14 août 2009

Parentis 2009, cuvée « Cul de bouteille »


L’ADA fêtait cette année ses 20 ans et pensait s’offrir un grand cru. Tous les ingrédients étaient rassemblés : un concours avec des fers de grand millésime et une novillada du Raso de Portillo venant après deux cuvées exceptionnelles (2007 & 2008). Tout semblait donc réuni pour que l’alchimie prenne à nouveau et fasse de l’appellation Parentis une des meilleures de nos caves aficionadas.
Oui mais voilà, un grand cru ne s’obtient pas sur rendez-vous et, malgré tout le savoir-faire de l’ADA, de la cuvée 2009 ne restera en bouche qu’un goût acidulé tirant vers l’aigre. Tout ne fut pas mauvais, loin de là, mais les saveurs manquèrent de coffre et se firent manger par les pointes âcres qui surgissaient de-ci de-là. Ce vin avait-il tourné ? Peut-être. Mais qu’il s’agisse d’un vin ou d’une féria, les causes sont multiples et jamais simples. Et une bouteille ne saurait remettre en cause la réputation d’un château gagnée à la force des années.

Première vendange, le concours
C’est une histoire de bouteille. Vous savez l’histoire de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Personnellement, j’ai vu le concours du côté vide mais de nombreux amis l’ont vu, eux, du côté plein. Cela dit, une fois croisées les analyses, nous étions tous d’accord. Examinons la bouteille : (Plein/Vide)

Partido de Resina
De très belle présentation et parfaitement dans le type, ‘Cometero’ manque de fixité lors de sa sortie. 4 piques en s’élançant à bonne distance, avec un magnifique galop rempli d’alegría. Il entre très fort dans le cheval, maintient la tête fixe dans le peto mais s’arrête vite de pousser. Lors du tiers de banderilles, il dévoile sa belle mobilité tout en exposant une charge désordonnée, saccadée. Bouche ouverte dès le début de la faena, il fait étalage d’une belle noblesse. Malgré sa mobilité, son manque de classe persiste et s’ajoute au manque de sauvagerie. Combat quelque peu fade. Au bilan, un novillo de bon fond à qui il manquait quelque chose : puissance ou sauvagerie, peut-être un peu des deux. Malgré tout, ce partido fut largement au-dessus de ceux vus dernièrement et laisse entrevoir l’espoir.

Prieto de la Cal
Bien présenté, ‘Carasucio’ en impose par sa présence. La sauvagerie semble hanté son corps et son âme ; sa tête tremblant à la vue d’un potentiel adversaire. Présenté très près du cheval, il ne s’emploie pas ou peu (puya trasera et carioquée). Placé plus loin pour la seconde, il reçoit une petite pique sans pousser. Sur les deux piques suivantes, il poussera un peu plus mais par à-coups en finissant par donner de la tête sur la dernière. Le très mauvais picador n’aida pas ce premier tiers mais l’animal semblait manquer de puissance dans l’exercice et ne s’employa jamais complètement. Je dois m’arrêter ici puisque cuadrilla et novillero laissèrent ce prieto inédit. Dommage car sa caste semblait vouloir parler.

Moreno de Silva
Bien présenté, ‘Vivillo’ est un joli cárdeno. Nerveux, il est d’abord abanto, ce manque de fixité s’avérant très surprenant pour son encaste (Santa Coloma/Saltillo). Sur la première pique, il commence à donner de la tête avant de pousser fixement. Cette pique fut la plus poussée de l’après-midi et la seule prise avec puissance. Sur la seconde, le moreno alla a menos, le poder s’étant envolé. Enfin, une troisième rencontre non piquée et furtive. Après avoir accusé le premier tiers et commis quelques génuflexions, ‘Vivillo’ se reprend pour finir fort le second tiers. Doté d’une bonne charge sur les deux cornes, museau sur le sable, il étale sa belle noblesse et démontre ses qualités pour le dernier tiers.

Guardiola Fantoni
Très bien présenté, ‘Bello’ est un toraco d’une prestance à rendre jaloux bon nombre de ses confrères plus âgés. Nerveux, le bestiau expose malheureusement une vilaine charge en donnant de la tête. Il part seul au cheval pour une brève première rencontre de laquelle il sort également seul. Sur la deuxième, il se fixe et pousse correctement, la tête a mi-hauteur. D’un beau galop, il part pour la troisième et récidive sa performance précédente avant d’aller nettement a menos sur les deux rencontres suivantes. Une cinquième pique lui étant même proposée alors qu’il sort seul de la quatrième (?). Arrêté par la suite, il ne se livre pas, se cantonnant à des demi-charges avec quelques coups de tête au passage.

Moreno de la Cova
Très bien présenté. Nerveux, abanto, ‘Alartón’ fait une vuelta de campana avant l’entrée en piste du cheval. Il prend tout d’abord une petite pique en donnant de la tête tout en poussant correctement. Idem sur la seconde (sortant seul). A menos sur la troisième (idem). Quatrième pique du même acabit, sans surprise. Par la suite, le novillo reste arrêté sans se livrer.

Coquilla de Sánchez-Arjona
Bien présenté, ‘Decorado’ laisse entrevoir de grandes qualités par sa charge mais également quelques soupçons de faiblesse. La première pique est bien poussée, tête fixe dans le peto. Le novillo accuse le coup et saigne abondamment, ce qui ne l’empêche pas d’entrer très fort dans le peto à la deuxième rencontre mais l’empêche sûrement de s’employer comme il l’aurait désiré. Petite troisième pique qui finit de confirmer son manque de puissance dans l’exercice. La suite est la confirmation des prémices : un grand fond mais sans force pour l’illustrer.

Le prix du meilleur novillo fut accordé à ‘Vivillo’ de Moreno de Silva. Sans être exceptionnel, il était en effet le novillo de meilleur fond. Mais le fait d’aller a menos au premier tiers me fait pencher du côté vide de la bouteille quant à l’attribution du prix. D’autant plus que le règlement de la novillada concours stipulait que « Le gagnant du concours devra avoir été piqué 3 fois. » Le novillo, s’il est bien rentré trois fois au cheval, ne fut piqué que deux fois. Il ne pouvait donc gagner le concours. J’insiste sur ce fait car l’on voit la bravoure de plus en plus définie comme le simple fait d’aller au cheval. Or ceci n’est qu’une partie de la bravoure. Aller au cheval et s’employer sous le fer c’est tout de même autre chose. Quelque chose de bien plus valeureux...

Deuxième vendange, Raso de Portillo
Fort nombreux étaient ceux qui allèrent aux arènes la bouteille pleine d’images. Des images illustrant les tiers de pique de l’an passé. Grand et impérissable souvenir qui a, c’est certain, compté dans notre déception du jour. Nous nous attendions à une novillada de premier tiers et avons eu une novillada de dernier tiers. Peu importe. Ou d’autant mieux, diront certains, un tiers restant un tiers. Certes, mais il y eu bien d’autres faits qui entachèrent le tableau. Sans entrer dans les détails, puisque ceux-ci vous seront exposés très prochainement, il y eut une nette déficience de présentation, notamment au niveau des cornes, ainsi qu’une faible volonté des hommes en piste. Enfin presque, puisque Santiago Naranjo avait de la volonté à revendre... Mais pour quoi faire ? Toréer le public et porter des bajonazos ! Mejor ni hablar. Il paraît qu’il faut remercier le président de ne pas lui avoir concédé d’oreilles. Il aurait manqué plus que ça ! C’est fou ces temps-ci comme le normal a tendance à passer pour de l’exceptionnel... Bref, revenons au bétail à proprement parler.

Pour rompre la plaza, nous eûmes droit à un joli castaño mais à l’allure étrange, semblant cacher de sérieux problèmes locomoteurs. Une pique et puis s’en va l’homme au castoreño. Le pire, c’est qu’il était bon ce novillo ! Mais sans force et avec un handicap, les qualités ne servent pas à grand-chose.
Le second, bien dans le type, fit une sortie furieuse. Le temps de se frotter les mains et patatras ! Pas de bravoure au cheval, seulement des coups de têtes et très vite on s’arrête. Mais ensuite on remonte, la fijeza étant exemplaire, la charge bonne. Malheureusement, la puissance fait défaut et le résultat reste fade. Pas de quoi se resservir un verre.
Le trois nous plongea un peu plus dans le brouillard et ce dès sa sortie. Non qu’il fit étalage de mauvaises manières mais ses cornes étaient très abîmées. Nous ne sommes pas habitués à cela ici et j’avais beau regardé dans des culs de bouteilles, rien n’y faisait : ces cornes étaient laides. Rien au cheval puis de belles qualités de dernier tiers : noblesse, fijeza, charge piquante, répétition.
Ce coup-ci, c’était sûr, pour la dernière partie de la course nous allions retrouver nos rasos de 2007 et de 2008. Allez ! un petit verre pour s’encourager et sortie du quatrième. 4 piques. Ah ! vous voyez ! Non je ne vois rien de bon. De la puissance, certes, mais point de bravoure. Il tarde à s’élancer, gratte, donne des coups de tête dans le peto. Une brute mais pas un brave. Pour le reste, point d’interrogation. L’ami Guzmán ne voulut pas le voir. Pourtant, comme ses frères, sa charge paraissait claire, la tête fixe dans l’étoffe. Nous n’avons sûrement pas dû savoir bien voir.
Carlos Guzmán eut une troisième chance, histoire de se rattraper, son compagnon étant vilainement secoué par le cinquième (El Quiñon) lors de sa réception au capote. Lidia très désordonnée, tous se préoccupant de l’homme étourdi mais personne du bestiau. Résultat : 4 piques a menos. Comme son prédécesseur, de la brutalité, du poder mais pas de bravoure. Même cause, même effet, Carlos, sans esquisser une passe, entre a matar. Et il fallut qu’un spectateur bien mal intentionné lui fasse le quite de la bouteille pour qu’il échappe à une bronca qui s’annonçait monumentale.
Pas de miracle pour la dernière récolte. 3 piques sans s’employer. Toujours une grande fijeza mais de la réserve, beaucoup de réserve, sa mobilité faisant quelque peu illusion.

Vous comprendrez qu’il n’y avait pas de quoi vider sa bouteille. Et pourtant, au cinquième novillo, un spectateur exaspéré par le travail (ou l’absence) de Carlos Guzmán lança en piste une bouteille vide. Malo, malo, muy malo. D’autant plus que la cuvée Parentis 2009 n’était pas un grand cru. Vider une telle bouteille, quelle faute de goût !