17 juillet 2007

Esplá (III)



Il s’est dit beaucoup de choses sur le temps interminable qui s’est écoulé entre la blessure d’Esplá et la reprise de la course. Dans le callejón, les informations étaient parfois contradictoires et les rumeurs souvent très pessimistes.


En voyant la torería quitter l’arène pour le patio de cuadrillas, nous étions hélas convaincus qu’une immense tragédie était en train de se nouer dans l’infirmerie. Nous les imaginions au chevet du maestro.

Pour ma part, je ne pensais qu’à Esplá. Antoine Mateos, mon voisin de callejón, change sa carte mémoire, la remplace par une vide, et range dans son sac celle qui témoignera de ces instants tragiques, comme pour conjurer le sort.

Nous avons vécu de terribles moments de doute. Ce n’est qu’assez tard que nous avons été informés que Padilla refusait de continuer la course, sans pour autant être très rassurés sur la gravité des blessures de l’Alicantin.

Cette attente, interminable, a grandement contribué à alourdir le climat, à dramatiser plus encore une situation qui n’avait pas besoin de l’être. Il y avait dans l’air quelque chose de pas bon du tout. Ceux qui l’ont vécu comprendront et se rappelleront.

Francis Manent, qui présidait cette corrida, lorsqu’il a vu les toreros prendre la direction du patio de cuadrillas où se trouve l’infirmerie, a, comme beaucoup, pensé que cela était dû à la gravité de la cornada. Les minutes passant, il a demandé à un membre de l’Adac proche du palco de s’enquérir de la situation. Dès que Francis a eu connaissance de la réalité des faits, (Padilla refusant de reprendre) il a normalement décidé de rejoindre le patio pour y jouer le rôle qui est le sien. Les discussions étaient vives. Francis peut témoigner et les faits ci-après, c’est lui qui nous les a communiqués.

Tout d’abord, à aucun moment, ni le matin au sorteo, ni juste avant le paseo, le problème du vent n’a été évoqué par les matadors. Simplement, plusieurs coletudos, et notamment la cuadrilla de Padilla, étaient effrayés par la course, ce qui est surprenant car bien que sérieuse elle n’était pas non plus terrifiante, mais ce sont des Valverde...

Dans le patio, Juan Carlos Careño a informé Padilla que s’il quittait l’arène sans toréer personne ne serait payé. Padilla a rétorqué que ça n’était pas le problème, que le vent et les conditions ne permettaient pas de continuer. C’est le seul moment où Francis a entendu parler d’argent.

Sánchez Vara, dans un premier temps, a dit suivre le maestro mais lorsque le président de l’Adac a évoqué la possibilité qu’il puisse tuer les cinq Valverde restant, il a dit oui. Il a dit oui sauf que se posait un problème de cuadrilla, celles d’esplá et de Padilla n’étant probablement pas disposées à assurer la course sans leur patron.

L’état de santé d’Esplá et son décès éventuel ont également été évoqués et des renseignements ont été pris par téléphone auprès de l’hôpital qui l’avait accueilli. Esplá vivant, et au-delà de l’émotion bien légitime, il n’y avait pas de raison d’interrompre la course.

Cela n’excuse absolument rien, car l’attitude de Padilla fut irresponsable, mais je veux bien croire que ce dernier, entre le vent et la cornada d’Esplá - qui n’est pas le premier venu - dont on ignorait encore réellement l’état de gravité, ait pu perdre les papiers.

Pour finir, Francis Manent a enfin indiqué à Padilla que s’il refusait de toréer, une annonce serait faite en ce sens au micro et le public informé de ses agissements. Le Jerezano a très mal pris la chose et après avoir accusé le président d’être quelqu’un d'inhumain, a accepté de reprendre mais en se laissant la possibilité d’arrêter si le vent demeurait perturbant.

Francis Manent a été très clair sur ce dernier point. Il acceptait ces conditions sachant pertinemment qu’il s’agissait d’un vent marin et non de tramontane. À Céret, ce vent baisse et s’éteint en fin de journée. Il avait d’ailleurs déjà commencé à baisser à cet instant-là. Francis nous a confié avoir été très serein sur ce point, ne pas avoir eu le moindre doute sur une éventuelle annulation de la course eu égard aux conditions climatiques. Restait ensuite à savoir s’il fallait ou pas l’annoncer au micro, ce qui fut fait dans le brouhaha que l’on sait mais avec un palco serein et sûr de son fait.

L’Adac a peut-être cafouillé sur la manière d’annoncer les choses mais ces instants étaient réellement terribles et, dans la tempête, le navire n’était sans doute pas évident à manœuvrer. Quoique l’on puisse penser, le pire a été évité et le cap maintenu. Le reste demeurera anecdotique.

Personnellement, ce qui m’a le plus choqué, c’est ensuite, l’attitude en piste de Padilla, toréant essentiellement sur une corne « absente », sans la moindre vergogne dans ce contexte et malgré des protestations justifiées de quelques spectateurs.

De toute évidence, l’Adac se passera l’an prochain de la présence du Jerezano. Il ne manquera pas à grand monde.


PS Pour illustrer ce post, une photographie très, très, très, rare, que très, très, très peu de photographes auront pu capter : le patio de cuadrillas au moment où absolument tout le monde aurait aimé savoir ce qui s’y tramait. Nous la devons à Yannick Olivier et franchement, Yannick, elle est superbe.