16 juillet 2013

Après eux, personne, et après personne, sans doute personne


La critique taurine est morte. Ce n’est pas une nouvelle. Ça n’existe plus, et ça fait déjà un moment.
Aujourd’hui, pour savoir ce qui s’est passé, ou plutôt combien il s’est coupé d’oreilles, tout le monde, moi le premier, va sur Mundomachin pour avoir l’info.

La critique taurine, telle que nous l’avons connue, a disparu, totalement, avec Joaquín Vidal et Alfonso Navalón. Les deux derniers.
Le père Zabala les avait précédés quelque temps avant dans un tragique accident d’avion. 
Il y a bien la Lirio, sans domicile fixe, qui se morfond dans son coin de blog, mais c’est tellement de mauvaise foi que cela en est pathétique, et depuis longtemps. 

Aujourd’hui rien, rien de critique, rien en opposition. On avale tout, on lustre et on fait briller. 
Pas besoin non plus de remonter au déluge. Qui s’indigne encore qu’un toro, normalement piqué, simplement normal, soit gracié ? 

Quand j’évoque la normalité d’un toro, c’est aux piques que je fais allusion. Car un toro simplement normal devrait en recevoir trois. Alors pour être gracié…
La normalité, finalement, c’est la médiocrité, une sorte de douce décadence, à peine visible mais bien réelle. 

Ah si… il y a une chose qui, parfois, peut être source de violente polémique. C’est lorsqu’un président de course refuse de distribuer les oreilles aux vedettes. Ça peut sembler étonnant, mais c’est le seul cas. En même temps, ça donne une idée du niveau actuel de la « critique ».

La « tauromafia », ainsi que la nommait Navalón, est aux commandes, et on n’imagine pas un retour en arrière.
Heureusement, il y a Internet, quelques blogs ou sites, noyés dans un fatras hétérogène. Ce sont désormais les seuls endroits où l’on peut lire à rebrousse-poil de l’opinion formatée et largement diffusée.

À ce stade de ces quatre lignes d’humeur, j’ouvre une parenthèse. Il n’est pas une semaine sans que l’on s’entende dire qu’à Campos y Ruedos nous ne polémiquons plus, nous non plus… avec Viard s’entend. Ben c’est normal, il a piqué nos idées ! Nous pourrions même sérieusement lui proposer d'écrire ici.
La question que se posent beaucoup est de savoir si ce retournement de veste est conjoncturel ? sincère ? opportuniste ? Très franchement, comme dirait l’autre, ça m’en bouge une sans faire remuer l’autre. Mais, évidemment, je le lis, parfois, le sourire aux lèvres.
Putain ! et si Dédé était le dernier critique taurin ? Trop tard diront certains. Sans doute. Peut-être le dernier train ? Résistant de la dernière heure ? Allez savoir. Il faut au moins lui reconnaître d’avoir fait disjoncter El Juli.

J’en reviens à mes moutons, ou plutôt à mes Domecq. Ouais, j’aime pas Domecq… et alors ? Enfin, ce qu’ils ont fait des Domecq, pas ce qu’ils furent ou le sang qu’ils portent, ni l’histoire qu’ils peuvent représenter. Mais là on entre dans les subtilités. Et je n’ai pas sous la main la photo de la pique de Jerez à côté de la bouteille de fino… Et Navalón, dans sa tombe, un jour d’octobre d’il y a longtemps, ça a de la gueule, je trouve, pour parler de la mort de la critique taurine. 

Pour finir, un peu d’air frais, respiré sur le Net à propos des figuras actuelles et de ce qu’elles ont fait à Pamplona. C’est de saison : « Eux… les figuras qui imposent cette misère et l’éleveur qui l’élève pour la vendre à prix d’or sont les coupables de l’état de cette fête moribonde. Ils sont les coupables, oui, mais la Casa de Misericordia est responsable du spectacle lamentable auquel l’on assiste à Pamplona. Pamplona n’a pas besoin de cela. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’à Pamplona on aime le toro, le matin et l’après-midi. Parce que les abonnements sont vendus quel que soit le programme. Parce que le prestige de cette arène est très supérieur aux caprices de ce genre d’individus. »

Ces quelques lignes, signées Eneko Andueza, sont tirées du site El Chofre, et font suite à la corrida de Victoriano del Río tuée par El Juli, Morante de la Puebla et je ne sais plus qui. Le site Toro, torero y afición, qui a attiré notre attention là-dessus, précise que l’éleveur a déclaré : « Nuestra corrida es muy torera. » 

Voilà, la boucle est bouclée.


Photographie Gilles Gal