03 octobre 2013

Le jour est rouge


Le jour est rouge. Il lutte pour venir à lui-même. À gauche. À droite, à l’ouest, les nuages indécis, violacés tâtonnent dans l’affleurement pervers de collines que je pourrais décrire les yeux fermés. Le vent du sud en fera son affaire. Venise. 

Tiens, ça me vient à l’esprit, Venise, entre ma gauche rouge et ma droite indécise, sur le fil d’un asphalte qui n’a rien d’une errance pour moi. J’imagine que d’autres pourraient y trouver leur compte ; il n’y aurait rien de surprenant à cela. 

Venise reste. Elle se pose là, sur l’asphalte répétitif de ce trajet quotidien. Ce jour rouge d’octobre, ça sera Venise. 

Demain ? Venise, maintenant. 

Campo Santo Stefano. Je me dis que Venise est une destination idéale pour les amoureux de campo. J’en suis. Venise grouille de campos ; ils remontent comme des bulles. C’est un peu d’air. Des bulles d’air pour que respire l’eau. Certains disent que ça pue, l’été, Venise. Bulles de gaz ? Je n’y crois pas. Le campo c’est l’air, c’est la vie. 

Campo Santo Stefano. On y a tué des taureaux jusqu’en 1802. Après, on s’y est juste baladé, et on a oublié les taureaux et l’estrade, qui s’était lâchement cassée la gueule la dernière fois. J’ai pris une photo du Campo Santo Stefano, mais c’est difficile à photographier un campo de Venise. On y met tout ou l’on n’y met rien, dans le cadre. La photographie n’est qu’un choix. J’ai du mal à faire des choix le nez dans le cul des mouettes comme un marcheur sur l’eau. 

Il n’y a plus de taureaux à Venise. Depuis 1802. On ne soupire plus sur le pont non plus. Depuis quand ? J’en sais rien. On visite les prisons, on s’appuie sur un lion, on regarde ce couple de Japonais immortaliser leur incertaine union au centre même de la place Saint-Marc, que seuls les matins à peine éclos savent rendre aux songes les plus beaux. 

Le jour est jaune. Le vent du sud n’a pas trahi mes prévisions. Au loin de la ligne pointillée, je quitte Venise. Je l’oublie là, sous le crachin, au ras de l’eau, pas vraiment droite, un peu taurine, et belle et belle.