12 octobre 2013

Coulisses


Cher Philippe, 

Il faut que tu m’aides ! Je viens de me fâcher avec Larousse et son petit frère Robert. Je sais que ça arrive souvent, et il n’y a que toi qui puisse nous réconcilier. 

Je t’explique. Je voulais parler des novilladas d’Algemesí et de ce qui se passe derrière le décor, dans l’arrière-cuisine, le backstage. Je sais que tu n’aimes pas trop les termes anglais, même si je trouve que ça claque « backstage », ça fait rock’n roll. Finalement, je m’étais décidé pour « coulisses ». C’est très bien « coulisses ». Ça rappelle le théâtre et ça correspond parfaitement à Algemesí et ses arènes tout de bois et de cordes, montées sur la place du village. Dans cet énorme décor, on y joue des pièces somptueuses de vie et de mort où les gens jouent leur propre rôle. Je t’accorde que ce n’est ni une perle linguistique ni la métaphore du siècle, mais j’allais parler des coulisses d’Algemesí en préambule de ma petite galerie de photographies. Et puis, y’a un truc qui est venu me chatouiller ; un doute s’est installé. Je suis allé chercher le dictionnaire, et j’y ai découvert ceci, qui fout en l’air toute mon invention.

Selon Le Petit Larousse 2003, et entre autres définitions : 
Coulisse (Surtout pl.) Partie d’un théâtre située de chaque côté et en arrière de la scène, derrière les décors et hors de la vue du public. (Au pl.) Fig. Côté secret d’un domaine, ou peu connu du grand public.

Et merde ! Ça ruine mon texte. Tu comprends, comment puis-je appeler coulisses un truc bourré de monde, coloré, vivant, euphorique, hallucinant, irréel, improbable et décalé. C’est censé être hors de la vue, ou peu connu du grand public, alors que c’est son domaine par excellence, sa fête, son territoire, son terrain de jeu et son délire. On y trouve de tout : des gosses hystériques entartant des toros morts ; des vieux en chaise roulante qu’on dépose et qu’on vient chercher après le spectacle ; des gitans torse nu qui regardent gratuitement la corrida au travers des planches ; des Noirs qui vendent des lunettes de soleil et des CD piratés ; des fillettes souriantes habillées en sévillane, ou des mères de famille en tailleur et talons aiguilles.

Avec tout ce monde, ce n’est pas correct d’appeler cela des coulisses. Alors, il faut que tu m’aides, Philippe. Il faut que tu lui trouves un titre à mon petit texte. Parce que là, Larousse et Robert, ils me narguent, et si ça continue, je vais cramer le premier et déchirer le second. Et ça, je crois que tu ne pourras pas le supporter. Aide-moi, Philippe, dis-moi comment je peux appeler tout ce chaos !

Pour te donner des idées, clique ici, et tu pourras découvrir une galerie de photos d’Algemesí.

Un abrazo fuerte,
Flo