16 juillet 2007

Esplá (I)


On n’apprend pas à photographier les cornadas, les passes non plus, notez bien. Lorsqu’on décide de faire de la photographie taurine, que l’on débute, on tâtonne, on se gâche quelques courses. Et puis, peu à peu, on prend ses marques, on commence à comprendre, et on finit même par y prendre du plaisir. On observe le travail des grands photographes. On essaye parfois de les imiter, ou s’en inspirer, et ensuite on cherche à obtenir des choses plus personnelles. Pour les accidents de la lidia il n’y a pas grand-chose à faire, appuyer, laisser éventuellement le moteur se débrouiller, tâcher de cadrer, ne pas perde la mise au point, penser au cadrage tout de même et espérer que ce ne soit rien au bout du compte. On peut anticiper le batacazo d’un picador. On le souhaite même, on l’attend, souvent en vain. La cornada d’un matador on ne la souhaite pas, on ne l’anticipe que très rarement et la plupart du temps elle nous surprend.
Dimanche après-midi à Céret le vent soufflait, le marin, et Luis Francisco Esplá, le maestro Esplá, malgré les éléments semblait très en confiance, trop sans doute, souriant et sûr de lui, pas spécialement sur la défensive.
Le hasard fait parfois bien les choses, mais pas toujours. Le maestro Esplá maîtrise son sujet, je ne suis pas inquiet, mais je me dis qu’avec ce vent… C’était entre deux passes je crois, je ne me souviens plus très bien. Je ne l’ai pas vraiment vu au fonds, surtout après ce que nous avons vu ensuite. Je pose mon appareil, assez lourd, sur le bord de mon burladero, en pensant au vent et aux risques. Et c’est à cet instant que ce putaing de hasard a, aujourd’hui, très mal fait les choses. C’est à l’instant même ou je me dis que ce vent est un problème qu’il découvre le maestro Esplá et l’offre au Valverde. J’attrape mon Nikon aussi vite que je le peux. Tout en amenant le viseur à mon œil je vois dans mon champ de vision la taleguilla déchirée, les parties génitales à l’air, un corps désarticulé pris et repris, comme un fétu de paille, avant de retomber lourdement, inerte.
Je l’ai maintenant dans mon viseur, et un mauvais sentiment m’envahit. Sans y réfléchir, sans vraiment y penser je tâche de cadrer, ne pas trop perdre la mise au point et espérer que ce ne soit rien au bout du compte, mais j’ai des doutes...

PS Après visionage d'une vidéo, il semble qu'en fait le vent ne soit pas le responsable de la cogida.