À boire, à voir et à manger ! Par terre. On y mangerait. Dans ces mangeoires et ces abreuvoirs. On passerait des étés entiers collés à la fraîcheur des murs. C'est un théâtre, à l'espagnole, avec de grands fils comme pour les marionnettes, propre et beau comme un laboratoire ou un appartement témoin. Et les toros y boivent et mangent tout leur soûl et font des voltes-faces parfois. Le couloir est large et les égards dus à leur rang. On se plaît à deviner qu'ici, un beau negro zaíno au port de tête royal, esquisse un demi-tour au claquement de la porte qu'actionne cette poignée. On imagine tressaillir yeux et oreilles, la queue et le porte-manteau. Ordre et beauté sans nul doute, luxe indéniable, calme précaire. Volupté recalée. Un mensonge merveilleux pour qui se lasse d'arpenter le campo depuis sa tendre enfance : des couloirs et des refuges, des ors charpentiers, des velours de chaux et des lambris en forme de carreaux. Un théâtre avec tenailles et poulies, chiqueros et oubliettes. Un théâtre, d'ombres et de résonances, à la Piranèse. Une prison imaginaire profondément tangible, un paradoxal labyrinthe en ligne droite où tout vous pousse vers la sortie. Et des recoins, inaccessibles aux poignards avisés où se cachent des employés en costume, architectes et tacticiens, manipulateurs avisés. Orfèvres de robustes fluides à cornes et poils. Tressaillants. Aiguilleurs de paires d'aiguilles. Des complots de serruriers s'ourdissent en sourdine et grincements. Des chefs de gare de triage rugissent : "Départ immédiat pour le soleil de fin d'après-midi !" Là-bas : froid et électrique. Au-dessus de la porte. Soleil à l'Occident, couchant. Dernier leurre, éblouissant, encore cru, presque déjà saignant. Occident morbide. Ce labyrinthe est un théâtre, ce théâtre une farce et cette farce une métaphore de bas-étage. Le Negro Zaíno qui, dans le couloir se tourne vers son Orient, ne pourra qu'y contempler des souvenirs.11 janvier 2011
Ce labyrinthe est un théâtre
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