde, se fissure, crache, se craquelle sous la puissance du magma en fusion, s’affaisse, se comprime puis se soulève, gémit, et commence à reculer et reculer encore sous la furia dans un boucan d’enfer ! Debaty3 « en chie » et plie, le talonneur rentré deux minutes plus tôt fait l’ascenseur, Zirakashvili perd par K.O. son duel face au frère caucasien, et tous trois, malgré un dernier baroud d’honneur, tombent lourdement sur « les secondes lattes » Privat et Cudmore qui écrasent, excusez du peu, Audebert, Vermeulen et Bonnaire dans un fracas épouvantable ! Le batacazo est dantesque, le poder du berrendo en negro corrézien majuscule4 et « Amédée-Domenech » exulte debout, en connaisseur, laissant éclater joie et fierté ; les « Jaunards » quant à eux, en bas à gauche, sont médusés, atterrés, refroidis et humiliés. Tristes car probablement défaits. L’échelle de Richter annonce « 6 » et M. Darrière « pénalité » pour le CAB comme ultime punition ; une pénalité qu’Andy Goode a le bon goût de transformer : 18-16.

Le lendemain, le quotidien local et régional clermontois La Montagne titrera pudiquement : Brive arrache le derby (voir l’image) et ne proposera aucun cliché du fait d’armes de la 74ème !

Le rugby a certes bien changé, mais qu’il est heureux de constater qu’une partie peut encore basculer sur une bonne vieille mêlée enfoncée...

1 Avec son maillot La Poste...
2
Citons également ceux ayant participé au long et précieux travail de sape : Henn, Thompson, Idieder le pilier de Saint-Palais :-), Browne & le capitaine Azoulai.
3 Le pilier briviste Pierre Capdevielle évoque dans le journal une provocation de Debaty au cours de l’arrêt de jeu précédant cette fameuse mêlée... Mal lui en a pris !
4 J’étais bien obligé d’y faire allusion sinon le post était censuré !



Image Tirée de la couverture fort diplomate et consensuelle de La Montagne © édition de la Corrèze du dimanche 16 novembre 2008. De gauche à droite : Idieder (au sol), Jacquet, Azoulai (chaussette droite baissée), les Irlandais Browne (partiellement caché) et Short plaqué par Lapandry, Henn (l’ogre barbu), Cabello (le 2) et Thompson devant Pic.
Franchement, nous gratifier d’une autre couverture, ça leur aurait fait mal aux dents aux Clermontois ? Vous avez aimé Midi Libre, La Provence, Sud Ouest, La Dépêche ou L’Indépendant, vous aimerez La Montagne ! M. Diogon, revenez ! y’a plus personne dans la maison !
Vidéo Canal+ proposée sur YouTube par « layatollah », ça ne s’invente pas ! Et ce n’est pas moi, il est Clermontois ! Deux moments d’anthologie dans ce résumé de 5:07 : une défense acharnée à 2:30 et, bien sûr, à 3:50... Chauvin, moi ? Vous rigolez...