20 novembre 2008

Le sacre des pimpants


Le sacre des pimpantsChez CyR, nous ne sommes pas sectaires, et si je l'affirme ce n'est ni pour la rime ni pour la frime. Quand une bonne idée germe quelque part sur la planète des cornus, comme un seul homme, notre communauté se dresse et salue l'initiative. Il serait opportun mais ô combien facile de tomber dans la description non exhaustive des célébrations de joie que celle-ci a engendré parmi nous : les collaborateurs jetant leurs sombreros en l'air, tombant dans les bras les uns des autres, pleurant, tirant des salves au ciel, hurlant des bravos, des vivas et des olés. Il serait même convenu de vous raconter les envolées lyriques, le froufrou des robes andalouses de nos femmes renversées après avoir dansé des castagnettes et chanté les meilleurs airs de manzanilla, ou vous dire l'étonnement des chardons et des roseaux du campo camarguais à la vue de Solysombra courant nu au milieu des bichos de Yonnet pour célébrer l'événement.
Mais tout cela est fade, car l'aube d'une ère nouvelle vient de se lever sur l'art de Pedrito de Portugal et de Mike Litri. Je parlerais simplement de liesse, liesse sous toutes ses formes et toute sa générosité, liesse dans toute la contraction de Li(bations) et de (F)esse. Brûlez vos agendas, aujourd'hui il n'y a qu'un ordre du jour ! La célébration de la dernière suggestion du président du grand Observatoire ! L’inénarrable dignitaire de cette noble institution vient d'ouvrir la porte à la réconciliation des chapelles, une épiphanie de congratulations sincères dans la grisaille de l'austérité monacale de la fiesta brava de Dax à Nîmes. Ne taisons pas plus longtemps l'insoutenable secret. Me voici, apôtre humblement nimbé de la lumière du prophète, tressaillant à l'idée de vous livrer sa Parole : créons enfin une soirée de récompenses pour la corrida directement inspirée des Hots d'or qui font de même avec le cinéma d'amour.


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- Dans un bel élan populaire, la cérémonie s'est organisée en l'espace de quelques heures, chaque aficionado délaissant sa pioche, son stylo ou son clavier pour rejoindre les cohortes spontanées qui convergent vers le lieu du spectacle. Je suis actuellement à l'extérieur, en marge du tapis rouge où j'attends les invités et futurs lauréats des trophées tant convoités. Alentour, la foule est dense et chamarrée, les objectifs des photographes crépitent au passage des privilégiés pouvant assister à la fête (la présentation d'un pass Callejón Féria de Nîmes est impérative).
JotaC, me recevez-vous camarade ? Vous êtes à l'intérieur de la salle et je peux vous dire que votre position fait beaucoup, beaucoup d'envieux sur cette terre. Permettez-moi de vous saluer confraternellement. JotaC, vous êtes en très bonne compagnie, je crois, puisque la noria people a débuté il y a un petit moment déjà ! Une première question : comment s'appellent les précieuses récompenses ? Quelle est leur forme ?

- Eh bien oui ! Mon cher Tendido, je ne boude pas mon plaisir car je suis particulièrement conscient de la chance qui nous est offerte d'assister à la première édition de l’Escalafónazo. Le trophée vient d’être dévoilé à l’instant même aux médias internationaux dans un tonnerre d’aplausos, comme il convient de dire ici. Il s’agit d’une échelle d’or compressée qui rappelle et symbolise à la fois l’élévation vers le sublime et la compression du temps qui nous comprime et nous presse, comme l'explique l’artiste, le très remarquable et remarqué Silvio Burado de Poñón.
De nombreux invités ont pris place aux tables du grand amphithéâtre où le champagne vient d’être servi. J’aperçois Paris Hilton sans qui la fête ne saurait atteindre son apogée. Si vous me permettez une remarque triviale, cher Tendido, elle ne suce pas que de la glace. Vous savez que la cérémonie se propose dans un immense élan œcuménique de réconcilier les inconciliables, nous attendons avec grande impatience l’arrivée sur scène de la marraine de cette première édition, Madame Brigitte Bardot qui doit prononcer l'allocution inaugurale.
Ça y est ! Le rideau se lève enfin sur un décor digne des plus impressionnantes productions hollywoodiennes. L’émotion est à son comble ! Le sex-symbol des sixties apparaît dans la lumière des sunlights suivie par la star incontestable de la saison, 'Desgarbado', le peace and toro love. C’est du délire !
De votre côté, mon cher Tendido, la foule semble s’agglutiner, sans doute quelques prestigieuses arrivées. Le tout mundillo se presse et se bouscule, personne n’a voulu rater l’événement. Narrez-nous donc cela, très cher.

- Vous êtes fort gâté au sorteo, JotaC ! Mais nous le sommes tous ! En effet, c'est dans une panique indescriptible que viennent de passer différents maestros triomphateurs de la temporada : El Fandi, Juan José Padilla, Antonio Ferrera, Manuel Díaz, qui... tenez-vous bien, est sorti a hombros de sa limousine spécialement conçue pour l'occasion. Mais oui, parfaitement !
Il y a aussi les très attendus "hijos de" qui sont en compétition pour la récompense du meilleur rejeton de la temporada. Qui de Julio Benítez, Cayetano, Sebastián Palomo Linares l'emportera ?... Notre chouchou reste le fils Capea qui - confidence ! - nous a assuré qu'il adorait ce que nous faisons. Il eut été malséant de lui répondre autrement que par la réciprocité admirative !
Je continue à vous commenter le flot ininterrompu des personnalités qui foulent le tapis rouge : Borja Domecq vient de passer en compagnie de son ami Jacques Dessange. Rappelons que sans toro, la corrida n'est rien, c’est pourquoi les grands éleveurs sont de la partie. Pêle-mêle je distingue Messieurs Domecq y Domecq, au loin, le Señor Domecq, suivi de près par ses cousins Domecq, Domecq et Domecq, c'est vraiment tout le campo bravo qui est là ce soir : « Buenas Noches Señor Domecq, Enhorabuena ! » Ah ! j'en avais raté un ! Extraordinaire de voir ensemble tout le monde ganadero !
Pardon ? Je consulte mes fiches, il y a là un malentendu, je crois. Écoutez, non, comment dites-vous messieurs ? Palha, Zaballos et Moreno de Silva ? Non, vous ne figurez pas sur la liste... Je vous prie de bien vouloir quitter les lieux sans attendre por favor... Sécurité !!!
Ici, encore et toujours l'émotion ! Sous les flashes, je vois s'abattre un blizzard de confettis en forme d'oreilles de toro. Quel spectacle extraordinaire ! On se croirait dans le Sud-Est. Je les vois par dizaines se mêler aux crinières sévillanes des compagnes de nos maestros. Le fastueux décolleté de Salma Hayek s'emplit de ces papelitos. Salma qui est là, superbe, amoureuse, belle, sensuelle et épanouie auprès de l'homme qu'elle aime : François Pinault. Ce soir, c'est la nuit des sentiments vrais, c'est l'amour qui parle sans déguiser sa voix et nous enveloppe de son envoûtante mélopée.
J'aperçois sur mon écran de contrôle le Mollah Omar qui décerne le prix Joaquín Vidal de la disparition la plus attristante. C’est l'ANDA qui l’emporte sous les applaudissements unanimes, la sincérité et les larmes du mundillo. Ah ! Comme la planète taurine ainsi rassemblée témoigne de l'immensité de son cœur et de la grandeur de son âme ! JotaC... faites-moi l'amabilité de reprendre le fil du commentaire, mes yeux sont embués à l'heure qu'il est.

- Comment ne pas partager l'intensité de votre trouble, mon cher Tendido ?
A l'intérieur de l'immense salle, le show continue dans une véritable débauche de congratulations, une cascade de superlatifs, une frénésie d’abrazos. Nos tympans vibrent aux accents du célébrissime toréador de Bizet. Placido Domingo entraîne l’assistance dans un chœur retentissant. Une marée de bras balançant en cadence le bandana rose de nos cultures taurines ! Les lumières explosent façon Jean-Michel Jarre. C’est… c’est… fabuleux ! La salle chavire… Oups ! Excusez-moi, le mal de mer...
Mon cher Tendido, et vous tous, chers amis aficionados, remercions les organisateurs qui n’ont reculé devant aucun sacrifice. Nous n’avions plus connu de tels émois depuis les premières opérettes de Francis López.
C’est maintenant la belle Adriana qui s’avance dans un costume paillette particulièrement cintré, laissant deviner toute la rotondité de ses charmes. Quelle formidable initiative ! Le prix « Cornada » remis par l’ambassadrice de la Croix Rouge. C’est aussi ça, la fiesta brava, ces moments où l'hémoglobine le dispute au point de suture le mieux ajusté. Les nombreux stylistes présents apprécieront la qualité du point de croix. J’aperçois d’ailleurs John Galliano, qui, tout émoustillé, embrasse le vainqueur, le fameux Docteur J. Vago, chirurgien chef des arènes de Medellín. « Alors Docteur, toujours au cartel ! », lui glisse au passage son malicieux compatriote, César Rincón.
Rappelons, mon cher Tendido, que le suspens ne fait que commencer. Le palmarès réserve encore des surprises. Le très convoité Escalafónazo de Oro ne sera attribué qu’en toute fin de soirée. Qui l’emportera ? Qui deviendra le Maestro des Maestros ? Quelques indiscrétions glanées dans les coulisses donnent à José Tomás les faveurs du jury. Mais, restons prudents. Gardons-nous de tout pronostic. Dans ce genre de compétition, méfions-nous des outsiders. Certaines voix prédisent la victoire de Miguel Ángel, d’autres encore murmurent Sébastien, David, Julián ou Manuel Jesús mais ne négligeons pas l’excellent finish de Belino II qui pourrait venir les coiffer sur le poteau ! Comme me le confiait, il y a peu, Frédéric Mitterrand scotché au bras d'une rousse électrique, si la carpe reste muette, c'est parce qu’elle gobe ses bulles. Et hop ! Une rasade de Dom Pérignon. Sacré Fred, quel boute-en-train !
Veuillez pardonner cet emballement coupable, cher Tendido, un moment d’égarement dans la liesse générale qui ne facilite en rien le travail de journaliste. Ça ne se reproduira plus.
Déplaçons-nous entre les tables et allons saluer notre confrère Paco Ruiz Miguel, commentateur pour TV Andalousie. Paco se trouve en compagnie d’une délicieuse tête couronnée. Maestro por favor ! Présentez-nous la merveilleuse Miss qui se trouve à vos côtés. Oh ! Seigneur quel honneur ! Mesdames et Messieurs, nous n’étions décidément pas au bout de nos surprises, permettez qu’à mon tour, je vous présente Anabel Armario, la légendaire … Anabel de Cadix, la belle aux yeux de velours !



Cher Tendido, je suis désormais en mesure de l’affirmer en dépit de toutes les polémiques sur sa taille, l’Andalouse a conservé tout son piquant.
Il semble d’ailleurs que la maja attise les convoitises. Guzmán, un jeune gitan de la cuadrilla de Cayetano s’interpose immédiatement. Oh là ! Tout doux, jeune homme ! Quelles sont ces manières cavalières ? A CyR, nous savons nous tenir. Certes, nous aimons multiplier les rencontres mais sans jamais nous attarder. Ce n’est certainement pas vous, mon cher Tendido, qui me démentirez. Dois-je revenir à la charge au risque de mettre à mal le gominé ? Nous n’en sommes qu’au premier tiers, peut-on prendre le risque de gâcher un début de soirée si prometteur ? Est-il pensable de laisser ce bellâtre dicter sa loi ? Reprenez l’antenne, mon cher Tendido, avant que je ne me départisse de mon flegme naturel. Je m’en remets entièrement à la sagesse de votre jugement.

- Cher JotaC, permettez-moi de vous recommander la plus grande prudence avec ces saltimbanques du harpon-crépon qui attirent généralement les filles de peu de goût dont le décolleté vertigineux cache difficilement le manque de discernement au moment de choisir le mâle, lorsque entre les chênes-lièges, les sementales entonnent leur brame ! JotaC, reprenez-vous camarade ! Je vous en conjure, la tête du jeune bohémien pour gominée qu’elle soit ne passera pas à travers les barreaux de l’échelle du trophée !!! C’est extrêmement dangereux ce que vous faites ! Ah ! Si… la tête a fini par passer, l’organisme a décidément des ressources insoupçonnées…

- Trop tard, mon cher Tendido. J’ai craqué. J’ai claqué le beignet de l’impertinent freluquet qui est passé, cul par-dessus tête, directement dans le saladier de sangria. Dans sa chute, la louche du service, en argent massif, a été catapultée dans l’espace. Après avoir livré un court combat aérien avec les confettis, elle vient de s’écraser lamentablement sur le crâne, fort dégarni, du Niño de Santa Rita.

El NiñoSainte Rita, la patronne des causes désespérées, que j’appelle de tous mes vœux a, de toute évidence, déserté les lieux. Le Niño, sonné, s’affale à son tour dans les petits fours, au milieu des banderilles de cocktails. K.O. ! Il est compté 10 par le doyen des alguazils qui intervient pour un rappel au règlement : « Le lancer de nains est rigoureusement interdit sous peine de poursuite. » Bravo Robert, quelle célérité !
Profitant du désordre, Paris Hilton, définitivement pétée et quasi nue, plonge dans la pièce montée soulevant un monstrueux geyser de chantilly… C’est désormais une indescriptible confusion qui règne ici.

- Il suffit JotaC !… Vous voilà, mon ami, plus colorado qu’un taurillon navarrais, dominez-vous ! Un peu d’aguante ! Vous êtes notre représentant et vient le moment de recevoir le prix du Blog imbécile anonyme, ou l’inverse, je ne sais plus… pour lequel nous concourons, je vous le rappelle ! JotaC ? JotaC ? Me recevez-vous ? Mon Dieu, il semble que la panique la plus complète ait gagné l’intérieur de la salle... Le jeune peón Calé, torturé par JotaC, a sauté entre les seins de Salma Hayek qui a abrégé ses souffrances par asphyxie. Je ne distingue pas grand-chose, tout ceci est décousu… Ce n’est plus une cérémonie, c’est Hernani ! Je devine à peine un sympathique édile chevelu cárdeno claro remettant à JotaC le prix du Blog anonyme dans un remerciement des plus laconiques : « Viens ici ! Je vais t’observer le scalp à coups de pique andalouse ! ».

EscalafónazoMaintenant la crinière officielle et permanentée court en zigzaguant dans les allées, poursuivie par JotaC qui a empoigné le Carretón de Oro destiné à récompenser le toro de la temporada. Paris Hilton tente un quite a cuerpo sucio armée de son seul courage et d’un fin dessous en dentelle, sans le moindre effet sur notre encasté collaborateur au contraire d’une horde de toreros qui se jettent sauvagement sur la malheureuse héritière hôtelière. Adrien Brody quitte la salle, évitant de peu d’être renversé par nos deux amis qui nous rejouent Bullit sans Persol et disparaissent à présent dans les coulisses. Morante fond en larmes, Rafael de Paula incendie le rideau de la scène avec son cigare. Et alors que la salle en flammes se vide, dans le plus grand des chaos, José Tomás monte sur l’estrade et lentement, se croise…

JotaC ?… Vous m’entendez ?

Ce texte a été écrit al alimón par Tendido69 et JotaC.